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09 février 2015

Récemment retrouvé dans le Ghetto de Venise, un trésor bientôt exposé à Paris


..En septembre 1943, deux responsables des services religieux de deux synagogues du ghetto de Venise, l'espagnole et la levantine, avisé de l'arrivée imminente des nazis dans la ville, décidèrent de cacher de précieux objets de culte, trésors d'orfèvrerie que les allemands auraient certainement volé. Mis à part quelques exactions superficielles, les synagogues vénitiennes furent épargnées par la barbarie des nazis. Leur façade sobre les faisant rassembler à des immeubles d'habitation ou à des palais, elles échappèrent à la destruction.  On oublia pendant de nombreuses années les objets cachés. D'autant que les deux hommes ne revinrent jamais des camps d'extermination où ils furent déportés, comme la plus grande partie de la communauté juive de Venise. C'est très récemment, à la faveur de la restauration de la synagogue espagnole, que les objets soustraits au pillage, ont été redécouverts.

..Ce trésor d'orfèvrerie liturgique, pour l'essentiel en argent, compte des objets rituels traditionnels : des couronnes de torah, des ornements de bâtons de torah, des mains de lectures, des boîtes à aromates, des lampes de Hanoukkah (la fête des Lumières), des lampes de synagogue, des coffrets de torah, des plats, un bassin et une aiguière. Tous sont d'un grand raffinement et le travail de chaque pièce est de toute beauté. Ils portent la signature des meilleurs orfèvres vénitiens du XVIIe au XIXe siècle, parmi lesquels Antonio Montin et Giovanni Fantini. Magnifiquement ornés et extraordinairement ciselés, ces pièces attestent du raffinement et de la diversité culturelle du judaïsme vénitien. Fortement corrodés, ils ont fait l'objet d'une longue restauration qui leur a rendu leur splendeur d'origine. Les contempler plonge le visiteur dans le passé flamboyant de la Sérénissime.

..Institué il y a près de 500 ans, plus exactement le 29 mars 1516, le ghetto de Venise fut le premier d'Europe. Tout le monde sait que ce nom,qui prendra au fil des siècles une connotation terriblement négative et douloureuse, provient du terme vénitien, geto qui signifie fonderie. Conçu à l'emplacement d'une fonderie, comme un espace de ségrégation voulu par le gouvernement de la République et son Inquisition, mais aussi par les juifs eux-mêmes pour préserver leurs traditions et éviter les mariages mixtes, il était fermé la nuit, et des équipes de vigiles juifs en surveillaient les alentours. Il devint en quelques années le berceau d'une importante et riche communauté de juifs originaires d'Italie,qui attira de nombreux juifs des pays germaniques, du Levant et d'Espagne. Son cosmopolitisme et la prospérité de ses habitants en ont fait un creuset culturel original dont la renommée dépassa les frontières de la république de Venise. C'est résumer d'une manière par trop simpliste ce que furent les liens d'amour et de haine qui liait la république à la communauté juive.



Les objets du trésor du ghetto de Venise seront présentés à Paris dans les salles italiennes du MAHJ,où ils font écho à un ensemble d’œuvres de très grande qualité témoignant de la continuité du judaïsme italien du Moyen Âge à nos jours. Cette exposition itinérante est organisée en partenariat avec Venetian Heritage, fondation pour la sauvegarde du patrimoine de Venise, et la Maison Vhernie, les mécènes, avec la communauté juive de Venise. Elle sera ouverte au public du 13 mai au 13 septembre 2015.

Hôtel de Saint-Aignan,
à 300m du Centre Pompidou
71, rue du Temple, 75003 Paris
Tél. : 01 53 01 86 60
Métro : Rambuteau ou Hôtel de Ville

01 mai 2014

Lido de Venise : l'Excelsior endommagé par un incendie



C'est hier que s'est déclaré un incendie dans la partie en cours de restauration du Grand Hôtel Excelsior au Lido, ce fameux palace au style néo-oriental où se déroulent les meilleurs moments de la Mostra du Cinéma depuis la création de ce festival, le plus ancien au monde. Pour davantage d'informations - et d'images - Tramezzinimag vous recommande l'excellent blog du franco-vénitien, Claudio Baoretto que tous nos lecteurs connaissent (Cliquer ICI) et qui habite au Lido. 

Après plusieurs heures de travail, le feu a pu être éteint sans qu'il y ait eu trop de dégâts dans le reste de l'hôtel. C'est l'embrasement d'une gaine en matière synthétique et de plaques d'aggloméré située sous la coupole de cuivre qui semblerait à l'origine du sinistre. Purement accidentel d'après les premières expertises, l'incendie a rappelé de bien mauvais souvenirs aux vénitiens, d'autant qu'une fois encore, le feu est parti d'un chantier de rénovation à un moment où la polémique fait rage entre certains élus, dont Sebastiano Bonzio et EstCapital Sgr, l'entreprise qui est actuellement propriétaire du palace, autrefois un des joyaux de la Ciga Hôtel, au même titre que le regretté Hôtel des Bains, devenu une résidence de luxe, le Danieli, le Gritti, le Monaco et d'autres magnifiques hôtels de luxe un peu partout en Italie et dans le monde (le Meurice faisait partie de la "chaîne" dont le propriétaire était l'Aga Khan).

L'élu municipal sous-entendant que si les flammes n'avaient pu être contenues - il a tout de même fallu plus de cinq heures de travail pour circonscrire l'incendie ! - les propriétaires actuels auraient eu les coudées franches pour revendre le bâtiment à des promoteurs... Tout le monde se souvient du drame du 29 janvier 1996, quand la Fenice avait été détruite par un incendie qui menaçait toute la ville, puis plus récemment celui du Molino Stucky, à la Giudecca. Comme l'Excelsior, ces deux bâtiments étaient en cours de rénovation. La fumée que l'on a pu voir jusqu'à Mestre et plus loin encore en a fait frissonner plus d'un ! Mais cette fois-ci, fort heureusement, plus de peur que de mal. 

Crédits photographiques © 2014 - Claudio Baoretto. 


