25 janvier 2009

C'est aujourd'hui la fête de San Polo

L'Église fête aujourd'hui la conversion de l'apôtre Paul, appelé aussi San Paolo dei Segni ou San Paolon à Vénétie, pour le distinguer de San Paolo l'Ermite. Pour les vénitiens du temps de la Sérénissime, cette fête toujours célébrée le 25 janvier marquait la fin de l'hiver, quelques jours avant la Chandeleur partout ailleurs. Mêmes réjouissances mais plus tôt pour un peuple toujours impatient...
 
 
Jacopo Tintoretto, Ultima Cena, 1575,San Polo - © Apo43

A Venise, l'église qui lui est consacrée, San Polo, est une des plus anciennes de la ville, construite avant l'an mille (en 837), par les doges Pietro et Giovanni Tradonico. C'était le siège d'une des plus importantes et riches communautés religieuses de la République. 
 
Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle on l'appelait San Polo del Tremuoto (Saint-Paul-du tremblement-de-terre) suite à l'importante séisme qui toucha la cité des doges le 25 janvier 1343 et fit beaucoup de victimes et de dégâts. Église riche de trésors et de sérénité. Les touristes parfois viennent s'y reposer et s'y rafraîchir. La plupart passent devant sans s'arrêter.
 
Il faut demander à voir dans la sacristie, le beau chemin de croix de Gian Domenico Tiepolo, dont voici quelques uns des panneaux :
 






(D'après "Tradizioni popolari veneziane e venete" de Antonio Niero).

24 janvier 2009

Le jardin oublié


Et si le personnage inventé par Hugo Pratt existait vraiment ? Si ses déambulations dans une Venise irréelle s'avéraient correspondre à une réalité, certes différente de celle que nous vivons chaque jour, mais bien matérielle aussi et palpable ? Si tout cela est vrai, ce jardin oublié, comme on en oublie dans les villes et dans la vie, existe vraiment et se promener sous les frondaisons de ses grands arbres au gré des allées qui serpentent sans limite apparente n'est pas un fantasme de rêveur romantique.
...
C'est au bout d'une ruelle étroite, après un sottoportego bien sombre. On débouche sur une sorte d'étroit campiello entouré de murs. Une grande porte de bois noir avec un monstre simiesque en guise de heurtoir et son seuil de pierre bien usé. Elle s'ouvre péniblement en grinçant. Elle est lourde. On pénètre dans une jungle incroyable. De nombreux oiseaux qu'on n'entendait pas de l'autre côté gazouillent comme un jour de printemps. Tout parait sombre au premier regard. Puis les frondaisons se détachent peu à peu. On entend au loin les rumeurs de la ville, les bateaux sur les canaux, les cloches, un avion qui passe dans le ciel. Le vent fait cliqueter les branches et les feuilles. S'aventurer sur le chemin qui s'offre devant nos pas est un peu effrayant. Que va-t-on trouver au bout ? N'y aurait-il pas un de ces féroces et stupides chiens de garde qu'un maître jaloux de sa tranquillité aurait lâché soudain ? Non rien de tout cela. Un calme étrange. Des parfums champêtres font oublier les habituels remugles de la lagune. On oublie la proximité de la mer, le sel, les pierres de Venise. On est ailleurs. Dans un sous-bois, loin de la ville. Un banc de pierre sculptée est garni de mousse. 
 
Plus loin une statue qui a perdu un bras semble figée dans sa morosité. Un moineau perché sur son épaule dénudée lui susurre quelques consolations. La femme de pierre semble sourire. Un tulipier au tronc tordu comme un vieillard surgit là où le chemin bifurque. Un puits couvert d'une plaque de bronze trône au milieu d'une alcôve de buis et de lauriers. Un écureuil s'enfuit en nous voyant. Sur la droite le chemin grimpe un peu, des marches dont les contreforts sont en brique, mènent à une délicieuse petite fabrique qui aurait enchanté la reine Marie-Antoinette et le poète Chénier. A l'intérieur, une nymphe tient une amphore d'où l'eau ne sort plus depuis longtemps. Partout des essences rares, des traces de plantation mêlées aux herbes sauvages trop hautes. L'endroit parait abandonné.
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Pourtant, en se rapprochant de l'extrémité du jardin, en retrouvant les bruits habituels de la ville, on perçoit comme des rires d'enfants, des voix humaines. Derrière le bosquet de chênes et de cyprès mêlés, éclairé par un beau soleil, une table sous un parasol, des chaises de fer. Sur la table un grand plateau d'argent avec de la citronnade, un livre ouvert sur la banquette de rotin, un chapeau de paille... L'endroit est donc aussi vivant de la vie habituelle. Des femmes et des hommes comme vous et moi partagent avec les nymphes, les elfes et les oiseaux et tout le petit peuple de la nature, la jouissance heureuse de ce bois divin. Allons les rejoindre et nous imprégner de leur bonheur tranquille.

