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20 janvier 2012

Les nouveaux vénitiens : un moyen de sauver Venise ?

Les vrais vénitiens, ceux qui sont nés de père en fils dans Venise, vivant et habitant le plus souvent dans les lieux mêmes où les pères de leurs pères sont venus au monde, ceux-là hélas se font de plus en plus rares. Triste constat dont Tramezzinimag s'est souvent fait l'écho. Mais, face à cette hémorragie - dont nous ignorons tous si elle pourra être enrayée et par quels moyens - apparait un phénomène qu'il faut peut-être finalement considérer sérieusement et d'un oeil bienveillant : l'arrivée et l'installation de "nouveaux vénitiens", des vénitiens de coeur autant que les fils légitimes de la Sérénissime. C'est pour eux que Tramezzinimag existe et ils en sont le plus souvent de fidèles lecteurs, voire pour certains, de précieux contributeurs.
 
Au fil de leurs séjours, par leur aptitude à pénétrer l'âme de la ville, par leur sensibilité qu'exacerbe sa lumière et ses parfums, ses silences et ses bruits, ils se font peu à peu, autant vénitiens que ceux qui les ont précédés. Ils vivent non plus en touristes à l'extérieur de la vie vénitienne, mais s'y impliquent. Ces nouveaux arrivants se fondent dans l'atmosphère particulière de cette vie, dans ces lieux uniques que le voyageur pressé qui s'y rend au milieu de la masse de ses semblables ne peut absolument pas pénétrer en vérité. Que le lecteur ne voit pas dans ces lignes un quelconque jugement de valeur, une énième diatribe anti-touristes ! Mais n'est-ce pas notre lot à tous lorsque nous nous nous retrouvons au milieu d'un monde dont on sent bien qu'il palpite ardemment. Même avec la meilleure volonté du monde, ce qu'il nous laisse entrevoir n'est qu'un aspect superficiel et outré de sa réalité. Pressés, orientés, dirigés par les impératifs économiques et le temps mesuré, nous ne faisons que frôler un univers dont nous avons instinctivement le sentiment qu'il est bien plus riche que ce qu'on nous donne à voir... C'est le lot des vingts millions de visiteurs qui passent chaque année entre la Piazzale Roma et San Marco.
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Dans cette foule, chaque jour quelques âmes sensibles, ou disponibles, se laissent prendre toutes entières par Venise et ne peuvent plus concevoir d'exister en dehors d'elle. Il y en a de toutes catégories, des poètes ou des scientifiques, des gens simples comme des savants. Nul besoin d'être milliardaire pour y trouver un point de chute. Posséder un bon petit pécule facilite les choses, mais n'est pas la condition sine qua non. Il est vrai que parmi les vénitiens d'adoption, il y a beaucoup d'acteurs, de musiciens célèbres, d'écrivains ou de capitaines d'industrie. C'est vrai aussi qu'il est moins facile d'y installer son activité professionnelle ou d'y vivre sa retraite d'instituteur ou de bibliothécaire. Mais on peut penser que l'évolution des mœurs, l'aptitude à travailler chez soi, les nouvelles normes permettant à chacun de pratiquer son métier n'importe où dans l'espace européen. Il n'est pas réservé aux milliardaires de s'installer à Venise, que ce soit toute l'année ou quelques semaines, voire quelques mois par an. Les loyers sont au diapason de ce qui se pratique à Paris, à Madrid ou à Londres. Acheter est déjà plus compliqué, mais avec de la patience et de l'entregent, tout est possible. C'est bien plus difficile qu'il y a dix, quinze ou trente ans mais je suis convaincu que cela peut changer, sauf catastrophe générale.

Des néo-vénitiens donc qui ne se contentent plus de débarquer du train de nuit à Santa Lucia, d'utiliser un taxi pour amener leurs bagages signés des meilleurs maroquiniers parisiens dans les hôtels chics, à la Giudecca, sur le Grand Canal ou aux Chiavoni, passant du bar de l'hôtel aux salles bondées du Florian, du Quadri ou de Lavena. depuis quelques années, ils louent des appartements et, dès leur arrivée, vont au Rialto faire leur marché. Ils se retrouvent sur un campo pour leur premier cappuccino dans les bars où ils ont leurs habitudes et parfois un compte. Ils papotent avec leurs voisins et déambulent dans leur quartier, hors des circuits touristiques. Parfois même, à leur tour, ils vont chercher à la gare ou à l'aéroport des amis qui viennent à Venise pour la fois. Ils cuisinent des plats vénitiens, boivent du spritz ou du prosecco en grignotant des cichetti. Bref, ils vivent en "bons vénitiens" comme le recommandait expressément Henri de Régnier.

