19 août 2007

COUPS DE CŒUR n°16


Alessandro Marcello, La Cetra.
par le Collegium Musicum 90
dirigé par Simon Standage.

Ed. 2007.
 
Ce concerto magique composé par le frère aîné du célèbre Benedetto Marcello annonce par l'usage débridé du contrepoint, les grandes oeuvres de Vivaldi. La vivacité du violon et le chant du hautbois en font une pièce musicale raffinée et très moderne. L'ensemble que dirige le violoniste anglaise Simon Standage interprète ce concerto avec brio en dépit d'une rigueur britannique qui aurait mériter de moins se contenir.

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Dreams : Oud and Voice
par Samir Tahar.
Next Music, 2006. 
CDS8973
Ce grand musicien arabe (il est algérien d'origine bédouine) présente dans ce magnifique disque des pièces chantées ou instrumentales sur des thèmes traditionnels bédouins et andalous. La parfaite illustration musicale de l'exposition sur "Venise et l'Islam" du Palazzo Ducale dont je vous parlais ce matin. On peut être parfois dérangé par cette voix aux inflexions tellement différentes du chant occidental mais les taqasim (pièces instrumentales solo) à l'oud nous offrent un vrai voyage. Ce disque est quelque part très vénitien. Je l'écoute souvent avant ou après le Gloria et le magnificat de Vivaldi quand je me promène à pied ou en bateau dans la cité des doges.


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Venise,
par Jean-Michel Brèque

PUF collection Culture-guides. 2007
"Née sur un site hostile et devenue ville du Titien et de Tiepolo, de Monteverdi et de Vivaldi, Venise est pour moi une cité miracle. Parcourir le Grand Canal, la plus belle rue qui soit au monde, ou flâner dans ses calli merveilleusement piétonnes, au milieu des façades ciselées que relèvent les ors de l'Orient, est toujours un pur bonheur, surtout dans le monde d'aujourd'hui. Je n'aime pas Venise seulement parce qu'elle est unique ou qu'elle a su garder sa splendeur au long des siècles, je l'aime aussi parce qu'elle est fragile et menacée : sa disparition serait une catastrophe pour l'humanité autant qu'une blessure intime pour tous ceux qui l'ont une fois visitée. " dit l'auteur dans la présentation de son ouvrage, l'un des premiers de la collection que viennent de sortir les Presses Universitaires de France avec Clio, cet organisme spécialisé dans le voyage culture. Il s'agit d'un guide culturel et politique plus que touristique où, chapitre après chapitre, on apprend mille choses sur l'évolution de la Sérénissime au fil des siècles et des évènements internationaux, de la fondation de la cité des doges à nos jours. Des encadrés très bien faits développent certains détails sur un monument,un lieu un personnage et font de cet ouvrage une source d'information passionnante.
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Venise n'est pas trop loin
Christian Bruel et Anne Bozellec.

Ed. Être, A propos d'enfances, 2007
Une BD envoûtante. L'histoire d'une jeune fille à peine adolescente en vacances à Venise avec sa mère. Sur un campo de Venise, elle découvre un jeu d'adresse fascinant mais réservé aux adultes, mais ne mesure pas l'enjeu avant de se retrouver au pied du mur : donner une heure de sa vie en gage. Comment se sortir de ce mauvais pas ? Le texte de Christian Bruel, très limpide est enluminé par les montages photographiques d'Anne Bozellec qui font de ce livre pour jeune adulte une réussite. Les auteurs ont parfaitement su appréhender la fascination de Venise, son atmosphère et cette capacité aux grandes choses qui y est donnée aux âmes romanesques et sensibles.

Oignons aigre-doux, la saveur de l'été vénitien sur votre table

Andrée, fidèle lectrice de TraMeZziniMag, me demande de publier la recette des Sarde in saor (sardines à l'aigre). Il existe plusieurs manières de préparer ce plat typique de la cuisine vénitienne. Je vous invite à vous reporter au billet du 16 octobre 2005 où je publiais celle que j'utilise. Pour ceux qui ont la chance d'être encore au bord de l'eau et qui peuvent se procurer des poissons frais, c'est le moment de vous lancer dans l'élaboration de ce plat qui se conserve bien. Servies avec un verre de vin blanc sec ou un rouge frappé (je conseille un Brouilly ou mieux un Bardolino, bien frappés). Plat typique pour la fête du Redentore, chaque cuisinière à Venise se doit d'en présenter à ses invités, lors du dîner pris en barque ou sur les altane en attendant les feux d'artifices traditionnels. 

Une autre recette typique bien agréable pour une tablée entre amis, le soir sur une terrasse au bord de l'eau ou dans le jardin : les oignons aigre-doux qui accompagnent délicieusement des viandes blanches, des grillades ou se dégustent comme accompagnement d'un bon vin. 
En voici ma recette :  

Il faut 1 ou 2 bottes d'oignons nouveaux. 1/2 verre d'huile d'olive pure, 2 verres de bon vinaigre de vin, 1 cuillère à soupe de sel, 2 cuillères de sucre roux, clous de girofle, poivre, éventuellement une poignée de raisins secs. 
Peler les oignons, s'ils sont gros, les couper en deux. Les placer dans une terrine allant au four avec l'huile d'olive. 
Verser le vinaigre dans lequel vous aurez dilué le sel et le sucre. Ajouter les clous de girofle et le poivre moulus. Mettre à four moyen et laisser mijoter. Les oignons sont cuits quand il n'y a pratiquement plus de liquide mais attention, ils ne doivent pas être trop caramélisés. Avant de sortir le plat, on peut ajouter une poignée de raisins secs que vous aurez fait revenir dans un fonds de vinaigre. 
Délicieux chaud comme froid pour accompagner des plats de viande ou en cicchetti à l'apéritif.

Couleurs d'été...

© Copyright Yves Phelippot - 2007

Venezia et l'Islam


Grande exposition à ne pas manquer cet été : "Venise et l'Islam, 828-1797"

Après Paris et New-York, la grande exposition consacrée aux rapports entre la Sérénissime et le monde islamique, s'installe au Palais des Doges, avec la présentation de plusieurs centaines d'objets d'art, très beaux, souvent merveilleusement raffinés: peintures, verreries, céramiques, argenterie, tissus et livres, provenant pour la plupart de collections vénitiennes prestigieuses mais aussi de différents grands musées du monde entier rassemblés pour la première fois.


Les objets exposés témoignent de l'extraordinaire échange d'influence et de compétences entre les deux cultures dès le IXe siècle. On peut suivre l'évolution artistique des deux civilisations presque toujours liée aux évolutions politiques et économiques des deux mondes, et à la qualité des échanges quasi permanents entre Venise et l'Islam et à la transmission des techniques et des savoir-faire uniques de chaque type d'artisanat. En sortant de cette exposition on se rend compte combien fut important pour l'Occident cette relation de près de mille ans entre les marchands (et les artisans) vénitiens et leurs homologues turcs, perses ou égyptiens. 

Sont présentés aussi de grands chefs-d’œuvre de la peinture vénitienne entre le XIVe et le XVIIIe, de Bellini à Carpaccio, de Veronese à Tiepolo en même temps que d'extraordinaires dessins, des cartes géographiques, des gravures rarissimes. La section consacrée aux Arts Appliqués est passionnante tant elle démontre l'évidence de l'influence fondamentale des méthodes et des techniques arabes et ottomanes sur l'artisanat de la République. On comprend l'origine des thèmes et des motifs qui font l'originalité du langage artistique vénitien tout au long des siècles. Nulle part ailleurs en Europe (si ce n'est dans l'architecture hispano-mauresque) l'influence de la civilisation islamique n'a été aussi fondamentale. Une dernière section présente l'ampleur et la richesse des échanges scientifiques et philosophiques avec la présentation d'objets, d'instruments divers et de magnifiques ouvrages rarement présentés au public. Si à l'Institut du Monde Arabe, on pouvait regretter la relative superficialité des commentaires de présentation, l'installation vénitienne est amplement détaillée, les vitrines très faciles d'accès même avec au milieu d'une foule nombreuse comme à chaque exposition dans les salles du Palais des Doges.

