22 août 2009

Avis aux touristes : Chaleur écrasante n'autorise pas toutes les conduites

La canicule n'autorise en rien les excès. Venise est une ville où le respect des autres doit aller de pair avec une certaine tenue. Ce n'est ni un bord de mer, ni un camping, ni une aire de pique-nique. En gros, voilà le rappel qu'il faudrait asséner par haut-parleurs toutes les minutes dans toutes les langues - surtout hélas en français - pour éviter que se renouvellent ces tristes visions de foules anéanties par la chaleur, dénudées, complètement étalées, affaissées, liquéfiées. Les plus intelligents des touristes vont passer la journée au bord de l'Adriatique et se baignent. D'autres choisissent une excursion dans les îles où il y a toujours davantage d'air que dans le centre. D'autres encore préfèrent rester à l'ombre des treilles et des jardins de leurs hôtels, voire dans les salons où règne un air conditionné des plus bien venus. Mais une masse informe continue, en dépit des pics de température, du soleil de plomb, du ciel sans nuage, des pierres et des pavés brûlants comme des fours à pizza, et déambulent dans les rues comme des forçats en procession enchaînés à leur désir de tout voir en un minimum de temps. Ils vont le long des mêmes itinéraires, sans jamais s'arrêter, sinon autour des fontaines ou dans les coins ombragés près des canaux. Rares sont ceux qui rentrent dans les magasins. Seuls les vendeurs de noix de coco, de glace et de bouteilles d'eau les attirent. Ils sont rouges, ils sentent fort et, hagards, semblent toujours épuisés. Pourtant personne ne les contraint à déambuler ainsi au risque d'un malaise. Chaque année, des gens s'affaissent tout d'un coup qu'il faut ranimer ou transporter d'urgence à l'hôpital. De plus en plus, les touristes se dénudent, vont sans vergogne torse et pieds nus dans les rues. On rencontre même parfois des femmes n'ayant pour tout vêtement sur le torse qu'un haut de maillot de bain, voire même seulement leur soutien-gorge. Beaucoup n'ont pas de chapeau et continuent d'aller à travers la ville en marchant dans des rues écrasées de soleil... Insupportable et stupide foule qui n'a rien compris.
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Voilà la première chose que l'on devrait enseigner aux visiteurs, en l'inscrivant sur les plans, sur les guides et un peu partout sur leur route : Venise ne se découvre pas comme une galerie marchande un jour de braderie. Il faut flâner, se remplir les sens de cette atmosphère unique, prendre le temps de regarder au lieu de se contenter de voir. Venise se déguste comme une spécialité gastronomique inimitable. Ne pas se précipiter sur la piazza, ni au Rialto, mais s'approprier l'esprit de la ville même quand on n'y reste que deux heures (ce qui est déjà presque sacrilège). "Voir en vitesse" c'est bon pour les halls d'aéroport où les villes sans âme où rien de beau n'existe vraiment (mais ces villes-là existent-elles vraiment tant il y a toujours partout quelque chose à voir ou à admirer). mais c'est le mal de notre époque après tout : ne plus savoir prendre son temps.
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Torse nu et les pieds dans l'eau, 
en avant les amendes.
 
C'est d'ailleurs dans ce sens que la municipalité, sous l'égide d'Augusto Salvadori, l'adjoint au titre poétique d'Assessore al Decoro, a lancé une opération de lutte contre les comportements anormaux des touristes qui se rafraîchissent sur le bord des canaux et vont dans les rues en se tenant d'une manière choquante. L'élu a demandé à la police municipale d'intensifier sa vigilance. « C'est devenu une situation intolérable ». Comme le disait un ami commerçant «les touristes se trompent, se promener en bikini et torse nu, c'est bien à Venise, mais celle de Californie !» (NDR : Venice Beach)

En y réfléchissant bien, on a l'impression d'être revenu quelques années en arrière, quand des groupes de jeunes erraient sac à dos géants sur leur dos nu, se déshabillaient sur les places et lavaient leurs vêtements aux fontaines, trempant leurs pieds endoloris par leurs lourdes chaussures de randonnées dans l'eau sale des canaux et s'étendant sur le sol pour bronzer un casque sur les oreilles... Mais ils étaient moins nombreux.
 