Certains lecteurs objecteront que ces Happy few ne sont pas des chômeurs longue durée ni des titulaires du RSA. Certes. Mais là n'est pas notre discours. Ce qui m'importe ici, c'est de souligner, au regard des commentaires et débats suscités par la réduction dramatique de la population autochtone de Venise, que l'arrivée de ces amoureux de Venise peut s'avérer une des solutions au problème de sa sauvegarde. Par ce mot, il faut entendre non seulement la restauration et la protection des trésors architecturaux et artistiques que contient le centre historique, mais aussi la défense d'une vraie vie quotidienne en dehors du tourisme industriel qui ne peut pas être jugulé et qui, ayant d'une certaine manière son utilité, doit être organisé, réglementé pour la satisfaction de tous.

Et puis, ce ne sont pas tous des privilégiés arrogants aux moyens illimités. Le plus souvent, à ma connaissance, ce sont des gens qui arrivés à un moment de leur vie professionnelle et personnelle où on peut se permettre de souffler, où les enfants sont partis vivre leur propre vie, où un capital s'avère disponible. Certains achètent une villa au Pays basque, sur le bassin d'Arcachon, dans le midi, en Bretagne ou ailleurs. Eux, les amoureux de Venise, investissent sur la lagune. Une nuit de train, quelques heures de voiture ou deux heurs d'avion et on retrouve ce qui peut être vite considéré comme un paradis. D'autres sont à la retraite et viennent depuis toujours, plusieurs fois l'année, dans la même pensione ou le même Bed & Breakfast. Ce sont souvent des femmes, mais pas seulement. Artistes dans l'âme, elles s'adonnent à la peinture ou à l'écriture et Venise à chaque fois les regonfle d'énergie. Les plus chanceux de ces Fous de Venise disposent d'un petit appartement, souvent un piano terra realzato pour éviter les inconvénients de l'acqua alta. 35 ou 45 m² à Castello, à Cannaregio ou à la Giudecca, cela leur parle mieux qu'un studio aux Arcs ou un mobilhome près du lac de Biscarosse et on les comprend. D'autres enfin ont pu installer leur activité professionnelle à Venise. Il y a des commerçants (la plupart sont à Venise depuis plusieurs dizaines d'années), des agents immobiliers, des guides, des galeristes, mais aussi des enseignants, qui viennent s'ajouter aux écrivains, aux peintres, aux musiciens... La qualité de la vie sur la lagune, ce rythme paisible imposé par l'eau qui nous entoure, le charme indubitable des lieux, mais aussi la sécurité qui y règne, vont attirer des gens plus jeunes dont le métier pour s'exercer n'a besoin que du téléphone et de l'informatique. Déjà certains vénitiens d'adoption continuent leur activité professionnelle française depuis leur appartement à Venise. N'est-ce pas un exemple à suivre quand cela est possible ? L'Europe ne permet-elle pas ce choix ?

Faisons alors un rêve. Gageons que peu à peu de plus en plus d'amoureux véritables de Venise franchissent le pas (et le pont de la Liberté) pour s'installer dans le centre historique et y déployer leur savoir faire, développant ou reprenant des activités qui leur permettront de vivre et maintiendront en vie la ville. Pourquoi pas un cordonnier, un tailleur, un ébéniste ou un luthier ? Pourquoi pas non plus des dentistes, des architectes (il y en a) et d'autres traducteurs, chercheurs, ingénieurs, enseignants ?

Mais pour que ces néo-vénitiens ne soient pas considérés comme une colonie avec tout ce que cela comporte de connotations négatives, ils devront s'intégrer. Et pour se faire accepter, il faut s'adapter aux usages et aux traditions. Les anglais ont un proverbe qui est valable partout et que j'ai enseigné très tôt à mes enfants et que je dis à tous ceux qui viennent avec moi visiter Venise : "When in Rome, do as the romans do" (Quand vous êtes à Rome faites comme font les romains"). C'est le B.A.BA du bon touriste, mais cela doit être aussi la règle de base de tous ceux qui veulent s'installer dans une communauté qui n'est pas celle où ils ont grandi. Cela procède du respect mais aussi de la nécessité. Sauf à vouloir rester reclus, on ne peut vivre nulle part sans se mêler aux autres et à Venise, qui reste une île, il nous faut nous adapter au mode de vie des vénitiens. C'est aussi le moyen de les aider à défendre et perpétuer leurs usages et leurs traditions. Cela ne veut pas dire que celui qui s'installera à Venise doit abandonner ce qu'il est et oublier ses usages et ses traditions à lui. Au contraire : N'est-ce pas un enrichissement mutuel incroyable ?