L'exposition, intégrée dans un parcours didactique dans la ville "sur les traces de" (“sulle tracce”) de cet ample entremêlement historique et artistique des deux civilisations. Une série de manifestations(concerts, conférences, projections) est programmée sur ce thème un peu  partout dans Venise, est le fruit de la collaboration entre l’Institut du Monde Arabe de Paris, le Metropolitan de New York et les Musei Civici Veneziani. Elle est organisée par la Municipalité de Venise et de la Fondazione di Venezia.


"Venise et l'Islam, 828 - 1797"
Palazzo ducale, San Marco.
Depuis le 28/07 et jusqu'au 25/11/2007.
Entrée par la Porta del Frumento (Piazzetta).
Ouvert tous les jours de 9 à 19 heures.
Tarifs : 10 € (plein-tarif),  5 à 8 € (étudiants, chômeurs,etc.).
Gratuit pour les enfants de jusqu'à 5 ans.
Possibilité de réservation.
Catalogue édité chez Marsilio editori.

Venise en été...

 
Bora et sirocco se sont succédés cet été sur Venise et sa lagune. Pourtant, il a fait souvent beau et même très chaud. Peut-être moins que les autres années. Le changement climatique est-il en marche ? Cela n'a pas empêché les quelques vénitiens qui n'ont pas fui leur ville envahie par les hordes estivales, de vaquer à leurs occupations. Les terrasses ombragées accueillent à l'heure de la passeggiata, vénitiens et touristes. Il fait si doux quand le jour se termine...

23 juillet 2007

Venise est un poisson



Il pleut sur le Cotentin. De passage à Agon-Coutainville où Constance doit faire une promenade sur Joyeuse, son poney préféré, j'en profite pour faire une halte au cyber-café du coin. Pas d'internet dans notre village, cela repose certes, mais l'accoutumance est là... La tentation est bien trop grande de reprendre le fil de nos conversations et d'ajouter sur TraMezziniMag un nouveau billet, en attendant la reprise de mes "activités pseudo-littéraires"...
"Venise est un poisson. Regarde-la sur une carte géographique. Elle ressemble à une sole colossale allongée sur le fond. Comment se fait-il que cet animal prodigieux ait remonté l'Adriatique et soit venu se terrer précisément ici ? Il pouvait se balader encore, faire escale un peu partout selon son humeur, migrer, voyager, s'amuser comme bon lui semble : une fin de semaine en Dalmatie, après-demain à Istanbul, l'été prochain à Chypre. S'il s'est ancré dans ces parages, il doit bien y avoir une raison. Les saumons s'épuisent à contre-courant, escaladent les cascades pour aller faire l'amour en montagne. Les baleines, les sirènes et les figures de proue vont mourir dans la mer des sargasses.
Les autres livres souriraient de ce que je suis en train de te dire. Ils te racontent comment la ville est née du néant, son trépidant succès commercial et militaire, sa décadence : des contes de fées. Il n'en est rien, crois-moi. Venise a toujours existé comme tu la vois ou presque. C'est depuis la nuit des temps qu'elle navigue. Elle a touché tous les ports, s'est frottée à tous les rivages, les quais, les embarcadères : sur ses écailles sont restées attachées des ancres du Moyen-Orient, des sables phéniciens transparents, des mollusques grecs, des algues byzantines. Un jour, cependant, elle a senti tout le poids de ses squames, ces graines et ces éclats accumulés sur sa peau petit à petit, elle s'est rendue compte des incrustations qu'elle trimballait sur elle. Ses nageoires sont devenues trop lourdes pour se glisser entre les courants. Elle a décidé de remonter une fois pour toutes dans une de ces baies les plus au nord de la Méditerranée, la plus tranquille, la plus abritée, et de reposer là.
Sur la carte géographique, le pont qui la réunit à la terre ferme ressemble à une canne à pêche : on dirait que Venise a mordu à l'hameçon. Elle est étroitement liée par des rails d'acier et des bouts d'asphalte, mais cela est arrivé après, il n'y a qu'une centaine d'années. Nous avons craint que Venise, un jour, puisse changer d'avis et repartir. Nous l'avons attachée à la lagune pour qu'il ne lui vienne pas en tête de prendre le large à nouveau et de s'en aller loin, cette fois pour toujours. Aux autres, nous disons que nous l'avons fait pour la protéger, parce que, après toutes ces années de mouillage, elle n'est plus habituée à nager : on la capturerait tout de suite, elle finirait sûrement à bord d'une baleinière japonaise, on l'exposerait dans un aquarium à Disneyland. La vérité, c'est que nous ne pouvons plus nous passer d'elle."

Découvert dans"Venise est un poisson"de Tiziano Scarpa
(Editions Bourgois, 2002)
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3 commentaires :

Anonyme a dit…
venise est une grosse morue
Antoine a dit…
Encore un (ou une) qui n'aime pas le poisson ! Venise est une carpe quand elle garde jalousement des secrets, une truite quand elle se faufile dans le cœur des amoureux, une pieuvre quand elle veut dominer le monde mais elle n'est pas ce que vous insinuez !
Anonyme a dit…
et pourtant !!

06 juillet 2007

TraMeZziniMag prend quelques jours de vacances !

Chers amis lecteurs, votre serviteur va rejoindre les bords d'une lagune qui se donne parfois des airs de Venise : Les enfants et moi, nous prenons nos premiers quartiers d'été comme chaque année, entre Le Moulleau et Pereire, sur le Bassin d'Arcachon, à Flamberge, une vieille bâtisse usée par le sel, pleine de charme, au bord de la plus jolie plage de la ville. Le va-et-vient incessant des barques, des voiliers et des chalutiers, la lumière très pure parfois nimbée d'argent au crépuscule, les cabanes tchanquées dont les pilotis rappellent leurs cousines des îles du delta du Pô, et cet air salin tellement doux qu'on y respire, après la puanteur de la ville polluée, tout me ramène à Venise. Et le matin, lorsque nous nous retrouvons sur la terrasse face à la mer, nous nous sentons tous aussi bien qu'à Venise. L'exil nous parait bien plus doux ! 

Venise n'est jamais très loin de nous en Arcachon : la boutique de verrerie (tenue par un authentique vénitien venu se marier ici) qui ressemble à s'y méprendre à ces boutiques de la Strada Nova, la pizzeria qui diffuse des chansons de Paolo Conte et de Jerry Vale ("mamma") que les gondoliers reprennent souvent, et quand nous allons au marché, nous passons en vélo par la rue Thomas Illyricus, du nom de ce moine esclavon Naufragé un jour lointain au large de ce qui n'était encore qu"un village, il débarqua avec une statue de la vierge devenue miraculeuse et qui trône toujours dans la ravissante chapelle des marins remplie d'ex-votos, parfumée comme l'église de San Michele battue par les flots à l'entrée du cimetière de la Sérénissime... Non Venise n'est jamais vraiment loin de nous.
TraMeZziniMag sera donc moins actif dans les prochaines semaines, faute d'équipement internet dans la vieille maison du bord de l'eau. Mais je vous le promets, je vais mettre de l'ordre dans mes notes et préparer plein de billets que j'essaierai de publier dès que possible. En attendant, n'hésitez-pas à m'écrire, même si la réponse tarde à venir ! Bonnes vacances à tous !

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2 commentaires:

madeleine a dit…
bonnes vacances et revenez bous vite pour nous régaler de toutes vos connaissances vénitiennes.
ghost1 a dit…
arcachon est située à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest de Bordeaux. La ville est disposée autour d'une superbe plage de sable fin comme en témoigne cette vue aérienne La ville d'arcachon est située au sud du bassin d'arcachon du même nom. Comme on peut le lire dans certaines publications, le bassin d'arcachon est une presqu'ile en négatif , le renouvellement de l'eau étant assuré par une étroite ouverture permettant la communication avec l' océan Atlantique .
Dans un avenir "proche", le bassin d'arcachon est destiné à devenir un lac comme le sont devenu les lac landais un peu plus au sud mble du processus de production. Malgré sa superficie modeste, bassin d'arcachon est une ville intéressante à découvrir. La ville est séparée en deux parties: une ville d'ete qui s'étend le long du front de mer entre la jetée de la Chapelle (ou jetée des marins ) et le port. La ville d'hiver est située en arrière de la ville d'été sur la dune surplombant la ville. La population passe de 12000 habitants en hiver à presque 200000 au plus fort de l'été... http://www.voyage-vacance.fr

03 juillet 2007

On reparle d'un métro à Venise : mais dites-moi que ce n'est qu'un cauchemar !

Je dois virer au vieux machin grincheux mais dès que j'entends parler de ces projets pharaonesques qui sont présentés comme de grands progrès pour l'avenir de la Sérénissime je sens des palpitations s'emparer de mon coeur, des démangeaisons et l'envie de hurler que le seul combat qui vaut la peine d'être mené jour après jour et n'aura jamais de fin, c'est celui qui consiste à préserver Venise des outrages du temps et des dommages de l'ultra-modernité, qui n'est pas un progrès mais une plaie pour le patrimoine et la conservation. 
 
Bien sur les inventions, les techniques modernes peuvent apporter des solutions durables aux problèmes de restauration, mais doit-on laisser les adeptes du progrès jouer aux apprentis-sorciers et prendre le risque de laisser détruire inexorablement les trésors préservés du passé ? Bref, vous aurez compris que ce sont des idées qu'on pourrait croire farfelues qui se répandent en ce moment à Venise et sont prises très au sérieux ! Le président de la région, potentat ultra-libéral aux ambitions aussi titanesques que ses idées sur la Venise du XXIème siècle et suivants (s'il y en a), a décidé qu'un métro était nécessaire pour améliorer les déplacements des vénitiens. Pour qu'ils aillent plus vite ! Non seulement tout le monde est d'accord pour dire que faire des trous et autres excavations dans le sous-sol argileux de la lagune serait prendre un risque démesuré pour l'équilibre de l'éco-système lagunaire déjà bien mal en point, mais imaginez-vous des stations souterraines qui déboucheraient place Saint-Marc comme Indiana Jones dans un film célèbre ? 
 
Si ces monuments restent debout après de tels travaux, qu'est ce que Venise aura gagné avec un métro ? Davantage de touristes, qui circuleront sous terre et s'ajouteront à ceux qui arpentent les ruelles et les campi. Et puis mettre 30 minutes pour aller d'un point à un autre en vaporetto restera toujours pour le vénitien qui se rend à son travail plus appréciable que 5 minutes dans une rame de métro souterraine, vous ne trouvez pas ? Mais imaginez un peu : 250 millions d'euros de travaux pour 15 millions de voyageurs par an de Tessera (l'aéroport à l'Arsenal en passant par Murano) à 9 euros pour les touristes et 3 euros pour le vénitiens, si je ne m'abuse cela fait 135 millions d'euros de chiffre d'affaires. Amortissement des travaux en 24 mois, puis le pactole pour l'ACTV (la société des transports en commun de Venise) qui en profiterait pour supprimer la liaison en autobus par le pont de la Liberté et quelques lignes de vaporetti de plus en plus obsolètes (sic). Le progrès, mes amis, le progrès ! Le climat change et le ciel en ce début d'été est pourri, l'eau manque et quand elle coule encore dans nos rivières, elle est polluée, chque jour les sculptures en pierre d'Istrie des façades vénitiennes se transforment en talc, la lagune monte et les poissons morts flottent le ventre en l'air partout dans la lagune, au milieu des algues radio-actives mais vive le progrès et la fuite en avant du modernisme !

Heureusement, la protection de l'environnement a de plus en plus d'adeptes, et un tunnel de plus de huit kilomètres dans la couche d'argile qui forme l'immédiat sous-sol de la lagune et de la cité des doges (et qui est en contact direct avec la nappe phréatique) représente un frein aux ambitions du Président Galan. Massimo Cacciari ne serait pas contre s'il est prouvé que le projet présente un risque zéro... Amis de Venise, après l'inénarrable projet Mose, restons vigilants et ne laissons pas les financiers et les technocrates détruire ce patrimoine unique déjà bien mal en point ! 
 
Pour ma part, je vais cesser de pester contre tous ces apprentis sorciers au manichéisme somme toute ultra vulgaire et me retirer dans mon joli jardin, lire de la poésie, faire de la pâtisserie avec mes enfants et me remplir les yeux des merveilles qui me sont données d'approcher tant qu'il est encore temps. "En attendant les barbares"...

