Je ne voudrais pas abuser des ressources que YouTube peut offrir mais là, je ne peux m'empêcher de vous faire partager ce superbe moment vénitien. Filmé à la sauvette par Francesca depuis la fenêtre de son appartement au 3e étage d'un immeuble, un vendeur de fleurs que tout le monde connaît à Venise essaie d'attirer le client. Il vient d'un village de terre ferme et prétende depuis toujours que la marchandise vient de son jardin. Il ne fait pas très chaud, les gens vont à leur travail, prennent un café et repartent, les livreurs passent et repassent avec leurs chariots qui débordent de marchandises, les ménagères vont au marché, des mamans conduisent leurs bébés à la garderie... Parmi ce va et vient incessant, notre homme chante, apostrophe les passants, les invitant à acheter ses plantes en répétant souvent aux bourgeois qu'il voit passer cette fameuse phrase: "Ma ti ga na casa Ciò!?!" (Mais tu n'as pas de maison ?), sous-entendant par là pour y mettre ses belles plantes et ses jolies fleurs.
On utilise cette phrase dans beaucoup de circonstances à Venise : pour saluer un bon ami, pour lui demander s'il va bien, pour l'encourager à arrêter de travailler et à rentrer chez lui. On l'entend dans les stades à l'intention des joueurs adverses. Il y avait sur le campo della Guerra un camelot qui hurlait souvent cette phrase quand notre fleuriste s'approchait pour l'inviter à décamper. Ils ne se supportaient pas.
Depuis le petit homme répète toujours cette phrase. Parlant moitié en dialecte, "no ga schei" (Trad. : il n'a pas d'argent), moitié en italien, sa voix est familière à tous ceux qui fréquentent les rues de Venise, le matin. Vous remarquerez l'activité fébrile, le rythme rapide des gens qui passent. Une ruche. Tous se connaissent plus ou moins. "Tous des braves gens mais qui n'achètent rien" dit notre homme philosophe. trop tôt, pas encore de groupes de touristes. La vie quotidienne à Venise. Un moment ordinaire. Un régal.
En cliquant sur le lien ("voix"), vous pouvez entendre l'un des derniers enregistrements de ce sympathique personnage. Avec l'autorisation de mes amis de Venessia.com, voici le texte du monologue. On dirait du Goldoni :
"Ma no gavé 'na casa, cio'! Maaaama mia dami 100 lire che in America voglio andaaar... Soréa, vuto 'na bea pianta?! Varda, par el moroso de la moglie...varda che regàeo che ti ghe fa, varda, varda...Varda che bea, varda...garantita tre ani, Sa' ! Vara che altro, vara...Vara che altro, vara...Ma voialtri no gavé na casa vostra?Vara, garantita tre ani, vara che bea, garantita tre ani...No eà more mai come Prodi, questa Sa'!"
Traduction (approximative) : "Mais vous n'avez pas de maison, bon sang... Bonne mère, donnez moi 100 lires que j'aille en Amérique... Ma sœur, tu veux une belle plante ? Regarde, par l'amour de ma femme... regarde quel cadeau que tu te fais, regarde,mais regarde... Regarde comme elle est belle, regarde... garantie trois ans, tu sais !... regarde celle-ci, regarde... Mais vous autres vous n'avez donc pas de maison à vous ? Regarde, garantie trois ans, regarde comme elle est belle, elle durera trois ans... C'est pas comme Prodi celle-là, tu sais !"
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