Aux usages de base, comme la manière de se comporter dans les ruelles étroites ou aux comptoirs des bacari, comment faire sa passeggiata, se tenir dans la gondole du traghetto ou en vaporetto, s'ajoutent les usages plus typiques : vogare et parlare. Nous aborderons ces deux sujets dans les prochains billets de Tramezzinimag. En attendant, vos témoignages, vos idées ou vos simples commentaires sont les bienvenus, que vous soyez de ces nouveaux vénitiens ou pas.

05 septembre 2011

Ne pas vivre dans le passé

C'est souvent la tentation. La facilité aussi. Tout parait toujours mieux à l'aulne de nos souvenirs. C'est encore pire quand il s'agit des souvenirs des autres, d'un temps que nous n'avons pas vécu. Marie-Josée Neuville chantait dans les années 60 : "C'était pareil de notre temps" (voir mon billet du 28/06/2010 en cliquant ici). 
Chaque époque a eu ses joies et ses peines. Notre aveuglement nous permet même d'avoir la nostalgie de ces périodes terribles où la vie ne tenait parfois qu'à un fil et que d'immenses douleurs et de terribles angoisses tordaient les estomacs de milliers d'innocents. Je pense aux années de guerre, aux révolutions. Il est sage de jouir du temps présent, et d'avoir l'honnêteté de rendre hommage à nos temps. "Ils sont ce qu'ils sont mais ils sont nos temps", comme l'expliquait le prince Jean d'Orléans à quelques nostalgiques d'un hypothétique âge d'or.
Un lecteur m'écrivait récemment que son amour pour Venise était entaché d'un prurit qui semble se répandre partout : la nostalgie d'une ville préservée, parfaite, libre de toutes les perversions et les laideurs du présent. J'ai bien conscience que Tramezzinimag véhicule trop souvent cette pensée. La Sérénissime n'est plus, notre époque est aux migrations de masse, les progrès de la science permettent au plus grand nombre de se déplacer et le tourisme n'est plus l'apanage de quelques poignées de privilégiés. Les murs décatis de la cité des doges se couvrent d'immondes graffitis et les papiers gras, les canettes de limonades, les mouchoirs en papier jonchent les rues, les échafaudages sont devenus des panneaux publicitaires géants et agressifs et à la Mostra du cinéma, les badauds sont tenus à l'écart derrière des barrières et des rangées de vigiles là où il y a encore vingt cinq ans, les enfants en maillot de bains frayaient avec les plus grandes stars et les hommes politiques sur la terrasse de l'Excelsior dans une atmosphère bon enfant. 

Bien sur il n'y a jamais eu aussi peu de vénitiens à Venise et autant de touristes à la fois, bien entendu tout est devenu très cher et palais après palais la ville se vend à des milliardaires de tous les continents et les écoles, les maternités ferment. Bien sur il y a de moins en moins d'épiceries, de drogueries, de boulangeries, de boucheries mais de plus en plus de commerces de masques et de souvenirs. Mais la lumière, les ciels différents chaque jour et à chaque saison, les reflets dans l'eau des canaux, tout cela demeure, persiste et ne change pas. Et partout où le regard se pose, plus forts que la laideur des graffitis, des détritus qui encombrent les rues, des files de touristes ébaudis et fatigués, il y a la beauté, la sublime beauté de cette ville unique. Même au milieu de la foule des Schiavoni ou du Rialto, pour celui qui sait voir Venise s'offre dans toute sa splendeur : le son d'une cloche qui sonne et se mêle au cri des mouettes près du ban de poissons du campo Santa Margherita... 

La vision cocasse d'une grosse nonne déterminée, qui, toute de blanc vêtue, tire un chariot rutilant sur un pont près de San Francesco della Vigna avec un sourire de sainte... Les enfants déguisés pour la San Martino... La visite du Patriarche à San Giuseppe di Castello restaurée... Mais aussi, tout simplement, les délices d'une promenade dans les quartiers éloignés, derrière San Nicolo di Mendicoli ou aux Gesuiti... Le soleil couchant vu depuis les jardins de la Biennale...

