17 juillet 2020


Comme chaque année depuis des siècles, le troisième samedi de juillet est consacré à la dévotion du Rédempteur. Cette fête, l'une des plus belles et des plus suivies par les vénitiens, tous milieux confondus, avec son magnifique feu d'artifice et ces centaines d'embarcations décorées de fleurs et de lampions où les familles et les groupes d'amis ripaillent, après avoir suivi la procession qui traverse le canal de la Giudecca sur un pont de bateaux, à la suite des corps constitués et de tout le clergé, le patriarche de Venise en tête. Mais d'où vient cette tradition ? Tramezzinimag vous en donne le détail et l'explication ICI.

Hélas, cette année si particulière avec l'invention de la peur et la restriction universelle des libertés que le coronavirus a imposé, la fête ne sera pas la même. Pas de rassemblement de bateaux sur le Bacino di San Marco, pas de regroupement intempestif, des masques obligatoires mais pas ceux qu'on portait autrefois à Venise pendant des mois autour du carnaval, non ces sinistres bouts de tissus qui masquent la moitié du visage et ne sont que leurres et nids à microbes et que nous acceptons tous, par peur, par prudence, parce que nous ne savons pas ce qui est vrai, inventé ou exagéré.

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La fête a lieu bien sûr, mais c'est avec un petit relent d'amertume que les gens vont la vivre. Pour les absents aussi et dont je suis, faute de moyens de transports pour rejoindre la Sérénissime pour le moment. Avions et trains directs ne reprennent que tard dans l'été, voire - comme pour le Bordeaux-Venise d'Easyjet ne reprendront qu'en octobre et sont déjà tous complets. Pour la première fois, pas de procession sur le pont votif pour moi, pas de messe dans une église bondée, pas de promenade dans les jardins de l'église, de nuit en barque, de retrouvailles avec les amis, de douces libations et de joyeuses ripailles sous le plus beau spectacle de pyrotechnie qu'aucun autre feu d'artifice ne rejoint nulle part en splendeur et en magie, pas de périple jusqu'aux plages du Lido pour assister au lever du soleil... Je n'aurais pas vécu cette année, pour la première fois depuis longtemps, les préparatifs de la fête, la mise en place du pont flottant, l'air affairé des policiers qui surveillent les quais de chaque côté, les nombreux bénévoles qui à la Giudecca, nettoient l'église, montent les tentures et posent les décorations florales autour de la grande entrée, montent les stands à l'intérieur du couvent, les chalands qui préparent leurs bans. il règne dans l'air chaque année, dans cette semaine qui précède la fête, une atmosphère joyeuse, l'animation d'une ruche au printemps. 
C'est toujours un doux moment, hélas affecté cette année, par le résultat de notre bêtise à tous, notre prétentieuse volonté de dominer la nature, de gagner toujours plus, notre aveuglement devant les aberrations auxquelles un système mortifère conduit l'humanité depuis plus de cent ans au nom du progrès, du profit, de la croissance, ce mépris de trop d'entre nous pour la nature qu'il faut asservir, leur soif de pouvoir et d'argent toujours, cet aveuglement général qui nous a trop longtemps caché les destructions, les saccages et les dangers que cette fuite en avant, toujours plus intense, toujours plus rapide, a fait surgir pour le malheur de tous. Peut-être la solennité du Rédempteur cette année devrait être placée symboliquement non pas sur la reconnaissance des vénitiens pour la sauvegarde de la ville face à la terrible peste qui décima plus de la moitié de la population, mais plutôt sur une grande prière votive commune au Seigneur pour arrêter cette "pandémie" et avec elle cette nouvelle folie faite de terreurs individuelles, de méfiance vis à vis de l'autre, de restrictions de nos libertés, des choix, des tergiversations et des erreurs des gouvernants. faire de cette journée de pèlerinage, de contrition et d'action de grâce une vaste journée de prière et d'invocation pour éclairer le cœur et l'esprit des hommes et leur faire parler enfin un langage de paix et de respect envers tous et envers la Nature, pour demander au Père de donner à l'humanité la volonté de délaisser enfin cette course au malheur, ce déploiement irraisonné de la technique, cette course au profit, cette destruction massive de la planète qui peu à peu - et de plus en plus rapidement - amène inexorablement à notre auto-destruction, à la disparition pure et simple de la vie.

Pour ceux qui ont la chance d'être sur place, même avec ces considérations prégnantes mais auxquelles nous ne pouvons pas ne pas penser, même sans feu d'artifice :

BUON REDENTORE 2020 A TUTTI !

Pour en savoir plus sur l'organisation de la fête qui commence ce vendredi avec l'ouverture du pont et la procession officielle avec le Patriarche de Venise et les autorités civiles et religieuses, cliquer sur le nom du site :  Veneziaunica

Informations en français sur la Fête du Rédempteur 2020 chez nos amis de E-Venise.com

14 juillet 2020

Canaletto se montrait chez Maillol. C'était en 2013



Tramezzinimag présenta le 9 février 2013, la très belle exposition de l’œuvre de Canaletto organisée au Musée Maillol. Un article retrouvé grâce à nos lecteurs et enfin remis en ligne : Promenade dans la Venise de canaletto au Musée Maillol

La Cité idéale, un simple modèle ou la réalité vraie ?

Venise comme archétype et utopie de la cité aquatique, une réflexion anthropologique et poétique que bon nombre d'architectes, de sociologues et d’écrivains eurent depuis les débuts du XXe siècle. Mais c'est Italo Calvino qui, à mon sens, aura su en résumer l'idée, ouvrant ainsi une nouvelle voie à cette idée de modèle et de laboratoire des possibles comme des impossibles. L'auteur a publié cet essai en 1974 chez Mondadori.

Traduction libre du texte : © Lorenzo Cittone pour Tramezzinimag. 2008


Dans les projets des métropoles du futur, le modèle vénitien apparaît de plus en plus, comme par exemple dans les propositions des urbanistes pour résoudre le problème de la circulation londonienne : rues destinées aux véhicules qui traversent en profondeur, tandis que les piétons circulent sur les rues et les ponts surélevés . L'ère dans laquelle nous vivons voit toutes les grandes villes en crise : de nombreuses villes deviennent inhabitables ; beaucoup devront être rénovées ou reconstruites selon des plans presque toujours conformes au modèle vénitien. Mais concevoir la Venise sèche signifie amputer le modèle de ce qu'elle représente le plus profondément : la ville sur l'eau comme archétype de l'imagination et comme unique structure qui réponde aux besoins anthropologiques fondamentaux. Je crois en l'avenir des villes aquatiques, dans un monde peuplé d'innombrables Venises.

L'eau aura de plus en plus de place dans la civilisation métropolitaine, pour deux raisons : parce que l'alimentation de l'humanité sera basée sur la culture des océans plutôt que sur la culture des champs, et on peut s'attendre à ce que les villes industrielles du futur se construisent dans l'eau , sur pilotis ou bateaux; deuxièmement, la prochaine grande révolution des transports supprimera presque complètement les voitures et les avions et les remplacera par des véhicules à coussin d'air; cela imposera une différenciation entre les routes en dur qui seront utilisées pour le petit trafic et les grandes voies de communication à coussin d'air également à l'intérieur des villes; Il est logique de prévoir que le trafic sur coussin d'air se fera mieux sur les routes revêtues de liquide, c'est-à-dire sur les canaux. Dans la période de transition que nous sommes sur le point de vivre, dans laquelle de nombreuses villes devront être abandonnées ou reconstruites de haut en bas, Venise, qui n'a pas traversé la courte phase de l'histoire humaine dans laquelle on pensait que l'avenir était de l'automobile (un quatre-vingts ans seulement) sera la ville la plus à même de surmonter la crise et d'indiquer de nouveaux développements avec sa propre expérience.

Venise perdra une chose: le fait d'être unique en son genre. Le monde sera rempli de Venise(s), ou plutôt de supervenises dans lesquelles plusieurs réseaux
se chevaucheront et se connecteront à différents niveaux : voies navigables, voies et canaux pour les véhicules à coussin d'air, voies ferrées souterraines ou sous-marines ou surélevées, pistes cyclables, voies pour chevaux et chameaux, jardins suspendus et ponts-levis pour piétons, téléphériques. Naturellement, la circulation verticale aura autant d'extensions et de variétés au moyen d'ascenseurs, d'hélicoptères, de grues, d'échelles de pompiers montées sur des taxis ou des bateaux de toutes sortes. C'est dans ce contexte que l'avenir de Venise doit être envisagé. Le considérer dans son charme historico-artistique, c'est n'en saisir qu'un aspect, illustre mais limité. La force avec laquelle Venise agit sur l'imagination est celle d'un archétype vivant dominant l'utopie.

Italo Calvino
Venezia archetipo e utopia della città acquatica
Mondadori, 1995

Nicoletta Salomon
venezia inabissata, un fantasaggio
Mimesis, Milano, 2004.
(Traduction française : Venise engloutie
Editions Mille et une nuits, 2008)

13 juillet 2020

Tramezzinimag fait un point d'étape avec ses lecteurs

Photographie de Arven Gritenreiter illustrant un article de Tramezzinimag (novembre 2012)
Depuis plusieurs mois, Tramezzinimag retrouve de nombreux billets du blog originel supprimé sans aucune explication par une intelligence artificielle (à laquelle j'aurai bien fait la peau mais ce n'est qu'un robot...). Il  en manque encore beaucoup. Seuls un petit peu plus de 30% des billets publiés entre l'année de la création du blog et l'été 2016 ont été retrouvés à ce jour avec leurs illustrations, images, sons ou vidéos. Un travail énorme qu'il faut faire pour conserver la mémoire de tout ce qui a pu être présenté et qui draina pendant plus de dix ans plus de 900.000 visiteurs et valut au site plusieurs milliers d'abonnés. 

