22 août 2007

Jardins secrets et secrets bien gardés



Les amis du Campiello viennent de mettre en ligne un série de photos de jardins secrets de Venise. Je vous invite à vous y rendre, c’est magique. Il existe encore d'autres lieux cachés mais doit-on en parler ? Pour ma part, j'hésite toujours entre dévoiler les moindres endroits reculés et inconnus des touristes ou garder cachés ces lieux magiques qui échappent encore aux flots de la horde des visiteurs.
 
 
Un lecteur m'en fait d'ailleurs le reproche, récriant cet élitisme somme toute inacceptable. Le monde s'est ouvert et le monde a l'intention de déferler sur les plus beaux sites de la planète. Nous n'y pouvons rien. Mais comment préserver l'authenticité et la vie réelle de ces lieux qui fascinent ? Comment éduquer les visiteurs pour en faire des voyageurs curieux et non pas un troupeau bêlant ? Lors de mon dernier passage à Venise, au printemps, j’avais des démangeaisons : plusieurs centaines de touristes de la pire espèce (casquettes américaines à l'envers, sodas géants à la main, dégoulinant de sueur, a demi vêtus - tout ce que j'aime!), défilaient devant la terrasse - autrefois très tranquille - où je sirotais un bon café en lisant le Gazzettino. Le marchand de fruits et le boucher qui tenaient boutique à côté il y a encore cinq ou six ans ont été remplacés par des masques et de la verroterie (pas du fabriqué à Venise, tout là-dedans est Made in Taïwan). D'où l'étape instaurée par les tour-operators dans ce café... Bruyants, rigolards, désordonnés, ils passaient et repassaient, faisant la queue devant le bar pour acheter des bouteilles d’eau et des glaces chimiques Motta (alors qu’à trente mètres un pâtissier propose des sorbets et des gelati casalinghe sublimes)… Seriez-vous restés de marbre face à cette pollution ? Moi non.

Alors, ne comptez pas sur moi pour vous signaler ces endroits merveilleux où les barbares ne pénètrent pas, ces passages secrets dignes de Corto Maltese, ces jardins perdus où poussent des merveilles de la botanique, cette roseraie remplie de fleurs et de papillons, ce jardin suspendu aux senteurs de jasmin, une vigne et un verger paradisiaque (ah les pêches jaunes que les enfants disputent aux oiseaux!), et tant d’autres lieux qu’il faut protéger de la horde. Mais rien ne nous empêche d’en montrer les images. En tout cas celles publiées par Jas et Stef du Campiello sont très belles. 

Photos de Stef

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13 commentaires:

