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27 novembre 2016

Venise chantée par Nietzsche


Friedrich Nietzsche rédige son poème 'Venise" en 1888. Il le recopie dans Ecce homo, en notant cette phrase devenue célèbre : "Quand je cherche un autre mot pour musique, je ne trouve jamais que Venise"(1) Il avait séjourné dans la cité des doges quelques années auparavant. En 1880, puis en 1884 et aussi en 1886. C'est à Venise qu'il écrivit Aurore, sous-titré Réflexions sur les préjugés moraux, avec en exergue cette belle citation du Rig Veda  "Il y a tant d'aurores qui n'ont pas encore lui". dont il dicta les aphorismes sous le titre L'Ombra di Venezia, au musicien Frierich Köselitz (que Nietzsche avait rebaptisé Peter Gast). Philippe Sollers souligne, dans son Dictionnaire amoureux, combien les termes musique et silence reviennent souvent lorsque le philosophe parle de ses séjours à Venise, notamment dans ses lettres à l'ami Köselitz-Gast, "...Un seul endroit sur terre, Venise". (2) 
An der Brücke stand 
jüngst ich in brauner Nacht.
Fernher kam Gesang : 
goldener Tropfen quoll’s 
über die zitternde Fläche weg. 
Gondeln, Lichter, Musik - 
trunken schwamm’s in die Dämmrung hinaus… 

Meine Selle, ein Saitenspiel, 
sang sich, unsichtbar berührt, 
heimlich ein Gondellied dazu, 
zitternd vor bunter Seligkeit. 
- Hörte Jemand ihr zu ?…
Accoudé au pont,
j’étais debout dans la nuit brune
De loin, un chant venait jusqu’à moi.
Des gouttes d’or ruisselaient
sur la face tremblante de l’eau.
Des gondoles, des lumières, de la musique.
Tout cela voguait vers le crépuscule.     

Mon âme, l’accord d’une harpe,
se chantait à elle-même,
invisiblement touchée,
un chant de gondolier,
tremblante d’une béatitude diaprée.
- Quelqu’un l’écoute-t-il ?

(Traduction de Guy de Pourtalès)       
__________

1 - :  "Wenn ich ein andres Wort für Musik suche, so finde ich immer nur das Wort Venedig".
2 - : In- Philippe Sollers, Dictionnaire amoureux de Venise, Plon éditeur, 2004., pp. 343-352.

22 novembre 2016

Venise inconnue : Le Punk Museum, un musée unique au monde !

On croit tout connaître de Venise, son histoire, ses monuments, ses légendes, ses habitants et tout ce qui a fait son histoire au cours des siècles. Pourtant, derrière les façades somptueuses ou misérables, derrière la communication parfaitement rodée et orchestrée de l'office du tourisme et les informations proposées dans les guides du monde entier, il existe des lieux inconnus, plus faciles à visiter que le monde parallèle de Corto maltese que Hugo Pratt n'a eut de cesse de vouloir nous faire découvrir mais que peu ont su trouver en réalité. Depuis longtemps, Tramezzinimag voulait vous parler d'un musée unique au monde, un lieu confidentiel et privé mais qui s'ouvre parfois pour notre plus grand plaisir. Un lieu étonnant. Détonant aurai-je envie d'écrire : le Venice Punk Museum. Et en plus, ce musée se paie le luxe d'être le plus grand du monde à ce jour ! 


Mais, pour être totalement honnête, vous ne verrez jamais de file d'attente devant l'entrée de ce musée. Pas de réservations individuelles ou de visites guidées pour les groupes. Si la collection existe bien et fait de ce musée le plus important existant à ce jour sur la thématique punk, s'il rayonne dans le monde entier, c'est qu'il rassemble la plus vaste collection de disques, d'affiches, d'ouvrages, de photographies et autres témoignages de cette culture underground devenue une part importante des arts et de la culture du XXe siècle. 

Cette culture, je n'en suis pas un adepte et donc encore moins connaisseur. Le monde du rock et ses succédanés m'est absolument inconnu et cette musique représente seulement un rythme et des sons sur lesquels j'ai aimé danser frénétiquement dans ma jeunesse. Rock around the clock et autres titres plus swing que rock. Rien à voir avec tout ce qui est conservé dans ce musée vénitien et qui s'avère former une véritable culture. En avril dernier, Rock.it envoyait à Venise, Giulia Callino, pour découvrir ce lieu extraordinaire. Un jeune lecteur, étudiant vénitien francophile, à qui je dois plusieurs découvertes dont j'ai pu faire profiter les lecteurs de TraMezziniMag (*) m'informa de la parution de son article. Cet excellent rabatteur ne savait pas à l'époque que ce musée unique au monde ne pouvait accepter de visiteurs puisqu'il s'agit d'une collection privée installée dans l'appartement du collectionneur et directeur du musée. Seuls des musiciens et quelques chanceux sont admis à l'intérieur et cela semble normal. Pour rendre la visite virtuelle du musée, plus vivante et agréable aux lecteurs, je vous propose la journaliste vénitienne Giulia Callino comme guide, via son excellent article. Suivons-là :
 "Les Pistols sont tous ici. ceci est la version anglaise de “Anarchy in the U.K.”, ici la française, ici l'allemande, là l'italienne. Là, la version nigériane et la thaïlandaise. Toutes les versions existantes sont là. Toutes. Où trouver quelque chose de plus exotique ?" 
Ce sont les propos du directeur de cet étonnant musée, en guise d'introduction. Un appartement bourgeois situé en plein Venise, quelque part non loin de la Piazza, avec le lion de San Marco veillant sur la porte d'entrée. Chaque paroi de chaque pièce, du corridor au salon en passant par placards et remises abrite l'immense collection : 75.000 disques (parmi eux des pièces uniques, matrices de disques de groupes célèbres jamais édités, des essais mais des trésors rarissimes), des tas de revues et de fanzines, près de 10.000 posters et affiches, des centaines de photographies et de livres, et des tas d'autres objets de la culture punk, avec notamment la collection complète des t shirts de Vivienne Westwood le tout parfaitement classé et catalogué qui forment un fabuleux trésor à la Ali Baba. Il a fallu près de quarante ans au maître des lieux pour réunir cette fabuleuse collection d'archives qui racontent, comme l'exprime le directeur :
"Toutes les racines du punk, son fil rouge des années soixante jusqu'à nos jours, toutes ses ramifications”...