Le mythe de Venise est certes unique au monde, et cela le rend indispensable à notre humanité, mais rien ne doit le figer en un sanctuaire immarcescible d'où la vie serait exclue comme les microbe dans une chambre stérile. Venise est un lieu de vie, c'est aussi un laboratoire où se concoctent depuis toujours des solutions nouvelles et originales que les milieux urbains du monde entier peuvent adapter à leur compte.

2 commentaires:

Anonyme a dit…
Lorenzo, pourquoi écrire d'aussi belles lignes sur Venise et proposer un voyage aussi banal ? j'avoue que j'ai été très déçue en lisant le programme. Ne pouviez-vous pas envisager, au contraire, un séjour dans les quartiers "mineurs" et pourtant si attachants et nous permettre de voir "ces petites choses sans importance" qui font la vie quotidienne ? celles qu'on ne découvre pas dans les guide? Je reste une fidèle lectrice et je me réjouis de recevoir bientôt votre livre.
Cordialement
Gabriella

Lorenzo a dit…
Les "Fous de Venise" n'ont pas besoin d'un voyage organisé ni de guide. Ce voyage a bien été conçu pour ceux qui ne la connaissent pas et veulent une première approche.
C'est effectivement un voyage "Grand Public".
Merci d'avoir pris la peine de me donner votre avis.
Bien à vous.

15 juin 2011

Bordeaux-Venise , ce qui aurait pu être une histoire d'amour (I) :

1980, la Biennale invite Bordeaux.

Le Capc (Centre d'Arts Plastiques Contemporain) est né à Bordeaux de l'impulsion d'un groupe de passionnés visionnaires qui avait à sa tête Jean-Louis Froment. Soutenu par Micheline Chaban-Delmas, l'épouse du maire d'alors, qui fut aussi président de l'Assemblée Nationale, puis premier ministre. Jacques Chaban-Delmas eut l'intuition géniale de ce que cet espace pouvait apporter à la ville.

Souvent mal compris des bordelais, méconnu par l'élite locale d'alors qui bouda longtemps les lieux, le Capc devint vite un haut-lieu de la création contemporaine, reconnu dans le monde entier. Sa dimension internationale venait s'ajouter au prestige des manifestations dont le maire, soutenu par une kyrielle de bordelais mécènes et connaisseurs, avait eu l'initiative. Le Mai musical, qui à l'imitation du Maggio di Firenze, proposait chaque année une série de concerts, d'opéras et de ballets amenant au Grand-Théâtre les plus grands artistes de l'époque et un public international, ainsi que des expositions de très haut niveau : les collections du Metropolitan de New-York, de l'Hermitage... A ces manifestations officielles s'ajoutait Sigma, une initiative privée soutenue par la ville (le maire était président de l'association qui avait son siège à la mairie) qui prit de plus en plus d'ampleur jusqu'à sa mort par asphyxie à la fin des années 90, plus ou moins provoquée par le désintérêt d'Alain Juppé, nouveau duc d'Aquitaine et lui aussi à son tour fringant premier ministre...

Le Centre d'art contemporain de la capitale de Guyenne, installé dans un magnifique entrepôt de denrées coloniales qui conserva longtemps l'odeur des produits qu'on y avait entreposé (vanille, café, cacao, épices...), avait acquis une telle réputation que les organisateurs de la Biennale de Venise firent appel aux bordelais pour intervenir sur la lagune. Froment transporta Bordeaux à Venise, avec la complicité des artistes dont la présence à Bordeaux fait rêver aujourd'hui : Anne et Patrick Poirier qui réalisèrent à l'Entrepôt Laîné leur magnifique Domus Aurea, vaste maquette de charbon de bois, fascinante ruine calcinée, Christian Boltanski qui a cette année les honneurs du Pavillon Français, Claude Viallat...

Ce fut comme un déclic. Le commencement d'une histoire d'amour - de passion même - que des maladresses, des incompréhensions mais aussi des malentendus ont laissé s'éteindre. Tout Venise se pressa dans l'église San Lorenzo dont les 1500 m² furent entièrement à la disposition du Capc. La voix de Laurie Anderson planait sur ce campo très particulier qui ressemble à une scène de théâtre.