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31 août 2013

Alto Futuro : le monde bouge, Venise est sur le pont


..Il faudrait être vraiment obtus ou de très mauvaise foi pour ne pas se rendre à l'évidence : notre monde moderne n'a jamais eu autant de moyens pour parvenir au bonheur mais ce sont pour la plupart ces moyens qui risquent de détruire la planète et tous ses habitants. Les gens sont dubitatifs. Beaucoup envisagent encore l'écologie un phénomène de mode pour bobos repus et imaginent les défenseurs de cette alternative comme de doux illuminés hirsutes fumeurs de joints et déconnectés des réalités de la vie. Déconnectés d'un credo qui nous ont été trop longtemps imposés, c'est une certitude, mais pas inconscients ni idéalistes.

..La révolution des mœurs et des mentalités est en marche : peu à peu des millions de gens se convertissent à une pensée différente - alternative - qui repositionne l'homme au centre de tout et non plus le profit. L'écologie politique n'est pas une composante de la pensée socialiste pas plus qu'elle n'est issue d'un mode de réflexion réactionnaire ou conservatrice. Elle est innovante et humaniste, pacifiste et réaliste. Cela, les italiens, et parmi eux bon nombre de vénitiens, l'ont compris depuis belle lurette. depuis cette époque où justement les militants écologistes portaient des pulls tricotés avec la laine des moutons du Larzac, des sacs en macramé et de longs cheveux mal lavés, laissant derrière eux des relents d'herbe et de chou.

..Aujourd'hui il faut être aveugle pour ne pas voir la désagrégation de notre environnement, l'empoisonnement de la nature, la croissance du stress et des maladies nerveuses, les évènements aberrants d'une société qui ne sait plus ce qu'elle fait ni où elle va, totalement coupée de ses racines et des valeurs fondamentales qui depuis le début de l'humanité ont guidé les hommes. Alors, se sont levés des esprits ouverts, conscients de l'urgence d'un changement, qui expliquent et définissent les moyens de sortir de ce cercle infernal pour mieux vivre et sauver notre planète. Venise me parait depuis toujours un lieu symbolique où convergent de plus en plus souvent les mouvements alternatifs pour se faire connaître et travailler à la mise en œuvre des solutions pour le monde de demain. 

..Venise de par son positionnement géographique, la lutte de ses habitants contre les méfaits de la nature mais aussi contre les prédateurs humains qui en s'attaquant à cette nature qui la protège mettent en danger la survivance même de la Sérénissime. Venise depuis toujours a su mettre en place des moyens et des techniques sociales et commerciales adaptées à la nature qui l'environne et les maux actuels sont pour la plupart liés à l'abandon de ces techniques ancestrales, à la perte des connaissances des vénitiens d'autrefois qui avaient su acquérir une parfaite maîtrise de l'environnement lagunaire et adaptèrent leurs objectifs à cet environnement. 

..Ce n'est pas un hasard si bon nombre de colloques et de symposiums ont lieu ici. Dans quelques jours s'ouvrira pour sa seconde édition, sur les Zattere (du 13 au 15 septembre) puis ensuite à Mestre (du 19 au 22 septembre), Altro Futuro 2013, foire de la décroissance et de la ville soutenable. Tramezzinimag vous en reparlera. 


23 août 2013

Connaissez-vous le petit théâtre de la Villa Groggia ?

 «Nullis Haec Domus Improbis Amica Sit» 
(Que Cette maison Ne Soit Amicale Avec Aucun Méchant» 
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Relancé en 2011, le projet socio-culturel "Cantiere Groggia" offre chaque année des spectacles vivants pour les adultes comme pour les enfants. Ainsi, théâtre, musique, danse prennent vie dans ces lieux peu connus des touristes mais très fréquentés par les vénitiens. Avec une capacité de 99 places assises, le petit théâtre Groggia est devenu au fil des années un lieu où s'exprime une véritable créativité. Les potentialités expressives de cet outil ont permis la découverte d'artistes de tout styles et d’œuvres passionnantes. Des modes de communication ou d'intermédiation y ont vu le jour faisant des lieux un véritable laboratoire d'expérimentation culturelle où sont sans cesse mêlés l'ultra-contemporain et le classique, l'universel et le local.Installé dans le petit parc méconnu qui porte le même nom, tout au fond du sestiere, là où le visiteur étranger s'aventure peu, le teatrino, récemment rénové, est avant tout conçu comme lieu de vie citoyen. Salle de spectacle et centre socio-culturel, c'est aussi le siège du Conseil de Quartier de Cannaregio.


Si l'urbanisation de la zone de Sant'Alvise ne débute que dans les premières années du 'XVe siècle, on peut dater la construction des bâtiments et des jardins entre 1500 et 1550. Ils figurent sur le fameux plan de Paolo Forlani, daté de 1566 (Pianta Prospettica della Città e della Laguna), bien que sous une forme architectonique complètement diverse.  
 
Sur cet emplacement se dressait le premier Palazzo Donà, aujourd'hui disparu,dont il ne reste que quelques murs Puis le parc devint un terrain d'entraînement qui a servi aux artilleurs pour leurs exercices jusqu'au milieu du XIXe. On transforma ensuite les bâtiments restés debouts en pôt de bois et l'espace vert abandonné fut qualifié par l'administration comme potager et verger. Vers les années 1880, on construisit des magazzini (hangars), qui abritèrent diverses denrées.
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Puis le terrain et l'ensemble des constructions furent rachetés par le chevalier Giuseppe Groggia, ancien élève de l'Académie des beaux-Arts, sculpteur connu au XIXe dans toute la Vénétie qui fit construire une résidence face à la lagune. Les terrains situés entre la fondamenta et la villa furent aménagés en jardin romantique avec, ça et là, des vestiges reconstitués de l'antique Palazzo Donà. Une fois démoli (en 1823), le palais ne fut pas dégagé et on abandonna les ruines.  
 
Giuseppe Groggia en réutilisa des morceaux pour décorer le parc, donnant ainsi à l'endroit une certaine magie romantique. Derrière la maison, sur le front de lagune on édifia des bâtiments qui abritèrent les entrepôts de la CIGA (que l'on peut encore apercevoir sur les Fondamente Nuove) - cette société hôtelière de grand luxe qui appartenait à l'Aga Khan. Le chevalier Groggia fit bâtir le teatrino sur l'emplacement des anciens magazzini.