Chaque été, jour après jour, quand arrive l'époque de l'invasion estivale des gogos, le phénomène se reproduit. Toujours localisé autour du Rialto et de San Marco bien entendu, les seuls lieux qu'ils fréquentent. Ces touristes-là prennent Venise pour une plage. A l'unanimité, tous les vénitiens réagissent contre ce relâchement inapproprié. On pourrait même poser des panneaux de signalisation avec la mention «turisti in moja»(touristes se ramollissant)... Après tout est-ce qu'on trempe ses pieds dans la fontaine de Trevi ou se baigne-t-on dans l'Arno ? Personne.  La plage, c'est au Lido !

C'est pourquoi la municipalité vient de remettre en usage l'interdiction des bains dans les canaux du centre historique, maintenant une certaine tolérance à la périphérie du périmètre fréquenté par les touristes, où les jeunes vénitiens continuent de temps à autre de se lancer du haut des ponts pour épater les filles et mesurer leur force ( le cinéaste vénitien Enzo Luparelli en a fait un merveilleux petit film, "Nuota", dont nous reparlerons).
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C'est seulement une question de respect. Pour la ville et pour ses habitants. J'expliquais un jour à deux jeunes adolescents belges venus avec leur classe découvrir la Cité des Doges, qu'on ne rentrait pas dans un magasin, torse nu et pieds nus. Question de courtoisie. Ils étaient certes très beaux, avec cette jeune vigueur qui aime à se montrer. Mais le marchand de lunettes de soleil et son voisin le fabricant de masques ne semblaient vraiment pas apprécier l'invasion de ces jeunes éphèbes étourdis. Ceux-ci s'étonnaient du peu d'empressement des commerçants qu'ils croisaient, et s'initiait ainsi dans le groupe l'idée que les vénitiens sont peu accueillants. C.Q.F.D. !

«Mort au torse-nudisme en ville !» disait avec humour un pochoir sur un mur de l'Erbaria l'autre jour. «Mais ce tour de vis n'est pas la manifestation d'un quelconque autoritarisme», précise un proche de l'assesseur Salvadori, «les ouvriers qui travaillent en pleine chaleur, chargent et déchargent des marchandises ou refont des maisons ont le droit de travailler torse nu, mais le touriste qui circule en ville, dans les églises, les musées, les boutiques et les restaurants, doit être vêtu décemment. Essayez de visiter le Louvre ou le British Museum en caleçon et sans chemise ! »

20 commentaires:

maite a dit…

Ce que vous écrivez est très juste, mais ne s'applique malheureusement pas qu'à Venise ; ici aussi sur la côte basque, nous sommes choqués de la tenue de certains touristes qui ne penseraient même pas à se dénuder ainsi dans leur propre ville. Par contre, je préfère pour ma part qu'ils ne déambulent qu'entre la Piazza et le Rialto et qui'ils n'envahissent pas tous les coins tranquilles que nous chérissons...(et pour la tranquillité aussi des pauvres vénitiens). Bonne journée

Anonyme a dit…

Existerait-il des toucans à bec rouge et des toucans à bec jaune, nous serions les toucans à bec jaune. Les becs rouges ! Seraient-ils vulgaires !
Diodato

Michelaise a dit…

Il y a, de toute évidence, un ras le bol général dans les lieux touristiques devant ces "impudeurs" envahissantes qui finissent par être agressives... si j'en juge par les réactions reçues à mon billet sur la pudeur, nous sommes un peu à cran en cette fin écrasante de mois d'août. Courage plus que quelques jours et cela va se calmer. Pas vraiment à venise qui est touristique 12 mois sur 12, mais la fréquentation change. Et on se sent moins misanthrope ! On finit par se sentir mal !

bb84 a dit…

vous me faites peur! je pars lundi pour Venise, et ,pour la première fois depuis mes six ans(je ne vous dirai pas quand) en été...
comme j'y emmène mon fils qui découvre,j'ai quand même prévu quelques fondamentaux le premier jour, avant de nous balader dans l'autre Venise que nous aimons tant. Je compte profiter de la couverture wi-fi pour continuer à vous lire.
Hors sujet ( si, quand même, Venise) j'ai recueilli toutes vos recettes, et les expérimente peu à peu, (le flan d'asperges est un triomphe!)