Mais laissez-moi vous compter cette belle histoire d'amour. Le film réalisé en 1980 par Marcello Paradisi pour FR3, que je viens de retrouver dans les archives de l'INA, explique mieux que je ne pourrais le faire cette période où j'étais à Bordeaux simple spectateur et où, déjà presque vénitien à temps plein, j'allais peu à peu devenir (modeste) acteur, là-bas sur les bords de l'Adriatique.
 

Quelques années plus tard, en 1990 Jean-Louis Froment allait être nommé commissaire général du pavillon français à la Biennale, après avoir dirigé de sa création jusqu'à 1996 le Capc, il est aujourd'hui directeur de la Fondation Prince Pierre de Monaco.

Mais avant ce retour de Bordeaux à Venise, il y eut l'AJIL, cette petite association d'étudiants que j'avais fondé avec quelques amis et qui organisa, avec le soutien des Chaban-Delmas, la Semaine de Venise à Bordeaux
 
C'était en 1985. Je vivais depuis près de cinq ans à Venise et je ne supportais plus d'entendre à chaque dîner mondain les bordelais cancaner sur "la ville qui s'enfonce", "ces pigeons par milliers tous porteurs de maladie", "les délicieux verres de Murano" et "la puanteur qui envahit la ville et fait fuir les touristes"... La carte postale qu'ils avaient tous en tête - hormis quelques esprits éclairés - montrait une conception étriquée de la Sérénissime qui me révoltait. Je donnais des conférences, je racontais à qui voulait m'entendre ce que la ville était vraiment et les menaces qui pesaient sur elles depuis la grande inondation de 1966. Il fallait frapper fort. C'est ainsi que naquit l'idée d'une sorte de festival, une première édition de ce que nous souhaitions voir devenir un rendez-vous annuel ou biennal entre les deux villes.
à suivre.

1 commentaire :

Anonyme a dit…

Merci pour la ballade. A suivre...
FRG


22 mai 2011

Etre en mai à Venise


Joli mois de mai. Alors qu'il pleut sur New York et que le ciel du Sud-Ouest est mitigé avec parfois de gros orages comme autrefois on en subissait en plein été, Venise est inondée de soleil et l'air comme la lumière sont très purs. la douceur du mois de mai sur la lagune n'est pas une légende. Mais que fait-on ce mois-ci dans la Sérénissime ? Que faut-il ne pas louper ?
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Comme Tramezinimag l'a déjà annoncé, tous les lundis de mai, on lève son verre à l'Art avec le Happy Spritz en musique (live). Un rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte, la visite des jardins et des collections un verre à la main est un bonheur. Regarder passer les bateaux depuis les terrasses, bavarder dans le jardin, un délice de happy fews qui font des émules car il y a désormais foule à chaque rendez-vous ! Si vous avez des enfants avec vous, en dehors du Spritz et des conversations sur l'art dans toutes les langues, ils aimeront l'atmosphère magique des lieux.
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Mais pour les amateurs d'art, les experts et les passionnés, il y a aussi ce mois-ci l'extraordinaire spectacle de l'Esther de Véronese enfin restaurée qui s'expose en majesté au Palazzo Grimani. Occasion unique pour voir ces chefs-d’œuvre de près avant leur restitution aux plafonds de la Chiesa di San Sebastiano ! Qui dit que rien plus jamais ne se passe à Venise en dehors des méga-évènements mondialement médiatisés de la Biennale, des expositions Pinault et de la Mostra del Cinema
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Tenez, pendant quelques jours, du 13 au 15 mai, se déroulait à l'Arsenal la IVe édition de Mare Maggio, organisée par Lorenzo Pollicardo, sous l'égide de Expo Venice. Trois journées dédiées à l'art de naviguer avec des régates, des promenades sur un bragozzo authentique, des expositions d'embarcations historiques comme le sous-marin Dandolo et la machine de Marconi. A la fin de la manifestation, des stands proposaient à la vente des objets et ustensiles pour la navigation mais aussi pour les collectionneurs. 