23 janvier 2009

Une fois pour toutes :


Non, je vous le dis à nouveau : Venise n'est pas en train de sombrer. Pas comme on l'entend en tout cas dans les dîners mondains avec les palais, les églises et les ponts qui s'enfonceraient peu à peu mais inexorablement dans la vase... C'est le niveau des mers et des océans qui monte et si rien n'est fait pour que la lagune retrouve sa physionomie naturelle, il y aura effectivement un problème grave. Venice is not sinking. Venise n'est pas en train de couler, Messieurs-dames !

Et à propos du pouvoir corrosif des médias mal documentés, je vous invite à relire le billet d'Eric Valmir, écrit pratiquement en direct de Venise au moment de l'acqua alta de décembre dernier. Enfin un journaliste qui parle vrai et s'insurge sur le pouvoir terrible de la presse quand elle joue les miroirs déformants :

http://radiofrance-blogs.com/eric-valmir/2008/12/07/en-direct-de-venise/

 

Aucun commentaire:

COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 5) : Les carnets de voyages : du rêve sur papier

Je ne sais pas pour vous, mais moi je suis depuis toujours très sensible à ces cahiers et carnets remplis de croquis, de notes et de collages que des âmes sensibles et artistes produisent quand elles voyagent. La renaissance des carnets Moleskine a engendré une mode bienvenue qui permet de découvrir ces carnets et les souvenirs, les idées ou les inventions de leurs auteurs. Il y a aussi les carnets d'artistes, croquis préparatoires comme autant de rêves prémonitoires des peintures souvent devenues célèbres. je pense à l'agenda de Bonnard, rempli de dessins et de notes, au carnet de voyage de Delacroix dont les aquarelles font revivre un Orient de rêve aujourd'hui disparu. Il y a aussi les carnets de Tobiasse (ah ! celui consacré à Venise) et bien d'autres encore. J'en possède quelques uns, originaux ou fac-similés. 
 
Quel plaisir de les feuilleter, de les exposer, en changeant de page au gré de mon humeur. J'ai conservé ceux que je réalisais lors de mes voyages de jeunesse : Espagne et Portugal, Turquie, Grèce, Bulgarie, Italie du Sud, et Venise évidemment. Mais je ne suis pas un bon dessinateur et mes collages manquent d'originalité. Quant à mes notes elles sont bien souvent très mal écrites et donc difficilement lisibles aujourd'hui...
 
En revanche, une de mes lectrices, Stéphanie Miguet pour qui l'art du découpage ne semble plus avoir de secret, a réalisé de très beaux carnets de voyage. Notamment sur Venise. Ne pouvant reproduire les illustrations de ces carnets, je vous invite à aller y jeter un coup d’œil. Vous ne serez pas déçu : http://stephaniem.over-blog.com/
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illustration : © Joachim Robert - Tous Droits Réservés.

2 commentaires:

Stéphanie M. a dit…

Très très bientôt, si vous le voulez bien, Lorenzo, des extraits de mes carnets sur TramezziniMag...
Amitiés, Stéphanie M.
ps: je pars voir les costumes en papier d'Isabelle de Borchgrave à Lyon, le jour où j'y suis allée à Venise c'était fermé !!

Michelaise a dit…

Jolie adresse merci ! et vivent les carnets de moleskine

21 janvier 2009

De San'Erasmo à votre table

© Carlo Lazzarini - Tous droits réservés.

 
Fruits et légumes d'hiver provenant de San'Erasmo et prêts à rejoindre le marché du Rialto. Ce qui devrait toujours être : des produits de proximité issus d'une agriculture à taille humaine et totalement biologique.

 

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3 commentaires:

Stéphanie M. a dit…

Bonjour Lorenzo, je suis en émerveillement devant votre blog...passionnée d'art depuis toujours, de Venise depuis deux ou trois ans car, ayant ma belle-famille pas très loin, je viens régulièrement y prendre un café, faire le marché ou quelques musées. Et le reste du temps depuis la France, je lis et je rêve de Venise.(et je cuisine !) Je bricole aussi quelques carnets de voyage, puisque je suis artiste. J'admire votre érudition et je partage bien souvent vos points de vue. Grâce à vous j'ai l'impression d'habiter tout près de Venise...mes amitiés.

Lorenzo a dit…

J'aime beaucoup les carnets de voyage et mes lecteurs aussi. Pourquoi ne pas en publier des extraits sur Tramezzinimag ?

Chantal a dit…

Extra ce blog qu'une amie m'a fait découvrir!
Je suis une amoureuse de Venise depuis déjà 8 ans en essayant d'y aller au moins une fois par an.
Ce blog est agréable à regarder et effectivement il nous fait partager l'amour de cette ville et surtout de ses habitants que j'aimerais rencontrer.
Avec mon compagnon us y allons à la fin de ce mois et nous aimerions avoir des contacts avec les vrais Vénitiens!Auriez vous des idées pour que nous puissions en rencontrer?Nous ne sommes pas jeunes, moi(décoratrice étalagiste) j'ai 54 ans et mon compagnon (photographe) 62 ans mais nous sommes dynamiques, sportifs et préts à suivre un Vénitien dans les dédales de cette ville magique.
Je fais moi aussi mes carnets de voyage chaque fois que j'y vais.
Continuez c'est vraiment chouette!
Merci.



