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06 septembre 2009

A Venise, la vie, les gens au quotidien

Galerie de petits riens. La fin de l'été. Instantanés de vie, sérénité du moment, bribes des jours ordinaires... L'esprit TramezziniMag résumé en quelques images. . Un caldo ringraziamento agli amici dei 40xVenezia e di Vanessia.com, in particolare mille grazie ad Enzo Pedrocco per le sue fotografie, piene di sollecitudine e di tenerezza per la gente nostra.

6 commentaires:

Anne a dit…

Félicitations pour cette série d'instantanés authentiques.
Anne

Anonyme a dit…

La vie, tout simplement !
Gabriella

Beppe a dit…

Ciao Lorenzo !

Aldo a dit…

Cette série de photos est tout simplement magnifique. Bravo Enzo Pedrocco !

Lorenzo a dit…

L'oeil d'Enzo Pedrocco, s'il est très critique et sait mettre en avant les défauts et les erreurs de la Venise d'aujourd'hui, est aussi plein de tendresse et d'affection pour sa ville et ses habitants. 

Ciao Beppe ! A presto carissimo, spero.

venise86 a dit…

L'esprit et le ton des articles de ces derniers jours chez vous me met un peu de brume aux yeux... Les explications seraient trop longues et personnelles, mais il est toujours cruel de vérifier que trop souvent choisir est renoncer.
Merci pour votre sensibilité Lorenzo, et surtout pour votre capacité à l'exprimer.

19 août 2009

Mario Berta Battiloro, de l'or dans le risotto

Le nom de Mario Berta Battiloro ne dit pas grand chose à la plupart d'entre nous. Pourtant cette entreprise qui existe depuis 1926, est connue dans le monde entier et la matière qu'elle travaille reste l'une des choses les plus recherchées sur toute la planète.
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Ses artisans sont appelés à Venise les Batifogia, ce sont les derniers batteurs d'or. Ils fournissent les plus grands orfèvres et nombre des dorures restaurées de la Sérénissime et d'ailleurs dans le monde (Notre Dame de Lourdes par exemple), l'ont été avec les fines feuilles d'or sorties de leurs ateliers. Leur corporation comptait à la chute de la République plus d'une cinquantaine de maîtres-batteurs, et près de deux cents apprentis et ouvriers qualifiés. Comme tous les métiers traditionnels de la Sérénissime, les batteurs d'or se raréfièrent avec le temps. Il n'en reste qu'un aujourd'hui, célèbre dans le monde entier :  La Ditta (l'entreprise) Mario Berta Battiloro, installée depuis 1926 dans le palais qui fut la demeure du Titien, à Cannaregio.

Il existe sur le grand canal un curieux petit bâtiment qui semble servir de dépendance à l'église San Stae (diminutif de Saint Eustache). La façade rococo, ronde et sucrée à souhait, faisait dire à mon fils quand il était petit, que c'était une maison en sucre d'orge. C'était autrefois le siège de la confrérie des batteurs d'or, la «scuola minore dei batifogi» ou «battiloro».
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Installée depuis le Moyen-âge à San Lio, la scuola s'installa dans ce bâtiment au début du XVIIIe siècle. Scuola minore, elle n'a jamais eu le retentissement culturel des grands établissements couvertes des chefs-d'oeuvre des plus grands maîtres de la peinture vénitienne. Ce fut cependant une confrérie puissante et dynamique, qui dépendait directement des plus hautes autorités de l'Etat. pensez-donc, on y travaillait l'or, matière fondamentale pour la bonne marche de la république et de la majorité du monde d'alors.
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Cette scuola regroupait tous les batteurs et les tireurs d'or. On y enseignait aux jeunes apprentis le battage de l'or et de l'argent réduits en fils et en feuilles très fines. Les saints patrons de la scuola étaient Saint Quiricio, Sainte Judith, et Saint Josephat. Dans le recensement de 1773, il ne restait plus que 32 batteurs avec 9 ateliers. La scuola était contrôlée par le tribunal des Giustizie Vecchie et par les provveditori della Giustizia vecchia, tandis que les Provveditori di Comun réglementaient le travail et les finances de la corporation. La Milice de la Mer régissait les différentes taxes fiscales. Avec l'arrivée de Napoléon puis la domination autrichienne, cette activité s'éteignit peu à peu et au milieu du XIXe siècle, dans les rues où se retrouvaient regroupés les ateliers des batifogi, le bruit des marteaux martelant le métal, avait définitivement disparu. Jusqu'en 1926, temps de la Renaissance d'une des plus anciennes activités de l'artisanat vénitien.
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Cet art est plusieurs fois millénaire, puisque les procédés sont quasiment les mêmes que dans l'Antiquité et que l'usage du battage de l'or est arrivé à Venise avec des artisans byzantins au tout début du moyen-âge, l'empire romain d'Orient était encore debout. Pas de machine, pas de procédés mécaniques ou chimiques qu'on devrait aux progrès des techniques modernes. L'or est battu à main d'homme pendant des heures jusqu'à obtenir ces feuilles tellement fines qu'un geste trop vif en fait des lambeaux qui s'envoleraient presque. Les produits de Mario Berta Battiloro sont connus dans le monde entier pour leurs caractéristiques uniques et la fascination que tout visiteur ressent devant la méthode millénaire du batifogi
 