 
La construction du petit théâtre aurait été ordonnancée par le cavaliere. D'autres sources cependant le font dater des années 1910. Quelque soit son année d'origine, les constructeurs ont repris  plusieurs éléments de la structure originelle du hangar qui se dressait sur cet emplacement, notamment des parois en briques visiblement anciennes, ainsi que des restes du Palazzo Donà. 
 
Chaque année, la commune y organise, avec l'aide de plusieurs associations locales, une saison culturelle qui attire beaucoup de monde, tous styles et toutes générations confondues.
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Pour en savoir davantage sur les évènements au Teatro Groggia di S.Alvise :

24 juin 2013

Mais pourquoi tant de laideur ?



Des goûts et des couleurs, évidemment on ne discute pas. De l'art, souvent naissent débats et l'opinion de chacun est respectable. Le discours de l'artiste, lorsqu'il est sincère trouvera toujours une oreille attentive et bienveillante. L'art conceptuel donne à réfléchir. Snobisme décadent ou erreur passagère qui vogue entre la laideur et l'insignifiance. Toujours une question de point de vue. Et de goût. Mais quand on se promène dans les rues de Venise, happé par tout ce qui s'offre à nos yeux, où même l'être le plus irréductiblement hermétique à la beauté de la ville est secoué par ce miracle de polychromie et de reflets, qu'il s'agisse de lambeaux et de ruines ou de somptueux monuments fraîchement restaurés, se retrouver face à une de ces éructations acryliques qu'on nomme tags et que les vénitiens gratifient d'un "solo merda" définitif, comme me le disait une dame très élégante effarée devant cette chiure qui défigurait un sottoportego où nous nous croisions. 

"La laideur est multiple" écrivait Jules Barbey d'Aurevilly. Multiples en effet les genres de graffitis qui polluent les murs de Venise. Rien à voir, nous l'avons déjà écrit maintes fois ici, avec ces pochoirs ou collages le plus souvent très poétiques ou plein d'humour qui apparaissent un matin au détour d'une calle, sur un mur, et disparaissent bien vite. De vrais artistes en sont les auteurs. C'est beau, drôle le plus souvent et cela n'abime rien de la beauté de la ville. Parfois même, cet art éphémère complète ou illustre la beauté des lieux. Hélas, ces petits bijoux sont submergés par ces horribles vomissures qui fleurissent partout dans Venise. Calme et posé, j'ai soudain des montées d'adrénaline et j'enrage quand j'en découvre, rêvant - je sais, ce n'est pas bien, ni chrétien, ni charitable - de leur faire avaler leur bombe de peinture après les avoir aspergé avec des pieds à la tête ! 

Là-encore, les vénitiens ne baissent pas les bras, et même s'il en revient toujours, ils font la chasse aux tags. Courageusement, entre amis, en famille, ils retroussent leurs manches et vont recouvrir ces horreurs en ripolinant les murs souillés. 

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03 février 2013

Habiter à Venise : l'odyssée des logements sociaux


La Fondamenta Coletti à San Girolamo, dans un coin retiré de Cannaregio est un endroit pittoresque fréquenté quasiment uniquement de vénitiens. Au bout du quai, une île a été aménagée il y a une quarantaine d'années, la Sacca San Girolamo, vaste ensemble résidentiel qui abrite de nombreux logements sociaux face à la lagune. La Fondamenta Carlo Coletti doit son nom à une institution religieuse qui y était installée jusque dans les années 2000. D'imposants bâtiments accueillirent de nombreux élèves. Puis peu à peu, les religieux ne pouvant faire face aux nécessaires travaux d'entretien, les immeubles se dégradèrent, jusqu'à l'abandon et la fermeture de l'institution. 

Étudiant, j'ai habité quelques mois dans ce quartier, sur cette fondamenta justement, au numéro 2993. Mes fenêtres donnaient sur l'un des terrains de sport de l'institution fréquenté par tous les enfants du voisinage qui venaient y jouer au football. Déjà à l'époque on parlait de construire à cet endroit des logements sociaux qui faisaient cruellement défaut. C'était cette triste période où l’État avait décidé de libéraliser les loyers, jetant à la rue des centaines de vénitiens, appelés les sfrattati (i sfratai en vénitien) Dans le cadre du programme électoral de son équipe, le maire Orsoni a promis la construction de plusieurs milliers de logements sociaux, histoire de revitaliser l'habitat dans le centre historique, ou pour être plus précis afin d'en juguler la désertification. Même à Disneyland, il faut bien loger le personnel... Hélas, si des chantiers ont bien été ouverts, aucun n'est encore parvenu à son terme. Une première tranche de constructions avait déjà été prévue par la municipalité Costa. Plusieurs milliards avaient même été débloqués pour ce faire. Sans suite à ce jour. Toujours le mystère des marchés publics italiens.

Le projet Coletti est intéressant. Il s'agit de réaliser des logements sociaux qui seront destinés en priorité aux jeunes ménages et à ceux qui travaillent dans le centre historique. Prendre en compte, enfin, les gens qui vivent et travaillent à Venise. Ambitieux, ce projet l'est quand il veut contribuer au "repeuplement" d'une zone laissée en friche depuis la disparition des établissements de formation qui occupèrent les lieux pendant de nombreuses années (Algarotti, Zuccante, Fermi). Ambitieux aussi l'objectif décidé par les intervenants : réaliser, d'ici 2015, soixante-dix appartements dits de "social housing" financés par un apport de 13 millions d'euros (dont 6 millions environ avancés par la municipalité et le reste par les Œuvres Pia Coletti, structure communale). Le protocole permettant de lancer l'opération a été signé Ca’Farsetti il y a quelques semaines, permettant de démarrer l'appel d'offres. 
"Ce projet, explique Bruno Filippini, l'assesseur en charge de l'habitat, veut répondre aux exigences des vénitiens, et avant tout aux demandes des jeunes couples et des travailleurs du centre historique. Outre l'opération d'habitat social, le projet prévoit la réalisation d'une zone verte sur l'emplacement d'un vaste terrain vague au milieu de l'ex-Coletti." Comme l'a expliqué Paolo Stocco, le président des Ouvres Pia Coletti, qui milite depuis des années pour la restructuration de ces locaux abandonnés , "les appartements auront une superficie allant de 45 à 100 m²".

Le lancement du chantier Colettti a également le mérite de rappeler les autres projets de logement sociaux. A cet égard, l'assesseur Filipini a fait le point sur le chantier Conterie Murano (36 logements), sur l'ancien hôpital Umberto Ier de Cannaregio (40 maisons individuelles), la poursuite du projet Piruea au Lido (38 logements) et celui de la via Mattuglie à Asseggiano (72 logements). "Dans le cadre de la décentralisation domaniale (piano sul federalismo demaniale) a ajouté Filippini, l'ancienne caserne Sanguinetti, à San Pietro di Castello et les locaux de l'ancienne École de Mécanique à Celestia seront bientôt mis à la disposition de la commune." Le site de Scalera à la Giudecca, quant à lui devrait être achevé dans les délais prévus en dépit des difficultés du constructeur traduit aujourd'hui devant les tribunaux. La municipalité insiste sur sa détermination a défendre les intérêts de ses administrés devant les retards, les exactions et les abus suscités par le projet. Pourtant sur les 6.400 logements sociaux promis par la ville depuis dix ans, pas un seul n'est disponible à ce jour. La première tranche qui prévoyait 1.400 appartements avait été votée par la municipalité Costa en 2003, pour un investissement prévisionnel de 116 millions sur six ans qui devait être complété en 2009. Si une partie du programme est en cours de construction, la plus grande partie initialement prévue est bloquée suite à la défaillance des partenaires privés. Les 5.000 autres logements ont été annoncés en 2010 dans le programme électoral du maire actuel, Giorgio Orsoni. Ils sont toujours lettre morte à ce jour...

01 février 2013

Bonne nouvelle, le réverbère revient enfin !

Il aura fallu pas mal de négociations et de pressions pour décider le milliardaire français de rendre aux vénitiens la pointe de la Pointe de la Douane et ranger son éphèbe à la grenouille dans un recoin de ses collections. Le réverbère va revenir. C'est officiel et Tramezzinimag s'en réjouit.
 

Ce n'est pas qu'elle était laide cette sculpture mais sa présence - et celle d'un vigile grognon - à un endroit stratégique de la ville où tout le monde aimait à se promener le soir, avait bousculé les usages. Pour la première fois, un lieu public, le chemin qui longe les anciens magazzini de la douane, était de fait quasiment privatisé ou du moins offert à l'usage d'un milliardaire arrogant. Les vénitiens n'aiment pas qu'on joue avec leurs traditions et ils n'ont jamais vu d'un très bon œil qu'on piétine les usages. Or ces lieux étaient depuis toujours voués à la passeggiata, enfants, couples d'amoureux, artistes, musiciens ou simples riverains, tous aimaient à se promener le soir face au plus beau panorama de toute la lagune. Combien d'amoureux se sont embrassés là, sous la lumière du réverbère ou à l'ombre des colonnes du bâtiment ? Des pêcheurs s'y installaient dans le journée, des vieilles dames venaient y promener leurs chiens et papoter. La nuit, quand la ville endormie se faisait silencieuse, il y avait toujours un noctambule pour venir là avant de regagner son lit.

Vous le savez sans doute, le fameux réverbère avait été enlevé lors des travaux et jamais remis, à la demande du locataire des lieux et de son architecte. A la place, cette sculpture de Charles Ray, haute de 2,47 m qu'on protège des intempéries par une cage de verre blindé. Les vénitiens ravis au début de ce nouvel ornement des lieux l'acceptèrent tant qu'il s'agissait d'une situation provisoire. le temps d'une exposition comme on est habitué désormais d'en voir surgir un peu partout dans la ville au moment de la Biennale... hélas, l'enfant et son crapaud ont pris racine. Et il devenait évident que le provisoire s'installait dans la durée. Et le réverbère ? La ville a d'abord essayé de noyer le poisson en expliquant que la nouvelle esthétique des lieux ramenait les aménagements à l'aspect d'origine... La pilule était trop difficile à avaler. Les vénitiens se rebiffèrent. Pétitions, émissions de radio, manifestations. On parla même dans certaines arrières-boutiques de faire subir à l’œuvre le même sort que celui que Buonaparte réserva au Bucentaure... Finalement, le bon sens a prévalu. La sculpture s'en va et le réverbère revient. Nous nous en réjouissons. 

Exit les vigiles aussi, du moins espérons-le. Quelle barbe pour deux amoureux qui veulent être un peu tranquilles, la nuit quand la ville se fait silencieuse et que les touristes dorment enfin, si un sbire méfiant et voyeur  tournait autour d'eux, sous la lumière du lampadaire...

17 décembre 2012

Venise et le pacte de stabilité : rien ne va plus

Décidément la crise est partout. L'argent manque là où il devrait se trouver pour aider les gens à vivre mieux ou du moins à continuer à vivre bien. Question de fond, peut-être faudrait-il vraiment écouter ce que les indignés et autres "anonimi" ont à nous dire ;  peut-être que le système est vraiment en train de crouler sous le poids de toutes les inepties qui motivent l'action de nos gouvernants ; peut-être le système libéral arrive-t-il à son terme ultime avec tous les risques de déflagration que cela pourrait susciter...  Au-delà de nos sensibilités politiques, il faudrait être bien malhonnête pour refuser de voir que notre monde est exsangue et que la souffrance des corps et des esprits redevient le lot commun de trop, de bien trop de monde. Venise comme toujours est un observatoire fort utile. 
Les 21 millions de touristes qui débarquent chaque année, se répandent dans la ville, la pousse à des transformations qui la dénaturent et font fuir ses habitants naturels. Ce furent d'abord les chats, puis les pigeons, et surtout les vénitiens eux-mêmes. On se rend compte que depuis la déportation forcée des félins, les rats et les souris pullulent de nouveau, l'éradication des pigeons de Saint-Marc a détruit un cliché et le ciel de la piazza est parfois bien vide. 

Quant aux vénitiens qui s'exilent contraints et forcés par les prix prohibitifs de l'habitat, la fermeture des commerces de proximité et des services, leur départ transforme radicalement le paysage urbain. La crise atteint aussi le domaine du luxe, carte que la région et certains élus s'entêtent à vouloir favoriser, là comme ailleurs, il ne favorise que les plus fortunés, une infime partie de la population qui peu à peu s'apprête à reprendre le rôle des courtisans infatués de leurs privilèges qui dansaient à Versailles quand le peuple de Paris grondait et que le monde changeait...  

Depuis trois ans les comptes du fameux Harry's bar sont dans le rouge, avec un bilan tellement mauvais que les banques deviennent très frileuses. Arrigo Cipriani a beaucoup de mal à faire accepter la renégociation de sa dette estimée à près de six millions d'euros. Une restructuration draconienne s'impose pour satisfaire les banques, forçant le boss octogénaire à  déléguer une partie de son omnipotence à deux directeurs qu'il n'a pas choisi, Gianluca D’Avanzo et Salvatore Cerchione, rentrés au conseil d'administration de l'entreprise pour le compte de Blue Sky Investment, la société luxembourgeoise qui contrôle le célèbre groupe Cipriani. Certes le fameux restaurant n'est pas prêt de disparaître mais la firme est au bord du précipice. Qui aurait pu penser cela au prix du Bellini même quand il est servi au bar. "Mauvais temps pour les happy few !" me disait un ami gondolier au téléphone ce matin. Eux en tout cas n'ont pas vraiment à se plaindre pour eux-mêmes... 

Cette restructuration signifie comme pour les pays de la zone euro acculés par un système glouton et impitoyable ( dont nous avions montré du doigt les dangers dès les débuts de ce blog...) une réduction draconienne des coûts. Ce qu'il faut traduire non pas par des verres en plastique et des serviettes en papier, mais par d'importantes réductions de salaire sans réduction du temps de travail. Le restaurant emploie 70 personnes. Toutes les précédentes tentatives de la direction pour réduire les charges se sont soldées à chaque fois par une grève des serveurs dont tout Venise avait entendu parler. Il faudra bien arriver à un accord pour éviter des licenciements. Le groupe Cipriani est présent à New-York, Moscou,  Hong- Kong, Monte Carlo et Abu Dhabi, mais il n'a de problème qu'avec le restaurant de la calle Vallaresso. La preuve que Venise n'a pas forcément fait les bons choix en se laissant peu à peu transformer en Luna-park... Arrigo Cipriani explique que le niveau de fréquentation de son établissement est redevenu celui d'il y a dix ans. 
"Les riches américains ne viennent plus qui garantissaient une fréquentation pendant  toute l'année. Ils sont remplacés par une catégorie plus modeste qui arrive avec les Maxi Navi où tout est compris et qui ne s'aventurent jusqu'au restaurant que pour faire une photo de la façade". Cette baisse de fréquentation n'a pas été compensée par les nouveaux riches chinois ou russes qui n'ont pas la culture du lieu. Peut-être prendront-ils un jour la suite des américains,mais c'est loin d'être le cas aujourd'hui."

Mais s'il n'y avait que les problèmes de Cipriani et de son restaurant historique. La municipalité et la région sont eux-aussi dans une situation périlleuse qui met en danger le portefeuille des vénitiens avec la menace d'une levée d'impôts digne des percepteurs du roi d'Angleterre du temps de Robin des Bois. A moins de sortir comme par magie 130 millions d'euros avant la fin de l'année, les vénitiens violeront le pacte de stabilité qui impose à la région des économies draconiennes et une participation financière colossale. Sans argent, il faudra vendre et dans l'urgence on ne gagnerait rien d'autre qu'un appauvrissement des ménages vénitiens déjà bien amochés par la crise. 

Vous ne devinerez jamais qui est à l'origine de cette grave crise ? Pierre Cardin dont le projet pharaonique du Palais Lumière qui devait voir le jour à Marghera, fait l'objet d'une opposition de plus en plus structurée de la part des riverains et des associations de protection de l'environnement, comme d'un nombre croissant de politiques et de personnalités locales. La commune réclame un versement anticipé de 40.000.000 d'euros avant de débloquer toutes les autorisations qui permettront de lancer les travaux d'édification de cette nouvelle tour de Babel qui n'a d'autre utilité - les masques tombent - que de créer ( temporairement ) des emplois et de générer de l'argent frais pour les caisses de l'administration. Son projet mis en danger, le vieux  milliardaire a faits avoir qu'il ne se sentait aucunement solidaire des difficultés de Venise et  de sa région. Chantage de financiers ou plutôt de requins de la finance, car en l'occurrence, il ne s'agit pas d'intérêts publics. plus personne ne parle des retombées sociales et économiques pour les vénitiens de la Terre ferme. Le "pognon" toujours et l'appétit insatiable de l'hydre Europe. 
La ville réclamait initialement  au couturier 80 millions pour aller plus avant dans le projet. Rodrigo Basilicati, le neveu du milliardaire a fait savoir qu'il fallait avant tout donner un feu vert sans conditions au projet de son oncle. Pour le maire Giorgio Orsini, Venise ne fait qu'appliquer la loi ce que conteste bien évidemment le couturier. Plus le temps passe, moins il est envisageable, même en cas d'un accord entre les parties, de rendre liquide la somme demandée par le biais du circuit bancaire... 