autourdupuits a dit…

Le sud ouest n'y coupe pas,hier je déambulais dans les rues de Rocamadour et de mon village mêmes images,peut-être un brin plus couverts et encore,et cela ne les choque pas d'entrer dans le sanctuaire de Rocamadour ainsi vêtus avec en plus la casquette à l'envers vissée sur la tête, et si on les déshabille du regard ce qui est mon cas, on passe pour une vieille ringarde

Lorenzo a dit…

La couverture WiFi n'est encore disponible librement que pour les personnes inscrites résidentes à Venise. il n'est pas certain que vous puissiez  vous connecter partout. Cela étant, de plus en plus de lieux le permettent, dehors comme dedans. Bon séjour !
Pour répondre à Diodato, il n'est pas question dans ce billet d'une quelconque discrimination. Je pense simplement que ce qu'on ne tolère pas chez soi (qui aimerait recevoir des gens à moitié nus dans sa maison ?), on ne doit pas l'imposer aux autres. Il s'agit simplement de respect et d'éducation. On ne visite ni le Louvre ni Notre Dame torse nu et en soutien-gorge ce me semble ! Point de racisme anti-jeunes non plus. Simplement savoir conserver éducation et tenue. Quand on n'en peut plus de la chaleur, le motoscafo nous conduit en 10 minutes vers les plages du Lido où on peut se rafraîchir et là, se dénuder sans choquer ni agacer ! Sur les pelouses des Giardini aussi, une tenue légère est tolérée.

Anonyme a dit…

Et, si au lieu de fustiger les foresti, on regardait aussi les cigarettes lancées dans les canaux, le moto ondoso en recrudescence ?
Quand on vient à Venise en plein Ferragosto, dans une Venise globalement désertée par les Vénitiens, faut-il s'étonner :
1/ De voir des touristes d'un jour voire d'heure ?
2/ De les voir se rafraîchir par tous les moyens à leur disposition ?
3/ D'afficher un culte du corps valorisé par notre société.
Dans un souci d'hygiène, je m'inquiéterai plutôt de la pingrerie de la mairie qui n'offre pas des toilettes publiques à tarif acceptable (10 ou 20 c par personne) voire gratuites (on ose rêver dans une époque où rien n'est gratuit).
Alors, qu'est-ce qui est le plus dangereux pour Venise : l'apparence débrayée de certains, le jet d'ordures d'autres, la fuite en avant mercantile ?
De l'art de mépriser ce dont on vit.
Condorcet.

Venise86 a dit…

Je retrouve le net après 8 mois de coupure, alors je suis un peu maladroite... mais vous êtes parmi mes premières visites... Que ceux qui n'aiment et ne comprennent pas Venise n'y viennent pas !! Ils contribuent à en faire une ville sale, désagréable, ordinaire, médiocre, et ils diffusent cette image auprès de leurs relations, famille et amis... Ah les avis sur la saleté de Venise, répandus sur le net par des "touristes" et là je suis péjorative, qui y ont passé 4h et se sont limité à la place St Marc !!!
Venise me manque comme un être aimé éloigné dont on chérit tous les aspects... Vous lire me fait penser à la chanson "Parlez moi de lui"... J'y pense comme cela !

douille a dit…

mon dieu des gens torses nus, comment osent-ils...

Alors qu'il est bien connu qu'on vient au monde en costumes 3 pièces et avec des chaussures (le plus dur lors de l'accouchement)...

Venise est la la base une ville de pécheurs à la base (ils devaient être torse nu)... Puis, des siècles de pudeur catholique ont fait qu'il est inconcevable de se mettre à l'aise pour supporter la chaleur...

douille a dit…

D'ailleurs il est bien triste que sur ce blog aux articles souvent très intéressants, les plus longs soient basés sur de telles peccadilles...

Il est de bon ton de se demander de qui ces touristes sont les plus proches: des pécheurs d'il y a des siècles ou de l'aristocratie du déclin de la ville???