condorcet a dit…
Je me sens visé par l'accroche "un lecteur m'en fait d'ailleurs le reproche". A la réflexion, je regrette un peu la violence de l'apostrophe et si j'avais pu l'enlever ou l'amender, je l'eusse fait.
En un sens, votre désespoir ne me laisse pas indifférent. Voir et entendre mes voisins ivres et drogués beugler et s’affaler devant ma porte à une heure avancée de la nuit (un spectacle un peu trop récurrent cet été) ne m’amuse guère non plus.
Dans un autre domaine, croyez-vous que le foisonnement des thèses en histoire me plaise ? Certes, on connaît les étudiants qui travaillent sérieusement et ceux qui le sont moins. Mais, en un sens, un directeur de thèse qui suit 20 étudiants à la fois peut-il le faire sérieusement ?
Évidemment, non et le danger du nombre que vous pointez est plus que réel : il est même l’enjeu majeur de la contemporanéité.
C’est par une patiente imprégnation que l’on apprend, pour Venise comme pour les émissions littéraires. Nous sommes dans un paradigme : vous voulez montrer sans révéler. Quasiment un droit d’auteur. Comme moi, dans ma thèse, si je révèle trop, non seulement je cours le risque de voir mon travail dénigré, mal compris, copié et d’entraver mes débouchés professionnels.
Moralité : nous sommes moins précis sur certains points, sur certaines idées, sur certains lieux moteurs. Triste perspective.
condorcet a dit…
Venise au Carnaval, à la Mostra ou à Ferragosto dans le triangle Rialto - San Marco - Accademia : un cauchemar.
Restent les lieux secrets, ceux que les guides les plus divers ne mentionnent pas, et le hors-saison.
Mais on ne peut reculer éternellement : un jour ou l'autre, il faudra réfléchir à la place de la culture dans une société marchande de manière beaucoup plus sereine, complète et étendue qu'on ne l'a ébauché jusqu'ici. Réfléchir, concevoir, décider.
Lorenzo a dit…
Visé certes, mais en toute amitié. Vous semblez bien connaître et aimer Venise. Vos commentaires sont précieux. Je vous en remercie. Vous parlez d'un travail universitaire... Sans vouloir être indiscret, sur quoi porte votre thèse ?
condorcet a dit…
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condorce a dit…
Nouvel essai de transmission du message dans une version acceptable :
La thèse porte sur les missions littéraires à la télévision française (avec "Apostrophes" entre autres). En clair, il s'agit de savoir comment le livre est présenté dans un type particulier d'émission littéraire.
J'aime beaucoup Venise et ma thèse mais comme Douille, je suis très pessimiste. La hausse exponentielle des prix et un accueil de plus en plus tourné vers le nombre aux dépens de la qualité finiront par avoir raison des amoureux de Venise (non-résidents) qui se lasseront d'être dépouillé et pris pour ce qu'ils ne sont pas : des vautours à plumer.
Je dois hélas aussi tenir quelques propos trop acides à mon goût mais réflétant une réalité préoccupante : préparer un doctorat en sciences humaines devient une gageure. On se heurte de plus en plus aux obstacles financiers (peu d'aides financières, d'insertion avec le milieu des chercheurs, trop de népotisme, de gérontocratie).
J'aime passionnément l'histoire et Venise. Et pourtant, l'une comme l'autre se croient éternelles. Rien n'est plus faux. La demande sociale dont se targue l'histoire peut se tarir et l'attrait pour Venise peut se transformer en "happening" géant ou ghetto local. A être hautaines, l'histoire et Venise partagent un même aveuglement devant l'Histoire : comme le soulignait Paul Valéry, les civilisations sont mortelles.
condorcet a dit…
Le « beneficium sine cura » est un bénéfice ecclésiastique accordé accordé à un clerc pour lui permettre de poursuivre un travail de recherche sans avoir à assurer de services religieux dixit Wikipedia.
Wikipedia : les rumeurs les plus malveillantes courent sur cette encyclopédie « libre » qui a un mérite : celui de donner corps et vie à l’utopie du village planétaire, celle d’Internet à ses origines. Comme toute source, tout ouvrage, elle mérite un recoupement, une confirmation, une critique sage et raisonnée. Pourquoi refuser le nouveau parce qu’il est nouveau, c’est-à-dire incertain, non reconnu par les autorités ?
Le « beneficium » est au Moyen Age un bienfait, soit un bien concédé par un seigneur à un vassal, soit un revenu lié à une charge ou à une dignité ecclésiastique.
Ce « beneficium sine cura », cette sinécure, n’est pas pour autant de tout repos. Assumer un travail de recherche au Moyen Age, en quoi cela pouvait-il consister ? Lire « Les intellectuels au Moyen Age » de Jacques Le Goff offrirait qq ouvertures. A défaut, on peut penser aux ateliers de reproduction des manuscrits dans les monastères (les scriptoria), de l’indexation et de la traduction des auteurs de l’Antiquité paienne (Platon pluôt qu’Aristote) et chrétienne (les Pères de l’Eglise : Tertullien, Augustin, Jérôme…).
Le savoir médiéval a hérité de la division élaborée à la fin de l’Antiquité classique. Les arts libéraux qui séparent le cycle littéraire : le « trivium » (grammaire, rhétorique, dialectique) et le cycle scientifique : le « quadrivium » ( arithmétique, astronomie, géométrie, musique).
Chercher au Moyen Age, c’est retrouver les splendeurs perdues du savoir antique, retrouver la vérité originelle. Le savoir est confiné dans quelques catégories bien précises de la société : les clercs en concentrent la plus grande partie, à la fois parce qu’ils connaissent et vivent dans les lieux du savoir, qu’ils incarnent et confirment la légitimité dynastique, enfin parce qu’ils sont au sommet de la pyramide sociale.
La sinecure ne le devient vraiment qu’à l’époque moderne.
Sinécure, privilèges (priva lex : « statut particulier ». Ex : la « bonne ville » de Tours était exemple de la taille, impôt qui pèse sur les revenus, est prélevé non par répartition mais par quotité : on demande une somme plutôt qu’une portion des revenus.).

Sinécure : ce n'est pas une sinécure que d'en retracer l'évolution sémantique !
condorcet a dit…
Comme de coutume, c'est l'essentiel qu'on oublie.
Les servies religieux pouvaient être contraignants au Moyen Age. Il s'agissait de ne manquer les offices religieux, la messe et les prières célébrées aux différentes heures de la journée :
A la 1ère heure de la journée (6h)
- les moines vivaient au rythme du soleil -, laudes;
A tierce (9h), nouvelle prière (on récite les diverses parties du bréviaire);
A Sexte (12 h), none (vers 15 h), vêpres (17 h), complies (fin de journée).
Les frères convers suivent un rythme plus souple de même que les bénéficiaires d'une sinécure.
Cette sinécure n'est pas une facilité, c'est simplement une possibilité de travailler, contrairement à ce que l'imaginaire collectif en a retenu.
Gérard a dit…
Les civilisations ne meurent jamais !
Eruptives ?
Puisqu'elles épousent .
Seuls disparaissent ce qui les enfante : la vanité historique et son imprégnant , l'orgueil local .
Nous léguant ainsi leur dot magnifique : la poussière de ces scories .
Et à Venise , voyons , quelles cendres !
Parfois volcaniques , même .
Eruptives ?
Je le crois .
Oui , et encore .
Pire .
Je veux y croire !
condorcet a dit…
Mon cher Gérard,
Elles ne meurent pas, elles s'effacent. Que savons-nous des Avars qui assiégèrent Constantinople en 626 ?
Venise est plus qu'un réceptacle de cendres, c'est l'étalon même du temps.
Gérard a dit…
Faut que j'revienne donc à l'assaut de ce magnifique jardin où broussailles et ancolies , fleurs sages ou de la mélancolie , m'assaillent !
Comme j'aime ce jardin de Verrières !
N'est-ce pas ?
C'est l'étalon du temps : très juste !
Bien vu !
Moi , je m'impose le pire .
L'avenir .
C'est le " pied de Vicenze " , le pied de l'avenir , le pied de notre avenir .
Palladio aima jadis les coudées franches , comme les Égyptiens .
Comme il avait raison !
Devrons-nous au nom des immortelles et des chrysanthèmes y laisser périr les " Mémoires " de nos Grands Anciens ?
Pas question !
Pire : plus jamais question !
J'aime y voir flâner tous les pieds-bots du monde entier .
Ils sont nombreux .
Ayons pitiè !
D'eux .
De nous , surtout !
A l'instar des maisonnées penchées , la voilà qui s'exclame à leur passage , et la voilà qui nous inspire :
" Quand je m'examine , je me méprise ; mais quand je me compare , alors là ! "
Facétieuse immortalité : après le feu , les cendres , et dessus revoilà le roncier et enfin l'ancolie !
condorcet a dit…
Vous avez dit : "Seuls disparaissent ce qui les enfante : la vanité historique et son imprégnant , l'orgueil local".
A fréquenter Venise par intermittences, c'est le contraire qui m'est apparu. Qui oserait se proclamer reine parmi les reines alors que son pouvoir temporel est réduit à néant ? Même le pape Pie IX qui se déclarait "prisonnier dans ses États" prêtait à sourire. Comme le relèvent Joseph Brodsky ou Liliana Magrini, il y a bel et bien un "orgueil local". A preuve les multiples qualificatifs d'exclusivité utilisés comme arguments touristiques aujourd'hui ou le classement au Patrimoine de l'Unesco.
Vous avez dit : "Moi je m'impose le pire, l'avenir". Concevoir l'avenir se résume bien souvent à vouloir empiéter sinon avoir la mainmise sur celui des autres. Par exemple, les architectes (comme Palladio qui nourrissait de sombres projets pour la Piazza) revêtent souvent le costume de visionnaires dans la mesure où ils organisent l'espace, s'efforcent autrui de la beauté de leurs rêves. Est-ce vraiment parce que l'on est convaincu, habité par son rêve que l'on doit l'imposer à ses contemporains voire à ses successeurs ?
On retrouve aisément ce pendant dans les déterminismes historiques. Les prétendues "lois ou jugement de l'histoire" étayent des volontés de puissance quasi nietzschéennes.
Quelquefois l'oubli ne manque pas de grandeur. Et si Venise méritait d'être oubliée quelque temps pour être mieux redécouverte ensuite ?

Votre propos ne manque de beauté cependant.
Gérard a dit…
Comme le pape et à son inverse , je souris .
Tendrement .
Et si tous ceux qui ne savent pas qu'elle existe - ils sont nombreux - avaient tort ?
Et si ceux qui n'en finissent pas de s'en occuper - sont nombreux aussi - faisaient fausse route ?
Et si les personnalités notoires - plus rares car " élite " - s'activaient en pure perte ?
C'est vraiment drôle de penser à tout ça .
Les habitants du golfe , finalement , s'en fichent de ce tout ça .
Pour avoir les pieds parfaitement plantés là-bas , ils savent qu'il faut y vivre , et c'est bien ça qui compte pour eux .
Et où est la vie , comme dit l'autre , reste l'espoir !
J'aime les observer .
Et n'ai point peur de m'y tromper .
Comme cette erreur est exaltante en fait !
Marâtre nature , tu me l'as bien rendue !
.........
Ce jardin .
Cet espoir .
condorcet a dit…
Oui, une erreur bien exaltante.

19 août 2007

Cosi fan tutti, i turisti !



Ce que l'on voit hélas de plus en plus, ce spectacle déprimant que les vénitiens contemplent attristés dans les rues de leur ville et qu'ils ne supportent pas... 

Ces milliers de visiteurs désœuvrés, fatigués, qui se vautrent le long des canaux, s’assoient à même le sol, s'allongent sur les dalles de la piazza, se déchaussent, se dévêtissent presque comme sur une plage, attirés par la fraîcheur présumée de l'eau. Si la maréchaussée ne veillait pas, il y en a qui piqueraient une tête dans le moindre canal. Bonjour les maladies de peau et les allergies car hélas l'eau n'est plus aussi propre que du temps de Byron qui avait l'habitude de nager de chez lui jusqu'à chez ses maîtresses. Quand j'étais étudiant, les petits vénitiens de Cannaregio ou de la Giudecca s'amusaient en été à plonger du haut des ponts et pataugeaient dans l'eau à demi nus sous l’œil amusé des passants. Mais c'était il y a vingt-ans. Les eaux n'étaient pas encore ce qu'elles sont aujourd'hui. Et puis les touristes déjà fort nombreux à l'époque, s'ils envahissaient les moindres terrasses et occupaient toutes les tables des bars et des cafés, ne se vautraient pas comme aujourd'hui pareils à des misérables éreintés par leur errance à travers la ville, écrasés par tant de beauté de de magnificence comme les barbares des temps passés quand ils découvrirent la splendeur de Rome qu'ils allaient détruire...

9 commentaires:


condorcet a dit…
"[...] chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage" (Montaigne ,"Essais", Livre I, Chapitre XXX, Des Cannibales)
condorcet a dit…
Bien que votre commentaire mozartien ne soit pas à mon goût, je suis heureux de vous lire à nouveau sur ce blog. Cependant, peut-on raisonnablement soutenir comme vous avez une fâcheuse propension à le faire que les touristes sont responsables de tous les maux des Vénitiens, par nature angéliques et innocents ? Ces doux Vénitiens dont la vertu sous l'eau irisée du bassin de Saint-Marc qu'ils fuient d'ailleurs. Non, décidément, je ne m'habituerais jamais à cette dichotomie un peu sommaire qui voit des autochtones bienveillants et des arrivants malveillants. Mais qui a colporté le rêve vénitien jusqu'à ces "envahisseurs" ? Des promoteurs sans âme ou des municipalités de plus en plus soumises à l'appât du gain rapide ? Le souci de rapine est-il l'apanage du Japonais en goguette ou de l'autochtone sans vergogne qui relève chaque année ses prix suivant une courbe exponentielle sans rapport avec le coût réel de la vie ni des biens vendus ? Vous m'objecterez immédiatement : attention à l'amalgame... et je souscrirai à cette remarque. Vous connaissez comme moi la Bible : "Bienheureux les pauvres en esprit car ils seront les premiers au Paradis". QQfois, survient l'idée mélancolique qu'on ne saurait occuper une position intellectuelle sans se croire investi de droits au jugement alors qu'elle confère au contraire le devoir de compréhension envers et contre tout. Oui, on peut regretter un passé idéel où les galères étaient mues par la force des Dalmates à peine débarqués sur la Riva. Oui, on peut regretter le tourisme d'antan, celui de l'Orient-Express et de Marcel Proust, où les aristocrates foulaient seuls le marbre de Zanipolo. En tant que démocrate, vous me permettrez certes de lire Proust mais de me souvenir aussi de quel mépris on écrasa les premiers congés payés. Il est facile de désigner une catégorie particulière comme la réincarnation de Bouvard et de Pécuchet. Il l'est beaucoup moins de penser avec indulgence à ces êtres qui tentent malgré tout, d'éprouver du bonheur, dans des sociétés despérement marchandes, au sein desquelles ce mot est étranger, y compris à Venise. Cette coupure entre Vénitiens et touristes n'est plus seulement un scandale, elle constitue une redoutable menace pour la survie même de l'identité vénitienne, qui avait su jusque lors, tirer le meilleur de l'"envahisseur".
discus a dit…
si l'on demande à quel poisson ressemble aujourd'hui Venise... effectivement, à une grosse morue ... ou un thon, à la rigueur, n'est-ce pas ?
Lorenzo a dit…
Qui a dit "les vénitiens, autrefois peuple de marchands, aujourd'hui peuple de boutiquiers"? Bien sur, nombre d'entre eux sont responsables de cette situation. Et cela continue en dépit des tentatives héroïques de Massimo Cacciari. oui des considérations semblables ont remplacé les esclavons des galères par les touristes gogos.L'usage n'est pas le même mais l'esprit demeure...Il faut me pardonner ces humeurs élitistes. On se prend vite à croire Venise dédiée à son seul usage et le mépris facile n'est pas loin lorsqu'on a la chance de pouvoir s'y rendre souvent, y rester, y être bien logé et n'avoir pas à dépendre de guides et d'intermédiaires seulement mûs par l'appât du gain. Je ne regrette ni le temps du Simplon-Orient-Express ni des voyages à la manière de Régnier, Proust, Adelsward-Fersen ou Lorrain, je ne vomis pas les congés payés et le droit au bonheur, même maladroitement revendiqué, est une aspiration fondamentale de la société humaine qu'il faut soutenir et faciliter. Cependant, et peu m'importe la cause, je ne puis me résigner au nom de cette volonté d'être heureux, et quelque soient les responsables de cet état de fait, à la vulgarité et à l'incurie des masses en déplacement à Venise comme partout ailleurs dans les hauts-lieux du patrimoine mondial. Nulle misanthropie dans mes propos. Juste une grande lassitude. J'ai connu Olympie sans un seul visiteur et nous allions courir dans le stade à l'aube, j'ai gravi les marches du Parthénon seul sous les étoiles, j'ai visité Versailles fermé au public, passant de couloirs en cagibis comme dans un palais endormi et Capri lorsque le dernier bateau est parti m'a montré ses plus belles parures. Privilège certes de nos jours, mais qui fut chose courante pour le voyageur d'antan. Faut-il le regretter ? On ne peut à l'inverse se réjouir de la massification du tourisme sans hypocrisie. Comment ne pas souffrir quand certains jours je mets cinq minutes pour rejoindre le portail de ma maison vénitienne, quand la foule qui passe dans la rue de la Toletta est aussi dense que dans le métro à l'heure de pointe, quand le vénitien ne peut prendre le vaporetto envahi par les touristes et qu'il sera en retard à son bureau... Mais laissons-là ces considérations : Venise est encore là, elle est belle, elle se donne et parmi la horde peu resteront indifférents même en n'ayant vu d'elle que très peu ou très mal !Gageons qu'ils prendront conscience du gâchis et verrons la ville autrement...
condorcet a dit…
Cher Lorenzo, c'est la réponse que j'espérais. Soyez tranquille : la massification ne me réjouit non plus. Le droit à l'intimité et à la vie privée est même essentiel. C'est sûr qu'il est triste de voir des lieux surfréquentés s'étioler. Mais les Satires de Juvénal et son relent de "Cloaca Maxima" nous menacent aussi "Cela fait longtemps que le fleuve de Syrie, l'Oronte, s'est déversé dans le Tibre, charriant avec lui la langue et les mœurs de cette contrée : les joueuses de flûte, les harpes obliques, les tambourins exotiques, et les filles dont la consigne est de se tenir près du cirque. Allez, vous qui aimez ces louves barbares à la mitre colorée ! " (Satires, III, 62-66). Entre le péril de la turba entraînée par Clodius et les imprécations postérieures de Juvénal, il est difficile de trouver un équilibre. Reste en guise de consolation cette axiome de Paul Valéry qui m'a quelquefois permis d'apaiser des élèves désireux de pointer deux points antagonistes dans mon discours : "L'homme n'est pas fait pour résoudre ses contradictions mais pour les vivre". [Si qq'un peut retrouver les références exactes de la citation, je l'en remercie] Cordialement. Condorcet (Frédéric).
condorcet a dit…
P.S : je déteste vraiment la littérature de Juvénal, jonchée de médisances, de propos et de gestes rapportés.
Douille a dit…
J'agrée totalement avec Condorcet!!! Pas la peine de pleurnicher devant les vilains touristes, on les saignent assez comme ça... Chaque année je vois mon voyage à Venise me coûter de 15 à 20% plus cher, bientôt je ne saurais plus y aller... Je ne me baigne pas les pieds dans les canaux (ça risquerait de faire plus de dégâts que Marghera :D ), j'ai même appris l'Italien pour avoir l'air moins con... Mais dommage à cause de leur prix de fous je serai remplacé par un ricain en short qui lui sait se payer Venise...
condorcet a dit…
Hélas, hélas.
Anonyme a dit…
De plus c'est encore une vidéo de Venessia...

COUPS DE CŒUR n°16


Alessandro Marcello, La Cetra.
par le Collegium Musicum 90
dirigé par Simon Standage.

Ed. 2007.
 
Ce concerto magique composé par le frère aîné du célèbre Benedetto Marcello annonce par l'usage débridé du contrepoint, les grandes oeuvres de Vivaldi. La vivacité du violon et le chant du hautbois en font une pièce musicale raffinée et très moderne. L'ensemble que dirige le violoniste anglaise Simon Standage interprète ce concerto avec brio en dépit d'une rigueur britannique qui aurait mériter de moins se contenir.

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Dreams : Oud and Voice
par Samir Tahar.
Next Music, 2006. 
CDS8973
Ce grand musicien arabe (il est algérien d'origine bédouine) présente dans ce magnifique disque des pièces chantées ou instrumentales sur des thèmes traditionnels bédouins et andalous. La parfaite illustration musicale de l'exposition sur "Venise et l'Islam" du Palazzo Ducale dont je vous parlais ce matin. On peut être parfois dérangé par cette voix aux inflexions tellement différentes du chant occidental mais les taqasim (pièces instrumentales solo) à l'oud nous offrent un vrai voyage. Ce disque est quelque part très vénitien. Je l'écoute souvent avant ou après le Gloria et le magnificat de Vivaldi quand je me promène à pied ou en bateau dans la cité des doges.


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Venise,
par Jean-Michel Brèque

PUF collection Culture-guides. 2007
"Née sur un site hostile et devenue ville du Titien et de Tiepolo, de Monteverdi et de Vivaldi, Venise est pour moi une cité miracle. Parcourir le Grand Canal, la plus belle rue qui soit au monde, ou flâner dans ses calli merveilleusement piétonnes, au milieu des façades ciselées que relèvent les ors de l'Orient, est toujours un pur bonheur, surtout dans le monde d'aujourd'hui. Je n'aime pas Venise seulement parce qu'elle est unique ou qu'elle a su garder sa splendeur au long des siècles, je l'aime aussi parce qu'elle est fragile et menacée : sa disparition serait une catastrophe pour l'humanité autant qu'une blessure intime pour tous ceux qui l'ont une fois visitée. " dit l'auteur dans la présentation de son ouvrage, l'un des premiers de la collection que viennent de sortir les Presses Universitaires de France avec Clio, cet organisme spécialisé dans le voyage culture. Il s'agit d'un guide culturel et politique plus que touristique où, chapitre après chapitre, on apprend mille choses sur l'évolution de la Sérénissime au fil des siècles et des évènements internationaux, de la fondation de la cité des doges à nos jours. Des encadrés très bien faits développent certains détails sur un monument,un lieu un personnage et font de cet ouvrage une source d'information passionnante.
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Venise n'est pas trop loin
Christian Bruel et Anne Bozellec.

Ed. Être, A propos d'enfances, 2007
Une BD envoûtante. L'histoire d'une jeune fille à peine adolescente en vacances à Venise avec sa mère. Sur un campo de Venise, elle découvre un jeu d'adresse fascinant mais réservé aux adultes, mais ne mesure pas l'enjeu avant de se retrouver au pied du mur : donner une heure de sa vie en gage. Comment se sortir de ce mauvais pas ? Le texte de Christian Bruel, très limpide est enluminé par les montages photographiques d'Anne Bozellec qui font de ce livre pour jeune adulte une réussite. Les auteurs ont parfaitement su appréhender la fascination de Venise, son atmosphère et cette capacité aux grandes choses qui y est donnée aux âmes romanesques et sensibles.

Oignons aigre-doux, la saveur de l'été vénitien sur votre table

Andrée, fidèle lectrice de TraMeZziniMag, me demande de publier la recette des Sarde in saor (sardines à l'aigre). Il existe plusieurs manières de préparer ce plat typique de la cuisine vénitienne. Je vous invite à vous reporter au billet du 16 octobre 2005 où je publiais celle que j'utilise. Pour ceux qui ont la chance d'être encore au bord de l'eau et qui peuvent se procurer des poissons frais, c'est le moment de vous lancer dans l'élaboration de ce plat qui se conserve bien. Servies avec un verre de vin blanc sec ou un rouge frappé (je conseille un Brouilly ou mieux un Bardolino, bien frappés). Plat typique pour la fête du Redentore, chaque cuisinière à Venise se doit d'en présenter à ses invités, lors du dîner pris en barque ou sur les altane en attendant les feux d'artifices traditionnels. 

Une autre recette typique bien agréable pour une tablée entre amis, le soir sur une terrasse au bord de l'eau ou dans le jardin : les oignons aigre-doux qui accompagnent délicieusement des viandes blanches, des grillades ou se dégustent comme accompagnement d'un bon vin. 
En voici ma recette :  

Il faut 1 ou 2 bottes d'oignons nouveaux. 1/2 verre d'huile d'olive pure, 2 verres de bon vinaigre de vin, 1 cuillère à soupe de sel, 2 cuillères de sucre roux, clous de girofle, poivre, éventuellement une poignée de raisins secs. 
Peler les oignons, s'ils sont gros, les couper en deux. Les placer dans une terrine allant au four avec l'huile d'olive. 
Verser le vinaigre dans lequel vous aurez dilué le sel et le sucre. Ajouter les clous de girofle et le poivre moulus. Mettre à four moyen et laisser mijoter. Les oignons sont cuits quand il n'y a pratiquement plus de liquide mais attention, ils ne doivent pas être trop caramélisés. Avant de sortir le plat, on peut ajouter une poignée de raisins secs que vous aurez fait revenir dans un fonds de vinaigre. 
Délicieux chaud comme froid pour accompagner des plats de viande ou en cicchetti à l'apéritif.

Couleurs d'été...

© Copyright Yves Phelippot - 2007

Venezia et l'Islam


Grande exposition à ne pas manquer cet été : "Venise et l'Islam, 828-1797"

Après Paris et New-York, la grande exposition consacrée aux rapports entre la Sérénissime et le monde islamique, s'installe au Palais des Doges, avec la présentation de plusieurs centaines d'objets d'art, très beaux, souvent merveilleusement raffinés: peintures, verreries, céramiques, argenterie, tissus et livres, provenant pour la plupart de collections vénitiennes prestigieuses mais aussi de différents grands musées du monde entier rassemblés pour la première fois.


Les objets exposés témoignent de l'extraordinaire échange d'influence et de compétences entre les deux cultures dès le IXe siècle. On peut suivre l'évolution artistique des deux civilisations presque toujours liée aux évolutions politiques et économiques des deux mondes, et à la qualité des échanges quasi permanents entre Venise et l'Islam et à la transmission des techniques et des savoir-faire uniques de chaque type d'artisanat. En sortant de cette exposition on se rend compte combien fut important pour l'Occident cette relation de près de mille ans entre les marchands (et les artisans) vénitiens et leurs homologues turcs, perses ou égyptiens. 

Sont présentés aussi de grands chefs-d’œuvre de la peinture vénitienne entre le XIVe et le XVIIIe, de Bellini à Carpaccio, de Veronese à Tiepolo en même temps que d'extraordinaires dessins, des cartes géographiques, des gravures rarissimes. La section consacrée aux Arts Appliqués est passionnante tant elle démontre l'évidence de l'influence fondamentale des méthodes et des techniques arabes et ottomanes sur l'artisanat de la République. On comprend l'origine des thèmes et des motifs qui font l'originalité du langage artistique vénitien tout au long des siècles. Nulle part ailleurs en Europe (si ce n'est dans l'architecture hispano-mauresque) l'influence de la civilisation islamique n'a été aussi fondamentale. Une dernière section présente l'ampleur et la richesse des échanges scientifiques et philosophiques avec la présentation d'objets, d'instruments divers et de magnifiques ouvrages rarement présentés au public. Si à l'Institut du Monde Arabe, on pouvait regretter la relative superficialité des commentaires de présentation, l'installation vénitienne est amplement détaillée, les vitrines très faciles d'accès même avec au milieu d'une foule nombreuse comme à chaque exposition dans les salles du Palais des Doges.

L'exposition, intégrée dans un parcours didactique dans la ville "sur les traces de" (“sulle tracce”) de cet ample entremêlement historique et artistique des deux civilisations. Une série de manifestations(concerts, conférences, projections) est programmée sur ce thème un peu  partout dans Venise, est le fruit de la collaboration entre l’Institut du Monde Arabe de Paris, le Metropolitan de New York et les Musei Civici Veneziani. Elle est organisée par la Municipalité de Venise et de la Fondazione di Venezia.


"Venise et l'Islam, 828 - 1797"
Palazzo ducale, San Marco.
Depuis le 28/07 et jusqu'au 25/11/2007.
Entrée par la Porta del Frumento (Piazzetta).
Ouvert tous les jours de 9 à 19 heures.
Tarifs : 10 € (plein-tarif),  5 à 8 € (étudiants, chômeurs,etc.).
Gratuit pour les enfants de jusqu'à 5 ans.
Possibilité de réservation.
Catalogue édité chez Marsilio editori.

Venise en été...

 
Bora et sirocco se sont succédés cet été sur Venise et sa lagune. Pourtant, il a fait souvent beau et même très chaud. Peut-être moins que les autres années. Le changement climatique est-il en marche ? Cela n'a pas empêché les quelques vénitiens qui n'ont pas fui leur ville envahie par les hordes estivales, de vaquer à leurs occupations. Les terrasses ombragées accueillent à l'heure de la passeggiata, vénitiens et touristes. Il fait si doux quand le jour se termine...

23 juillet 2007

Venise est un poisson



Il pleut sur le Cotentin. De passage à Agon-Coutainville où Constance doit faire une promenade sur Joyeuse, son poney préféré, j'en profite pour faire une halte au cyber-café du coin. Pas d'internet dans notre village, cela repose certes, mais l'accoutumance est là... La tentation est bien trop grande de reprendre le fil de nos conversations et d'ajouter sur TraMezziniMag un nouveau billet, en attendant la reprise de mes "activités pseudo-littéraires"...
"Venise est un poisson. Regarde-la sur une carte géographique. Elle ressemble à une sole colossale allongée sur le fond. Comment se fait-il que cet animal prodigieux ait remonté l'Adriatique et soit venu se terrer précisément ici ? Il pouvait se balader encore, faire escale un peu partout selon son humeur, migrer, voyager, s'amuser comme bon lui semble : une fin de semaine en Dalmatie, après-demain à Istanbul, l'été prochain à Chypre. S'il s'est ancré dans ces parages, il doit bien y avoir une raison. Les saumons s'épuisent à contre-courant, escaladent les cascades pour aller faire l'amour en montagne. Les baleines, les sirènes et les figures de proue vont mourir dans la mer des sargasses.
Les autres livres souriraient de ce que je suis en train de te dire. Ils te racontent comment la ville est née du néant, son trépidant succès commercial et militaire, sa décadence : des contes de fées. Il n'en est rien, crois-moi. Venise a toujours existé comme tu la vois ou presque. C'est depuis la nuit des temps qu'elle navigue. Elle a touché tous les ports, s'est frottée à tous les rivages, les quais, les embarcadères : sur ses écailles sont restées attachées des ancres du Moyen-Orient, des sables phéniciens transparents, des mollusques grecs, des algues byzantines. Un jour, cependant, elle a senti tout le poids de ses squames, ces graines et ces éclats accumulés sur sa peau petit à petit, elle s'est rendue compte des incrustations qu'elle trimballait sur elle. Ses nageoires sont devenues trop lourdes pour se glisser entre les courants. Elle a décidé de remonter une fois pour toutes dans une de ces baies les plus au nord de la Méditerranée, la plus tranquille, la plus abritée, et de reposer là.
Sur la carte géographique, le pont qui la réunit à la terre ferme ressemble à une canne à pêche : on dirait que Venise a mordu à l'hameçon. Elle est étroitement liée par des rails d'acier et des bouts d'asphalte, mais cela est arrivé après, il n'y a qu'une centaine d'années. Nous avons craint que Venise, un jour, puisse changer d'avis et repartir. Nous l'avons attachée à la lagune pour qu'il ne lui vienne pas en tête de prendre le large à nouveau et de s'en aller loin, cette fois pour toujours. Aux autres, nous disons que nous l'avons fait pour la protéger, parce que, après toutes ces années de mouillage, elle n'est plus habituée à nager : on la capturerait tout de suite, elle finirait sûrement à bord d'une baleinière japonaise, on l'exposerait dans un aquarium à Disneyland. La vérité, c'est que nous ne pouvons plus nous passer d'elle."

Découvert dans"Venise est un poisson"de Tiziano Scarpa
(Editions Bourgois, 2002)
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3 commentaires :

Anonyme a dit…
venise est une grosse morue
Antoine a dit…
Encore un (ou une) qui n'aime pas le poisson ! Venise est une carpe quand elle garde jalousement des secrets, une truite quand elle se faufile dans le cœur des amoureux, une pieuvre quand elle veut dominer le monde mais elle n'est pas ce que vous insinuez !
Anonyme a dit…
et pourtant !!

06 juillet 2007

TraMeZziniMag prend quelques jours de vacances !

Chers amis lecteurs, votre serviteur va rejoindre les bords d'une lagune qui se donne parfois des airs de Venise : Les enfants et moi, nous prenons nos premiers quartiers d'été comme chaque année, entre Le Moulleau et Pereire, sur le Bassin d'Arcachon, à Flamberge, une vieille bâtisse usée par le sel, pleine de charme, au bord de la plus jolie plage de la ville. Le va-et-vient incessant des barques, des voiliers et des chalutiers, la lumière très pure parfois nimbée d'argent au crépuscule, les cabanes tchanquées dont les pilotis rappellent leurs cousines des îles du delta du Pô, et cet air salin tellement doux qu'on y respire, après la puanteur de la ville polluée, tout me ramène à Venise. Et le matin, lorsque nous nous retrouvons sur la terrasse face à la mer, nous nous sentons tous aussi bien qu'à Venise. L'exil nous parait bien plus doux ! 

Venise n'est jamais très loin de nous en Arcachon : la boutique de verrerie (tenue par un authentique vénitien venu se marier ici) qui ressemble à s'y méprendre à ces boutiques de la Strada Nova, la pizzeria qui diffuse des chansons de Paolo Conte et de Jerry Vale ("mamma") que les gondoliers reprennent souvent, et quand nous allons au marché, nous passons en vélo par la rue Thomas Illyricus, du nom de ce moine esclavon Naufragé un jour lointain au large de ce qui n'était encore qu"un village, il débarqua avec une statue de la vierge devenue miraculeuse et qui trône toujours dans la ravissante chapelle des marins remplie d'ex-votos, parfumée comme l'église de San Michele battue par les flots à l'entrée du cimetière de la Sérénissime... Non Venise n'est jamais vraiment loin de nous.
TraMeZziniMag sera donc moins actif dans les prochaines semaines, faute d'équipement internet dans la vieille maison du bord de l'eau. Mais je vous le promets, je vais mettre de l'ordre dans mes notes et préparer plein de billets que j'essaierai de publier dès que possible. En attendant, n'hésitez-pas à m'écrire, même si la réponse tarde à venir ! Bonnes vacances à tous !

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2 commentaires:

madeleine a dit…
bonnes vacances et revenez bous vite pour nous régaler de toutes vos connaissances vénitiennes.
ghost1 a dit…
arcachon est située à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest de Bordeaux. La ville est disposée autour d'une superbe plage de sable fin comme en témoigne cette vue aérienne La ville d'arcachon est située au sud du bassin d'arcachon du même nom. Comme on peut le lire dans certaines publications, le bassin d'arcachon est une presqu'ile en négatif , le renouvellement de l'eau étant assuré par une étroite ouverture permettant la communication avec l' océan Atlantique .
Dans un avenir "proche", le bassin d'arcachon est destiné à devenir un lac comme le sont devenu les lac landais un peu plus au sud mble du processus de production. Malgré sa superficie modeste, bassin d'arcachon est une ville intéressante à découvrir. La ville est séparée en deux parties: une ville d'ete qui s'étend le long du front de mer entre la jetée de la Chapelle (ou jetée des marins ) et le port. La ville d'hiver est située en arrière de la ville d'été sur la dune surplombant la ville. La population passe de 12000 habitants en hiver à presque 200000 au plus fort de l'été... http://www.voyage-vacance.fr

03 juillet 2007

On reparle d'un métro à Venise : mais dites-moi que ce n'est qu'un cauchemar !

Je dois virer au vieux machin grincheux mais dès que j'entends parler de ces projets pharaonesques qui sont présentés comme de grands progrès pour l'avenir de la Sérénissime je sens des palpitations s'emparer de mon coeur, des démangeaisons et l'envie de hurler que le seul combat qui vaut la peine d'être mené jour après jour et n'aura jamais de fin, c'est celui qui consiste à préserver Venise des outrages du temps et des dommages de l'ultra-modernité, qui n'est pas un progrès mais une plaie pour le patrimoine et la conservation. 
 
Bien sur les inventions, les techniques modernes peuvent apporter des solutions durables aux problèmes de restauration, mais doit-on laisser les adeptes du progrès jouer aux apprentis-sorciers et prendre le risque de laisser détruire inexorablement les trésors préservés du passé ? Bref, vous aurez compris que ce sont des idées qu'on pourrait croire farfelues qui se répandent en ce moment à Venise et sont prises très au sérieux ! Le président de la région, potentat ultra-libéral aux ambitions aussi titanesques que ses idées sur la Venise du XXIème siècle et suivants (s'il y en a), a décidé qu'un métro était nécessaire pour améliorer les déplacements des vénitiens. Pour qu'ils aillent plus vite ! Non seulement tout le monde est d'accord pour dire que faire des trous et autres excavations dans le sous-sol argileux de la lagune serait prendre un risque démesuré pour l'équilibre de l'éco-système lagunaire déjà bien mal en point, mais imaginez-vous des stations souterraines qui déboucheraient place Saint-Marc comme Indiana Jones dans un film célèbre ? 
 
Si ces monuments restent debout après de tels travaux, qu'est ce que Venise aura gagné avec un métro ? Davantage de touristes, qui circuleront sous terre et s'ajouteront à ceux qui arpentent les ruelles et les campi. Et puis mettre 30 minutes pour aller d'un point à un autre en vaporetto restera toujours pour le vénitien qui se rend à son travail plus appréciable que 5 minutes dans une rame de métro souterraine, vous ne trouvez pas ? Mais imaginez un peu : 250 millions d'euros de travaux pour 15 millions de voyageurs par an de Tessera (l'aéroport à l'Arsenal en passant par Murano) à 9 euros pour les touristes et 3 euros pour le vénitiens, si je ne m'abuse cela fait 135 millions d'euros de chiffre d'affaires. Amortissement des travaux en 24 mois, puis le pactole pour l'ACTV (la société des transports en commun de Venise) qui en profiterait pour supprimer la liaison en autobus par le pont de la Liberté et quelques lignes de vaporetti de plus en plus obsolètes (sic). Le progrès, mes amis, le progrès ! Le climat change et le ciel en ce début d'été est pourri, l'eau manque et quand elle coule encore dans nos rivières, elle est polluée, chque jour les sculptures en pierre d'Istrie des façades vénitiennes se transforment en talc, la lagune monte et les poissons morts flottent le ventre en l'air partout dans la lagune, au milieu des algues radio-actives mais vive le progrès et la fuite en avant du modernisme !

Heureusement, la protection de l'environnement a de plus en plus d'adeptes, et un tunnel de plus de huit kilomètres dans la couche d'argile qui forme l'immédiat sous-sol de la lagune et de la cité des doges (et qui est en contact direct avec la nappe phréatique) représente un frein aux ambitions du Président Galan. Massimo Cacciari ne serait pas contre s'il est prouvé que le projet présente un risque zéro... Amis de Venise, après l'inénarrable projet Mose, restons vigilants et ne laissons pas les financiers et les technocrates détruire ce patrimoine unique déjà bien mal en point ! 
 
Pour ma part, je vais cesser de pester contre tous ces apprentis sorciers au manichéisme somme toute ultra vulgaire et me retirer dans mon joli jardin, lire de la poésie, faire de la pâtisserie avec mes enfants et me remplir les yeux des merveilles qui me sont données d'approcher tant qu'il est encore temps. "En attendant les barbares"...