Ainsi, sans l'argent de Cardin, le pacte de stabilité est mort même en obtenant de la majorité du conseil municipal la vente en urgence d'un paquet d'actions d'une valeur de 50 millions. Là encore, quelque soit l'issue, c'est la population qui fera les frais de la situation : augmentation des tarifs, hausse des impôts, diminution des services, etc... Quand on vous dit que faire se serrer la ceinture aux populations qui n'ont comme responsabilité d'avoir eu la faiblesse de porter au pouvoir depuis une génération des voyous, des requins  et des vautours. Dans les cafés de la Sérénissime, on ne parle que de ça et de l'incroyable augmentation autoproclamée par le président Napoletano de ses émoluments. 
Image devenue habituelle des happy few en smoking et sur un Riva saluant le peuple, mêmes attitudes de Las Vegas à Moscou, de Vancouver à Abou-Dhabi, de Hong-Kong à Paris. La liste est longue de ces capitaines d'industrie décomplexés. Partout ces faux-dieux qui s'offrent à l'adoration des peuples et contribuent à confisquer libertés et acquis sociaux, et pillent à leur profit les ressources de la planète Dans l'idifférence de tous. Hélas.
Tout le monde en parle ici. Un projet mégalomaniaque pour satisfaire l'égo démesuré de Cardin et une tripotée de fonctionnaires à oeillères en Italie comme à Bruxelles ! "C'est un scandale, Pertini avait fait le contraire en temps de crise, ils s'engraissent sur notre dos quand tout devient de plus en plus difficile pour nous et nos familles."  La rogne de ce vénitien devenu tout rouge, qui s'en étouffe presque avec son café, ressemble comme deux gouttes d'eau à celle des grecs, des espagnols, des portugais que l'Europe que nous avons laissée s'installer met à genoux. Tous sentent qu'il y a quelque part quelque chose de pourri même si Mario Monti clame haut et fort que l'Italie est sortie d'affaire. Peut-être faudrait-il traduire ses paroles par "le système libéral et la finance internationale, la spéculation sont sortis d'affaire et les banques continuent de s'enrichir impunément." Parfois à Tramezzinimag, et de plus en plus, on voit rouge... Un comble en s'inquiétant du Harry's Bar réservé aux portefeuilles bien garnis. Face à l'ineptie de notre monde, on n'est pas à une contradiuction près. Après tout les plus grands révolutionnaires et de saints, ne viennent-ils pas pour bon nombre d'entre eux des milieux aristocratiques et grands bourgeois ? Le problème est que la ploutocratie est faite de gens de rien, plein de hargne et de soif de revanche. On est loin du libéralisme social et humain de Guizot quand il criait aux français de la Monarchie de Juillet son fameux "Enrichissez-vous !". Les grands d'aujourd'hui crient plutôt à leurs semblables et à leurs sbires un méprisant "Appauvrissez-les !"

Espérons que le propriétaire du Harry's Bar ne jettera pas l'éponge et que ce lieu mythique demeurera de longues années encore et ne deviendra jamais un fastfood ou une banque ! Il faut désormais s'attendre à tout avec cette ploutocratie imbécile qui n'a d'autre vision que la croissance, la concurrence et le profit ! Mais encore une fois, cela n'engage que votre serviteur et ça fait tellement du bien de crier sa colère !

19 octobre 2012

Pour changer (un peu) de registre.



 
Notre monde est en proie à des mutations profondes, la crise économique qui secoue le monde entier et submerge l'Europe a des conséquences sur chacun d'entre nous, mais cela ne doit pas nous empêcher d'avancer sur le chemin de nos vies. Savoir qu'à Venise aussi on lutte, on manifeste, on s'oppose, on débat, on réfléchit, confirme s'il était besoin que nous vivons, malgré nous, dans un monde parcouru par les mêmes spasmes, encombré par les mêmes blocages. 
 
Mais avec Venise, il y a un plus. Même envahie, abîmée par la modernité, elle persiste dans son rôle de modèle, de laboratoire naturel. Création totalement anti-nature, elle a su se fondre avec la nature, s'assimilant à un environnement difficile à qui elle doit d'avoir eu à plusieurs reprises la vie sauve. Avec la nature, elle a construit son rythme, son mode de fonctionnement et de développement. Au-delà des choix que ses dirigeants ont pu faire - ou ne pas faire - au fil des siècles, la Sérénissime s'est imposée très tôt comme un modèle de vie, d'organisation. Vivre à Venise est une philosophie. 
 
De là à prétendre que les vénitiens détiennent une sagesse particulière, il n'y a qu'un tout petit pas que d'autres avant moi n'ont pas hésité à franchir. Le Corbusier disait que Venise était la ville idéale. Hugo Pratt met dans la bouche de Corto Maltese des propos similaires. Brodsky, Sollers, tant d'autres ont exprimé leur admiration devant cette cité idéale que l'inculture de nos contemporains expose à la destruction quand ils cherchent à lui imposer des modèles totalement inadaptés à sa structure, à son essence même, vouant inexorablement la Sérénissime à perdre son âme, mais aussi sa vie. 
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"Venise est une ville qui subit son sort plutôt qu'elle ne choisit son destin." 

C'est ce qu'expliquait récemment, notre consul Gérard-Julien Salvy à l'Ateneo Veneto. Le consul de France, qui s'exprimait à titre personnel, dénonce avec vigueur « toutes les errances et tous les renoncements ». Venise n'est pas une ville comme les autres villes. Cette exception fait de la cité des doges un modèle unique, un laboratoire où tout ce qui touche à l'humain, à l'environnement urbain, à la circulation des marchandises et des hommes, à l'approvisionnement, au tourisme, à la conservation du patrimoine artistique, à la socialisation en milieu urbain, est depuis toujours sujet de réflexion, de recherche et d'innovations. 
 
Dès que les bases qui président à ces travaux sont imposées à l'identique de celles qui sont utilisées partout ailleurs dans le monde, on obtient à Venise des résultats catastrophiques. Les exemples depuis l'industrialisation de Porto Marghera par le comteVolpi entre les deux guerres, jusqu'aux Maxi Navi d'aujourd'hui, en passant par le Mose et le projet de Sublagunare, rempliraient des centaines de pages...
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En revanche, quand on reprend les méthodes du passé, quand on analyse les usages du temps de la République, on s'aperçoit vite de leur évidente efficacité. Loin des obstinations modernistes des ingénieurs de Rome, des vénitiens se penchent sur les usages d'autrefois avec succès. Ce ne sont aucunement des passéistes, mais au contraire désormais des innovateurs. Là aussi, les exemples sont nombreux : 
 
- La fabrication des briques se refait à l'identique, avec les mêmes matériaux, les mêmes moyens de cuisson - améliorés par les outils d'aujourd'hui -. à la place des briques de fabrication industrielle, pour réguler le problème de l'effritement des parois ; 
- Le déploiement d'une production horticole à taille humaine de proximité et transportée quotidiennement vers les marchés de Venise ; consommés quelques heures après leur récolte à quelques kilomètres du lieu de vente ; 
- Le curetage régulier des canaux, abandonné dans les années 50, une obligation autrefois imposée aux riverains, est peu à peu repris, diminuant la pollution des eaux, et participant au maintien d'un niveau des eaux raisonnable... 
 