Personnellement, il ne me viendrait pas à l'idée de me promener torse nu... Mais Venise a tout fait pour devenir un centre touristique...

Anne a dit…

On peut être jeune, beau et se sentir à l'aise même vêtu correctement. Pourquoi en effet se dénuder dans des endroits inappropriés ? Si l'argument du respect ennuie, transformons-le en jeu de séduction et faisons retrouver aux gens les plaisirs de la parure.
Anne

Lorenzo a dit…

Des peccadilles certes mais qui font apparemment couler beaucoup d'encre. Sans revendiquer une tenue habillée, stricte, le torsenudisme n'est qu'un prétexte pour fustiger un laisser aller certain qui n'est pas propre aux touristes en vacances à Venise. C'est, du même acabit que les mégots et les sacs d'ordure dans les canaux, l'irrespect des lieux et des gens. Je regrette, peccadille ou pas, mais on ne pénètre pas dans un monument à poil, même au XXIe siècle, même quand on est moderne, ouvert, etc... Venise n'est pas un sanctuaire, mais c'est Venise et mon blog parlerait de Bordeaux ou de Valparaiso, j'écrirai de même pour fustiger cette mentalité de barbares qui fait les gens vautrés, repus, iconoclastes et vulgaires. Cela n'engage que moi et je l'assume comme j'assume chacun des articles et des opinions qui y sont développées. Mon objectif en écrivant ces "longs" articles qui plaisent moins que les extraits de mon journal de jeunesse ou les photos des matous vénitiens,est de montrer toutes les plaies de Venise, notamment celles qui naissent de l'invasion permanente des 21 millions de touristes annuels dont combien savent, en une heure ou en huit jours, apprécier la beauté de la ville, se l'approprier et la respectent. Se vautrer pour pique-niquer sur la piazzetta des Leoncini au point que le marbre en est souillé (quand des barrières et des panneaux pourtant l'interdisent), compisser les murs des maisons (dont le palais des doges et la basilique - et qu'on ne la ramène pas avec l'argument du manque de toilettes publiques, les centaines de bars et de restaurants n'ont jamais interdit leurs toilettes aux touristes qui demandent poliment à les utiliser) parce que les toilettes publiques sont rares et chères... C'est de cela que je voulais parler en développant un billet sur la polémique actuelle des gens trop dénudés pour la ville...

Anonyme a dit…

Lorenzo, je suis absolument d'accord avec vous. Les hordes barbares qui déferlent sur nos villes, de Versailles à Athènes, en passant par Amsterdam et Paris, semblent totalement dénuées de sens des convenances et sont "vautrées" en permanence, ignares et vulgaires. Les municipalités ont raison d'agir. Hélas, les commentaires négatifs à votre article montrent bien dans quel état de déliquescence mentale morale et intellectuelle nous sommes tombés. Tout est permis, tout est normal, tout est naturel. Continuez vos longs articles, ce ne sont pas des billevesées !
Marc

douille a dit…

Les mégots et sacs poubelles présents 365 jours par an semblent faire couler moins d'encre que les torse-nus 3 mois par an... Peut-être parce que ces sacs poubelles sont d'origine vénitienne certifiée...

Pour ce qui est de pisser dans les coin, pareil (alors qu'il suffirait de le faire d'un un canal)... J'ai parfois l'impression d'autant de vénitiens le font que de touristes...

Anonyme a dit…

Cf Paul Morand, "Venises", Paris, Gallimard, 1970...
Les aisselles aux odeurs de poireau... la description amusée des hippies : de l'humour.

De la décence, dites-vous : pourquoi donc le Pont des Soupirs se couvre-t'il de publicités au goût discutable ? pourquoi donc le maire de Venise déclare-t'il dans le guide du Lonely Planet n'avoir aucune attache particulière avec la ville ?

Condorcet

Venise86 a dit…

Il y a longtemps que je n'entame plus ni n'alimente de polémique concernant Venise avec des personnes qui ne la connaissent qu'à travers des clichés ou des quelques heures passées dans le cadre d'un tour de l'Italie, quand ce n'est pas de l'Europe. J'invite seulement à y venir en avril ou en mai et à beaucoup y marcher à l'écart des foules...

