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Dans Venise la rouge, pas un bateau ne bouge... La rime n'est pas des plus élaborées mais le génie d'Alfred de Musset
fait de ces vers une clé pour nos mémoires. Fermant les yeux, le
lecteur voit le môle au petit matin nimbé d'un léger brouillard aux
senteurs primavériles, que percent peu à peu les rayons incarnats du
soleil. Sur l'eau qui scintille, les gondoles immobiles attentes le
réveil. Mais soudain, un bruit étrange, mélange de pétarade et d'eau qui
bruisse sort le lecteur de sa rêverie. Une vedette de la police ou bien
est-ce un taxi, fend l'eau du bassin à grande vitesse, créant tout
autour de son sillage des vagues de plus en plus hautes, l'eau rouge il y
a un instant comme un miroir pour le soleil levant devient verte, puis
noire et l'écume blanche et mousseuse éclate comme de rage sur la
bordure de pierre des Esclavons, comme une protestation rageuse. La
réalité éloigne la paisible vision de Musset : le moto ondoso
est un poison pour la cité lacustre. Les flots remués trop fréquemment
attaquent les fondations mêmes de la cité des doges, les fonds
bouillonnent et ce bouillonnent se répand jusqu'aux confins de la
lagune, remuant les sols, dérangeant tout ce qui tente de vivre dans ce
milieu aquatique fragile qui se meurt peu à peu par la faute des hommes
qui pourtant lui doivent leur existence. Qui n'a pas été témoin de ces
pétaradantes cavalcades des bateaux à moteur, secouant violemment les
bateaux accostés le long des canaux, arrosant les passants marchant
trop près du bord au Rialto ou à San Marco ? Qui n'a pas vu de ses yeux
le déplorable état des soubassements en pierre d'Istrie ou en marbre
rongés par une terrible gangrène aggravée par ces vagues sacrilèges.
Pompiers, police, ambulances, mais aussi livreurs, taxis, particuliers
forçant leurs moteurs surpuissants comme les petits ruffians le font
avec leur mobylette dans les rues des banlieues ou plus tard leur BMW ou leur Golf GTI flambant neuves, les vénitiens sont eux-mêmes responsables de ce moto ondoso catastrophique pour la ville et cela dure depuis que le moteur est apparu.
1 commentaire :
Nathanaëlle a dit…