15 novembre 2006

Rêverie & réflection...

 
à Luisa,
de Malaga à Venise, la lecture d'une nouvelle d'Oscar Wilde,
une longue promenade sur les quais et dans les îles. Un paradis entrevu et un long, trop long silence...

Une idée géniale

L'équipe de choc chargée des collations improvisées sur la Piazza San Marco est prête. Une escouade de cuisiniers émérites va se répandre bientôt sur la piazza.
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Vu le succès incroyable des mesures obligeant les touristes à s'installer ailleurs que sur la place pour casser la croûte (une mesure anti-pique-niques sauvages avait été prise mais jamais respectée en dépit des nombreuses interventions des forces de police et des élus eux-mêmes), on vient de présenter l'équipe chargée d'accompagner et de suivre les étrangers qui bivouaquent sur les marches des procuratie, sur la piazzetta de Leoncini, au pied du campanile et près de la Marciana.
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Leur mission est simple : donner des conseils culinaires et gastronomiques d'une genre assez particulier, puisque ces conseils porteront avant tout sur la présentation des mets et les assemblages culinaires (y compris en ce qui concerne les boissons !) des préparations maison sorties des sacs. Puisque rien à ce jour n'a pu fonctionner pour contraindre les gens à s'installer plus loin (il ya des jardins et des lieux plus discrets); avec humour, on s'est dit qu'au moins une certaine tenue soit respectée dans le plus beau salon du monde, question de prestige certes mais surtout nécessité environnementale : la quantité de déchets ramassés chaque jour rien que sur la piazza équivaut pratiquement au ramassage des poubelles de Central Park un dimanche soir...

La tempête de Giorgione


Gallerie dell'Accademia, Venise

Un amour partagé

Il y avait ce soir une réunion dans la très belle et majestueuse salle à manger du Palais Rohan, siège de la mairie de Bordeaux. Les architectes dévoilaient le projet d'aménagement d'un des bâtiments du Jardin Public, ce bel espace vert créé au XVIIIe siècle par l'intendant Tourny.
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Rien que de très habituel. Des partisans, des opposants, un intrus un peu surprenant et décalé au milieu de ce parterre de bordelaises et de bordelais bien mis. Après la réunion, une petite dame s'est approchée de moi et en me serrant le bras? m'a dit "Je pars pour Venise jeudi avec mon amie, mademoiselle X." elle m'annonçait son prochain départ comme on avoue une faute, mais une de ces fautes qu'on regrette un peu mais qui nous excite et dans le fond nous ravit...  

"il y a vingt ans que je n'y suis plus allé. je séjournai à chaque fois à la pensione Seguso, cette chambre qu'ils ont sur les toits, face au campanile de san Zaccaria. Cette fois, nous serons à la pensione Accademia. Ce sera merveilleux".

Elle savait mes liens avec Venise, je ne connaissais pas son attachement à elle. J'avais vaguement le souvenir de conversations où il était question de ses séjours en Italie, sa boite d'aquarelles sous le bras. Je n'étais plus à Bordeaux en 2006 mais dans un roman de Forster revu par James Ivory, vous savez quelque chose comme "A Room with a view" !

Nous croyons tous que Venise n'appartient qu'à nous et que nous sommes seuls à faire nos délices des promenades solitaires la nuit à travers les rues désertes. Mais finalement, il n'est pas difficile de partager : le bonheur de cette vieille dame éclairait tout autour d'elle et faisait tellement plaisir à voir. C'est certainement la plus âgée de mes fidèles lectrices ! C'est elle qui me citait un jour cette phrase de Paul Morand :
"...Une vie ressemble souvent à ces palais du grand canal commencés en bas par un appareil de pierres orgueilleusement taillées en pointes de diamant, leurs étages supérieurs hâtivement achevés en boue séchée..."