Visiter le musée, c'est aussi pénétrer un état d'esprit, et apprendre ce que veut dire l'esprit punk. " Se poser la question et uniquement celle-là : qui suis-je ?". Mais il serait trop long de rentrer dans ces détails. La jeune journaliste poursuit :
C'est le plus grand musée du mouvement punk au monde, la plus grande collection existante sur cette terre. Il n'est ni à Berlin, ni à Londres, ni à Los angelès. Au-dessus d'une des portes du corridor siège le lion doré de San Marco, garde silencieux de l'extraordinaire patrimoine conservé en ces lieux, dans cet appartement de Venise. Une lueur brille dans les yeux du directeur quand il parle de son musée : " Ce que vous voez est l'affiche réalisée à la main pour le premier concert de Joy Division. Il a été peint par une étudiante des beaux-arts, qui s'est servie d'une grande feuille de carton où elle était ébauché auparavant l'esquisse d'une paysage. C'est une pièce unique." 
Des trésors donc sont conservés dans cet incroyable musée. Les amateurs seront bluffés d'apprendre que les rushes et la maquette originale de la couverture de Rocket in Russia des Ramones avec le logo d'Arturo Vega, comme la collection 1976 des t-shirts de Vivienne Westwood et ces matrices rarissimes de disques jamais publiés et que l'on ne peut entendre qu'à travers ces échantillons. Le directeur du musée explique :  
"Un collectionneur célèbre dit que même en réunissant l'ensemble des reliques punk conservées partout dans le monde, on n'arriverait pas à un ensemble aussi complet que celui conservé à ici !  Nous avons eu de la chance car au fil des années nous avons pu acquérir des lots complets d'archives. Beaucoup d'artistes ou les familles de certains artistes ont vendu aux enchères toutes leurs archives et nous avons tout récupéré. Cela nous a vraiment aidé à compléter en un temps record des pans entiers de l'histoire du mouvement punk. mais, je vous assure que ce fut une folie."
Que l'on se trouve ici devant quelque chose de fou est indéniable. Tout le confirme quand on parcourt cet appartement rempli jusqu'aux plafonds d'objets dévolus à la musique punk, une quantité impressionnante de memorabilia de ce mouvement musical, quand on découvre les silhouettes en cartons des Sex Pistols entreposées dans la baignoire entourés par des œuvres incroyables, artworks et posters totalement avant-gardistes pour l'époque.
Les premières productions où apparaissent des couleurs fluo, où pour la première fois le nom des groupes masculins étaient en lettres roses, travail de bénédictin de découpage et de collage . Ici, nous avons X3, ici le graphisme des Twilight Zoners...
Mais cette folie est magnifique. née d'une volonté sincère des créateurs du musée : mettre à disposition des curieux et des passionnés un travail de très haut niveau, offrir une documentation unique au monde :
Il y a tout sur chaque période, chaque courant, même les plus infimes et souvent oubliés, mais qui ont compté et ont été à leur niveau constitutifs du mouvement. L'idée est que quiconque voudrait écrire une thèse ou approfondir certains arguments, soit d'un point de vue iconographique que d'une point de vue musical ou historique, puisse trouver ici tout ce qui existe et sur tout ce qui y est rattaché."

Vous l'aurez compris, cette collection si elle est disponible, reste privée et normalement elle ne se visite pas. Elle s'adresse avant tout aux musiciens, aux chercheurs et aux collectionneurs. En dépit de sa richesse, la collection n'est pas exhaustive, aussi le musée continue d'agrandir son fonds, par le biais des grandes ventes de Sotheby’s et Christie’s entre autres... La collection est née par le biais de clubs londoniens rejoints depuis Venise par de longs trajets en train (plus de vingt cinq heures de voyage à l'époque !), les bourses d'échange et les marchés, en fréquentant assidument ceux qui ont fait l'épopée du punk ou y ont contribué...
Tout est né d'un simple petit pas en avant.Même les Sex Pistols et es Ramones, qui semblent la révolution, ne sont que des détails de cette histoire... Il est important de relier entre eux tous ces groupes, tous ces degrés pour comprendre l'importance du mouvement. C'est passionnant. Il faut savoir qu'en 76, le punk n'existe pas et qu'un an plus tard, tout le monde en parle...