Mais, même en participant à des restaurations d'envergure (Lourdes, Venise, etc...), même en fournissant les doreurs du monde entier et notamment des pays du Moyen-Orient, les temps sont difficiles et l'entreprise souffre comme beaucoup de sociétés d'artisanat d'art. On trouve des feuilles d'or - voire de cuivre doré - qui coûtent moins cher, car battues rapidement par des machines avec de l'or de moins bonne qualité... Alors les responsables cherchent de nouveaux débouchés, ce que Sabrina Berta, actuelle directrice et fille du fondateur, appelle "la recherche de nouvelles frontières". C'est ainsi qu'il est proposé aux pâtissiers et aux cuisiniers d'utiliser des feuilles d'or pour leurs produits alimentaires. on trouve ainsi de l'or dans le risotto, dans les chocolats, dans de nombreux plats auxquels le métal jaune apporte raffinement et surprise.
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Mais la concurrence est rude et le travail long et pénible. Les feuilles d'or, entièrement fabriquées à la main sont choisies par des maîtres-verriers pour leurs créations ou pour la restauration de vitraux, par des créateurs de luminaire, des calligraphes, des orfèvres, des couturiers. A Venise, c'est cette maison qui a fourni l'or nécessaire à la restauration de l'ange du Campanile de San Marco et la dorure des lampes de la basilique San Marco. L'or alimentaire est une de leurs trouvailles.

5 commentaires:

Les Idées Heureuses a dit…

J'ai oublié d'ajouter que votre reportage est passionnant. Il est à regretter que tous ces savoir-faire, ces apprentissages transmis tout au long des temps , ces métiers d'art sont amenés à disparaitre, tout cela pour des raisons uniquement d'argent, de rendement, de revenus.
Le système se mord la queue, et il sera sans doute trop tard pour renverser la vapeur si on ne se bouge pas. Souhaitons que nos artistes en tout genre, si précieux, puissent relever la tête pour le plus grand bonheur de nous tous.

Les Idées Heureuses a dit…

Le premier message a disparu, ce qui rend le second un peu "strange". Qu'en était-il?
Les petits carnets ont une dizaine de feuilles d'or, le format étant de 10x10. Le geste est délicat, il faut souvent utiliser le souffle pour les décoller du support, beaucoup d'adresse, de précision.
La Porte- Fausse dans le Vieux Nice a été restaurée sur un projet artistique de Sarkis: marbres de Carrare, avec des veines superbes, et le plafond recouvert de 14000 feuilles d'or.Maitre d'œuvre le petit frère!
Je mets quelques images dans les Idées, si cela vous intéresse.

Lorenzo a dit…

Beau métier en vérité.
"Battre" de l'or, pour le soumettre aux volontés de l'art, mais aussi pour le punir de rendre les hommes aussi avides. Voilà un jeu de mot facile, pardonnez-moi.

