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21 juin 2025

C'est aujourd'hui l'ouverture de la librairie Giovanni !

Non, il ne s'agit pas seulement d'un «bookshop» de musée ou d'un coin livres comme on en trouve souvent, mais d'une véritable librairie indépendante, « autonome dans sa proposition, radicale dans ses choix» proposant, en plus des catalogues d'expositions, des œuvres d'art et des objets de design attendus dans ces lieux, un véritable choix éditorial en collaboration avec les éditions Tlon et d'autres éditeurs indépendants. Tramezzinimag et Deltae Edizioni se félicitent de cette ouverture et adressent les meilleurs vœux de réussite à la nouvelle structure. 

La librairie combinera deux dimensions souvent perçues comme distinctes : celle de la librairie muséale avec des livres, des objets et des catalogues et celle de la librairie indépendante, qui se distingue par son autonomie une proposition originale (orientée ?) et sa vocation à la recherche. Tlon explique 
ainsi l'idée générale qui présida à la création de sa librairie  : 

«...Avec la Libreria Giovanni, nous voulons nous adresser aux citoyens de Venise, aux lecteurs affectueux et passionnés de la Fondation, à ceux qui cherchent un livre ou un objet, à lire, à posséder, à offrir, à partager.

Pour les Vénitiens et les Vénitiennes, et pour ceux qui sont de passage, nous voulons que la Libreria Giovanni soit un centre de gravité permanent, au milieu des vagues bondées de la ville que Joseph Brodski appelait l'aquarium du monde, la plus métaphysique de toutes les villes.

Il s'agit du quatrième point de vente géré par les Edizioni Tlon, après la Libreria Teatro de Rome, la librairie de la Galleria Nazionale d'Arte Moderna e Contemporanea et la sélection de livres de l'Académie française de Rome, Villa Médicis. Avec l'ouverture de la Libreria Giovanni, Tlon entame un dialogue avec la majestueuse et vivante région vénitienne.

Une librairie indépendante qui se veut un cadre culturel social, capable de contribuer activement à la transformation du tissu urbain et à la vie culturelle des communautés.»

La Fondation Querini Stampalia, en lançant la librairie Giovanni, continue son chemin de renouvellement culturel. Le chois d'en confier la gestion aux éditions Tlon plutôt qu'à d'autres éditeurs indépendants ou à un regroupement d'éditeurs n'est pas anodin. La prise en charge par Tlon d'un lieu conçu dès l'origine pour intégrer et amplifier l'expérience du musée, est une gageure. Ce n'est pas une simple librairie, mais une librairie indépendante, conçue pour accueillir différents publics et déployer un dialogue avec les vénitiens, avec la ville. «Un point de rencontre. Un endroit en évolution continue, où revenir et revenir, pour découvrir de nouvelles idées et suggestions à emporter avec vous.» dit le communiqué de la Fondation.

La librairie nouvelle de la QS est signée
 Martí Guixé. Elle est dédiée au fondateur Giovanni Querini, fondateur de l'institution qui doit sûrement froncer les sourcils et s'interroger. « Eller eprésente un point de rencontre entre deux âmes complémentaires: celle de la librairie du musée, qui étend l'expérience du musée à travers des livres, des catalogues, des objets, des gadgets et celui de la bibliothèque indépendante, avec une proposition éditoriale autonome, raffinée et accessible. Un espace dans lequel le livre devient un instrument d'analyse et de stimulus en profondeur pour la compréhension du présent». On retrouve dans ces propos (officiels), les mêmes arguments qu'à Harvard où les classiques et les livres politiquement opposés aux idées des nouveaux maîtres à penser ne sont plus vendus et impossibles à commander, à défaut d'être interdits pour l'instant et les lecteurs mis au pilori au nom de cette nouvelle idéologie mortifère.
 
Message reçu donc. On ne peut que se réjouir de voir une autre librairie s'ouvrir à Venise. Mais restons vigilants, l'épidémie serait-elle en train de gagner Venise aussi ? Gageons que celle-ci sera simplement à l'image des éditions Tlon, un rien iconoclaste, libre, ouverte sur le monde et les temps modernes. Mais espérons qu'elle ne devienne pas une sorte d'annexe de ces officines militantes ultras qui ne voient la littérature que comme un outil révolutionnaire, éliminant de leurs rayonnages tout ce qui n'est pas politiquement correct selon leur définition personnelle. Tant qu'on y trouve de belles et grandes choses, qu'on peut y découvrir de nouveaux auteurs, des idées nouvelles, n'est ce pas ce qu'on cherche en furetant chez un libraire ? 
 
Ce qu'on cherche en tout cas n'est pas cette nouvelle pensée unique, démultipliée à l'infini et à toutes les sauces. Ce n'est pas ce qui attire la grande majorité des lecteurs, même les plus curieux. Non, il serait étonnant que cet esprit délétère exporté des États-Unis - en fait de certains foyers intellectuels américains heureusement minoritaires - devienne la marque de La librairie de la Querini Stampalia et soit le choix de la direction pour faire rentrer la Fondation, son musée et sa bibliothèque dans la modernité... Nous en reparlerons dans quelques mois, le temps de voir ce qu'il en est de l'accueil du public et des vénitiens. en attendant, bonne visite et si vous êtes à Venise pour le solstice, ne manquez pas les réjouissances prévues !
 