Remerciements à Rock.it et à Giuliano Callino.
__________

(*) : ...Je lui dois notamment la découverte du feuilleton totalement vénitien Ruga Giuffa, du blog de l'étudiante vénitienne qui m'a accusé de plagiat suite à une distraction - la seule en 15 ans d'existence mais cette génération est sans pitié et je la comprends - des lieux que je n'aurai pas forcément découvert seul..., etc.
(**) : ..Lien vers le site de la revue en ligne : ICI 
(***) :.Lien pour le site du musée : ICI

21 novembre 2016

Venise hier et Venise aujourd'hui : combien les choses ont changé !


Si Ambroise Tardieu, archéologue et généalogiste, qui fit de son long séjour à Venise un récit parue dans la revue de Lyon en 1884, puis dans un ouvrage regroupant le récit de tous ses voyages en Italie et Afrique, pourrait dire encore aujourd'hui que "A Venise la belle société parle français" et que "Les artistes, les hommes de lettres, les savants sont recherchés, fêtés." 

Il ne reconnaitrait plus rien de la ville qu'il a fréquenté et aimé durant sa vie vénitienne ; "tout est d'un bon marché sans égal. A Venise, la vie coûte moitié comme en France"...
  
Enthousiaste, il semble n'avoir pas connu la venise aux remugles nauséabonds qui incommodèrent tant Thomas Mann et son professeur Ashenbach : "On se figure généralement que l'air de Venise est malsain ; qu'il doit y avoir une atmosphère humide  aux personnes atteintes de phtisie ; on le recommande spécialement aux anémiques ; à ces derniers, le calme de la ville convient à merveille car on n'entend aucun bruit de voiture". Que dirait-il aujourd'hui du bruit des moteurs de bateau qui pétaradent sur le grand canal ?

"On ne rencontre aucun chien dans les rues de Venise. Cela tient, dit-on, à la taxe élevée qui leur est appliquée." je me suis pris à rêver en lisant cela, que remettre une taxe et revenir à l'obligation de la muselière comme il y a encore trente ans pourrait faire cesser cette invasion. Surtout quand peu à peu le chat, animal souverain à Venise, grand allié de sa salubrité, disparait des rues de la Sérénissime.

19 novembre 2016

Pasolini à Venise

Pasolini et son acteur fétiche à San Barnaba, non loin du siège du PC de Dorsoduro.

Bon Anniversaire mon fils !


Jean, tu as vingt-trois ans aujourd'hui  ! Combien le temps a passé vite depuis ces premières heures où je t'ai tenu pour la première fois dans mes bras. Tu n'avais pas une heure. Mon émotion, ma joie, le bonheur de ta mère, celui de tes sœurs. Je te revois dans le berceau de verre, entouré de peluches plus grandes que toi. Ce nounours bleu qui ne te quittera pas pendant des années faisait presque figure de géant ce premier jour ? 
Joyeux Anniversaire mon fils.

19 octobre 2016

COUPS DE CŒUR (HORS-SÉRIE 37 ) : Venise, paradis musical contemporain...

Difficile d'écrire de nouveaux billets tout en allant jour après jour à la pêche aux articles publiés depuis 2005 et que je récupère dans les archives du net mais aussi parmi ceux que m'envoient les lecteurs. Bienheureux ceux et celles qui ont fait des copies d'écran ou des tirages papier de TraMeZzinimag de temps à autres. Soyez-en remerciés ! La création est donc un peu laissée de coté. Plus assez de temps pour les recherches, l'iconographie, les vidéos. J'avoue tâtonner : dois-je laisser l'ancien blog dans les limbes de Google et entamer une nouvelle ligne éditoriale avec ce Tramezzinimag numéro deux ? Faut-il au contraire rassembler le maximum d'archives, tout ce contenu qui a fait la richesse du blog, sa notoriété, et les délices de tant de lecteurs qui on manifesté leur désappointement et nous apportent chaque jour leur soutien ? Le nouveau blog est un peu brouillon, des republications anciennes, des nouveautés, des commentaires non enregistrés qui faisaient aussi l'intérêt du site avec vos désirs et vos demandes, vos suggestions, vos précisions et vos apports, tout cela se mélange... Faites-moi part de vos attentes en la matière. Je suis preneur de vos idées en attendant que Google veuille bien remettre en ligne mon compte et le blog originel, si par bonheur cela doit arriver...

Archives du blog Tramizzinimag I. Billet initialement publié le 28 décembre 2011 :



Vos commentaires m'ont donné envie de parler à nouveau de musique sur TraMeZziniMag en ces temps de vacances. Des amis bordelais qui vont visiter le conservatoire Benedetto Marcello m'ont fait pensé à ce magnifique concert donné le 17 octobre dernier par l'Ex Novo Ensemble dirigé par Claudio Ambrosini et dont je voulais vous parler. 

Avec le titre alléchant de "Maraviglia udirai, si me secondi" (Des merveilles tu entendras si tu m'aides), le programme comportait six créations dont celle du compositeur britannique Geoffrey King, qui fut élève à Venise d'Ernesto Rubin de Cervin et du regretté Giuseppe Sinopoli. Ce fut un très intéressant rappel de l'originalité de ce que les critiques ont appelé la Nouvelle École de Venise où, sous l'impulsion de l'éminent pédagogue qu'est le baron Rubin de Cervin, une génération de compositeurs prolongea et développa le sérialisme en y ajoutant les acquis du jazz et de la polyphonie moderne. Né au conservatoire Benedetto Marcello, ce mouvement reconnait l'influence de la musique vénitienne traditionnelle autant que celle du mouvement post-serialiste de l’École de Darmstadt rendu célèbre par Stockhausen. Un monde musical inventif et grouillant que la plupart des touristes qui passent par le campo Santo Stefano sont loin d'imaginer. Venise a formé Luigi Nono, Bruno Maderna, Ambrosini, etc... Autant de compositeurs qui continuent de marquer la création musicale actuelle. 