Anne a dit…

Merci pour cette passionnante publication. Nous souhaitons tous que ces traditions artisanales ne se perdent pas. C'est bien plus qu'un simple travail, c'est une philosophie.
Anne

VenetiaMicio a dit…

Je suis passée de nombreuses fois devant la maison "sucre d'orge", je pensais que c'était un petit musée ou une galerie d'anquités, surtout qu'il y a de temps en temps de belles expositions dans l'Eglise S.Stae. Je me souviens avoir vu des sculptures de Camille Claudel et de Renoir...mais je m'éloigne du sujet. Je souhaite que tous ces beaux et nobles métiers d'artistes puissent se transmettre encore longtemps

16 août 2009

Encore la malle aux souvenirs...

En parcourant l'excellentissime e-Venise.com de Luca et Daniela, j'ai trouvé cette vue du rio delle Toreselle, à Dorsoduro, qui fut pendant plusieurs années l'épicentre de ma vie vénitienne. A gauche sur la Fondamenta Venier dei Leoni, la boutique devant laquelle passe un couple de touristes était alors la galerie de Bobbo Ferruzzi où je travaillais. C'est maintenant la Fondation Guggenheim qui y a installé sa boutique et les oeuvres du peintre sont présentées en face, juste à côté du magasin d'antiquités de Roberto Ferruzzi (junior), son fils. En face de ce qui fut la galerie existait un petit bar tranquille, où je m'installais dès la bonne saison.

Les tables de la terrasse n'étaient autres que celles du Florian qui furent changées dans les années 60. Attablé devant un caffé macchiato, je pouvais bouquiner tout en surveillant la galerie. Dès qu'un visiteur semblait intéressé et cherchait où pouvait bien être la personne qui s'occupait de la galerie, je l'appelais et selon le degré d'intérêt, je traversais (le pont est tout près sur la gauche, de là où a été prise la photo). 

Un jour, un client avait l'air un peu agacé de ne voir personne dans la galerie. Un client du bar était arrivé avec un sandolo qu'il avait amarré contre une des barques que les riverains laissent le long de la fondamenta, voyant la situation, me proposa gentiment de me servir de la petite embarcation comme d'un traghetto, et en quelques secondes j'étais de l'autre côté. Le client était un jeune homme d'une vingtaine d'années. Britannique, il servait alors dans un régiment de la reine à Berlin. Tombé fou amoureux des peintures de Ferruzzi, il m'acheta plusieurs petites toiles. Peintes sur bois, faciles à transporter, elles étaient alors à des prix encore abordables. Nous avons conclu l'affaire au petit bar après avoir traversé le rio dans l'autre sens, buvant un'ombra avec le propriétaire du bateau, Alessandro - qui allait devenir un ami et travaillerait à ma place à la galerie quelques années plus tard - et le patron du bar, aujourd'hui disparu.

Sous le grand immeuble à gauche s'ouvre un sottoportego. C'est dans cette ruelle, à droite que s'installa l'écrivain Dachine Rainer dont mes lecteurs ont déjà entendu parler. C'est dans ce bel appartement - où je rêvais de m'installer comme je rêvais de me faire embaucher par la dame comme factotum-majordome-secrétaire-et-tutti-quanti - qu'elle écrivit son Giornale di Venezia. Elle se rendait tous les jours de l'autre côté (à droite sur la photo) sur le campiello du rio tera san Vio, près de là où je vivais (j'habitais alors calle Navarro), pour voir les chats orphelins qu'une mammagatta nourrissait et abritait dans l'androne d'un vieux palais décati, au grand dam des voisins que l'odeur parfois un peu forte dérangeait. Quand elle quitta Venise, elle me chargea de remettre à la dame aux chats une assez forte somme d'argent, pour l'aider à nourrir les pauvres bêtes fort nombreuses en ce temps-là.
 
Mille autre souvenirs sont liés à cette fondamenta dans ma mémoire. La galerie de Baci Baïk, tenue aujourd'hui par son fils, où régnait alors Denise, l'épouse anglaise du peintre avec qui j'aimais prendre le thé. Et puis, Peggy Guggenheim quelques mois avant sa mort. Encore aujourd'hui, quand je franchis la grille du jardin, je revois l'agencement de la table garnie de bonnes choses, les salons débordant d’œuvres contemporaines, de livres d'art, de fleurs, les autres invités assis sur des chaises longues, les chiens de la maîtresse de maison et cette femme toute petite, somptueuse et très affable.
 