 Crédits Photographiques ©Adriano Mura - Querini Stampalia

 

15 avril 2010

COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 7) : Solution locale pour un désordre global

Tramezzinimag est un lieu virtuel consacré corps et âme à Venise. Mais ce qui concerne la Sérénissime bien souvent implique le reste du monde : la multiplication du nombre de ressortissants africains en situation irrégulière qui proposent à la sauvette de faux sacs de marque, jeunes SDF à l'air égaré par l'abus de drogue accompagnés de nombreux chiens faméliques vautrés sur les ponts, tags et graffitis qui enlaidissent les murs, disparition des petits commerces de proximité et standardisation des produits manufacturés, mais aussi inondations de plus en plus nombreuses, disparition de la faune et de la flore, phénomènes climatiques inquiétants, pollution... Le tableau pourrait paraître terriblement sombre. Il en est de Venise comme du reste du monde, l'homme qui a reçu en naissant une incroyable et merveilleuse richesse s'emploie depuis 500.000 ans à la détruire. Venise a longtemps été un laboratoire d'idées et de pratiques qui ont permis d'élaborer un mode de vie respectueux de la nature. Installés dans un environnement peu propice, les premiers vénitiens ont su faire avec les infrastructures naturelles et ils ont eu le génie d'établir sur cet écosystème une civilisation. Hélas, les hommes sont oublieux et le poids des traditions, les usages, les antiques savoirs ont été dès la fin du XVIIIe siècle malmenés au nom des idées nouvelles. A Venise aussi, il fallait être "moderne" si on ne voulait pas faire ringard. C'est ainsi que la cité des doges, bien davantage que les autres métropoles d'aujourd'hui, en abandonnant les anciens usages, a mis en péril sa vie même. Partout dans le monde, comme à Venise, d'impérieuses nécessités voient le jour qui nous obligent à appréhender d'une manière globale l'état de la planète. Parce que nous sommes enfin conscients que l'avenir de l'humanité est en jeu et que cet avenir nous concernant tous, nous oblige tous à réfléchir et à agir.

On en parle peu, car cela n'est pas médiatique, mais il existe à Venise, et dans différents points de la lagune, des organisations qui travaillent à sauver ce qui peut encore l'être, des associations qui militent pour que revivent les fonds lagunaires, que les espèces de poissons et de mollusques empoisonnées par les phosphates et les nitrates de l'industrie lourde de Marghera, recolonisent l'eau. Ils reconstituent les rizières et les marais salant, replantent et ré-alimentent les terres empoisonnées par 50 ans de fertilisants chimiques, soignent les oiseaux migrateurs décimés par la pollution. Aux projets pharaoniques qui ne font qu'enrichir les gigantesques groupes industriels mondiaux et dont on ne sait toujours pas s'ils apporteront les solutions promises, se créent un peu partout, sans moyen, sans publicité, des mouvements actifs et solidaires, véritables alternatives aux politiques officielles. Depuis trente ans, la lagune est un laboratoire expérimental de sauvegarde de l'environnement. Sans battage, sans militantisme. Pêcheurs et paysans se battent pour sauver ce qui peut l'être. Et il y a danger, nous le savons tous.
 
Quand je vivais à Venise, il y avait au bas de chez moi - je l'ai raconté maintes fois - une petite échoppe. Elle était tenue par un fermier ou son fils, je ne sais plus exactement. Chaque matin, il débarquait ses légumes et ses fruits, il amenait parfois aussi des oeufs, des volailles. On ne trouvait chez lui que des tomates ou des aubergines fraîchement récoltés. Ses salades, ses épinards, pêches comme ses poires étaient vraiment toujours délicieux. Quand la récolte n'était pas bonne, il n'y avait sur ses étals que des pommes de terre, des noix, des amandes des coings et des pommes. Ceux qui ont la chance de fréquenter un AMAP (*) sauront de quoi je parle. Ses terres se trouvaient sur une île du fond de la lagune. Ses bêtes procuraient le fumier qui nourrissait la terre, ses arbres donnaient de magnifiques fruits sans l'aide de Monsanto. Puis les règles ont changé. L'Europe a imposé un cahier des charges insensé. De plusieurs centaines de maraîchers sur la lagune, il n'en reste qu'une petite dizaine. La disparition de la culture vivrière, à Venise comme ailleurs en Occident, est quelque chose de préoccupant quand on sait que l'autonomie alimentaire en Europe est de seulement 20 jours... Quand on se rend compte que partout, l'industrie tue l'agriculture mais tue aussi les usages et les savoir-faires ancestraux.
 
Il y a en ce moment dans les bonnes salles de cinéma un documentaire extrêmement bien fait qui exprime bien que moi toutes ces vérités. Hasard heureux, l'auteur de ce film, Coline Serreau, un lien très fort avec Venise et Tramezzinimag en parlera un jour si j'obtiens son accord. Si vous n'avez pas encore vu ce film, précipitez-vous, c'est revigorant ! En voici la bande-annonce:
 
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(*) : AMAP :
Associations pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne