18 décembre 2007

Juste pour rêver


Quand l'été s'en reviendra, quand la chaude lumière d'avril fera resplendir les façades des palais et que miroiteront à nouveau dans l'eau claire et bleue comme le ciel les campaniles, nous irons de nouveau par les calle, les rughe et les campi, avec cette petite musique dans la tête. Mais de qui est-ce déjà ? Ces cordes endiablées, ces flûtes doucereuses qui chantent comme chantent les oiseaux. Venise alors nous apparaîtra rayonnante et joyeuse.


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1 commentaire:

venise86 a dit…
J'ai découvert des droits de propriété là où je croyais le monde libre à condition d'être civilisé, et de nommer les sources... j'ai eu envie d'avoir une cigarette sous la main...

17 décembre 2007

Carnets (2)

J'ai toujours été fasciné par ces gens qui peuvent, avec une plume ou un crayon, donner vie en un instant aux paysages qu'ils rencontrent et aux êtres qui les entourent. Leurs ébauches, leurs croquis, ces dessins imparfaits qui remplissent leurs carnets sont toujours remplis de vérité, sans ces rajouts que l'artiste ne peut éviter dans l’œuvre aboutie qu'il offre aux regards sur les cimaises des galeries ou des musées. Ne trouvez-vous pas fascinants les dessins de Dürer, ceux de Michel-Ange, du Carpaccio, de Canaletto ou de Guardi ? Dans la maladresse d'un trait trop rapide, dans les ratures et les gribouillages, il y a toute l'humanité de la création artistique. Ce tâtonnement qui rend l'artiste plus qu'humain et montre la fébrilité qu'il y a à créer, comme si la main était possédée par cette fièvre de création. "Vite, vite dessiner..." C'est pour cela que l'exposition "Détour" du Moleskine Project m'a fasciné. Je recherche depuis tous les croquis réalisés sur le vif à Venise. En voici un exemple superbe : "Quaderni veneziani", le journal dessiné d'une jeune femme brésilienne, Mariadel, en visite dans les musées de la Sérénissime.









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1 commentaire:


La Mariana a dit…

J'ai beaucoup apprécié l’œuvre musicale servant de fond sonore au défilé de ces beaux dessins ! Peut-on savoir quelle est cette œuvre ? Merci d'avance. Et bravo et merci pour votre blog que je visite régulièrement, étant moi aussi passionnément amoureuse de Venise ! ...

16 décembre 2007

Venise sur un air de joie

Tellement d'ouvrages décrivent les monuments vénitiens et les chefs d’œuvres qu'ils contiennent, les milliers de cartes postales qui partent chaque année de Venise représentent la plupart du temps ces lieux emblématiques que sont la Piazza, le pont des soupirs, la façade de San Marco ou le Rialto... Au fur et à mesure de mon cheminement sur TraMezziniMag, une évidence s'est fait jour peu à peu : le charme de Venise, la mélancolie de ceux qui l'ont quitté, la joie de ceux qui y séjournent c'est cette manière unique de vivre comme n'importe où ailleurs et pourtant avec quelque chose de totalement différent. 
C'est le quotidien, la vie de tous les jours, les petits riens. Je me dis souvent quand je suis au milieu des vénitiens, que la musique que j'entends en les voyant vivre ce n'est pas tant du Vivaldi ou du Monteverdi, accompagnements musicaux que je réserve pour mes promenades solitaires davantage vouées à la contemplation des pierres qu'à l'observation des humains, c'est un de ces airs de "light music" anglo-saxonnes des années 30, ces musiques de fox-trot ou de swing toujours remplies de joie et de simplicité, comme les chansons de Sam Browne ou Charlie Barnet. Je pense aussi à Gary Williams, chanteur d'aujourd'hui que nousé coutons assez souvent quand nous sommes à Venise. L'expression d'une joie de vivre sans affectation ni mièvrerie. Écoutez et vous me comprendrez.
Mais trêve de bavardage, feuilletons ensemble cet album de tous les jours : Été comme hiver, la vie se répand chaque jour dans Venise. Même envahie par les hordes de touristes, la ville est une fourmilière et ses habitants vont et viennent comme partout ailleurs, avec l'extraordinaire différence qu'apporte l'eau omniprésente, la multitude de ponts, l'absence des voitures, et ce décor unique dont chaque vénitien, quelque soit son âge et sans en avoir l'air, est conscient.



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2 commentaires:
S.Schiavoni a dit…
BOnjour, merci pour ce blog très sympathique! Je découvre et redécouvre Venise que j'adore. C'est une ville magnifique. Mon nom de famille est Schiavoni, je pense que ça vous rappelle quelque chose! Bonne continuation, je repasserai par là, c'est sur!
Lorenzo a dit…
vous y êtes bienvenu !

15 décembre 2007

Venise selon Zoran Music

Venise au petit matin c'est aussi ça :

Je ne voudrais pas abuser des ressources que YouTube peut offrir mais là, je ne peux m'empêcher de vous faire partager ce superbe moment vénitien. Filmé à la sauvette par Francesca depuis la fenêtre de son appartement au 3e étage d'un immeuble, un vendeur de fleurs que tout le monde connaît à Venise essaie d'attirer le client. Il vient d'un village de terre ferme et prétende depuis toujours que la marchandise vient de son jardin. Il ne fait pas très chaud, les gens vont à leur travail, prennent un café et repartent, les livreurs passent et repassent avec leurs chariots qui débordent de marchandises, les ménagères vont au marché, des mamans conduisent leurs bébés à la garderie... Parmi ce va et vient incessant, notre homme chante, apostrophe les passants, les invitant à acheter ses plantes en répétant souvent aux bourgeois qu'il voit passer cette fameuse phrase: "Ma ti ga na casa Ciò!?!" (Mais tu n'as pas de maison ?), sous-entendant par là pour y mettre ses belles plantes et ses jolies fleurs. 

On utilise cette phrase dans beaucoup de circonstances à Venise : pour saluer un bon ami, pour lui demander s'il va bien, pour l'encourager à arrêter de travailler et à rentrer chez lui. On l'entend dans les stades à l'intention des joueurs adverses. Il y avait sur le campo della Guerra un camelot qui hurlait souvent cette phrase quand notre fleuriste s'approchait pour l'inviter à décamper. Ils ne se supportaient pas. 

Depuis le petit homme répète toujours cette phrase. Parlant moitié en dialecte, "no ga schei" (Trad. : il n'a pas d'argent), moitié en italien, sa voix est familière à tous ceux qui fréquentent les rues de Venise, le matin. Vous remarquerez l'activité fébrile, le rythme rapide des gens qui passent. Une ruche. Tous se connaissent plus ou moins. "Tous des braves gens mais qui n'achètent rien" dit notre homme philosophe. trop tôt, pas encore de groupes de touristes. La vie quotidienne à Venise. Un moment ordinaire. Un régal.



En cliquant sur le lien ("voix"), vous pouvez entendre l'un des derniers enregistrements de ce sympathique personnage. Avec l'autorisation de mes amis de Venessia.com, voici le texte du monologue. On dirait du Goldoni
"Ma no gavé 'na casa, cio'! Maaaama mia dami 100 lire che in America voglio andaaar... Soréa, vuto 'na bea pianta?! Varda, par el moroso de la moglie...varda che regàeo che ti ghe fa, varda, varda...Varda che bea, varda...garantita tre ani, Sa' ! Vara che altro, vara...Vara che altro, vara...Ma voialtri no gavé na casa vostra?Vara, garantita tre ani, vara che bea, garantita tre ani...No eà more mai come Prodi, questa Sa'!"
Traduction (approximative) : "Mais vous n'avez pas de maison, bon sang... Bonne mère, donnez moi 100 lires que j'aille en Amérique... Ma sœur, tu veux une belle plante ? Regarde, par l'amour de ma femme... regarde quel cadeau que tu te fais, regarde,mais regarde... Regarde comme elle est belle, regarde... garantie trois ans, tu sais !... regarde celle-ci, regarde... Mais vous autres vous n'avez donc pas de maison à vous ? Regarde, garantie trois ans, regarde comme elle est belle, elle durera trois ans... C'est pas comme Prodi celle-là, tu sais !"

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4 commentaires:


Anonyme a dit…
J'écoute Vivaldi, Editions Glossa, un petit bijou vous dis-je ! Merci Lorenzo. Plus doux à l'oreille que notre sympathique ambulant fleuri. M.17
Florence a dit…
Pour moi il n'y pas de plus doux à l'oreille que ce dialecte...... Ca me rappelle tant quand le marchand de fruits et légumes criait pour avertir de sa présence, et mon grand-père, qui avait quelques difficultés à se mouvoir, descendait son panier et ses quelques lires au bout d'une corde et faisait sa commande par la fenêtre. Avec Tramezzinimag, les souvenirs d'enfance reviennent... Merci! Je fais partie d'une chorale italienne. Nous chantons des chansons traditionnelles et bien sûr "Quei mazzolini di fior" mais avant celle-ci, que chante notre personnage ?? Je ne la connais pas. A presto Florence
J@M a dit…
Sympathique... Un régal de la vie quotidienne !
Gina Paillette a dit…
Je lis depuis peu ce blog et n'avais pas encore poussé jusqu'aux archives de 2007. La fameuse chanson "mama mia dami 100 lire", je ne l'ai plus entendu depuis que le poste de ma grand-mère (à Noventa Vicentina) a décidé de ne plus lire les cassettes audio quasiment cinquantenaires (!)... mais j'ai toujours la version "maison" par ladite grand-mère, il va falloir que je l'enregistre pour garder ces précieux souvenirs...