Lorenzo a dit…

Voilà une saine conclusion à cette "polémique". Pour Condorcet, je voudrais seulement rappeler que la municipalité se bat régulièrement contre l'envahissement des panneaux publicitaires (souvenez-vous du projet CocaCola que Cacciari a bloqué manumilitari)qui sont souvent le produit de contrats entre les entreprises (privées) de restauration et les boites de publicité.
Quant aux propos tenus par le maire dans LonelyPlanet, il s'en est ce me semble expliqué depuis : il est le premier magistrat de Venise, il aime sa ville, il fait ce qu'il peut pour aller de l'avant avec le poids que représente le poids du passé de la cité (il ne doit pas oublier Mestre et Marghera, etc), mais il ne conçoit pas de se battre au niveau que voudraient lui imposer la junte régionale, tenue par un berlusconien libéral pur et dur, lié à des intérêts bien éloignés de ceux de la population. Cacciari, esprit libre, philosophe à la renommée internationale s'use depuis des années dans ce combat pour Venise.Il doit faire avec les pressions financières, le climat politique délétère du pays, les enjeux fondamentaux que Venise doit affronter. Alors, dans une sorte de crise d'humeur dont il est parfois sujet, il a "balancé" que son attachement pour la Sérénissime n'était pas fondamental, signifiant ainsi que sa vie était ailleurs pour le jour où il ne serait plus maire. Ce n'est pas un politicien attaché à ses prébendes qui s'accrochera au pouvoir pour conserver ses privilèges ! Pour la petite histoire, on dit à Venise que Cacciari (homme de gauche) sourit des mesures un peu réactionnaires de Salvadori (davantage à droite)!
Allez mieux vaut en rire. Les vénitiens savent ce qui est bon pour eux et tant que les urnes sont libres, laissons-les parler ! Quant à ce billet, si l'humour n'est pas assez présent, je prie mes lecteurs de m'en excuser. Je voulais simplement traduire l'opinion générale des commerçants et des vénitiens face au "torsenudisme" et au "Venise-plage" sur le grand canal.

douille a dit…

Les "commerçants" (pas tous entendons-nous bien) ont tout fait pour qu'un tel "envahissement" (je n'aime pas se mot) se produise...

Lorenzo a dit…

Tous les commentaires à ce billet disent vrai. Et puis tout est très compliqué mais il faut bien faire des choix quand on a en charge la gestion et la protection d'un ville.

Eurogen a dit…

Personnellement, le "torse-nudisme" (joli néologisme !) me dérange beaucoup moins (surtout quand les corps sont bien faits...) que les résidus de pique-nique laissés à même le sol, que les radios et leur pollution sonore, que les braillements le soir venu de quelques jeunes éméchés. Hélàs, Venise souffre de sa popularité auprès des foules plébéiennes... La municipalité a déjà fait des campagnes pour "civiliser" la masse; faut-il alors limiter sévèrement le tourisme (ce dont je rêve !) ? Mais alors, c'est tout le système économique de la ville qu'il faut revoir : réintroduire le tourisme d'élite, et tous les petits négoces du temps passé, réintroduire les Vénitiens partis sur la "terra firma", faire baisser les prix de l'immobilier pour garder les Vénitiens modestes...
Merci pour ce site que je visite quotidiennement avec délices.

21 août 2009

L'Image du jour

 



Près de San Marco, lboîtes aux Lettres des «Poste Italiane». 
Encore un service public mais pour combien de temps ?

7 commentaires :  

[perdus par Google en 2016]