Le choix a été fait de republier ces billets à la date d'origine, la plupart du temps à la même heure... Lorsqu'il y avait des commentaires et quand il est possible de les récupérer, nous avons choisi de les republier à l'identique, sans corriger les éventuelles fautes d'orthographe, en réactivant chaque fois que cela est possible les liens avec les sites des auteurs de ces messages. Une manière de les remercier des années après de leur fidélité. Parfois, nous avons la bonne surprise de retrouver des lecteurs que la disparition du blog avait surpris et qui apprennent que Tramezzinimag a repris vie depuis quatre ans maintenant e, même si le rythme des publications s'est considérablement ralenti, ils nous écrivent leur joie de nous avoir retrouvé. 

Qu'ils en soient chaleureusement remerciés. Sans ces lecteurs fidèles et passionnés, Tramezzinimag ne serait plus. Je tiens personnellement à remercier ceux d'entre eux qui continuent à faire des dons car le coût de la remise en état du blog est réel et ils l'ont bien compris. Pour ces gentils donateurs, un grand merci aussi.Nous sommes en train de penser un moyen de faciliter les liens vers les anciens articles quand leur contenu est toujours d'actualité, quand le succès qu'ils avaient eu à leur parution (certains billets ont eu plusieurs dizaines de milliers de lecteurs !), nous font penser qu'ils méritent d'être lus même des années après leur création par les nouveaux lecteurs.

Vue de la terrasse de l'ex-Cucciolo, devenue le restaurant de la Calcina. © Catherine Hédouin, 20/07/2020
Tramezzinimag se veut ainsi, modestement, une base de données sur Venise, sa civilisation, sa lagune, ses problèmes. Nous sommes fiers d'avoir souvent été utilisés par des scolaires, des enseignants, fiers d'avoir été cité dans des travaux universitaires, des médias de tout le monde francophone. Bien que la mode des blogs soit passée, bien que les nouveaux lecteurs formatés à de nouvelles habitudes, veulent du très court, du synthétique, et sont habitués à survoler l'information, à s'alimenter à des sources souvent superficielles, nous avons décidé de garder le cap et de tenir bon : Nos articles sont souvent longs, bavards, détaillés. C'est l'image de marque de Tramezzinimag et nous continuerons de défendre cette ligne éditoriale. 

Les récents évènements, même amplifiés par une presse ravie de retrouver des choses à dire et un pouvoir par défaut, ont conduit beaucoup d'entre nous à une réflexion sur nos priorités et prouvé qu'il était urgent de tout ralentir. Cela veut dire prendre le temps pour réfléchir et pour comprendre. C'est la base même de notre liberté. Un rempart contre la désinformation, la manipulation et la confiscation de notre libre-arbitre. Tramezzinimag s'inscrit dans cette volonté de donner à voir, à penser sur les thèmes qui sont les nôtres : la sauvegarde de Venise, la vie quotidienne de ses habitants, les excès et les dangers du tourisme de masse. Nous nous efforçons depuis 2005 de montrer que Venise et sa lagune, sont un laboratoire pour l'humanité entière. De la manière dont les choses se passent dans cet espace réduit qu'est l'ancienne République des Doges, beaucoup ont compris qu'on peut en déduire ce qui pourrait advenir ailleurs et les remèdes que les vénitiens apporteront à leurs problématiques peuvent être traduits et adaptés à toutes les problématiques du monde moderne. Venise est un modèle d'organisation et de survie depuis près de deux mille ans. C'est ce que nous essayons de traduire et de montrer article après article. Avec votre collaboration, votre aide et votre soutien, vos messages, vos commentaires, vos suggestions et vos dons, nous continuerons de faire notre part. Elle reste modeste mais déterminée.

D'appétissants tramezzinini proposés nos amis du site venessia.com
La suite logique de ces propos, cette description de nos motivations et de notre enthousiasme, c’est la naissance, souvent annoncée et maintes fois reportée, de la maison d'édition baptisée à l'origine du nom du blog, (difficilement prononçable pour les non italianisants non mangeurs de Tramezzini, il faut en convenir !) et qui a été ralentie par la crise sanitaire mondiale. Tout est fin prêt pour la parturience. 

Ainsi, au nom de notre petite équipe, je suis heureux de vous annoncer son lancement dans les prochains jours, en dépit de ce retard et de beaucoup d'incertitude quant à la sortie de cette crise inédite et à ses conséquences sur le monde de la culture et du tourisme. A suivre donc, restez à l'écoute, Tramezzinimag reviendra très vite vous détailler notre projet !

En attendant voici en lien, à titre d'exemples, quelques billets retrouvés que nous venons de republier : "A Venise des bonheurs au quotidien" avec un accompagnement sonore de Mark Orton, La rubrique Coups de Cœur N°25 et aussi "En coup de vent et sous la pluie", deux billets du 6 juillet 2008.

Nous vous invitons à vous promener dans les premières années (le sommaire complet est dans la colonne de droite), si certains textes ne sont plus trop d'actualité, d'autres demeurent aussi frais qu'au premier jour. N'hésitez pas à laisser des commentaires. le livre d'or existe toujours, nous serions heureux d'y voir de nouveaux messages de nos lecteurs ! Notre petite équipe est passionnée mais vos encouragements, vos avis et critiques sont vraiment les bienvenus !