Je me souviens aussi de l'étrange aventure dont je fus le témoin un matin. Je venais à peine d'ouvrir la galerie et les lumières n'étaient pas encore allumées quand un tapage inhabituel me fit ressortir dans la rue. Un attroupement s'était formé d'où fusaient des rires et des cris de surprise. Un énorme cygne au plumage écarlate volait et nageait en même temps, poursuivant avec fureur un chien qui avait sauté dans l'eau du rio, certainement pour essayer de l'attraper ou pour jouer avec lui. Battements d'ailes, aboiements, l'eau qui giclait tellement le volatile s'énervait, frappait l'eau de ses ailes et remuait ses pattes pour tenter de régler son compte au pauvre chien. Un molosse pourtant mais qui dans l'eau n'en menait pas large. Et le maître qui s'énervait, hurlant à son chien de sortir de l'eau, les passants qui s'en mêlaient, les enfants qui riaient... Le cygne finit par s'envoler et disparut au-dessus du jardin Guggenheim. Le chien en sortant de l'eau s'ébroua en éclaboussant les passants. D'autres chiens aboyèrent, sans doute pour féliciter leur héros. C'était un jeune et beau chien de chasse que son maître promenait chaque matin sur la fondamenta. Après cette mésaventure maître et chien ne passèrent plus par là. Je les ai croisé souvent sur les Zattere. Quant au cygne, personne ne le revit jamais et sa présence ce matin-là à cet endroit reste un mystère.
 
La galerie Ferruzzi dans les années 80
 
 

6 commentaires:

Wictoria a dit…

magnifique évocation de ce souvenir de malle, plus encore que le récit, je reste admirative de ta prose, ignorante que je suis (pauvre de moi !) je pensais que tu étais italien, mais est-ce possible de raconter ainsi un si charmante souvenir dans notre langue si complexe ?

Cordialmente :)

maite a dit…

Je ressens toujours beaucoup de nostalgie (de votre part, mais c'est communicatif!) à la lecture de tous vos souvenirs vénitiens. Ce doit être pourtant bien agréable et enrichissant d'avoir pu ainsi passer votre jeunesse à Venise en côtoyant des gens si divers et intéressants. Bonne continuation

totirakapon a dit…

Nous sommes de grands admirateurs de "Bobo", dont nous nous avons acheté un tableau et qui nous a invités, un jour, chez lui à la Giudecca, à boire un "ombra"...

Lorenzo a dit…

Dans sa magnifique maison-atelier remplie de trésors (J'ai présenté cette charmante maison dans mon billet daté du 27/11/2006)ùais elle se trouve à deux pas de la galerie, entre la calle Navarro et les Zattere. Tramezzinimag a rendu plusieurs fois hommage à Bobbo. C'est à mon avis le dernier vedutiste vénitiens avec un sens inoui du chromatisme tout imprégné de l'atmosphère de Venise. Les créations de Norelène (sa femme Nora et sa fille Hélène) sont aussi des merveilles.
Nostalgiques mes billets-souvenirs ? Peut-être mais autant qu'un souvenir de jeunesse peut l'être pour l'homme mûr qui se souvient. Sans regret si ce n'est celui d'être parti et de ne jamais faire qu'y passer désormais.
Wictoria, sono italiano... e francese. Vivo in Francia purtroppo. Les hasards de la vie des choix imposés mais avant d'être italien ou français, je me sens totalement absolument définitivement vénitien d'où sont tous les miens !

Anne a dit…

Vous décrivez si bien Venise et vos souvenirs! A quand la publication d'un livre qui rassemblerait ces textes que nous avons tant de plaisir à lire?
Anne

Lorenzo a dit…

Ah, la jungle de l'édition ! il y a beaucoup à en dire. Mais vous avez raison, dire que je n'y songe pas serait mentir mais il ne suffit hélas pas de l'encouragement de lecteurs assidus. Tant de contingences président aujourd'hui à la publication d'un livre et peu sont littéraires...