Le compositeur anglais qui vit et enseigne à La Haye depuis quelques années est un Fou de Venise lui aussi. Sa musique en a subi l'influence. J'aime chez lui ce mélange de l'esprit anglais (il est né à Croydon juste après la guerre) et de l'âme vénitienne. Thé au lait et scones autant que prosecco e tramezzini tonno-uova. C'est peut-être pour cela que sa musique me touche...

L'entendre exécutée dans la belle salle de concert du conservatoire Marcello est un bonheur. Après la jolie promenade qui nous amène de San Barnabà à Santo Stefano, en passant par la ruelle qui longe l'ancien cinéma et le marchand d'art ancien, pour déboucher sur le campo de l'Accademia, le vieux pont de bois, la vue merveilleuse qu'on a en traversant le canalazzo, puis le campiello San Samuele - qui était rempli de chats de mon temps -, le joli puits, Santo Stefano, immense terre-plein puis sur la droite, après le somptueux palazzo Franchetti, le majestueux palazzo Pisani qui jaillit devant nous. Dès le cortile, règne dans ces lieux une atmosphère à la fois légère et très sérieuse. légère car la musique éclate de partout et les lieux sont remplis de jeunes gens rieurs et tapageurs, mais sérieuse aussi car on pénètre dans une école où l'on travaille dur... 



Une salle comble, beaucoup d'élèves, de nombreux vénitiens et pas des moindres. Venise n'a jamais cessée d'être une capitale musicale. Le nombre de fondations et d'associations liées à la musique le prouve, comme l'Istituto Antonio Vivaldi et l'Istituto per la Musica de la Fondation Cini, la Fondation Lévi ou la Fondation Bru Zane

Une musique parfois difficile mais jamais ennuyeuse ni pesante, toujours très enclavée dans notre temps, pleine de citations venues du jazz ou de la musique populaire, des grandes œuvres classiques aussi. L'occasion de se souvenir qu'aux musiciens cités plus haut, il faut ajouter les noms de Ermanno Wolf-Ferrari, Gian-Francesco Malipiero, Goffredo Petrassi, >Bruno Maderna... Riche portée de génies pour une petite ville de province qui n'a jamais cessé d'être une capitale musicale.

Geoffrey King pensif sur les lieux de sa jeunesse, se souvient de son passage au conservatoire dans la classe du baron Ernesto Rubin de Cervin 


Le compositeur hollandais Roderick de Man pose sur le pont San Moïse, 
à côté du Bauer Grunewald où logeait Igor Stravinsky 


Geoffrey à la terrasse de Montin, la Gelataria San Stefano. 
Pause cappuccino avant le début de la répétition au conservatoire voisin. 


Rudy aux fourneaux chez les Rubin de Cervin 


Dîner chez le maestro Rubin de Cervin 
qu'on voit ici entouré de ses petits-enfants


2 commentaires:

Anonyme a dit…
Claudio Ambrosini est un ami ; sa "Passione secondo Marco" est une merveille. Son opéra : "Il Killer di Parole" donné à la Fenice en décembre 2010, a été très apprécié et je lui souhaite une reconnaissance au combien méritée.
Merci, Lorenzo, de rendre hommage aux artistes qui continuent à faire de Venise une ville de l'Art vivant.
Que cette année 2012 vous permette de continuer à nous régaler avec vos billets si bien écrits.
tanti auguri.
Cordialement Gabriella
Lorenzo a dit…
Mille mercis pour votre fidélité, Gabriella e tante auguri anche a lei.

10 octobre 2016

Franz Kafka à l'Hôtel Gabrielli-Sandwirth, c'était il y a cent ans aujourd'hui

Archives de TraMeZzinimag I 
(billet paru le 13/09/2013)


Le 15 Septembre 1913, Franz Kafka est à Venise. Il loge à l'hôtel Sandwirth, dont les fenêtres donnent sur le Grand canal. La journée a été chaude, belle. Le jeune homme écrit à son aimée, Felice Bauer. C'était il y a exactement cent ans aujourd'hui. L'hôtel où il descendit, devenu le Gabrielli-Sandwirth fête cet anniversaire. Ce n'est qu'une simple lettre parmi les deux cents qu'il écrivit à la jeune femme, mais elle a été rédigée sur le papier à lettres de l'hôtel qui n'a pas changé depuis. Toute une histoire. 

..La manifestation consacrée à l'auteur de La Métamorphose se déroulera sous l'égide de l'éditeur allemand Klaus Wagenbachgrand, grand connaisseur et collectionneur en même temps qu'éminent expert de l’œuvre de l'écrivain dont il est le grand spécialiste. Des lettres de l'écrivain seront lues par l'acteur et musicien Ulrich Tukur, qui vit à Venise et a eu l'idée de cette manifestation. 