La série est longue et bien qu'il y ait encore beaucoup de réticences et énormément de sujets à traiter, ces exemples montrent bien combien Venise est un laboratoire dont les applications peuvent servir au monde entier.
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Souvent des lecteurs me reprochent « cette manie d'appuyer là où ça fait mal » et de publier des billets nostalgiques d'un monde révolu ou pessimistes, voire trop alarmistes. Bien que de sang vénitien, je me revendique comme méridional et dieu sait combien un méridional est vitupérant, expressif, exagéré, emporté et en vieillissant la bêtise de certains propos, l'attitude absurde de ceux qui ont en charge notre destinée et l'imbécilité des mesures qu'ils nous imposent me mettent dans des colères noires. Ne sachant exprimer ma rage que par l'écriture, mes propos peuvent paraître outrés parfois. 
 
Cependant, j'aime aussi à exprimer la douceur d'une promenade à travers les rues de Venise. Les petits riens du quotidien m'enchantent et nourrissent depuis plus de trente ans mon écriture. Nous croyons tous que la Sérénissime nous appartient. Parce que nous la connaissons bien, parce que nous avons dans notre bibliothèque des rayonnages entiers qui débordent d'ouvrages qui lui sont consacrés, parce que nous y vivons ou y avons vécu avec l'illusion d'en être, nous estimons à tort qu'elle est notre chose. Il n'en est rien. 
 
Cependant, cet amour inconditionnel demeure une chance. Car il nous impose comme un devoir, de la défendre, de la protéger, de l'aider avec les moyens qui sont les nôtres. Toutes les contributions sont bonnes. Bien plus finalement que celles, monumentales et flamboyantes de richissimes particuliers qui se sont entichés de Venise un beau matin et la traite comme une catin qui ne peut survivre sans eux ! Cet amour, c'est la seule raison qui me fait écrire chaque jour ou presque dans TramezziniMag.

 

15 commentaires qu'avait suscité cet article ont été perdus avec la disparition du blog en août 2016. Aucune raison ne peut être donnée pour expliquer cette suppression diligentée par Google.

29 juin 2012

Pour une fois qu'une guerre ne tuera personne !

Beaucoup de mes lecteurs s'insurgent parfois du caractère négatif de certains des billets de TraMeZziniMag. Le constat quotidien de la perte d'âme est douloureux pour ceux qui, vivant à Venise ou la considérant comme leur patrie de cœur. cependant, il ne fait pas de nous des réactionnaires aigris. Au contraire. Seulement, lorsque la plupart des médias - cela dure depuis des siècles - tendent à véhiculer une vision orientée des événements où tout n'est pas bon à dire, j'estime que nous devons dire la vérité. C'est une chose vitale pour la liberté. La phrase de monsieur de Beaumarchais, "Les faits sont sacrés, les commentaires sont libres" devrait être le serment prononcé par tous ceux qui font profession d'informer. 
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Dire que les tagueurs sont des iconoclastes dangereux fait ricaner. Avoir dépassé le demi-siècle et dire cela de jeunes gens vigoureux qui inventent le monde de demain est pour beaucoup un crime de lèse-majesté. Surtout ne critiquons pas notre belle jeunesse. Pourtant ces writers comme on les a baptisé, commettent par la laideur de leurs graffitis un crime contre la beauté. Leurs graffitis n'ont rien à voir avec l'Art Urbain, le street art, qui s'il investit les mêmes supports dans les villes, est avant tout une démarche esthétique, une posture artistique qui le plus souvent s'intègre bien aux lieux où il est apposé, ne les défigure ni les endommage et constitue une forme reconnue d'activité artistique. Ces pochoirs et autres collages ont une durée de vie volontairement limitée. Ils expriment, souvent avec beaucoup d'humour, un message, personnel ou générique, où l'humour et la beauté sont toujours présents. Ce n'est hélas jamais le cas de ces tags sauvages. Rien à voir avec le sympathique collage ci-dessous qui ne nuit en rien à l'harmonie des lieux. .
Photographie : © Eric Ségelle - Tous Droits Réservés.
Je suis un esprit simple. Pour moi, avant toute autre chose, il y a l'amour et la beauté. Les merveilles que plus de vingt millions d'êtres humains viennent admirer en troupeau chaque année ont été érigées par des hommes qu'emplissait l'amour du beau. C'est la certitude de sa transcendance qui leur dicta ces réalisations, permettant la contemplation de merveilles qui sont autant de représentations imparfaites du Royaume de Dieu. En souillant les murs de Venise, les jeunes barbares font le travail du diable. Ils nous habituent à l'immonde, à la pestilence, au dégoût. Ils illustrent la désespérance, le désamour. La haine. Le mépris des autres aussi. Il est de bon ton chez certains de voir dans cette débauche d'immondices la désorientation de cette pauvre jeunesse à qui la société a offert la paix, le confort, la sécurité, satisfaisant à tous leurs instincts même les plus bas, au lieu de les contraindre à la guerre, à la peur, au manque. Les tagueurs des nuits de Venise ne sont pas des révolutionnaires en révolte contre le système. Ce sont de sales enfants pourris qui crachent sur la beauté, qui renient l'esthétique des temps passés, en refusent le modèle et gueulent la vacuité de leur vie dans le tumulte infect d'une musique enivrante et la fumée de leurs pétards. Nous en sommes responsables. "Pas assez de coups de pied au cul" me disait un vieil instituteur l'autre jour. De quoi être pessimiste, vous l'avouerez, car aucune punition n'est possible. Aucune rééducation à l'art et à la beauté, à la transcendance et au respect du bien commun ne pourrait fonctionner. Les bien-pensants crieraient aussitôt à la répression et nous passerions pour des ayatollahs... . ..
En attendant, le Gazzettino s'en faisait l'écho hier ou avant-hier : la guerre aux murs souillés est déclarée et Tout l'arsenal répressif est en route, mais s'il est satisfaisant de savoir que l'autorité publique a enfin pris la mesure du défi, ce n'est pas le plus important. Ce qui compte c'est qu'on permette enfin aux visiteurs comme aux quelques vénitiens qui restent de ne pas être partout et à tout moment, confrontés à ces tags hideux, signatures hiéroglyphiques bizarroïdes qui servent à marquer le territoire de ces ersatz de révoltés comme en usent les canidés avec leur urine. Retrouver une ville certes décatie dans bien trop d'endroits, mais qui demeure le vivant manifeste de l'amour des hommes pour la beauté, leur participation à la transcendance.
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L'annonce de cette guerre ouverte officiellement a été accueillie avec joie par les vénitiens. (un vieux gondolier connu pour ses saillies, s'est écrié dans son bar favori en lisant le journal "Tiens, ça y est enfin, la chasse est ouverte !"). Les contrevenants pris sur le fait seront traduits devant les tribunaux pour dégradation récidivante et les peines seront lourdes. En attendant, tous à nos éponges, nos brosses et nos pinceaux pour nettoyer les façades et faire oublier cette laideur !