14 décembre 2007

On ne peut plus en douter, l'hiver est là


Le brouillard intense qui couvrait la lagune ces derniers jours et ce froid mordant qui s'est répandu plus vite qu'une rumeur, la campagne toute blanche au petit matin, ce sont les signes de l'hiver. Dans un peu plus d'une semaine ce sera Noël. Venise va s'enfoncer dans un demi-sommeil qui plaît beaucoup aux poètes. Mais la froidure de nos jours n'a rien à voir avec ce que connurent nos ancêtres. Ma grand-mère me parlait des parties de patin à glace sur la lagune gelée et on voit sur certains tableaux du XVIIIe siècle, des vénitiens aller jusqu'à Murano en traîneau ou à pied. J'ai retrouvé ce petit reportage qui date de 1929. Il y avait encore des felze sur les gondoles et on se chauffait au feu de bois dans les maisons. On n'avait pas vu un tel spectacle depuis plus de cent ans...

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Anonyme a dit…
La pluie vient de cesser à l'instant, il fait effectivement très froid ce soir. M.17
Florence a dit…
Ma grand-mère, début du XXe siècle, allait de Venise à Murano à pied sur la glace de la lagune. Les bateaux ne pouvaient circuler, vue l'épaisseur. Ce n'est une légende...... Florence

13 décembre 2007

Et si vous restiez dîner ? au menu ce soir : l'agneau délicieux de Xavier

Je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager ma dernière recette testée ce soir avec une de mes filles : , inspiré de l'excellent ouvrage Les petits dîners de Xavier que mes enfants m'ont offert pour mon anniversaire. 

Il vous faut une belle tranche de gigot d'agneau par personne que vous désosserez et que vous couperez en cubes, de la menthe fraîche et du basilic ciselés, de la coriandre et des quatre épices, de la semoule et de la polenta que vous préparerez en purée. Faites revenir dans une poêle les morceaux de viande en remuant bien pour qu'ils grillent vite sans brûler et conservent un aspect rosé en dedans. Salez et saupoudrez de coriandre et de quatre épices. Disposer dans chaque assiette de la polenta en purée ou de la semoule préparée avec du beurre (je fais cuire les deux dans de l'eau salée à laquelle j'ajoute un cube d'Oxo ou à défaut un bouillon Kub). Déglacer le jus de la poêle avec du vinaigre balsamique, nappez-en les morceaux de viande et ajoutez du basilic et de la menthe, à profusion. Servir aussitôt. J'accompagne ce plat d'un petit bol du bouillon dans lequel la semoule a été cuite, salé à point et décoré de feuilles de menthe. Avec un vin rouge un peu charpenté, c'est délicieux. En entrée, il y avait simplement des gressins autour desquels nous avions enroulé des tranches de coppa fumée. 

Comme dessert, un tiramisu aux framboises de Constance, dont je vous livrerai le secret une prochaine fois. Gardons quelques uns de nos secrets pour nourrir les prochains billets de Tramezzinimag !

12 décembre 2007

Une belle histoire

Dans ce monde si froid où trop souvent seul l'appât du gain et l'égoïsme prévalent, il y a parfois de jolies choses qui font présager de ce que pourrait être un monde vraiment solidaire et respectueux de l'autre. Cela se passe à Venise et toute la presse transalpine s'en est fait l'écho : grâce à la Fondazione Venezia, une jeune nigériane est devenue une coiffeuse réputée.
 
La manière dont les parruchieri italiens coiffaient ses cheveux ne lui plaisait vraiment pas. Il faut dire qu'avec ses cheveux, cette crinière très drue et crépue propre aux femmes africaines, il semblait difficile de faire tenir une mise en plis. Elle était certaine de pouvoir un jour faire mieux et c'est ainsi qu'elle s'est lancée. Pour Ijeoma Samson-Onuoha, ouvrir son propre salon de coiffure était un rêve apparemment irréalisable que le projet Micro Crédit Social de la Fondazione di Venezia, prolongement historique de la Cassa di Risparmio di Venezia, a rendu possible.

Ijeoma gère maintenant sa boutique à Mestre, faute d'avoir pu trouver un local bon marché dans le centre historique. Ouvert depuis trois mois maintenant, son salon ne désemplit pas, accueillant du matin au soir des clients vénitiens ou étrangers. "Je suis en Italie depuis 1995" raconte-t-elle, "j'ai travaillé huit ans à la polyclinique de Mestre mais mon salaire ne me suffisait pas pour vivre sereinement. J'avais besoin d'une idée, de trouver une autre voie. Un jour, j'étais allé me faire coiffer à Padoue et le résultat fut un désastre. Je savais pouvoir faire mieux et ce fut l'illumination : j'ai demandé s'ils n'avaient pas besoin d'une apprentie. Devant la réponse négative, j'ai pris la décision de suivre une formation spécialisée".
 
A partir de là, ce qui n'était qu'une idée va devenir pour Ijeoma Samson-Onuoha, un objectif. Profitant des jours où elle ne travaillait pas à la clinique, elle suivait assidûment les cours organisés par la Région Veneto et deux ans après, la voilà diplômée et bénéficiaire d'une aide financière de dix mille euros prêtée par la Fondation sur le principe du prêt social, de plus en plus répandu en Italie et à Venise. Un bel exemple de solidarité sans préjugés ni réticences qui honore Venise, cité traditionnellement ouverte aux mondes lointains.

11 décembre 2007

Les délices du quotidien

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Caffé-latte et caffé-macchiato, entre amies, un jour comme les autres dans un petit café de Venise...
Betti a dit…
Ciao Lorenzo, un baccione della Betti e di Daniela !

10 décembre 2007

Mon ami Blatas

Vous connaissez Arbit Blatas ? Ce peintre d’origine lithuanienne qui arriva à Paris dans les années 20 et fut proche de tous les grands noms de ce qui devait devenir l’École de Paris dont il fut lui-même un des membres et le dernier survivant est aussi vénitien d'adoption.
 
Peintre et sculpteur, Blatas avait eu l’idée géniale de faire le portrait de tous ces artistes qu’il fréquenta pendant de nombreuses années. C’est ainsi que naquit cette fabuleuse série-témoignage sur les plus grands peintres de l’entre deux guerre. Mais il ne se contentait pas d’être un bon peintre, à l’œil débordant de couleurs qui savait si bien traduire tout ce que nos sens peuvent percevoir dans un paysage, une musique, une idée. Il maniait aussi à la perfection le volume. Ses sculptures monumentales en bronze laissent une image de ses amis qui palpite et vibre comme le film de leur vie. 

Les bas-reliefs exécutés pour le ghetto de Venise, le Mémorial juif du Marais à Paris et le siège de l’ONU à New York (et chez lui en Lithuanie), sont aussi criants d’authenticité. La douleur et l’espoir transpirent de ces plaques de bronze qui ne laissent personne indifférent. Les croquis préparatoires de ce beau travail sur l’Holocauste ont servi d’illustration au générique d’une série télévisée consacrée à la déportation des juifs par les nazis. Illustrateur, Blatas l’a été aussi quand il réalisait pour les plus grands opéras du monde des décors et des costumes somptueux. On se souvient de son formidable travail pour l’Elektra de Strauss magistralement interprétée par Regina Resnik, sa femme qui en fera un jour la mise en scène à Chicago, comme le Falstaff de Verdi. Mais le travail scénique du maestro que j’ai toujours préféré, ce sont les planches de l’Opéra de Quatre sous de Kurt Weill que j’ai eu la chance de voir naître sous mes yeux. 

Les tirages effectués à Venise étaient colorés à la main par Blatas que j’assistais. J’étais ensuite chargé de numéroter les feuillets que vendait ensuite la galerie Graziussi dans des portfolios magnifiques au tirage extrêmement limité. Arbit laissa aussi des portraits touchants d’humanité et de profondeur : Regina dans son costume d’Elektra, le Mime Marceau en Bip aérien, Sir Geraint Evans dans Falstaff… Et puis il y avait les vues de Venise : le jardin de la Locanda Montin, le bassin de Saint Marc au couchant, le campo Santo Stefano. Il existe un très beau tableau de Venise qui s’inscrit pour moi dans la lignée des plus grandes vues réalisées au fil des siècles par les plus grands artistes, de Canaletto à Monet.  

La liste est longue des peintres qui ont su traduire à un moment donné la fantastique vision qui s’offrait à leur regard. Cela n’arrive guère qu’une fois ou deux à un artiste : ce qu’il a devant lui est tellement parfait, les couleurs, les lignes, les volumes, ses états d’âme complètement impliqués, insérés dans ce paysage que l’œuvre qui va prendre forme est à la fois la vision personnelle de l’artiste mais aussi la traduction absolue dans son langage de la réalité qui s’offre à ses yeux. Ce tableau, qui représente des remorqueurs sur le bassin de San Marco dans le brouillard, a été peint à quatre mains si j’ose dire. En effet, Albert Marquet qui était vers la fin de sa vie en visite chez Blatas au moment où celui-ci travaillait à la toile ajouta ça et là sa vision, son regard et on décèle les touches particulières qui émanent de cette fusion. Mais cela aurait pu ne rien donner qu’un exercice de style, un "private joke" entre artistes. L’amour sincère, profondément ancré dans leur cœur, que les deux hommes portaient à Venise a permis que cela fonctionne.
J’écris ces lignes vénitiennes à la lumière de ma lampe Fortuny. assis à mon bureau, à Bordeaux. Quel joli raccourci qui me fait sourire. Le chat à côté me regarde étonné. il ne peut pas comprendre ce qui m'amuse ainsi : penser à Blatas, disparu en 1999, juif lituanien de New York, parisien de cœur qui vivait à Venise, penser à Marquet, peintre bordelais considéré comme un des plus grands de son époque et moi, tout petit écrivaillon, penché sous la lampe, connaissant si peu de choses finalement, mais apprenant chaque jour et qui cherche à transmettre, souvent avec maladresse, sa passion (son obsession ?) Le chat s'est rendormi, vautré sur mes feuillets. La pluie très dense dehors a changé ce début d’après-midi en nuit sombre. Mais la vraie lumière qui éclaire mon bureau, c’est bien cette toile dont la reproduction trône devant moi.

Venise, le quotidien au fil des rues



Toutes ces images se passent de commentaire n'est-ce pas. 
Il ne manque que le son en vérité...

09 décembre 2007

Des saisons et des jours

L'automne à Venise, c'est beaucoup de douceur, un air encore chaud qui parfois se laisse surprendre par le vent des montagnes qui apporte soudain cette fraîcheur particulière et si pure qu'on ressent sur les sommets enneigés. Puis le soleil revient et la foule envahit les terrasses comme en été. Des nuages gris, puis violets ou noirs. La pluie, dense et violente. Le silence ensuite. De nouveau la douceur un peu moins longtemps et un matin, c'est le brouillard qui envahit la lagune et refroidit les âmes. Tout apparaît différemment. Mystérieux et envoûtant. C'est l'approche de l'hiver. Dans quelques mois, la neige recouvrira la ville assoupie, lions ailés et gondoles, palais roses et pierres blanches, tout sera recouvert d'une couche uniforme. Le ciel se fera d'un bleu très dense et le blanc de la neige comme un manteau immaculé effacera les laideurs et les ruines, la misère de certains quartiers abandonnés.


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1 commentaire:

Anonyme a dit…
Cher Lorenzo, je vous offre un rayon de soleil de ma promenade de ce matin sur les Zattere. M.17

08 décembre 2007

La disponibilité des pages blanches

Je vous ai déjà parlé du Moleskine Project. La compagnie qui édite ces superbes carnets de voyage, dont beaucoup d'écrivains et d'artistes se servent depuis près de 150 ans, organise des expositions où sont présentés les carnets d'artistes de tous les pays et de tous les genres. Je voudrais publier ici, sur TraMeZziniMag, les pages nées de vos voyages à Venise. Dessin, aquarelle, gouache, collages, textes, tout est bienvenu à condition qu'il s'agisse de travaux réalisés sur les carnets noirs de Moleskine. Si New-York est à l'honneur cette année, Venise sera prochainement le thème du Moleskine project, baptisé Détour. A vos plumes, remplissez vos carnets !



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8 commentaires:


Anonyme a dit…
Introuvable pour l'instant. J'irai à la Toletta me le procurer. M.17
Paul a dit…
super idée je m'y mets de suite
Anonyme a dit…
YOUR BLOG IS TERRIBLY INTERESTING AND VERY WELL ILLUSTRATED BUT WHY IN FRENCH ? YOUS SHOULD WRITE YOUR POST IN ENGLISH SO EVERYBODY WILL BE ABLE TO UNDERSTAND !
Lorenzo a dit…
cher "anonyme", merci pour le compliment mais permettez-moi de ne pas donner suite à votre aimable suggestion. La langue française est une des plus belles langues, des plus sophistiquées et de plus aptes à stimuler la réflexion et la pensée. J'écris en français parce que je suis français. Parlant de Venise, je pourrais tout aussi bien m'exprimer en italien, voir en dialecte vénitien puisque je suis aussi italien et avant tout vénitien de sang. Européen convaincu depuis toujours, je le suis en tant que français, citoyen d'une Nation libre et fière et non pas d'une entité artificielle qui n'aurait d'autre objectif que le profit et la croissance. L'anglais est une belle langue, de très grands écrivains se sont exprimés dans cette langue. Je la pratique aussi et je crois en avoir une certaine maîtrise. Mais ce n'est pas ma langue maternelle ni celle de mes lecteurs. Si je puis envisager un jour de prendre le temps d'ajouter une traduction en anglais de mes textes, il ne sera jamais question de m'exprimer d'abord dans votre langue. Pourquoi ne pas alors traduire mes billets en espagnol, en allemand, en danois ou en grec. L'anglais n'est pas et ne sera jamais la seule langue au monde. Je fais le choix de rester libre de l'utiliser ou non et dans les pays où je vais, je fais toujours l'effort avant de m'exprimer en anglais, de le faire dans la langue du pays et le plus souvent mes interlocuteurs comprennent le français. Pourquoi alors utiliser l'anglais ? Puisque vous appréciez ce blog écrit en français, apprenez-donc notre langue cher lecteur anonyme, pour mieux l'apprécier ! Anyway, thank you for your comment!
Gérard a dit…
Et puis , ce fut la première langue de notre pire amie : l'Angleterre ! Honni soit qui mal y pense . Donc ! Elle reste de part le monde celle qu'on aime encore parler et pas forcément uniquement dans les milieux que l'on désigne par le vocable " cultivés " . Faut voir . On aura des surprises . Des contrits , des aigris , des affligés , des gros marris , de p'tits penauds , des bourgeois d'Calais , des repentants , des repentis , des génés , des déconfits , des embarrassés , des désolés , des crapoteux , des navrés , des embrouillés , des incertains , des indécis , des brouillons brumeux et cafouilleux , des nébuleux obscurs vagues et vaseux , bref tout un aréopage de bien-pensants médiatico-crasseux signifie sa proche disparition . Et comme disait Brel d'Amsterdam : " Et je pisse comme ils pleurent sur les ........ " Mais qui pourrait donc se priver de cette pluie torrentielle ? Nous , Français , nous aimerons Venise . A verse !
Anonyme a dit…
Ce n'était pas moi "l'anonyme", j'ai eu très peur de vous facher. ................................................................................. Le langage est source de malentendus. Antoine de St-Ex ................................................................................. M.17
Lorenzo a dit…
Je l'en doutais bien, M.17. Signez donc vos commentaires et n'hésitez pas à m'envoyer un mail pour nous raconter vos journées vénitiennes.
Anonyme a dit…
Je vous écris, promis. M.17

07 décembre 2007

Ses pas dans la nuit comme une musique de fête

 

© Francesco Ferruccio Laiss - Venezia, 1953.


Quand il marchait dans la nuit, le bruit de ses pas sur les pavés luisants, le silence qui l'entourait et cette obscurité à peine effacée par les réverbères, le transportaient au-delà des ruelles et des campi de la ville. Venise suintait encore les parfums de l'été. Pas un bruit dans la ville endormie. Comme s'il était seul. Il allait ainsi pendant des heures, marchant au hasard, prenant une ruelle ou une autre. Perdu dans ses pensées, il ne voyait pas les bâtiments, les vitrines, les monuments devant lesquels il passait, il les sentait. Comme une présence enfouie au plus profond de lui. Il n'était pas à Venise, il était Venise. 
Il vivait dans le cité des doges depuis quelques années. Il lui semblait n'avoir jamais été ailleurs. Tout dans la cité décatie lui parlait. Les murs lépreux, les campaniles penchés, les campi oubliés avec leurs puits où les chats aiment à se vautrer dès que le soleil perce les nuages, et ces canaux tranquilles où ne circulent plus que des reflets, des soupirs ou des souvenirs. Il aimait l'animation du marché le jour, les marchands affairés, les porteurs, la foule qui déambule dans les allées, les odeurs, les parfums des femmes qu'il croisait à l'heure de la passeggiata. Il se faufilait avec délice parmi les groupes assemblés sur les places. Mais ce qu'il aimait par dessus tout, c'étaient ses promenades nocturnes sans but précis, qui le menaient à l'autre bout de la ville dans des quartiers sombres et inhabités, puis le ramenaient jusqu'au seuil de la vieille maison où il logeait avec son petit chat gris. 

Ces longues marches dans la nuit, c'était son oxygène. Il ne rencontrait jamais personne et croyait la ville entièrement abandonnée. Elle était toute à lui la nuit. Il s'en allait heureux et fébrile, comme l'amant qui va retrouver sa maîtresse. Il se faufilait par les ruelles étroites pour retrouver l'âme de la Sérénissime. Tout ce qu'il est devenu, ses livres, sa vie, la sérénité de ses jours et sa joie profondément ancrée dans son cœur, c'est à ces longues nuits solitaires qu'il les doit... "Et maintenant mon esprit, œuvre si tu peux..."

1 commentaire:

Anonyme a dit…
Marcher dans la nuit, à rêver... Quel délice !
Je cherche un flâneur pour partager ces promenades nocturnes.
M.17

06 décembre 2007

Sollers et la "Première semaine de Venise à Bordeaux"

Puisque parler de Sollers soulève toujours autant de polémiques parmi mes lecteurs comme parmi mes amis bordelais, je vais vous raconter une anecdote que je continue de trouver peu flatteuse pour le maître plus de vingt ans après. 

Nous étions en 1985. Je travaillais alors chez Ferruzzi, dans sa galerie de San Vio devenue aujourd'hui la billetterie et la boutique de la Guggenheim. C'était en avril ou peut-être avant. Le projet d'une "Première Semaine de Venise à Bordeaux" prenait figure et les contacts se multipliaient tant à Venise qu'à Bordeaux. Tous étaient emballés par le projet et la petite association que j'avais montée en France était en effervescence. Avec l'aide du consul, Christian Calvy, de nombreuses portes s'ouvraient à double battant : Augusto Salvadori, déjà maire adjoint, était d'accord pour participer au voyage. Beaucoup d'artistes, musiciens, plasticiens, s'inscrivaient. 

A Bordeaux, Alexandre de Lur-Saluces et Micheline Chaban-Delmas soutenaient le projet. Le ministère de la culture venait d'offrir son parrainage après une intervention d'Anna Barbnabo... Bref, que de bons auspices. La matinée s'était passée en rangements, appeles téléphoniques, visites de touristes. J'étais assis à ma table de travail quand un homme rentra dans la galerie. J'ai oublié son nom, mais c'est mieux ainsi et c'est plus charitable. C'était un médecin je crois ou un avocat. En tout cas il me dit être un intime de Philippe Sollers et son fondé de pouvoir... Je ne sais plus s'il vint à la galerie par hasard et que je lui découvris le projet ou bien s'il vint me voir parce qu'on lui en avait parlé. Toujours est-il qu'il trouva excellente l'idée d'inviter l'écrivain (bordelais) à venir parler de Venise, de sa passion pour elle lors de la manifestation. Il promit de faire le lien et de nous communiquer rapidement les possibilités de son ami. Il me fallait arrêter le programme et les dates des évènements prévus. Fort de cet engagement, je rédigeais rapidement dépliants et dossier de presse qu'il fallait vite confier à la Tipografia Armena pour que tout soit prêt à temps. 

Vous imaginez la fièvre qui s'était emparée de tous, à Venise comme à Bordeaux. les affiches étaient splendides, le programme de qualité (c'est à cette occasion que je fis la connaissance de Claudio Ronco, mon ami violoncelliste et des Madrigalisti di Venezia), les œuvres choisies représentatives de la création contemporaine vénitienne : Silvana Scarpa, Bobbo Ferruzzi, Barrufaldi. Du côté français : les gouaches de carnaval d'Opole et les reflets photographiés par Odile Lurton. Peintures, gravures, musique, vidéos, il y en avait pour tous les goûts. Sur le dépliant, il avait fallu indiquer une date et un lieu pour la conférence de Philippe Sollers. Un couple de cinéastes avait sorti un film assez original sur la cité des doges. J'avais pensé qu'il serait intéressant de le visionner en compagnie de l'auteur du Dictionnaire amoureux de Venise - que certes il n'avait pas encore publié - et de lui permettre de s'exprimer ensuite. Nous avions choisi les salons de la Chambre de Commerce, magnifiques salles du XVIIIe flamboyant qui convenaient à merveille au sujet. Mon équipe à Bordeaux se chargeait des billets de train et de la chambre pour le loger. 