..C'est en 1912, dans la maison de la famille de son ami Max Brod que Franz Kafka rencontre Felice Bauer. Elle a 25 ans, un visage pur, les yeux un peu mélancoliques, le nez légèrement aquilin. C'est elle qui donne pour la première fois l'envie de se marier à ce jeune homme presque trentenaire, qui partage sa vie entre le travail dans une caisse d'assurance et l'écriture. Il est profondément atteint par cette rencontre car, se faisant une haute idée du mariage, il n'avait jamais jusqu'à ce 13 août 1912, rencontré une femme qui semble correspondre autant à son idéal d'épouse. 
"Se marier, fonder une famille, accepter tous les enfants qui arrivent, les soutenir dans le monde incertain et même les guider un peu, c'est, j'en suis persuadé, la tâche la plus élevée qui puisse réussir à un homme."
..Lui vit à Prague, la jeune femme à Berlin. Une correspondance abondante s'engage alors. Au début tout flotte dans l'indécision. Felice hésite. Le caractère de Franz lui semble trop singulier. elle le pense inapte à la vie de tous les jours. Elle aimerait ne plus avoir de rapports avec ce garçon tellement imprévisible. Lui, quand il prend la mesure des réticences de son aimée, redouble d'effort pour la persuader de l'épouser. Ils vont ainsi se rapprocher, s'éloigner, se fiancer, rompre, se retrouver...  
"Ma vie a quelque chose de l’asile d’aliénés… Je suis enfermé non pas dans une cellule mais dans cette ville… J’implore la plus chère des jeunes filles… Mais en fait je n’implore que les murs et le papier."
..Kafka adresse une première lettre à Felice Bauer quelques jours après leur rencontre. Cette lettre aura un double effet immédiat pour son auteur. En une nuit, et en plein état d’exaltation, Kafka écrit Le Verdict, texte considéré comme inaugural de sa vocation d’écrivain. 

..Cette première lettre à Felice marquera l’interruption de son Journal, qu'il ne reprendra qu’en février 1913. Dans les lettres qu'il écrit à la jeune femme, on découvre un Franz Kafka levant le voile sur ses sentiments les plus intimes. On y trouve des considérations sur l'écriture comme sa lettre du 20 décembre 1912 : 
"Je sens que lorsque je n’écris pas, une main inflexible me repousse hors de la vie". 
Il est perpétuellement en proie à des désirs opposés, balancé entre le désir de l'épouser, parce que cela correspond à son devoir de fils et de juif, que le mariage pourrait l'installer dans la vie sociale, et la conviction que cette union sera sa chute et formera un obstacle terrible à sa liberté d'écrire. Mais lorsqu'elle ne lui écrit pas, il est malheureux. Lorsqu'elle lui écrit, il est saisi de doute... Il se demande comment il pourra organiser sa vie avec cette femme. Lourd dilemme :  
"Il est même improbable que je m'entende à vivre avec quelqu'un, mais je suis incapable de supporter seul l'assaut de ma propre vie, l'offensive du temps et de l'âge, les timides incitations à écrire, les insomnies, l'imminence de la folie - tout cela je ne puis le supporter seul. Peut-être, ajouterai-je naturellement, l'union avec Felice donnera à mon existence davantage de force pour résister." 

 Mais un peu plus loin il avoue sa peur de se lier, de se perdre dans un autre être, car il ne serait plus jamais seul et il sait qu'il a besoin de la solitude pour écrire. 
"Devant mes sœurs j'ai été souvent, surtout par le passé, un homme tout autre que devant les gens. Hardi, aventureux, puissant, étonnant, ému, comme je ne le suis d'ordinaire qu'en écrivant. Si grâce à ma femme je pouvais être tel devant tous ! Mais ne serait-ce pas autant de pris sur mon art ? Tout, mais pas cela, pas cela ! Seul, je pourrais peut-être un jour abandonner vraiment mon poste. Marié, je ne le pourrai jamais."
..Finalement, le 12 août 1913, Franz envoie la première lettre de rupture à la jeune femme. Elle lui répond par trois lettres successives qui le font changer d'avis. Le 18 août il annonce à son ami Brod qu'il a demandé la main de Felice. Une nouvelle crise éclate l'année suivante, en 1914. Felice ne veut plus entendre parler de lui. Il notera dans ses carnets : 
"S'il était possible d'aller à Berlin, d'être son maître, de vivre au jour le jour, en mourant de faim aussi, mais en donnant libre cours à mes forces, au lieu de lésiner ici ou plutôt de dévier vers le néant. Si Felice le voulait, si elle venait à mon secours."


..Peu après, les fiançailles de Franz et Felice ont lieu à Berlin et un appartement pour le jeune couple est loué à Prague. Une nouvelle rupture survient en juillet de la même année également à Berlin suivie d'une explication pénible avec les parents de Felice. Mais le silence ne dure que deux mois et la liaison se rétablit peu à peu et le projet de mariage resurgit. La Grande guerre éclate et Franz espère se marier après la fin du cataclysme. Les secondes fiançailles ont lieu. Franz ne cesse de se tourmenter par des doutes et par des remords à l'égard de Felice, mais il poursuit avec acharnement son œuvre littéraire. En août 1917, il est pris pour la première fois d'une forte toux accompagnée de crachement de sang. On diagnostique très vite une tuberculose pulmonaire. Il explique sa maladie psychiquement, comme liée à sa fuite devant le mariage. Il la nomme capitulation définitive. C'est pour lui comme une délivrance. En décembre 1917, Felice arrive à Prague et cette fois-ci la rupture est définitive. Il raccompagne Felice à la gare et se rend ensuite au bureau de son ami Max devant qui il éclate en sanglots. 
"Ce fut la seule fois que je l'aie vu pleurer, écrira Max Brod, je n'oublierai jamais cette scène, l'une des plus émouvantes qu'il m'ait été donnée à vivre." 
..Le combat entre le besoin d'amour et la peur de l'amour est fini, mais c'est la littérature qui gagne. Ce sera elle qui sera désormais la véritable maîtresse de l'écrivain et ne cédera sa place privilégiée dans son existence qu'à la Mort... Finalement, la rencontre avec Felice Bauer aura libérée toute la puissance créatrice de Kafka. Nous lui devons de magnifiques lettres. 


30 septembre 2016

C'est demain le grand jour, ma fille se marie !


Je la revois, si petite, si fragile sous le regard étonné de sa grande sœur qui n'avait que deux ans et quelques mois de plus qu'elle. Venue très discrètement, en douceur, à l'heure du thé. Alix-Victoria-Marie-José. C'était en 1990 et voilà qu'aujourd'hui la plus mignonne des petites souris, la petite fille rêveuse, l'écolière mal assurée, la jeune guide rieuse est devenue une jeune femme déterminée. Classique et posée, elle n'a pas jamais hésité à se lancer et à aller de l'avant. Conventionnelle, elle n'a pourtant rien fait dans l'ordre. Voilà qu'aujourd'hui elle se marie. C'est avec joie que je vous annonce cet évènement, le premier mariage dans la fratrie. Nous sommes encore dans la fièvre des préparatifs, la dernière ligne droite avant le grand moment. Joie et bonheur aux jeunes mariés. Vivent Alix et Xavier !

 

01 septembre 2016

Arrigo Cipriani le sage

Ceux qui ont lu le superbe ouvrage paru chez Bouquins paru sous la direction de Delphine Gachet et de Alessandro Scarsella au printemps auront aimé le texte écrit par Arrigo Cipriani, intitulé avec sobriété et magnificence, le Goût à Venise. Le vieil homme a la plume acérée, le regard vif et reste un témoin incomparable d'autres temps et d'autres mœurs, quand Venise n'était pas envahie par les hordes de barbares, produits du tourisme low-cost qui semble vouloir donner le coup de grâce à une ville exsangue qui pourtant reste "pleine de sagesse comme elle a toujours été miroir de son temps." Un monument (le personnage autant que l'établissement). Je ne me lasse pas d'écouter l'impeccable gentleman raconter l'histoire du Harry's Bar :

24 août 2016

Venise se révolte (enfin) contre les touristes


France Inter, dans l'émission Les Histoires du monde de ce jour décline une vision de la Sérénissime tout à fait en accord avec la vision que TraMezziniMag développe depuis sa création en 2005 et qui a longtemps fait grincer des dents au point que le longtemps dynamique Ufficio Stampa de la municipalité (que le maire Brugnaro vient de supprimer pour faire de la communication son domaine réservé) n'avait pas votre serviteur en odeur de sainteté (N'ai-je pas imaginé quelques minutes le soir de la suppression du blog par Google et de la mise aux fers de l'ensemble de mes comptes Google, une punition suscitée par la mairie ? C'était bien prétentieux de ma part. 


Cependant, depuis ma première interview en 2006 ou 2008 pour une radio suisse romande jusqu'aux deux reportages de Détours, je me suis toujours attaché à dénoncer tout ce qui peu à peu minait Venise durablement. Les différents reportages télé ou radio pour lesquels j'ai été sollicité au fil des années cherchaient un angle nouveau... Longtemps j'ai cherché à montrer le problème du logement, la désertion du centre historique, le danger de la libéralisation de  l'immobilier risquant de transformer la ville en dortoir, le départ des grandes entreprises de service, On m'a traité de snob lorsque je dénonçais les hordes de barbares - "Mamma li turchi" pour reprendre le titre d'un ouvrage de Gabriel Matzneff - le danger du tourisme low-cost mal géré... J'insistais sur les dangers de la pollution atmosphérique, les gabegies des équipes en charge de la plus fragile cité du monde, la diminution exponentielle des habitants, leur propre inertie et la part de responsabilité que nous avons tous, touristes, fous de Venise ou simplement de passage. La responsabilité des vénitiens aussi. Les journalistes préféraient montre ce carnaval de pacotille qui attire les gogos et n'a plus rien à voir avec le vrai, celui du temps de la république bien sûr, mais aussi celui, spontané, joyeux, improvisé et authentique des premières années (entre 1980 et 85).



Aujourd'hui, le chaos n'est plus une fiction. L'été ou pendant le carnaval, on n'est pas loin de l'implosion. Fin juillet cette année, le chiffre présumé de la population est descendu en-dessous du seuil des 55.000 habitants... Même après la grande peste, Venise comptait davantage d'habitants. La menace proférée par l'Unesco n'a guère trouvé d'écho chez les édiles qui continuent de se remplir les poches (c'est une image)... Heureusement, des associations se constituent, des groupes agissent là où l'administration hésite ou fait l'autruche. Les jeunes sont déterminés à rester, à revenir, à maintenir les usages et les traditions tout en refusant de devenir les figurants dans une réserve à la Disneyland. Il y a de belles éclaircies et de jolies promesses malgré tout. 

Pour écouter l'émission : ICI 

Grossière erreur ou clin d'oeil dans la Pléiade ?