18 juin 2012

"I Writers"... de drôles d'écrivains à Venise

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Venise, trésor historique et fragile, n'est pas épargnée par les tags et les graffitis qui fleurissent depuis des années aux quatre coins du monde. Un groupe de vénitiens vient de réaliser la cartographie de ces actes gratuits de vandalisme. Tramezzinimag s'est souvent fait l'écho de cette vérole qui peu à peu défigure la Sérénissime. Monuments célèbres, colonnes antiques de marbre, margelles de puits, murs de maisons dans les coins les plus retirés de la ville, sont continuellement souillées par des écrits tracés à l'encre indélébile à l'aide de ces peintures en spray que l'on retrouve souvent par terre, vides et abandonnés par les auteurs de ces souillures. Pont du Rialto, Piazza San Marco, Santa Maria dei Miracoli, Lions de l'Arsenal, et des tas d'autres lieux symboliques de la cité des doges, pas un monument qui soit épargné.
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D'après les enquêtes effectuées par la police locale, il semblerait que ces actes de vandalisme caractérisé soient le fait de bandes venant de l'extérieur de la ville. Il s'agirait d'une sorte de défi qui pousserait ceux qu'on nomme désormais - avec un sens de la dérision qui n'appartient qu'aux vénitiens - i Writers  à se rendre à Venise pour laisser un signe dans les endroits les plus visibles possibles. A ce jour, l'administration municipale n'a pas réussi à juguler ce phénomène. Le manque de surveillance nocturne laisse toute latitude à ces voyous pour agir sans risquer de se faire prendre. Il y a encore vingt ans, les vigiles chargés de surveiller les commerces arpentaient chaque nuit la ville. Nombreux, ils n'auraient jamais permis que cette lèpre se développe. Personnellement, je ne crois pas qu'il ne s'agisse que de gens venant de la terraferma ou de l'étranger car pour circuler vite et sans être vu à Venise, même avec peu de patrouilles nocturnes, il faut parfaitement connaître le réseau de calle et de campi...
Heureusement, les vénitiens qui n'en peuvent plus, sont décidés à ne pas rester sans rien faire. Le mouvement Venessia.com auquel TraMeZziniMag est fier d'appartenir a déjà médiatisé sa réaction, non pas en couvrant de la même peinture qu'ils utilisent (je prônerai davantage le goudron et les plumes ce serait encore mieux !), mais en organisant une séance très médiatisée de restauration : de nuit, armés de brosses et de peinture blanche, ils ont nettoyé un des lieux symboliques souillés par ces imbéciles de writers, un mur du Fontego dei Tedeschi, au pied du Rialto. Il y a eu ensuite la création sur Facebook du groupe I Nostri Masegni Puliti e Splendenti (dalles nettoyés et resplendissantes), à l'initiative de Cecilia Tonon qui a réalisé un inventaire photographique très complet des graffitis dans le centre historique. Le groupe s'emploie depuis sa naissance à alerter l'opinion en attirant les médias nationaux et internationaux, afin de pousser l'administration à se positionner.

A ce jour, Allessandro Maggioni, l'adjoint chargé des Travaux Publics est le seul a avoir réagi. Dans une conférence de presse, l'assesseur a promis l'installation de caméra de vidéo-surveillance autour du pont du Rialto. On a aussi évoqué la possibilité de faire appel au mécénat pour financer le nettoyage des graffitis qui pullulent sur le pont. L'administration s'est engagée à nettoyer pendant les douze prochains mois les souillures qui ornent les parois des immeubles et des monuments de quatre itinéraires particulièrement touchés ( de la Piazzale Roma au Rialto en passant par l'Accademia, de San Polo au Rialto, du Rialto à la Piazza San Marco, de la Stazion eau Rialto en passant par la Strada Nova). Le coût de l'opération est estimé à un peu plus de 200.000 euros. Il faudra ajouter à cette somme le coût du nettoyage du pont du Rialto (12.000 euros à ce jour), 22.000 euros pour nettoyer l'Area Marciana, à San Marco et 6.000 pour le nettoyage de six lieux emblématiques choisis par le groupe Facebook.

L'invasion de ces writers iconoclastes ne représente certes pas une énorme dépense pour la ville mais ces sommes auraient pu être bien mieux employées. Tout le monde s'y met. Même l’Association des Guides Touristiques de Venise qui a récolté des fonds pour le nettoyage des deux colonnes de la Piazzetta.
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A la demande de plusieurs lecteurs de Tramezzinimag, nous venons de prendre contact avec la municipalité afin d'envisager le lancement d'une campagne de dons pour participer au nettoyage de ces souillures. Nous vous tiendrons au courant dès que quelque chose nous sera proposé.
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Remerciements à Gioia Tiozzio.