Le Dalaï-Lama, bientôt citoyen d'honneur de la Sérénissime

La Ca'Farsetti est en plein remue-ménage. Partout on s'affaire, on nettoie, on décore. Tout cela en l'honneur de Sa Sainteté le Dalaï-Lama qui recevra mardi 10 février prochain, le titre de citoyen d'honneur.
 
Venise mettra ses plus beaux atours pour l'arrivée du Dalaï Lama qui connait bien la ville. Il sera honoré par le conseil municipal à 9 heures précises, lors d'une session extraordinaire du Conseil Municipal (qui débutera ce jour-là à 6 heures !). Deux journées très intenses en perspective pour le leader spirituel des tibétains. 

Le président Renato Boraso (Forza Italia) accueillera la veille le leader tibétain à l'aéroport Marco Polo avec les corps constitués. Il recevra les honneurs militaires puisqu'il est considéré par l'Italie comme un chef d’État en exil et que son séjour est considéré comme une visite d’État. 
 
Il sera ensuite conduit à l'hôtel Ca'Dogi, sur la fondamenta della Misericordia, avec sa suite. Il y recevra les tibétains qui résident en Italie. Habitué à se lever à 3 heures 30 du matin, le Dalaï-Lama ne sera sûrement pas effrayé par la densité du programme !
 
A 8 heures 30, l'auguste visiteur sera conduit en bateau sur le Grand Canal jusqu'à l'hôtel All'Angelo qui sera pour l'occasion entièrement redécoré dans le style tibétain. 
 
Il se rendra ensuite à la Ca'Farsetti, siège de la Commune, qui sera recouverte des bannières, drapeaux et fanions qui accueillent traditionnellement depuis toujours les hôtes de marque. La population a été invitée à décorer fenêtres et balcons.  Gageons qu'il y aura beaucoup d'oriflammes tibétains le long du cortège. 
 
La séance spéciale du conseil municipal s'ouvrira par un mot d'accueil du président du Conseil suivi par un discours du maire Massimo Cacciari qui conférera au Dalaï-Lama, au nom du peuple vénitien, le titre de citoyen d'honneur. Puis ce sera le traditionnel échange de cadeaux dans les salons de la mairie. 
 
Après la cérémonie, les autorités accompagneront le nouveau citoyen d'honneur en cortège et à pied, dans la plus pure tradition vénitienne, jusqu'à la Piazzetta. C'est à la Biblioteca Marciana que le leader tibétain rencontrera les membres du Comité d'honneur et les associations.  
 
«Ce cortège symbolique sera le moment le plus important de la visite de Sa Sainteté» a déclaré le porte-parole de la Ca'Farsetti à la presse. «Pour Venise et pour le Tibet; ce sera un moment de grande intensité culturelle et historique, un signal fort que la Sérénissime veut donner au monde en tant que Cité de la Paix».  
 
Vers midi, le Dalaï-Lama sera reconduit jusqu'à l'aéroport. 
 
La sécurité de la délégation tibétaine et la protection de son chef seront assurés par de nombreux carabiniers auxquels se joindront des policiers venus de Rome, mais la municipalité comme le secrétariat du Dalaï-Lama souhaitent que la population, (notamment les enfants des écoles qui seront le long du cortège), puisse participer en nombre à la manifestation. 
 
Tramezzinimag sera bien sûr au rendez-vous du 10 février et nous vous rendrons compte de ce grand moment pour la Sérénissime et les vénitiens !

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1 commentaire:

le bord doré des nuages a dit…

Quelle belle fête en perspective, j'espère que nous allez nous faire de belles images.

20 janvier 2009

Au marché le matin

© Carlo Lazzarini - Tous droits réservés.

Quel plus grand plaisir que de se rendre au Rialto le matin assez tôt pour y faire ses emplettes ? L'hiver, les légumes et les fruits semblent sortir d'un tableau tant la fraîcheur extérieure intensifie leurs couleurs et leur aspect. On bavarde, on prend des avis, des conseils, une recette. Les marchands sont gentils, ils plaisantent. Souvent ils ajoutent un légume ou des fruits en cadeau dans le panier. 
 
Comment espérer retrouver ces sensations de toujours quand on fait ses courses dans un de ces hypermarchés sans âme où tout semble frelaté, calibré ? Il est temps de commencer à réagir. Pour que des marchés comme celui du Rialto, de la Giudecca ou de la Strada Nova continuent d'exister. N'allons plus dans les supermarchés, refusons l'univers du caddie et des caisses automatiques. 
 
C'est avec notre portefeuille et aussi avec notre coeur que nous ferons la vraie révolution. Celle qui préservera l'âme des cités, l'humanité, le sens des autres, la proximité, la solidarité. Chassons ces tueurs de poésie, ces apôtres du tout-profit, de la croissance, ces adeptes sectaires de l'efficace, du pratique, du rationnel, du formaté. Ces faiseurs d'esclaves et de petits soldats qui voudraient nous imposer un monde qui n'est pas le nôtre...