01 juillet 2007

Les Brèves de TraMeZziniMag

Un numerus clausus pour l’entrée à Venise.

Cela a déjà fait couler beaucoup d’encre mais nécessité fait loi à Venise peut-être davantage qu’ailleurs : dans quelques jours les autorités municipales vont tester la politique du numerus clausus à l’entrée de la cité. Le maire, les différents assesseurs, la police et les syndicats de bateliers, de gondoliers et les hôteliers-restaurateurs se sont apparemment mis d’accord. Tous conviennent que le flux de plus en plus important de touristes – surtout pendulaire – déséquilibre la vie de la cité et devient un réel problème écologico-économique. Difficile d’imaginer que l’on ne puisse se rendre à Venise que sur rendez-vous et après des longues mois d’attente. A ce sujet mais concernant un autre haut-lieu touristique, lisez l'article dans Impasse Sud (cliquez sur le lien).

Les femmes à l’assaut de la corporation des gondoliers.

On savait que la pétulante allemande de Birkenfeld, Alexandra Hai voudrait absolument devenir gondolier (gondolière ?) en recevant l'absolution du syndicat des gondoliers. Résidant depuis une dizaine d'années à Venise, elle a seulement l'autorisation de promener les touristes de l'hôtel pour qui elle travaille et les télévisions du monde entier se sont intéressés à sa tentative. La confrérie vieille de plus de 1000 ans ne voit pas cet accroc à la tradition d'un très bon œil. Les 425 gondoliers officiels (il y a malheureusement quelques clandestins depuis toujours : souvenez vous le gondolier du Professeur Ashenbach dans Mort à Venise…) maintiennent leur position : pour être gondolier, il faut être vénitien et être de sexe masculin… Mais les lois modernes, l’Europe, l’idée de progrès et la hantise de la ségrégation et du sexisme voudraient avoir raison des traditions et des usages : Il y a maintenant deux autres jeunes femmes candidates, Alessandra Taddeo et Giorgia Boscolo, (fille du peintre Dante Boscolo et jeune maman de deux enfants), vénitiennes de pure souche celles-là. Toutes les trois ont tenté les épreuves d’admission à la profession, très règlementée. Parmi les 130 candidats inscrits, le jury a tranché : en dépit d'un excellent niveau, aucun des trois jeunes femmes n'a obtenu le nombre suffisant de points. Sur les 126 participants, seuls les 40 premiers étaient admissibles. Les trois dames se sont classées respectivement 53e, 77e et 43e. Pour les amateurs de détails, signalons que le major de la promotion 2007, Sebastiano della Toffola, 20 ans, a totalisé 10 points (le maximum). Avec les 39 autres lauréats, il va intégrer la très rigoureuse "scuola di mestiere- arte del gondoliere". 16 d'entre eux sont fils de gondoliers... Ils sont tous d'autentiques vénitiens, hormis le jeune Andrea Vianello (18 ans) natif de Mirano. 40 heures de leçons de gondole de promenade, 360 heures de pratique sur le traghetto, 150 heures d'étude théorique (droit de la navigation, langues, toponymie vénitienne). Des têtes bien pleines dans des corps bien faits !

Les livreurs excédés par le trafic touristique.

Est-ce pour préparer l’opinion au Numerus Clausus et aux modifications qui s’imposent de plus en plus lourdement chaque jour, mais les syndicats vénitiens sont au bord de la crise après l’incident – un de plus – survenu hier au Rialto. Ils réclament la mise en place d’un réseau de circulation des marchandises protégé afin d’éviter que les livraisons soient en permanence bloquées ou retardées avec les conséquences que cela entraîne pour l’approvisionnement et le commerce. Le responsable : le trafic que provoquent les hordes de touristes, nécessitant chaque jour davantage de vaporetti, occasionnant des retards énormes et des pannes de plus en plus fréquentes. L’incident de samedi aurait fait rire autrefois : un bateau est resté encastré plusieurs heures sous le pont du Rialto, il avait dû s’écarter pour faire place à un vaporetto en retard et très lourdement chargé qui lui-même manœuvrait difficilement pour éviter un "train" de gondoles remplies de japonais.