15 avril 2010

COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 7) : Solution locale pour un désordre global

Tramezzinimag est un lieu virtuel consacré corps et âme à Venise. Mais ce qui concerne la Sérénissime bien souvent implique le reste du monde : la multiplication du nombre de ressortissants africains en situation irrégulière qui proposent à la sauvette de faux sacs de marque, jeunes SDF à l'air égaré par l'abus de drogue accompagnés de nombreux chiens faméliques vautrés sur les ponts, tags et graffitis qui enlaidissent les murs, disparition des petits commerces de proximité et standardisation des produits manufacturés, mais aussi inondations de plus en plus nombreuses, disparition de la faune et de la flore, phénomènes climatiques inquiétants, pollution... Le tableau pourrait paraître terriblement sombre. Il en est de Venise comme du reste du monde, l'homme qui a reçu en naissant une incroyable et merveilleuse richesse s'emploie depuis 500.000 ans à la détruire. Venise a longtemps été un laboratoire d'idées et de pratiques qui ont permis d'élaborer un mode de vie respectueux de la nature. Installés dans un environnement peu propice, les premiers vénitiens ont su faire avec les infrastructures naturelles et ils ont eu le génie d'établir sur cet écosystème une civilisation. Hélas, les hommes sont oublieux et le poids des traditions, les usages, les antiques savoirs ont été dès la fin du XVIIIe siècle malmenés au nom des idées nouvelles. A Venise aussi, il fallait être "moderne" si on ne voulait pas faire ringard. C'est ainsi que la cité des doges, bien davantage que les autres métropoles d'aujourd'hui, en abandonnant les anciens usages, a mis en péril sa vie même. Partout dans le monde, comme à Venise, d'impérieuses nécessités voient le jour qui nous obligent à appréhender d'une manière globale l'état de la planète. Parce que nous sommes enfin conscients que l'avenir de l'humanité est en jeu et que cet avenir nous concernant tous, nous oblige tous à réfléchir et à agir.

On en parle peu, car cela n'est pas médiatique, mais il existe à Venise, et dans différents points de la lagune, des organisations qui travaillent à sauver ce qui peut encore l'être, des associations qui militent pour que revivent les fonds lagunaires, que les espèces de poissons et de mollusques empoisonnées par les phosphates et les nitrates de l'industrie lourde de Marghera, recolonisent l'eau. Ils reconstituent les rizières et les marais salant, replantent et ré-alimentent les terres empoisonnées par 50 ans de fertilisants chimiques, soignent les oiseaux migrateurs décimés par la pollution. Aux projets pharaoniques qui ne font qu'enrichir les gigantesques groupes industriels mondiaux et dont on ne sait toujours pas s'ils apporteront les solutions promises, se créent un peu partout, sans moyen, sans publicité, des mouvements actifs et solidaires, véritables alternatives aux politiques officielles. Depuis trente ans, la lagune est un laboratoire expérimental de sauvegarde de l'environnement. Sans battage, sans militantisme. Pêcheurs et paysans se battent pour sauver ce qui peut l'être. Et il y a danger, nous le savons tous.
 
Quand je vivais à Venise, il y avait au bas de chez moi - je l'ai raconté maintes fois - une petite échoppe. Elle était tenue par un fermier ou son fils, je ne sais plus exactement. Chaque matin, il débarquait ses légumes et ses fruits, il amenait parfois aussi des oeufs, des volailles. On ne trouvait chez lui que des tomates ou des aubergines fraîchement récoltés. Ses salades, ses épinards, pêches comme ses poires étaient vraiment toujours délicieux. Quand la récolte n'était pas bonne, il n'y avait sur ses étals que des pommes de terre, des noix, des amandes des coings et des pommes. Ceux qui ont la chance de fréquenter un AMAP (*) sauront de quoi je parle. Ses terres se trouvaient sur une île du fond de la lagune. Ses bêtes procuraient le fumier qui nourrissait la terre, ses arbres donnaient de magnifiques fruits sans l'aide de Monsanto. Puis les règles ont changé. L'Europe a imposé un cahier des charges insensé. De plusieurs centaines de maraîchers sur la lagune, il n'en reste qu'une petite dizaine. La disparition de la culture vivrière, à Venise comme ailleurs en Occident, est quelque chose de préoccupant quand on sait que l'autonomie alimentaire en Europe est de seulement 20 jours... Quand on se rend compte que partout, l'industrie tue l'agriculture mais tue aussi les usages et les savoir-faires ancestraux.
 
Il y a en ce moment dans les bonnes salles de cinéma un documentaire extrêmement bien fait qui exprime bien que moi toutes ces vérités. Hasard heureux, l'auteur de ce film, Coline Serreau, un lien très fort avec Venise et Tramezzinimag en parlera un jour si j'obtiens son accord. Si vous n'avez pas encore vu ce film, précipitez-vous, c'est revigorant ! En voici la bande-annonce:
 
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(*) : AMAP :
Associations pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne