24 juillet 2017

Comme une source d'eau vive : Enchantements. Ebauche 2



Pourtant à l'entendre, c'était plutôt de  l'Ange dont il fit la rencontre. Pour être plus précis, j'oserai dire qu'il fut longtemps persuadé d'avoir été, comme Tobias, confronté à un envoyé des dieux... Antoine soudain fut subjugué. Cela aurait pu l'anéantir. Il ressortit de l'épreuve régénéré et transfiguré. Je ne l'avais pas revu depuis cette fameuse lettre retrouvée par hasard. Il était en France pour voir sa mère qui n'allait pas bien. Nous avions convenu de nous retrouver dans notre café d'autrefois. Il était assis à la place habituelle et lisait. Quand il leva les yeux, sans même me saluer, il me montra le livre et me lut un passage :

"Depuis longtemps je me vantais de posséder tous les paysages possibles, et trouvais dérisoires les célébrités de la peinture et de la poésie moderne. 
J’aimais les peintures idiotes, dessus des portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires ; la littérature démodée, latin d’église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l’enfance, opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs.
Je rêvais croisades, voyages de découvertes dont on n’a pas de relations, républiques sans histoires, guerres de religion étouffées, révolutions de mœurs, déplacements de races et de continents : je croyais à tous les enchantements."
Nous nous retrouvions là, comme avant. Comme si nous ne nous étions jamais éloignés l'un de l'autre. Comme si Venise n'existait pas entre nous et que nous nous étions quittés la veille. Curieux de savoir ce qu'il avait vécu depuis notre dernier échange, je lui posais ùmille questions. Par bribes ce soir-là et les jours qui suivirent, j'appris combien sa vie avait été bousculée, ses certitudes impitoyablement malmenées. Je m'attendais au récit des aventures flamboyantes d'un jeune étudiant gourmand de connaissances nouvelles, il me raconta l'épopée d'un rêveur découvrant des terres inconnues. Il avait changé. Plus mûr, plus posé. un peu triste aussi. était-ce la santé de sa mère ou des faits qu'il ne voulut pas mentionner ?

Il m'expliqua que ces mots de la Lettre du Voyant avec lesquels Rimbaud se raconte, le ramenaient de longs mois en arrière, quand son chemin croisa celui d'un flamboyant voleur de feu. Il ne fut pas le premier à pénétrer sa vie et en piétiner les plates-bandes trop bien alignées, mais il fut celui qui arrivant au moment juste, le révélant à lui-même. Dans la fulgurance de son passage, pareil au ressenti du pilote perdu dans le désert quand il croise le Petit Prince, sa vie en fut chamboulée. Les questions que posait l'intrus, les constats qu'il faisait et tous les moments vécus ensemble le nourrissent encore à chaque instant. La comparaison est d'Antoine pour qui l'ouvrage de Saint-Exupéry a toujours été une sorte de manuel. Il me parla de l'Ange. Bien plus tard, en lisant les premières pages du roman qui le fit connaître et lui valut le prix Fémina, je retrouvais les paroles qu'il prononça ce soir-là.

Depuis son départ, je reviens souvent à l'endroit où je l'ai rencontré. Était-ce un rêve ? Un fantasme d'écrivain en mal d'inspiration, une illusion jaillie de désirs inconnus ou depuis longtemps oubliés ? Certains dans mon entourage qui furent témoins de ces jours de fulgurance, où la joie et la plénitude se mêlaient de cris et de douleur aussi parfois, furent soulagés quand il sortit de ma vie. Ils n'avaient pas compris. Ils ne pouvaient comprendre. Comment pouvaient-ils croire à cette fulgurance quand je tentais maladroitement d'en raconter les conséquences et atténuer leurs dommages collatéraux. Peu m'ont vu souffrir autant que rayonner de joie. Car c'est bien de joie et de douleur dont il s'est agi des jours durant. Une de ces expériences intérieures qu'on pourrait qualifier de mystique si elle n'avait pas été incarnée dans chacune des minutes passées avec une densité telle qu'il m'était impossible distinguer la douleur du plaisir, la frustration de l'abondance, l'aberration de la vérité... Cet enfant de septembre m'a mis en face de réalités que je ne parvenais pas à voir. Il m'a aiguillé autant qu'il m'a révélé.
 
Autant d'évidences montrées du doigt par un jeune poète un peu perdu lui-même qui pansa ses blessures dans la paix de mes jours,  mais dont la lucidité extrême réveilla ouragans et tempêtes. Pareil à l'Ange avec Tobias, il m'a ouvert les yeux et tout a pris sens. Ma difficulté d'être a trouvé son remède. Avec la ferveur, j'ai aussi retrouvé le chemin de l'écriture. Dans mon univers faussement ordonné, il a semé le désordre et tout fichu en l'air. D'excès en excès, j'ai découvert un autre monde. Celui de l'art sans concession, de la douleur de créer, de la séparation d'avec les évidences et les affirmations, les faux choix   qui tiédissent l'âme et les sens... Mon cœur et mon âme trop longtemps asphyxiés, rancis par mille certitudes infécondes qui m'encombrèrent depuis trop longtemps. L'Ange ne se trompait jamais quand il m'assénait ses vérités. Douloureuse révélation mais qui m'a permis de grandir. L'Ange, en fait m'a sauvé !
à suivre 

23 juillet 2017

Plongeon interdit dans le grand canal : encore des touristes qui violent les règles à Venise

Une fois encore, et pas plus tard que ce matin aux alentours de 6 heures, de jeunes touristes étrangers ( ressortissants belges) ont montré leur méconnaissance  des us et coutumes de la cité des doges. Surpris par la police qui a été prévenue par des passants, un groupe de jeunes gens avait entrepris de plonger depuis le pont de Calatravà qui unit la Piazzale Roma à la gare Santa Lucia. Un  des endroits les plus dangereux ( par sa hauteur et la fréquence des bateaux qui passent par là). Aussitôt interpelés par les forces de l'ordre, ces jeunes abrutis semblaient ne pas comprendre ce qu'il y avait de répréhensible - et encore moins de dangereux - à se jeter dans l'eau du grand canal !  

S'il est vrai que de tout temps, les eaux de la Sérénissime ont attiré les voyageurs, si les enfants se baignaient l'été devant la porte de leur maison, si Byron allait parfois rendre visite à ses amies à la nage, le contexte était différent. Mais comment les étrangers de passage, écrasés par la chaleur et qui confondent facilement Venise avec n'importe quelle cité balnéaire, ne seraient pas tentés de se rafraîchir dans ces eaux bien attirantes ? L'absence ou le manque de bancs et de toilettes, de corbeilles et de poubelles, et avant tout de panneaux précisant ce qui est interdit et ce qui est autorisé, rendent les choses difficiles. Souvenez-vous l'argument de ce touriste allemand ou hollandais qui, interpelé par la police parce qu'il circulait en vélo sur la Lista di Spagna, a r2torqué aux policiers "Mais montrez-moi les panneaux qui indiquent que la circulation des deux roues est interdite ?". Logique non ? Si nul n'est censé ignorer la loi, cette règle vaut-elle pour des étrangers arrivant à Venise. Il faut un minimum de culture et d'éducation pour saisir qu'il ne s'agit pas d'une ville comme les autres et que donc, on ne peut y déambuler ni y vivre comme ailleurs. Longtemps, les vénitiens tentaient d'expliquer cela à leurs hôtes. Devant le développement massif de l'invasion touristique et la croissance de la mauvaise éducation, ils ont le plus souvent baissé les bras...

Cet incident suscite une fois encore la polémique. Le maire Luigi Brugnaro, a aussitôt réclamé une "loi spéciale' qui autoriserait une garde à vue d'au moins une nuit pour les jeunes vandales pris en flagrant délit qui sévissent dans Venise (les infractions sont nombreuses, comme par exemple les tags, les tenues inadéquates, le camping sauvage dans les rues, ou comme ici plongeon et la baignade dans les eaux de la lagune), certains réclament même le bannissement des indélicats et une interdiction de séjourner de nouveau dans la ville ! D'autres voudraient que soient installées des caméras de surveillance partout... Sans tomber dans l'excès, il est évident que des mesures s'imposent mais ne doivent-elles pas porter davantage sur la prévention et l'éducation des visiteurs ?


Ce qui est terrible c'est que devant la croissance incontrôlée du flux touristique des incidents comme celui de ce matin risquent de se produire de plus en plus souvent et nécessiteront de nombreuses interventions de la police ou des pompiers. Les jeunes belges qui se sont jetés dans le grand canal ne réalisaient pas le danger. Si autrefois les jeunes vénitiens, pour se faire admirer des filles et gagner quelques pièces, longeaient souvent dans les canaux, si on laissait les enfants barboter l'été dans les quartiers retirés, si souvent - j'en étais - des jeunes organisaient un bain de minuit du côté des Fondamente Nuove ou de la Giudecca, la situation n'était pas la même. L'eau ne contenait pas toutes les saletés qui en font un poison dangereux et la circulation maritime était bien moindre, avec des embarcations lentes et menées à l'aviron... Les temps changent et la vingtaine de millions de visiteurs annuels face à une population réduite au chiffre le plus bas de son histoire pose un problème d'organisation compliqué. 

TraMeZziniMag depuis sa création défend l'idée d'une prise en main du flux touristique, de la mise en place de règles claires qu'il faudra médiatiser et en même temps la prise de conscience par les autorités d'une réflexion à long terme pour que la ville redevienne un lieu de vie quotidienne pour ses habitants, et non pas une réserve visitée par des millions de curieux à qui on oublie de dire que Venise n'est ni un musée ni un parc d'attractions. Non messieurs-dames, il n'y a pas d'horaires d'ouverture et de fermeture, mais en revanche, il existe des règles dont la plupart découlent du simple bon sens, de l'éducation et du respect des autres.






















21 juillet 2017

Et si nous reparlions d'Antonella Pugliese



Les lecteurs qui suivent TraMeZziniMag depuis sa création auront noté notre goût pour les lieux authentiques et les personnalités qui les animent. En 2013, je faisais découvrir un restaurant qui était devenu en quelques mois le lieu le plus in gamba de la cité des doges. Sa modernité, le parti-pris esthétique qui avait présidé à sa transformation, la richesse de la carte et l'accueil des plus agréables, en faisait une adresse remarquable en dépit d'une addition moyenne assez élevée. L'Avogaria n'est plus ou du moins est devenu une locanda, un petit Bed & Breakfast de 5 chambres fort agréable au demeurant et qui a sa clientèle. Mis en valeur par l'architecte Francesco Pugliese - le frère du chef Antonella Pugliese - déjà à l'origine du restaurant, c'est un bel endroit. Mais on n'y sert plus de repas. 

Pour retrouver la cuisine inventive et joyeuse d'Antonella Pugliese, il faut se rendre aux fins fonds de Dorsoduro, calle del Vento exactement. C'est d'ailleurs le nom de cette osteria où la jeune femme propose depuis quelques mois, une cuisine largement inspirée des recettes traditionnelles des Pouilles, sa région d'origine matinée d'esprit vénitien. le cadre est plus rustique comme il sied à une osteria, même en ce siècle. On retrouve un je ne sais quoi de l'Avogaria, en plus simple. Moins sophistiquées, les saveurs dans l'assiette n'en demeurent pas moins toujours aussi merveilleuses. Un choix de plats plus réduit que du temps de l'Avogaria mais toujours aussi goûteux. Des prix plus légers aussi et un service agréable sans aucune pesanteur. Les vénitiens ne s'y trompent pas qui fréquentent nombreux ce bel endroit. TraMeZziniMag vous invite à en faire autant.

Osteria Ca' Del Vento 
di Antonella Pugliese 
Dorsoduro 1518, Fondamenta de S. Basegio 
Tél. : 041 850 19 09 
Ouvert tous les jours 
(sauf le mardi) 
de 12h à 15h 
et le soir de 19h à 23h 

09 juillet 2017

Les archives de TraMeZziniMag


Ceux qui lisent régulièrement TraMeZziniMag se souviennent de l'incident survenu il y a un an quand fut mit à jour le piratage d'un des composants de notre compte Google. Après quelques jours de désarroi, un site provisoire fut mis en place et des démarches entreprises pour récupérer l'ensemble des données des douze ans d'activités. Silence radio depuis ce jour fatal en dépit de l'intervention de lecteurs et d'amis ayant des contacts avec le géant américain. Le mal était fait de toute manière, plusieurs dizaines d'abonnés se sont perdus en même temps que sombrait le blog d'origine qui contenait plus de 2000 billets. 

Depuis, jour après jour, les archives se reconstituent. Par le biais du cache des articles qui resta accessible quelques semaines, avec les données collationnées par le site webarchives.org, mais aussi par les contributions de nos lecteurs qui avaient gardé ou reproduit certains billets. Mais il reste encore d'énormes trous, des milliers de commentaires, d'images et de vidéos perdus. Une sorte de potlach bien sympathique !

Travail de fourmi qui ne se voit pas forcément car il a été choisi de republier ces articles aux mêmes dates qu'à l'origine et les abonnés ne sont pas toujours informés de leur parution, les liens automatiques ne portant que sur les parutions nouvelles. Nous travaillons à une présentation du site qui puisse faciliter l'accès et la lecture des anciens billets surtout quand ils concernent des sujets toujours d'actualité, des adresses et des recommandations, des visites guidées de la ville, tout ce qui peut servir au voyageur comme à l'étudiant. Les anciens billets sont accessibles en cliquant sur le menu déroulant à droite de la page (en cliquant sur le lien en haut à droite

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