A Venise au début du XXe siècle

Ce billet a paru dans Tramezzinimag en décembre 2006. Comme l'illustration représente un touriste l'été et que l'incroyable différence entre la tenue estivale de ce gentleman (laine et flanelle certes de couleur claire, mais laine et flanelle tout de même) et celle des gens que l'on rencontre sur la piazza de nos jours, j'ai eu envie de le rééditer. J'ai depuis essayé cette friandise dont il est question dans le billet. C'est délicieux. Sous un caramel très sucré qui craque comme du verre sous la dent, les papilles découvre vite la surprenante acidité du raisin frais et juteux.
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Au début du XXe siècle, on trouvait dans les rues de Venise des tas de petits métiers. Parmi les quémandeurs de toute sorte, il y avait les marchands de friandises.
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Biscuits secs, eaux parfumées, sorbets servis au verre... On pouvait ainsi se restaurer comme encore aujourd'hui avec les marchands de glaces ambulants, les stands où on vous propose des quartiers de noix de coco ou du melon. Une friandise particulièrement appréciée qui a malheureusement disparue se vendait partout autour de la piazza. C'était un délice fait de petites brochettes de grains de raisins cuits au sirop et plongés devant le chaland dans un sirop de sucre caramélisé à souhait. Un peu comme les pommes d'amour de nos fêtes foraines.  
 
J'ai retrouvé dans les papiers de ma grand mère, cette photo d'un certain Camille André Bourdery, dit Cab, tenant à la main cette confiserie. 
 
Voilà la légende de la photo où ce fameux Cab exprime son goût pour la friandise en question : « La vénitienne gourmandise de Cab, fixée mémorablement par une fantaisie amicale... Les bonnes graines de raisin, énormes, dorées, juteuses, cuites à point dans un sirop onctueux, les bonnes graines de raisin enfilées sur une mince baguette, que l'on achète sous les galeries de la piazza...»
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Nous sommes à la fin du XIXe siècle, devant la basilique San Marco. C'est l'automne ou la fin de l'été. Il ne fait plus assez chaud pour porter ces costumes de flanelle blanche qui donnaient l'illusion de la fraîcheur. Notez les gants de peau très clairs et, négligemment tenu sous le bras, le carnet de notes - ou de croquis - avec le guide. Certainement le Baedeker. Notez aussi les facchini qui se reposent au pied de la hampe de bronze en attendant le client. 
 
Notre Cab était un poète, dessinateur et humoriste dont je conserve quelques cartes et plusieurs lettres d'Italie. Je cherche en vain depuis des années à savoir qui il était vraiment et comment notre famille était en relation avec lui. Si un de mes lecteurs en sait plus sur lui...

6 commentaires:

maite a dit…

Encore un charmant billet...Même chose à faire avec des tomates cerise pour un apéritif estival, délicieux ! A presto

Lorenzo a dit…

ah oui cela doit être intéressant comme mélange de goûts.

Michelaise a dit…

Pourquoi ne pas aller sur geneanet (il y a d'autres sites de généalogie mais avec geneanet on a accès à pas mal d'arbre gratuitement) si vous connaissez l'origine géographique de ce CAB peut-être trouverez-vous quelques détails le concernant, si tant est bien sûr, qu'un autre quidam l'ait inclus dans son arbre !
Quant au raisin d'amour cela semble succulent... par contre maïté, je ne vois pas trop comment l'appliquer aux tomates cerises... avec un caramel aussi ?
Quand la tenue des estivants était élégante !!!

maite a dit…

Je vais mettre sur mon blog la recette de ces tomates ; je suis en train de faire cuire des biscotti au poivre et aux amandes, si c'est bon, je mettrai aussi la recette - A presto

Lorenzo a dit…

Tout cela est bien appétissant !

Venise86 a dit…

Vous me tentez ! Appétissant et bien plus séduisant que certains clients des tours operator...

20 août 2009

Ce qu'est vraiment la vraie Venise. Explications en image par Vittorio Baroni

Vittorio Baroni est vénitien. Avec beaucoup d'humour (et d'amour), il présente avec ses photos une Venise intérieure, telle qu'elle peut jaillir du quotidien pour ceux qui tentent de continuer à y vivre. Humour donc, et tendresse. Je voulais vous faire partager ce guide second degré que Vittorio a offert aux amis de 40xVenezia.
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Venise qui a le traghetto à San Tomà qui coûte 50 centimes d'euro
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Venise qui a le verre artistique léger comme l'air

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Venise qui a le linge étendu à sécher dans les rues
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Venise qui a les panneaux d'informations importantes dessinés par un membre des 40xVenezia
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Venise qui a les taxis qui respectent la limite de vitesse
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Venise qui a les cordes à linge coulissantes qui grincent dans la Corte Moretta
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Venise qui coule et fleurit dans la Corte Moretta
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Clichés © Vittorio Baroni