5 commentaires:

lena sous le figuier a dit…

Je pratique ainsi, mais l'intendance est un quasi sacerdoce; entre le marché, les petits commerces et internet, il ne faut pas compter son temps...
Bon week end Lorenzo

Lorenzo a dit…

bon week end à vous

F.PELATAN a dit…

Ok tout à fait! mais à condition que les vendeurs, et surtout revendeurs, de la Giudecca, de la Strada Nova jouent le jeu.....combien de producteurs locaux ?

Comme dans d'autres marchés ailleurs....!

Bon courage...

Lorenzo a dit…

Plus de 80% des produits frais livrés au marché du Rialto, à la Giudecca, à Murano ou sur les étals des marchands de la Strada Nova, proviennent des îles voisines et de la terre ferme à moins de 100 kilomètres de Venise.Bien que la production diminue, les agriculteurs vieillissants et peu d'enthousiasme pour reprendre, il existe une relève et nombreux sont encore les vénitiens de la lagune qui produisent, ainsi que les couvents de Venise et alentour.

chantereve a dit…

Tout à fait d'accord pour faire les emplètes de la journée sur ces marchés odorants et conviviaux! J'adore acheter et partir à l'aventure avec ma récolte dans le dos, m'arreter, fatiguée et manger un morceau de parmegiano une tomate une pomme ou une poire dans un square ou sur un banc et boire un peu d'eau...passer dans un petit café et me réconforter avec un délicieux "espresso".


19 janvier 2009

Les grecs et Venise

En 1754, l'éditeur vénitien Giambattista Albrizzi publia un important ouvrage consacré à l'histoire moderne des peuples du monde. Écrit par Thomas Salmon, dit l'Écossais, il fait une part très large aux évènements qui se sont succédés pendant plusieurs siècles dans le Levant. L'histoire de la République de Venise y est détaillée notamment à travers sa politique extérieure et ses conquêtes. 
On a du mal à se rendre compte aujourd'hui que Venise, bien que restée un des lieux les plus célèbres de l'univers, a dominé une grande partie du monde et a eu une influence politique et économique sur le reste de la planète. Souvent comparée par les historiens à l'Amérique du XXe siècle ou à l'Empire de la reine Victoria, la Sérénissime faisait et défaisait gouvernements et alliances, imposait sa volonté partout dans le Levant et sa marine comme ses armées étaient redoutées de tous. Sa puissance économique, ses réserves financières et son gigantesque réseau commercial lui assuraient une prééminence que personne ne put contrarier ni concurrencer jusqu'à la découverte d'une nouvelle route commerciale qui mena des nefs espagnoles et génoises sur les côtes américaines. Puis l'Empire ottoman s'organisa et, faisant fi des règles de la diplomatie internationale, s'empara de toute l'Europe centrale, des îles du Levant et s'avança jusqu'aux marches de l'Occident chrétien. 
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Venise manqua alors de génie. Enfermée dans son raisonnement de comptable, elle ne sut pas faire face et abandonna les rêves d'un nouvel empire placé sous la protection de Saint Marc et de son lion ailé. Et ce fut la longue agonie qui eut au moins le mérite, en détournant les passions et les haines de la cité des doges ruinée, de permettre que soit préservée cet ensemble architectural et artistique unique au monde et situé au-delà des modes et du temps qui passe. Venise meurt d'être ainsi figée mais cette mort a engendré une forme d'éternité dont nous nous repaissons tous.
 . 
Un de mes ancêtres fit sa fortune en participant à la conquête de Naxos avec Sanudo. A moins qu'il s'agisse de la conquête de Astipaléaia, devenue Stampalia et qui fut près de trois cents ans durant le fief des Querini, quasiment leur royaume. Cet aïeul n'était pas vénitien mais venait des Grisons. Sa fortune faite il s'installa à Venise et développa une maison de négoce qui existait encore au moment de l'invasion des français. Il s'allia à la famille de mon grand-père, marchands vénitiens installés à Constantinople et qui restèrent sur les bords du Bosphore en dépit de l'invasion turque. Ils firent partie de la colonie vénitienne, puis italienne de Galata et ne quittèrent la Turquie - comme tous les occidentaux installés depuis toujours sur la Corne d'or - que dans les années 20 du siècle dernier, chassés par Mustapha Kemal.
 ... 
Nombreux sont les vénitiens qui ont gardé le souvenir des apanages vénitiens dans les anciens territoires de la République. L'arrière grand-père Buzzacarini de mon ami Francesco Rapazzini recevait encore avant la guerre de 14, et chaque année, un panier de fraises provenant d'une terre de Corfou qui avait appartenu à sa famille. 
 
Les Querini se prirent longtemps pour les rois de Stampalia, petite île en forme de papillons recouverte de pierraille où ils bâtirent un château dont on visite encore les restes. Les aînés de la famille ajoutèrent pendant trois siècles un chiffre à leur prénom comme chez les princes régnants. 
 
De Catherine Cornaro à la reine Aspasie (femme du roi Alexandre Ier, mais jamais titrée reine en raison de son origine), qui mourut en 1972 dans son magnifique jardin de la Giudecca et qui est enterrée à San Michele, les grecs ont toujours été très proches des vénitiens. Plusieurs familles patriciennes sont d'origine grecques comme les Papadopoli ou les Téotochi. Après tout, n'avait-on pas baptisé Venise la moderne Athènes et son gouvernement n'a-t-il pas régné sur Byzance, la ville de Constantin l'empereur grec ? 
Le boeuf à la grecque 
Dans son excellent petit livre consacré à la cuisine vénitienne, Jean Clausel donne la recette du bœuf à la grecque, plat traditionnel qu'on trouve déjà dans des ouvrages du XIVe siècle. Je ne résiste pas au plaisir de la retranscrire. 
 
Il faut 2 kilos d'épaule de boeuf, 3 gousses d'ail, un bouquet de romarin, un de persil, 300 grammes de raisins de Corinthe, 1 verre d'huile d'olive, 1/2 litre de bouillon de boeuf (ou 3 grands verres), un verre de vin, le jus d'un citron, sel et poivre. 
 
Tailler en morceaux l'épaule de boeuf et les placer dans une cocotte assez profonde, en couches, mêlées du mélange grossièrement haché d'ail, romarin, persil, raisins, sel et poivre. Couvrir complètement la viande avec un verre d'huile et trois verres de bouillon. Couvrir. Laisser cuire à four moyen pendant 2 heures ou à four très doux pendant 4 heures. En milieu de cuisson, on peut ajouter un verre de bouillon ou le jus d'un citron ou un verre de vin, selon les goûts. Pour ma part, je préfère le vin qui donne un fumet très agréable. En fin de cuisson, vérifier l'assaisonnement. Jean Clausel recommande des pommes de terre avec ce plat. Chez nous, nous le servons avec de la polenta ou des tagliatelles, arrosées du jus de cuisson épaissis avec un jaune d'oeuf. C'est un bon plat d'hiver. 

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 1 Commentaire(s) : (archivé par Google, Tramezzinimag I)



Nathalie a dit… 
Ah, quelle coïncidence! Mon grand-père aussi, juif d'origine espagnole, vient d'Istanbul où il était bijoutier du dernier sultan.Il en a été effectivement chassé à l'arrivée d'Ataturk. Quel dommage tout de même que le nationalisme ait transformé à tout jamais ces cités cosmopolites, comme l'étaient aussi Alexandrie et Le Caire, qui restent pour moi des villes mythiques. 
 04 mai, 2010

16 janvier 2009

Gita scolastica (1)

[En français : voyage scolaire]

Ils viennent de partout, des autres régions d'Italie, de France, de Suisse, d'Angleterre ou même du Japon. Ils ont le plus souvent entre 12 et 17 ans. Ce sont des collégiens, parfois des lycéens, amenés à Venise par leur professeur d'histoire de l'Art, d'italien ou de français. En troupeau, ils visitent au pas de course les principaux monuments, logent souvent à des kilomètres du centre historique, se ruent sur les marchands pizza, de hamburger et de Coca-Cola pour étancher leurs insondables appétits d'adolescents. On les croise souvent avachis sur un banc ou sur les marches d'une fondamenta. Ils se régalent des bibelots kitschissimes trouvés autour de San Marco ou près de la gare qu'ils ramèneront triomphants. C'est souvent leur premier grand voyage sans les parents, entre copains, presque libres. Ils sont souvent agaçants, parfois drôles, toujours attachants. Ils tombent amoureux, le temps du premier baiser, le décor est parfait. Ils se souviennent en général très longtemps et avec tendresse de leur voyage scolaire à Venise.

15 janvier 2009

Comme un drogué sa dose quotidienne...


«[...] Comme un drogué sa dose quotidienne, j'ai besoin de Venise pour sur-vivre. Vivre au-dessus de mes contingences affectives. Non pas que la vie courante me soit un poids, un sacrifice ; mais Venise est pour mon âme, ce supplément qui porte en lui l'énergie de tout affronter, le plaisir chaque jour de tout recommencer et heure après heure, de continuer à marcher sur le chemin des hommes. Un apport vital. Une substance unique que rien n'a jamais pu remplacer et dont jamais plus, je ne saurai me passer...»
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Noté par Antoine dans son carnet, à l'attention de Luisa - mai 1980

2 commentaires:

Anonyme a dit…

English translation?
Like an addict needing his daily dose, I need Venice because it allows me live above my perceived limitations. While my life is neither a burden nor a sacrifice, Venice energizes my soul so that I can face any vicissitude. Each day and hour my soul is renewed by its vital contribution and lets me keep on the right path. It is something unique that nothing else can provide and which I will never be able to do without.

nan a dit…

C'est tré vrai.

Just a note to let you know I have finally added your blog to my Venice blog list.

I so hope to come back to Bordeaux sometime...as a new sommelier, perhaps...

Buon anno!

14 janvier 2009

Comme une fenêtre ouverte sur le temps

Lorsque Philippe pénétra dans la chambre, il fut pris d'un rire nerveux. Après plus de vingt heures de train, il était enfin arrivé. La pièce était petite, très claire meublée sobrement d'un grand lit de bois ciré, une table à écrire, un fauteuil, une chaise, un placard. Sur la table de nuit, un petit bouquet de fleurs jaunes. Comme un air de printemps. Pourtant dehors le ciel était gris, très bas. En arrivant sur la lagune, il y avait même du brouillard. 
 
Philippe posa sa valise. Il enleva lentement son bonnet, son manteau, son écharpe, ses gants, et se dirigea vers la fenêtre. Il tira le lourd rideau de toile grège qui sentait la poussière, tourna la poignée qui grinça. Soudain, toute l'émotion qu'il avait contenu en arrivant explosa en même temps que ses poumons se remplirent de ces parfums uniques et subtils qui saisissent toujours le voyageur. Cette odeur d'iode et de pierre humide, de terre et de sel qui émane des canaux et se répand partout dans la ville. Philippe était enfin arrivé. Il savait, d'instinct, que Venise était son but. Il savait qu'il y retrouverait la trace de tout ce qui lui manquait, des signes peu à peu se manifesteraient qui le conduiraient vers là où il devait aller. Il ne pouvait en être autrement. A Venise, il allait enfin être lui-même.

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1 commentaire:

Anonyme a dit…

Joli, promesse d'un avenir certain............

13 janvier 2009

Comme une joyeuse impression de renouveau

Le printemps est encore loin, mais il y avait dans l'air ce matin comme un parfum de renouveau. Après les averses, la neige, le ciel gris, le soleil qui brille dans un ciel joliment bleu et sans nuage donne envie de croire que l'hiver s'éloigne. Pourtant nous ne sommes même pas encore dans le temps de carnaval et janvier n'est pas terminé...

12 janvier 2009

 

12 janvier 2009

Connaissez-vous Giacomo Guardi ?

Il est né en 1764. C'est le fils du célébrissime Francesco Guardi. Il a connu la chute de la Sérénissime. Né citoyen de la République de Venise, ce védutiste est mort a plus de soixante dix ans, sujet de l'Empereur d'Autriche ! Il connut une gloire somme toute honorable en travaillant toute sa vie dans la mouvance de son père et de son atelier. Il a connu la Venise décadente mais toujours puissante et indépendante, avec ses fêtes et ses rites, puis l'invasion des armées révolutionnaires, les pillages du petit général corse, la chute d'une civilisation millénaire, la destruction d'un monde, puis la déliquescence des arts à Venise. Il peignait encore des vues de la Venise d'avant, quand Corot, Ingres ou Delacroix développaient un art moderne dans les salons parisiens...
 
Giacomo Guardi, encre. Coll. particulière

 

10 janvier 2009

Autrefois, les turbans...

Une fidèle lectrice de Tramezzinimag me cite "Les turbans de Venise" de Nedim Gürsel qu'elle est en train de lire. C'est effectivement un excellent petit roman, paru en 2001, et l'auteur a depuis à son actif plusieurs ouvrages passionnants notamment "de Ville en ville, ombres et traces", paru chez Seuil et "Un long été à Istanbul" dans la collection Imaginaire de Gallimard.
 
Je ne sais pas vous, mais moi ce mot "turban" m'a toujours fasciné. Il évoque, quand on se préoccupe de Venise, la grande époque où la Sérénissime dominait Constantinople et faisait la fortune des souks du Caire, d'Alexandrie, de Smyrne, de Tripoli et de Bagdad. Saviez-vous que la plupart des turbans et des tarbouz et des fez étaient fabriqués à Venise justement ? Des navires amenaient chaque semaine des cargaisons entières de ces longs morceaux de tissus de mousseline ou de soie, de laine ou de cotonnade. 
 
La fabrique qui fournissait la cour du sultan était particulièrement surveillée par la police secrète. On craignait qu'un apothicaire habile au service de séditieux ou d'une puissance ennemie, empoisonne les tissus pour attenter à la vie du calife et de sa famille. Les cachemires importés d'Inde mais le plus souvent fabriqués à la manière de dans les ateliers de la ville, plaisaient beaucoup. Surtout en hiver, car ils étaient plus chauds. Les turbans c'est dans l'imaginaire, senz'altro, les peintures et les croquis de Bellini qu'il réalisa lors de son séjour chez le sultan Mehmet II .
 
C'est l'idée que je me fais du marché du Rialto, du côté de la bourse des marchands, avec les marins coptes, les esclaves éthiopiens qui débarquaient les ballots d'épices, les fruits secs, les cuivres et les métaux que d'habiles artisans dans les échoppes des alentours allaient bientôt transformer avec talent. Les riches négociants juifs de Péra qui venaient eux-même s'assurer de la qualité des marchandises achetées et présentaient au Fondaco dei turchi celles qu'ils venaient vendre... 
 
Les marchands juifs venus d'Orient à Venise pour affaire avaient le droit de porter le turban (comme le caftan d'ailleurs) de la même couleur que les musulmans et les chrétiens. Personne ne pouvait ainsi les distinguer des autres marchands étrangers. La stricte réglementation de la République qui obligeait les juifs demeurant sur les territoires de la Sérénissime ne s'appliquaient pas pour eux. C'était une aubaine, qui permettait à ces habiles négociants de servir d'intermédiaire dans des affaires entre juifs du ghetto et chrétiens de la ville. La république avait en effet intérêt à fermer les yeux puisqu'elle y trouvait un intérêt financier certain...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci pour toutes ces précisions, à bientôt. Vichka

09 janvier 2009

La libreria de san Servolo


Il existe à Venise plusieurs beaux endroits où les livres sont comme des joyaux dans de somptueux écrins. Il y fait bon lire, écrire, penser et rêver. Tout ce que j'aime. Ici, la bibliothèque de San Servolo. Mes préférences, pour l'atmosphère, vont à la bibliothèque de la Qureini Stampalia, ouverte tard le soir. Puis la Marciana pour le frisson que donne la proximité de tant de trésors inestimables. Les frères arméniens ont la leur dans l'île qui abrite leur couvent. Byron en fit ses délices. Elle contient des raretés, patrimoines de l'humanité remontant à l'origine de l'écriture. Il y a en d'autres encore, parfois petites et retirées. Toutes ont un secret, une pièce unique ou une histoire pittoresque. Il faudrait en faire l'inventaire et raconter leur histoire.

08 janvier 2009

Au temps des premiers doges...

A Mazzorbo, longtemps avant la découverte de l'Amérique, vivait un riche marchand descendant d'une des plus vieilles familles de la lagune. Ce brave homme n'avait qu'une fille prénommée Fiora. A Venise, on la surnommait Fiorellina di Magiurbo. Elle était très belle à ce qu'on raconte. Elle passait ses journées dans le magnifique jardin de la maison de son père ou sur la terrasse ombragée par une tonnelle qui surplombe le canal menant à Murano.

Un matin de printemps, un jeune homme passa sous les treilles parfumées du balcon. Entendant de la musique il leva les yeux et son cœur fondit en un instant pour la belle jeune fille qu'il aperçut au milieu des fleurs. Il se nommait Jacopo Barbaro et allait chez un maître verrier prendre un chargement précieux, destiné à un potentat oriental, en affaires avec sa famille. En ce temps-là, Mazzorbo que les Vénitiens prononçaient Magiurbo, était une petite bourgade très peuplée où se traitaient les plus importantes affaires commerciales de la République. Le Rivo Alto n'était qu'un village, le palais du doge ressemblait à un château fort et l’évêque résidait à Torcello.

Fiora était très belle. Le jeune homme tomba éperdument amoureux d'elle. Revenu de son voyage en Orient, il se promenait souvent dans les vignes et les vergers qui entouraient la propriété de la belle Fiora. Il aimait cueillir des fleurs, en rêvant de pouvoir les lui offrir un jour. Un matin, alors qu'il s'apprêtait à regagner Venise, triste de n'avoir toujours pas pu aborder la jeune fille, il se retrouva face à elle. Fiora était sortie se promener avec une jeune domestique qui la suivait partout. Le jeune patricien, richement vêtu, fort bien constitué, ne pouvait laisser la belle indifférente. Elle accepta le bouquet de fleurs qu'il lui tendit. Ils parlèrent. Elle rit. Ils furent vite bons amis. Les préséances autorisèrent le soupirant à revenir souvent faire sa cour. Le père, d'abord méfiant, s'étant renseigné sur la famille du beau jeune homme et rassuré sur sa fortune, voyait d'un assez bon oeil l'idylle qui peu à peu s'épanouissait sous ses yeux. Le garçon revenait chaque jour. Il apportait un cadeau chaque fois différent, un oiseau dans une cage dorée, un bouquet de lys dans un vase de verre coloré, un livre enluminé, des soieries, un singe, des pâtisseries. Fiora l'attendait dans la cour de sa maison, assise sur un banc de pierre, au pied d'un cerisier centenaire. Il faisait accoster sa barque devant l'entrée principale et passait par le jardin comme pour la surprendre. Leurs jeux devinrent des rites. Les mois passèrent. Ils s'aimaient.

Mais un matin, alors que le printemps s'acheminait doucement vers l'été, les cloches se mirent à sonner à toute volée. Le tocsin. C'était la guerre. Les Turcs venaient de s'emparer d'un comptoir de la Sérénissime. Les jeunes gens devaient partir défendre les avoirs de la mère patrie. Jacopo ne revint pas. Des mois passèrent. Des années. Fiora attendait toujours et descendait chaque matin dans la cour. Elle s'asseyait sur le banc, au pied de vieux cerisier et elle attendait. Mais personne ne franchissait plus la petite porte du jardin. Fiora pleura longtemps. Elle pleura tellement qu'un matin ses yeux ne virent plus la lumière. Elle se réveilla aveugle et tout Mazzorbo la surnomma Fiorellina l'aveugle. Elle ne descendait plus dans la cour et restait des heures sur le balcon, les yeux vides, le cœur triste. Son père désespérait de pouvoir la marier un jour et il fut décidé qu'elle entrerait au couvent s'il venait à mourir. Des années passèrent. Quand le vieux marchand mourut, Fiora entra au couvent des Ursulines de Santa Croce. Elle y fut très aimée pour sa douceur et sa tristesse touchait tous ceux qui l'approchaient. Elle aimait toujours autant prendre le frais les soirs d'été et on l'autorisa à conserver son luth. Elle chantait délicieusement.

Un jour, cinq ans exactement après qu'elle fut devenue aveugle, un navire accosta sur les Schiavoni, près du broglio. Une foule de curieux l'attendait. C'était un galion maltais qui ramenait à Venise les blessés et les prisonniers rescapés des geôles turques. La Sérénissime venait de procéder à un échange, évitant ainsi que ses enfants ne soient vendus comme esclaves en Egypte ou au Soudan. Parmi eux se trouvait le beau jeune homme amoureux de Fiora. A peine débarqué, il courut chez lui, embrassa ses parents médusés de le voir revenir vivant, et se fit conduire à Mazzorbo. Il trouva la maison déserte, le jardin envahi par de hautes herbes. Il rentra à Venise regrettant de n'être pas mort à la guerre...

Les mois passèrent. Un jour qu'il revenait d'une virée dans une de ces maisons tenues par d'éminentes et efficaces courtisanes, Jacopo entendit un air de luth. Il leva les yeux et vit une jeune nonne qui chantait. Son visage émacié, ses yeux vides, sa pâleur ne lui permirent pas de reconnaître en elle la jolie Forellina. Charmé par la voix, il jeta aux pieds de la jeune religieuse le bouquet de fleurs qu'il avait à la main. Fiora le ramassa, le sentit et aussitôt se mit à pleurer. Le jeune homme lui demanda la raison de son chagrin. Elle répondit que ces fleurs lui rappelaient bien des souvenirs heureux. Du temps où un jeune homme épris d'elle, pour lui dire sa flamme, la couvrait de fleurs chaque jour. Jacopo demanda ce qu'il était advenu du garçon. Fiora répondit que tous le croyaient mort. Il raconta à son tour l'amour qu'il portait à une belle princesse rencontrée par hasard au milieu d'un merveilleux jardin dans une île. Il était revenu pour la chercher, mais elle avait disparu... Jacopo prit congé de la jeune religieuse. Ils se saluèrent avec courtoisie. Ni l'un ni l'autre ne surent se reconnaître.

La nuit était tombée. Fiora posa le bouquet près de son lit. Elle pria. Au moment d'aller se coucher elle reprit le bouquet de fleurs et l'approcha de son visage. Une émotion inattendue l'étreignit. Elle sentit des larmes couler. Quand elle ouvrit les yeux, elle voyait de nouveau. Avec ses yeux, mais aussi avec son cœur. Le jeune homme qui lui avait donné ces fleurs ne pouvait être que Jacopo. il n'était donc pas mort. Elle allait enfin être avec lui et pour toujours. C'est avec ces douces pensées qu'elle s'endormit cette nuit-là. Jacopo, rentré chez lui, se sentait troublé. Les années passées dans les prisons du Sultan avaient endurci son cœur blessé. Il ne pouvait rester à Venise, si près de ces lieux où il avait rêvé d'être heureux avec celle qu'il aimait. La belle avait disparu, il ne la reverrait plus. Il décida de s'embarquer sur le premier navire et partit à l'aube. On ne le revit jamais.

Fiora se réveilla de bon matin et courut à l'office en criant qu'elle voyait. Dans tout le couvent on crut au miracle et l'évêque fut prévenu. Elle expliqua à la mère abbesse que Jacopo était revenu. Qu'il fallait qu'elle le retrouve. Le testament de son père avait été clair, elle resterait religieuse et prononcerait ses vœux définitifs si Jacopo Barbaro ne revenait pas pour l'épouser. On envoya un messager au palais Barbaro, sur le grand canal. Il revint porteur de la triste nouvelle, Jacopo était parti pour ne plus revenir.

Fiora prononça ses vœux quelques semaines plus tard. Devenue mère abbesse à son tour, elle dirigea le couvent pendant près de trente ans. On dit à Venise qu'elle pleura chaque jour jusqu'à son dernier soupir.

5 commentaires:

Géraldine a dit…

Oooohh..comme c'est beau - et bien raconté! (j'aime les grandes histoires d'amour tragiques...)
Merci beaucoup (z'en avez d'autres, des histoires comme ça..??)
G

Anonyme a dit…

Una fine veramente troppo triiiiste ! :-(
mais merci quand même Lorenzo...
-SABRINA-

Anonyme a dit…

Un vrai sujet d'opéra!!!!!!!!! A bientôt Vichka

unevilleunpoeme a dit…

On a vraiment envie de retourner entre les canaux...