"Conçu et réalisé spécialement à l'occasion de la Quinzaine de la Pléiade 2015" comme l'indique le dos de son étui, ce joli petit album consacré à Casanova rédigé par Michel Delon à qui l'on doit aussi le bel album Diderot paru en 2004, contient une grossière erreur. Elle l'est tellement que de deux choses l'une, soit la personne chargée des recherches iconographiques a été pressée par le temps lorsqu'il a fallu rédiger les légendes des illustrations ou procéder à la relecture ou les auteurs se sont amusés à faire un pied de nez aux lecteurs comme à Giacomo Casanova, sur le même ton, disons de la même manière que lui-même aurait aimé le faire.

Mais de quoi s'agit-il pour que TraMeZziniMag en fasse ainsi tout un foin ? Non, il ne s'agit pas du récit, alerte, joliment troussé. Tout à fait dans l'esprit du personnage dont il narre et commente la vie. L'iconographie est bien choisie. le volume est élégant comme toujours chez la Pléiade. Et puis soudain, patatras. La page 176 s'ouvre sur la photographie d'une statue de bronze que les vénitiens aiment beaucoup - et les amoureux de Venise. Celle de Carlo Goldoni, réalisée en 1883 par Antonio dal Zotto

Mais que lit-on en légende de cette 156e illustration de l'album ? Vous l'avez deviné : Statue de Casanova, Venise. Rien de plus... Abasourdi devant l'énormité de la méprise, j'ai jeté un coup d’œil sur la Table des illustrations. A la page 211, le numéro 156 reproduit l'erreur : "Statue de Casanova, Venise. © Photo12/Alamy.

Photo12 est une agence française d'archives et d'illustration de dimension européenne qui a pignon sur rue, au propre comme au figuré dont les collections rassemblent plus de 10 millions d'images... Des gens sérieux, une banque de données très complète.  Si on cherche statue de Casanova sur leur catalogue, on ne trouve qu'une vieille photo d'archive représentant un général Casanova qui trônait à Corte. En cherchant des images de Goldoni, on retrouve bien l'illustration de l'album, sous la référence B67G45 provenant du fonds Alamy que l'agence représente. Prise par Peter Forsberg, photographe britannique qui travaille aussi pour le Fonds Getty

Le cliché a coûté un peu moins de 50$ euros à la maison Gallimard et l'envoi des données nécessaires à sa publication comportaient obligatoirement les mentions détaillées de la prise de vue et donc l'appellation exacte du sujet photographié... Un enfant de 10 ans n'aurait pas fait l'erreur. Gageons que Anne Lemaire, responsable éditoriale chez Gallimard (elle participe aussi à la magnifique collection Découvertes) et Claire Balladur celle-la même qui était chargée de la recherche iconographique, étaient troublées par le charme du chevalier de Seingalt et le délice et la qualité du texte de Michel Delon ! Mais quel dommage que l'excellence de cette collection soit ainsi entachée d'une erreur aussi grossière. Mais Casanova comme Goldoni auront déjà pardonné à ces dames ! Nous aussi n'est-ce pas ? Et puis cette erreur fut l'occasion d'un billet estival sur le nouveau blog encore en gestation...

Une pensée pour Baptiste, vénitien de coeur

Mes pensée accompagnent aujourd'hui le jeune Baptiste M. que certains lecteurs de TraMeZziniMag connaissent. Il doit subir une intervention chirurgicale particulièrement lourde. Plein de pensée positives pour vous ami Baptiste et bon rétablissement !

10 août 2016

Récupération du Livre d'Or de Tramezzinimag


C'est un travail de Titan, mais Tramezzinimag 2 va reprendre chacun des articles parus depuis 2005 et l'ensemble du contenu (liens, commentaires, pages et autres documents) que réclament de nombreux lecteurs. Pour commencer, nous avons le plaisir de vous annoncer le retour du Livre d'Or d'origine. Il est accessible en cliquant ICI mais aussi sur la colonne de gauche du blog. N'hésitez-pas à laisser un mot de soutien. Nous nous ferons une joie de twitter chaque message à Google. Pour le moment, le lien qui permet le retour sur ce site est impossible, mais tout sera opérationnel d'ici quelques jours. Work in progress ! Merci pour votre fidélité, votre soutien et votre patience.

02 août 2016

Clin d'oeil vénitien


Un ami vénitien connu quand il etait étudiant Erasmus, à Bordeaux - c'était du temps des débuts de la mode du  spritz en France - a une sœur restée en Italie. Récemment, elle lui a envoyé depuis Venise un colis via un de ces courriers privés qui arpentent le monde en des temps records pour livrer les colis, retour à la vraie tradition inventée il y a plusieurs siècles par un noble allemand devenu un prince puissant grâce à ses postes, le prince  de la Tour et Taxis. Mais Tramezzinimag ne  va pas vous conter l'histoire des postes modernes aujourd'hui.

L'anecdote est amusante. Voilà le camion qui livra le paquet vénitien... Vraiment DHL fait bien les choses ! Comme ile dt la jeune vénitienne dans son commentaire : DHL n°1 ! Et pourquoi pas une livraison en gondole la prochaine fois, cela ferait de l'effet non ?

23 juillet 2016

Venise autrement chez Détours : l'émision de la RTS s'intéresse à Tramezzinimag

© Détours - Radio Télévision Suisse - Photographie Antoine-Lalanne-Desmet - 2016. Tous Droits Réservés.