5 commentaires:

Anonyme a dit…

J'aime tant vos billets. Votre fidèle discrète.
M.17

VenetiaMicio a dit…

Vous avez tout fait raison, c'est la Venise au quotidien, celle qu'on aime, la vraie !
Merci Lorenzo, de nous offrir de si jolis messages quotidiens qui nous font aimer de + en + Venezia
Voir ma petite dédicace du jour

Anne a dit…

Merci pour ces photos pleines de délicatesse. Nous aimons Venise dans son quotidien poétique.
Anne

Lorenzo a dit…

C'est Vittorio Baroni qu'il faut remercier !

venise86 a dit…

Quel Plaisir de vous retrouver, vous et Venise après tous ces mois!! Merci, merci, à vous, à ceux que vous nous faites rencontrer et aux amoureux qui fréquentent votre site.

19 août 2009

Mario Berta Battiloro, de l'or dans le risotto

Le nom de Mario Berta Battiloro ne dit pas grand chose à la plupart d'entre nous. Pourtant cette entreprise qui existe depuis 1926, est connue dans le monde entier et la matière qu'elle travaille reste l'une des choses les plus recherchées sur toute la planète.
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Ses artisans sont appelés à Venise les Batifogia, ce sont les derniers batteurs d'or. Ils fournissent les plus grands orfèvres et nombre des dorures restaurées de la Sérénissime et d'ailleurs dans le monde (Notre Dame de Lourdes par exemple), l'ont été avec les fines feuilles d'or sorties de leurs ateliers. Leur corporation comptait à la chute de la République plus d'une cinquantaine de maîtres-batteurs, et près de deux cents apprentis et ouvriers qualifiés. Comme tous les métiers traditionnels de la Sérénissime, les batteurs d'or se raréfièrent avec le temps. Il n'en reste qu'un aujourd'hui, célèbre dans le monde entier :  La Ditta (l'entreprise) Mario Berta Battiloro, installée depuis 1926 dans le palais qui fut la demeure du Titien, à Cannaregio.

Il existe sur le grand canal un curieux petit bâtiment qui semble servir de dépendance à l'église San Stae (diminutif de Saint Eustache). La façade rococo, ronde et sucrée à souhait, faisait dire à mon fils quand il était petit, que c'était une maison en sucre d'orge. C'était autrefois le siège de la confrérie des batteurs d'or, la «scuola minore dei batifogi» ou «battiloro».
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Installée depuis le Moyen-âge à San Lio, la scuola s'installa dans ce bâtiment au début du XVIIIe siècle. Scuola minore, elle n'a jamais eu le retentissement culturel des grands établissements couvertes des chefs-d'oeuvre des plus grands maîtres de la peinture vénitienne. Ce fut cependant une confrérie puissante et dynamique, qui dépendait directement des plus hautes autorités de l'Etat. pensez-donc, on y travaillait l'or, matière fondamentale pour la bonne marche de la république et de la majorité du monde d'alors.
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Cette scuola regroupait tous les batteurs et les tireurs d'or. On y enseignait aux jeunes apprentis le battage de l'or et de l'argent réduits en fils et en feuilles très fines. Les saints patrons de la scuola étaient Saint Quiricio, Sainte Judith, et Saint Josephat. Dans le recensement de 1773, il ne restait plus que 32 batteurs avec 9 ateliers. La scuola était contrôlée par le tribunal des Giustizie Vecchie et par les provveditori della Giustizia vecchia, tandis que les Provveditori di Comun réglementaient le travail et les finances de la corporation. La Milice de la Mer régissait les différentes taxes fiscales. Avec l'arrivée de Napoléon puis la domination autrichienne, cette activité s'éteignit peu à peu et au milieu du XIXe siècle, dans les rues où se retrouvaient regroupés les ateliers des batifogi, le bruit des marteaux martelant le métal, avait définitivement disparu. Jusqu'en 1926, temps de la Renaissance d'une des plus anciennes activités de l'artisanat vénitien.
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Cet art est plusieurs fois millénaire, puisque les procédés sont quasiment les mêmes que dans l'Antiquité et que l'usage du battage de l'or est arrivé à Venise avec des artisans byzantins au tout début du moyen-âge, l'empire romain d'Orient était encore debout. Pas de machine, pas de procédés mécaniques ou chimiques qu'on devrait aux progrès des techniques modernes. L'or est battu à main d'homme pendant des heures jusqu'à obtenir ces feuilles tellement fines qu'un geste trop vif en fait des lambeaux qui s'envoleraient presque. Les produits de Mario Berta Battiloro sont connus dans le monde entier pour leurs caractéristiques uniques et la fascination que tout visiteur ressent devant la méthode millénaire du batifogi
 
Mais, même en participant à des restaurations d'envergure (Lourdes, Venise, etc...), même en fournissant les doreurs du monde entier et notamment des pays du Moyen-Orient, les temps sont difficiles et l'entreprise souffre comme beaucoup de sociétés d'artisanat d'art. On trouve des feuilles d'or - voire de cuivre doré - qui coûtent moins cher, car battues rapidement par des machines avec de l'or de moins bonne qualité... Alors les responsables cherchent de nouveaux débouchés, ce que Sabrina Berta, actuelle directrice et fille du fondateur, appelle "la recherche de nouvelles frontières". C'est ainsi qu'il est proposé aux pâtissiers et aux cuisiniers d'utiliser des feuilles d'or pour leurs produits alimentaires. on trouve ainsi de l'or dans le risotto, dans les chocolats, dans de nombreux plats auxquels le métal jaune apporte raffinement et surprise.
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Mais la concurrence est rude et le travail long et pénible. Les feuilles d'or, entièrement fabriquées à la main sont choisies par des maîtres-verriers pour leurs créations ou pour la restauration de vitraux, par des créateurs de luminaire, des calligraphes, des orfèvres, des couturiers. A Venise, c'est cette maison qui a fourni l'or nécessaire à la restauration de l'ange du Campanile de San Marco et la dorure des lampes de la basilique San Marco. L'or alimentaire est une de leurs trouvailles.

5 commentaires:

Les Idées Heureuses a dit…

J'ai oublié d'ajouter que votre reportage est passionnant. Il est à regretter que tous ces savoir-faire, ces apprentissages transmis tout au long des temps , ces métiers d'art sont amenés à disparaitre, tout cela pour des raisons uniquement d'argent, de rendement, de revenus.
Le système se mord la queue, et il sera sans doute trop tard pour renverser la vapeur si on ne se bouge pas. Souhaitons que nos artistes en tout genre, si précieux, puissent relever la tête pour le plus grand bonheur de nous tous.

Les Idées Heureuses a dit…

Le premier message a disparu, ce qui rend le second un peu "strange". Qu'en était-il?
Les petits carnets ont une dizaine de feuilles d'or, le format étant de 10x10. Le geste est délicat, il faut souvent utiliser le souffle pour les décoller du support, beaucoup d'adresse, de précision.
La Porte- Fausse dans le Vieux Nice a été restaurée sur un projet artistique de Sarkis: marbres de Carrare, avec des veines superbes, et le plafond recouvert de 14000 feuilles d'or.Maitre d'œuvre le petit frère!
Je mets quelques images dans les Idées, si cela vous intéresse.

Lorenzo a dit…

Beau métier en vérité.
"Battre" de l'or, pour le soumettre aux volontés de l'art, mais aussi pour le punir de rendre les hommes aussi avides. Voilà un jeu de mot facile, pardonnez-moi.

Anne a dit…

Merci pour cette passionnante publication. Nous souhaitons tous que ces traditions artisanales ne se perdent pas. C'est bien plus qu'un simple travail, c'est une philosophie.
Anne

VenetiaMicio a dit…

Je suis passée de nombreuses fois devant la maison "sucre d'orge", je pensais que c'était un petit musée ou une galerie d'anquités, surtout qu'il y a de temps en temps de belles expositions dans l'Eglise S.Stae. Je me souviens avoir vu des sculptures de Camille Claudel et de Renoir...mais je m'éloigne du sujet. Je souhaite que tous ces beaux et nobles métiers d'artistes puissent se transmettre encore longtemps