L'autre jour, en Italie, une envie d'un café m'avait pris. A deux pas, un petit bar tout simple m'offrit vite la possibilité d'assouvir ce désir. "Un macchiato, per cortesià"... Deux gondoliers au comptoir, un vieux monsieur attablé, le journal grand ouvert devant lui à la page des résultats sportifs. Un gros chien orange endormi à ses pieds. Un lieu comme mille autres en Italie. Trois minutes plus tard, l'homme pose devant moi une tasse blanche, remplie d'un liquide fumant surmonté d'une sorte de nuage mousseux et odorant. Hmm ! parfum splendide. Un verre d'eau glacée vient vite rejoindre la tasse. Un délice... Le prix ? 0,80 euro... Quatre vingt centimes d'euros, ou, comme ils essaient de nous le faire dire, sur un mode américanisé quatre vingt cents (phonétique : sɛnts) ! C'est-à dire pour ceux qui ont encore du mal : 5,84 Francs. De retour en France, à la gare Montparnasse, en attendant le train qui nous ramènera à Bordeaux, je commande un café. "Une noisette, s'il vous-plait Mademoiselle", ce qui pourrait le plus se rapprocher du délicieux macchiato italien. Une serveuse ronchon me tend un gobelet de plastique brûlant avec un breuvage noir sans parfum ou plutôt avec une odeur très forte de brûlé mêlée à des remugles d'ammoniaque... Après avoir insisté trois fois pour obtenir un verre d'eau, la serveuse me le tend avec l'addition : 1,50 euro... Cet infâme liquide baptisé café m'était facturé plus de 9 francs ! C'est là que j'ai eu une espèce d'illumination. La baguette élastique décongelée à 1 euro, le journal à 1,20, le cornet de glace (avec une boule malingre) à 2 euros, les croissants à 80 centimes... Jai repris alors mes carnets d'avant l'euro. Ceux de mes voyages en Italie ou simplement ceux où je notais au milieu d'idées, de phrases dénichées à gauche ou à droite, mes dépenses quotidiennes. Voilà ce que cela donne, c'est édifiant :
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Venise, Café Florian, Septembre 1990,
Venise, Café Florian, Septembre 1990,
Pris un cappuccino en attendant l'interview d'Ugo Pratt. Cher, 1200 Lires soit 6 francs. Il est bien meilleur qu'à la brûlerie Gamma, sous la Porte-Dijeaux à Bordeaux. Mais là-bas, je le paie 2,50 Francs seulement ! En revanche, le bar San Martino près de l'arsenal fait un délicieux café à 150 lires (0,75 franc) ailleurs à 200 lires et les tramezzini sont à 500. Ici on téléphone avec des jetons de 200 lires qui servent aussi pour les cafés
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Bordeaux, août 1998. Personne. il fait chaud. Acheté un Anita Brookner chez Mollat. 42 Francs. Pris un citron pressé Place Pey Berland, 3 Francs. Pain de campagne : 1,20 Franc. Lait, 0,90 F.
Bien sur les temps ont changé, les matières premières coûtent plus cher, la main d’œuvre... Mais ce que je vois c'est que nous payons en France presque 7 francs une baguette de pain, davantage une plaque de beurre et les mendiants - de plus en plus nombreux dans les rues, nous harcèlent, non plus pour 1 franc mais pour 2 euros au moins (soit 14 francs ) ! Est-ce normal ? Mes revenus sont peu ou prou les mêmes qu'à l'époque... A l'inverse, un antiquaire me disait l'autre jour qu'avec l'euro, aujourd'hui, le marché étant ce qu'il est, ce qui valait 1000 francs avant se négocié maintenant seulement 100 euros et cela aurait tendance à baisser au vu du déferlement des venets via internet...
Pauvre France, tu acceptes tout, tu ne réagis pas. Pas plus que les espagnols ou les italiens... Suis-je devenu un vieux râleur pingre et pessimiste ? Où bien la maturité me fait-elle maintenant comprendre que nous sommes en permanence et d'une manière somptueusement organisée, floués, trompés et méprisés par ceux qui nous gouvernent ? Les choses ne sont pas roses en Italie non plus, mais au moins le café y est meilleur. Il reste moins cher. La vie y demeure plus douce et la jeunesse bien plus prompte à réagir et à tout bousculer pour un monde meilleur... L'atmosphère est tellement plus douce, plus joyeuse. Viviamo bene in Italia. et particulièrement à Venise où je ne me souviens pas avoir ressenti du stress ou une quelconque tension, en dehors des soirées de calcio ou au moment des élections...
Vivement que je retourne sur les Zattere, manger un gianduiotto de chez Nico.
posted by lorenzo at 22:52