C'était un projet assez ancien. L'idée en était venue à Antoine Lalanne-Desmet - dont Tramezzinimag a déjà souvent cité dans ces colonnes - lors d'un voyage d'agrément il y a trois ans avec comme troisième larron mon filleul Jacques Comby, pianiste de talent mais aussi l'un des camarades de virées parisiennes d'Antoine. Guider les auditeurs dans la Venise de Tramezzinimag, ou pour être plus près de l'idée de départ, dans la Venise où j'ai vécu avec les gens que j'y connais tout en présentant la vision que j'en ai et qui évolue avec les années. Ce fut le prétexte de mon voyage de mai dernier dont la chronique a été publiée sur le blog. Des heures de prise de son, de nombreux entretiens avec des amis, des détails revenus au fil des discussions entre Antoine et moi et l'idée de montrer une Venise différente de celle qu'on voit dans les documentaires des télévisions du monde entier. Parler de la lagune, de ses habitants, des gens qui se battent pour que le monde unique de la cité lagunaire perdure et ne se transforme ni en réserve d'indiens ni en parc d'attraction. Cela a donné deux heures d'émission. Il y avait de la matière pour quatre ou cinq heures supplémentaires d'émission... 

Les productrices de Détours, la célèbre émission de la Télévision Suisse Romande, qui ont souvent parlé de Venise, voulaient un autre angle d'approche et ce fut ma vie à Venise il y a trente ans et la comparaison avec ce que la Sérénissime est devenue - est en train de devenir - et quelques témoignages de ce que fond des vénitiens, de naissance ou d'adoption pour éviter le naufrage de la Dominante, préserver ses merveilles tout en évitant qu'elle ne soit plus qu'un musée qui servirait de décor obligé aux historiettes d'amour et aux auto-portraits (les ridicules "selfies" à perche) réalisés par milliers chaque jour sur ses ponts et ses campi. C'est ainsi qu'on découvre l'action d'un groupe de jeunes gens venus de tous horizons qui avec des architectes, des artistes, des vieux vénitiens aussi inventent une réponse iconoclaste mais viable au problème du logement intra-muros, celle de fous de musique ancienne et de bateau qui en perpétuant le rythme traditionnel de la navigation à la rame, livrent chaque semaine fruits et légumes de l'agriculture bio locale aux vénitiens, sans moteur et avec bonne humeur, un restaurateur venu de France qui a su marier la tradition culinaire d'ici et des senteurs et goûts nouveaux, une charmante éditrice, vénitienne de la Giudecca qui édite une revue et écrit des livres, suivie dans cette passion par son fils, écrivain de Venise vivant à Paris mais revenant dès qu'il peut sur la lagune... 
 
On entend Gabriele qui compare le tourisme d'aujourd'hui et celui d'il y a quelques années. Il en côtoie tous les jours dans son hôtel et ne manque pas d'anecdotes sur la mauvaise éducation générale des visiteurs. Tobia amoureux de sa ville qui a transformé la maison de famille en lieu de création artistique. A la fois résidence d'artiste, galerie, scènes musicale et table d'hôte gourmande, on y perpétue la création artistique et la vie culturelle locale, loin des biennale et collection Pinault réservées à une élite qui ne sait rien de la vraie Venise, d'autres encore que je vous laisse le plaisir de découvrir... 

Difficile pour la réalisatrice qui a dû faire des coupes dans les heures de son et construire avec Antoine un montage qui tienne la route et trahisse le moins possible l'esprit dans lequel le reportage avait été envisagé. On n'entend pas la très belle déclaration d'amour de Roger de Montebello qui nous faisait visiter son atelier à l'emplacement idéal, pas plus que les femmes de la prison de la Giudecca qui cultivent dans le potager de l'ancien couvent où est située leur lieu de détention, une quantité de fruits et de légumes en biodynamie qu'elles vendent à de nombreux restaurants et proposent chaque semaine aux vénitiens directement devant l'entrée du jardin. N'est pas non plus à l'antenne cette passionnée de roses qui nous a fait l'honneur de son jardin, et tant d'autres dont nous nous servirons dans un autre projet dont je vous reparlerai et qui devrait être lancé cet automne et sortir avant l'été prochain. Mais n'en disons pas davantage. juste ce qu'il faut pour mettre l'eau à la bouche à nos lecteurs ! 

Pour ceux qui ne l'ont pas encore écouté, voici le lien pour écouter le reportage d'Antoine Lalanne-Desmet, réalisé par Carmen Algarrada : Cliquer ICI pour écouter le premier épisode et ICI pour le second. 

En attendant, bons baisers de Venise. Nous étions partis pour faire une sortie en bateau puis aller en vélo jusqu'aux Murazzi pour nous baigner. Mais le ciel en a décidé autrement. La lourdeur du matin l'annonçait. La pluie est tombée pour la première fois depuis plusieurs semaines. Le ciel est de nouveau dégagé mais pas de plage aujourd'hui. Demain est un autre jour. 

Beaucoup de français dans les rues comme chaque fin de semaine. Et puis les hordes habituelles venues d'Asie, d'Allemagne ou des pays scandinaves. Les récents évènements de Nice et Munich semblent avoir ralenti un peu le mouvement. Ici aussi la police et des soldats en arme circulent, surtout autour de la Piazza, à la gare et au Rialto, mais on ne ressent aucune tension. Il y a juste dans les esprits qui voudraient n'y pas penser, cette incompréhension que nous ressentons tous ce me semble quant à l'inanité de ces horribles meurtres et cette folie qui semble s'emparer des hommes...