Le temps passa très vite, tout était fin prêt. Je rentrais en France pour accueillir mes invités vénitiens qui débarquèrent à l'aéroport un jour d'octobre. Ils furent logés dans un château des environs gentiment prêté par Lucien Lurton et sa fille Brigitte. Discours, toasts réciproques, mondanités diverses. Tout s'annonçait bien. Le jour même un homme de loi se présenta au bureau de l'association exigeant que le nom de l'écrivain soit biffé des programmes. Le maître n'avait jamais confirmé son accord. Il "n'avait pas l'intention de se commettre dans cette manifestation" organisée sans son accord par des inconnus, sans visibilité politique ou sociale. Jeunes, tétanisés et sans expérience, nous n'osions pas réagir. La nuit suffit à peine pour retirer les programmes déposés dans les hôtels et prêts à être distribués le lendemain dans les salles de spectacle. D'un trait de stylo, la ligne présentant la conférence de Philippe Sollers fut rayée. L'homme de loi -mais n'était-ce pas finalement qu'un "émissaire" de l'écrivain - avait exigé un démenti officiel, un communiqué de presse, que sais-je encore... Nous en sommes restés à ce trait rageur sur les dépliants. Le résultat fut inattendu : ceux qui auraient aimé l'entendre furent bien sûr déçus, mais la plupart critiquèrent avec véhémence cette attitude redondante et pleine de mépris. Sa Hauteur Philippe Sollers  - formule employée par le rédacteur en chef de Sud Ouest à qui l'affaire fut rapportée - ne pouvait daigner participer à notre "Première Semaine de Venise", quand des artistes de renommée internationale comme Regina Reznik, Arbit Blatas, Zoran Music ou Margaret Zimmermann, que leur emploi du temps n'avait pas permis de répondre favorablement à mon invitation, mis au courant de l'anecdote, et certainement pour me consoler, eurent tous la même réaction : "Pour seconde Semaine de Venise à Bordeaux, nous viendrons"... Voilà l'explication de ma réticence quand il s'agit de mon illustre concitoyen. Cependant, comme je l'ai écrit dans mon précédent billet, son amour pour Venise, la manière gourmande qu'il a d'en parler, la beauté des pages qu'il a pu écrire sur elle pardonnent ce comportement que je n'ai pu jamais m'expliquer, n'ayant pas à ce jour eu l'occasion de le rencontrer pour en parler.

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7 commentaires:


Anonyme a dit…
Quel pédant imbuvable et imbu de lui-même que ce Bazin moderne. Quand je le vois je pense à Folcoche et à la moumoutte de son auteur. Au moins à Bordeaux vous avez eu Montaigne, Montesquieu et Mauriac. Sollers vous l'oublierez.
Anonyme a dit…
Vous parlez des "reflets photographiés par Odile Lurton". Photographiés à Venise? ça m'intéresse car j'en ai photographié beaucoup comme vous avez pu le voir. Pourriez-vous en montrer un exemple? Marie G
Gérard a dit…
Ce que je garde de l'article , c'est l'allant général de cette joyeuse bande ainsi constituée . Richement dotée . C'est ça qui compte ! Bravo à tous ! A ces chacuns convergeant qui désirèrent par ce jumelage s'offrir un bel et bref instant de rêve . De bonheur secret . C'est cela qui , finalement , reste précieux . Et c'est ce qui , même au profond du désespoir , m'étonnera toujours chez les êtres . Et puis , chapeau aux artistes plus haut cités ! Aimons les artistes : croyez-moi , ça vaut l'coup !
Anonyme a dit…
Moi ce que j'en garde est que Venise soit un lieu de réconciliation... Bien à vous d'avoir cette grandeur d'âme ! J'aime Sollers vénitien, le dire m'a apporté beaucoup d'inimités de la part de personnes avouant ne l'avoir pas lu, mais n'aimant pas le personnage. Lisez Sollers Vénitien : Casanova l'admirable, La Fête à Venise, le Dictionnaire amoureux... Pour quoi juger un écrivain sur sa personne et non sur ses textes ?
Tietie007 a dit…
J'ai dernièrement vu une émission sur France 5, qui montrait Philippe Sollers faisant visiter son Venise ! C'était très bien ! J'avais vu la même, mais avec cette fois-ci Jean d'Ormesson, autre grand amoureux de la Sérénissime !
Anonyme a dit…
Vive Philippe Sollers! Le plus grand vénitien français!
Lorenzo a dit…
Vive l'écrivain Philippe Sollers lorsqu'il parle de Venise mais pas lorsque ses sbires se comportent comme ils l'ontfait avec notre manifestation... Mais l'a-t-il seulement su ?