12 novembre 2006

Hommage à Bernard Frank

J'aimais beaucoup lire Bernard Frank. Il est mort vendredi dernier. Ce qu'il écrivait n'avait pas grand chose à voir avec ce qui nous occupe ici. Simplement, la nature de ses écrits, le plaisir qu'ils m'ont donné quand je lisais ses romans au soleil des Zattere ou dans le jardin de Dorsoduro et l’extraordinaire personnalité de ce monsieur, m'entraînent à lui rendre hommage sur TraMezZiniMag aujourd'hui.
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En lien, l'article que j'ai écrit dans Humeurs & Moeurs.
Si cela ne fonctionne pas voici l'URL :

11 novembre 2006

Urgence pour Venise



Quarante ans après la terrible catastrophe qui fit prendre conscience au monde de la nécessité de se battre pour sauver Venise, combien il reste à faire. Combien de ruines s'élèvent là où le touriste ne voit que du pittoresque. Combien de vénitiens sont ils partis encore ce mois-ci, remplacés peu à peu par les touristes et les non-résidents qui peuvent se permettre d'entretenir une maison et n'y venir que deux ou trois fois l'an quand des centaines d'immeubles sont insalubres et forcent les vénitiens de souche à émigrer vers la terre ferme et de plus en plus loin ? Y songeons nous lorsque nous demandons toujours plus de Bed & Breakfast, toujours plus d'appartements à louer, de restaurants et de boutiques de masques... 
 
L'idée d'un péage à l'entrée de la ville avance. Elle a ses partisans et ses détracteurs. Ne pas tomber dans la dynamique luna-park à la Las Vegas (ils en rêvent là-bas), dans le Disneyland néo-historique, le musée figé ou la réserve d'indiens. 175.000 habitants il y a cinquante ans, un peu plus de 50.000 aujourd'hui dans le centre historique avec plusieurs millions de visiteurs chaque année... Ne faut-il pas trouver des solutions ou doit on se contenter d'attendre que les pôles fondent, que l'eau des océans monte et engloutisse à tout jamais Venise et sa lagune (vous savez les fameux 6 mètres de plus de hauteur qu'atteindront les mers sur toute la surface du globe, envahissant toutes les bordures de chacun des continents comme le montre si bien Al Gore dans son film...).

10 novembre 2006

Restitution ou sauvegarde ?

Le patrimoine artistique né à Venise au fil des siècles a toujours été éminemment recherché. De tout temps, les voyageurs ont aimé rapporter de leur séjour dans la Cité des Doges peintures, verreries, objets d'orfèvres, livres et gravures, brocarts et soieries. Au XVIIIe siècle, l'atelier de Guardi comme celui de Canaletto, les Bellotto et autres vedutistes reproduisaient presque à la chaîne des vues pittoresques de la ville qui ornent aujourd'hui les murs des plus grands châteaux et de tous les musées du monde.
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Avec l'invasion des armées de Napoléon et le pillage systématique à peine camouflé par des velléités d'organisation et de classement rationnel au bénéfice de l'humanité (surtout l'humanité proche, famille et amis du corse), l'appropriation de ces beaux objets nés du savoir-faire des artisans vénitiens s'accéléra. C'est ainsi qu'on retrouve régulièrement chez les antiquaires, sous le marteau des commissaires-priseurs et dans les successions, dations et donations de la vieille Europe comme aux Amériques de très beaux objets qui au fil des temps deviennent de plus en plus côtés parce que de plus en plus rares.
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Tout ce discours pour vous parler d'un manuscrit qui après maintes péripéties se retrouve sur le catalogue d'un éminent et très sérieux libraire parisien, la maison Clavreuil, (pour la petite histoire, cette librairie est aussi spécialisée dans les parutions napoléoniennes...) Un bijou, une pièce de musée, un témoignage important du passé de la Sérénissime. Il s'agit du texte relatant l'installation en 1683 de la supérieure du couvent de Santa Maria delle Vergine qui était dans l'enceinte même de l'Arsenal.
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Fondé au XIIe siècle par le pape Alexandre III et l'Empereur Barberousse pour y installer sa fille comme première abbesse en 1177, il était régi par la règle des augustines, cette communauté fondée à Hippone par Saint Augustin lui-même pour sa sœur. Dans ce beau document, la supérieure , c'est la Nobildonna Maria Gioconda Contarini, la propre sœur du doge Ludovico Contarini. Issue d'une des plus grandes familles vénitiennes, elle naquit dans ce beau palais qu'on peut toujours admirer sur le Grand Canal à moins que ce soit à la Ca d'Oro qui appartenait aussi à cette illustre famille. Elle était la tante du célèbre général, né cette année-là (et mort en 1721) que l'on prénommera Agostino en l'honneur de sa tante religieuse. Son couvent fit couler beaucoup d'encre jusqu'à sa disparition au XVIIIe siècle.
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C'est en effet là que plusieurs scandales éclatèrent en 1295 puis en 1499 après qu'il fut découvert à chaque fois un "commerce charnel" entre les fils et les filles de Dieu qui avaient pourtant fait vœu de chasteté... On trouvait beaucoup de religieuses dans ce monastère mais peu de vierges. A la décharge de ses femmes de tous âge, il faut rappeler que beaucoup s'y retrouvaient par la volonté d'un père ou d'un frère (ça ne vous rappelle pas le mode de fonctionnement de certaines sociétés contemporaines dont la religion n'est pas vraiment très libérale e envers les femmes ?) sans vocation religieuse particulière. Mais à l'époque de notre Gioconda Contarini, l'ordre avait dû revenir...
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Bien sur, il existe dans de nombreuses collections, publiques ou privées, des ouvrages de ce type et de cette qualité. Cependant, puisque depuis une quinzaine d'années il est devenu évident que le patrimoine artistique des nations doit, autant que faire se peut, leur être restitué. Ce manuscrit daté de 1566 devrait reprendre sa place sinon au monastère d'où il a été enlevé du moins à la bibliothèque Marciana ou dans le fonds des Archives Historiques, ou bien encore à la Querini Stampalia. Je viens d'alerter diverses associations capables financièrement d'assumer l'acquisition de cet ouvrage pour le restituer à Venise ainsi que des amis dans l'administration de la ville. Mais une décision est longue à prendre et l'objet peut être rapidement acquis par un riche collectionneur. J'aurai essayé. 15.000 euros ce n'est pas une bagatelle. Mais pour une administration ou une fondation, ce n'est pas grand chose.
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Alors je me suis mis à rêver. Nous réussissions à rassembler des bonnes volontés dans le monde entier pour rabattre les manuscrits, les livres, les tableaux, les objets de qualité qui participent du passé historique de la cité des doges (et que souvent la France a dispersé du temps heureusement bref de son administration) afin de les lui restituer, rassemblant ainsi au même endroit les plus grands témoignages comme les plus humbles du passé grandiose et universel de Venise. Mais le rêve n'est pas la réalité...

09 novembre 2006

Le Colbert à Bordeaux

publié par Lorenzo

Le Colbert à Venise

C'est aujourd'hui le 9 novembre. Il y a 36 ans mourrait dans sa maison de Colombey, le Général de Gaulle. Cet anniversaire m'a fait penser aux liens qui auraient pu exister entre le fondateur de la Ve République et Venise. A ma connaissance, il n'y est jamais venu. Cependant, j'ai trouvé un lien qui me permet aussi de relier la mémoire de l'homme du 18 juin à Bordeaux et Bordeaux à Venise : le Croiseur Colbert.
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Autrefois orgueil et fleuron de la Royale, navire amiral de l'Escadre de Méditerranée, admiré par le monde entier, ce navire transporta en 1967 le Général et Madame de Gaulle au Canada. C'est à son bord qu'il prépara son fameux discours. Aménagé pour permettre au couple présidentiel de vivre le mieux possible pendant la traversée (les hublots du carré de l'Amiral où logeait le chef de l’État furent transformés en fenêtres et une véritable cheminée fut installée), un lit spécial fut réalisé (la grande taille du Général), il a rendu longtemps de fiers services à la Flotte et termina sa carrière militaire en participant à la Guerre du Golfe. C'est aussi à bord du Colbert que la dépouille du Maréchal Liautey fut rapatriée en France.
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Désarmé en 1991, il finit de vieillir depuis un certain nombre d'années sur les quais de Bordeaux et beaucoup souhaitent sa disparition. Transformé en musée flottant, il passionne petits et grands et c'est le monument le plus visité de la ville. Tas de rouille, certainement amianté, il ne partira pas en Inde mais à la casse. Une association d'excités bordelais "coulez le Colbert" attendent son départ pour faire la fête. Les imbéciles. Ils ne comprennent pas grand chose. Certes aujourd'hui le bateau est en très mauvais état. Il est moins visité du coup. Et il gêne la vue des riverains qui oublient qu'autrefois tous se plaignaient de la présence des cargos et des grues qui faisaient beaucoup de bruit. J'ai même entendu dire qu'il cachait la vue... Pour ceux qui ne connaissent pas Bordeaux, en face ce n'est pas la Giudecca ni San Giorgio, c'est une friche industrielle d'une laideur absolue avec quelques usines encore en activité. Avoir ce bateau sous ses fenêtres moi cela ne me dérangerait pas; c'est comme si le vent du large venait souffler derrière les vitres. J'espère qu'il sera simplement déplacé et confié à une organisation capable de l'entretenir et de l'animer... Je fais partie de ceux qui le regretteraient à cause du "Vive le Québec Libre" hurlé par le général à la tribune, et parce que loin de n'être qu'un symbole guerrier, il est la marque d'une époque où la présence française était toujours ressentie comme rassurante, forte et apaisante.
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Lorsqu'il mouillait dans les eaux somptueuses qui font face à la Piazza, des centaines d'embarcations s'en approchaient et il était autant fêté que le regretté France, le Clemenceau ou la Jeanne. Mais si je suis toujours ému en pensant à lui c'est aussi que, lors d'une visite qu'il fit à Venise, en 1984 je crois, j'ai eu l'honneur de monter à bord à la suite de Christian Calvy, alors Consul de France, et des autorités vénitiennes. Pour le jeune français que j'étais, cette réception d'apparat sur un navire français - et quel navire - fut un évènement. J'ai raconté en son temps dans je ne sais plus quel périodique cette soirée. Il mouillait au large à l'époque. Sa beauté était saisissante ; rutilant, abordant le grand pavois avec San Giorgio auréolé d'un superbe coucher de soleil à sa droite et le Lido dont les réverbères allumés donnaient une image irréelle de scène de théâtre...
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Quand il est revenu, pour son dernier voyage en tant que navire amiral, il était amarré sur les esclavons. Les photos reproduites ici montrent cette ultime visite de courtoisie. Chaque fois que je monte à bord maintenant je me souviens. La musique, le décor (il y avait ce soir là je l'ai dit, un coucher de soleil des plus majestueux et le spectacle des vedettes amenant les invités, les sifflets incessants pour les accueillir, les marins en grande tenue et dans un garde à vous impeccable, les jeunes filles ravissantes dans leurs robes fleuries).
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Nous étions arrivés avec "l'Ile de France", le bateau du consulat. Le seul bateau immatriculé à Venise qui avait le droit de battre pavillon étranger. Vestige d'un vieux privilège donné aux navires de la couronne de France par la Sérénissime en remerciement de je ne sais plus quelle aide,et qui se poursuivit jusque dans les années 80. Tombé en désuétude puisque nous n'entretenons plus de consulat général et donc plus de flottille privée, ce n'est plus qu'un souvenir ! Vous imaginez combien nous étions fiers de pouvoir nous faire conduire par cette vedette rutilante tout en acajou avec le drapeau français flottant au vent. On ne passait jamais inaperçu. J'en souris aujourd'hui. C'était une autre époque, presque un autre monde...

08 novembre 2006

Promenade


Quelqu'un (pas de signature sur le mèl) vient de m'envoyer cette photo. Elle décrit sans fioriture l'atmosphère de la ville, sa tranquille beauté, sa décrépitude aussi et rappelle que Venise n'est pas qu'un musée mais un lieu de vie quotidienne...