23 décembre 2023

En dépit de tout, que la joie de Noël illumine nos jours !

Brouillard à Venise. ©Alexandra E Rust. 2023.
 
On trouvait le mois de décembre long à démarrer et les Fêtes paraissaient encore très loin. Mais non, nous y sommes. Venise est une ville où le Temps de Noël prend vraiment sa signification, comme ailleurs en Autriche, en Suisse, dans les pays germaniques, scandinaves et bien sûr chez les britanniques.

Depuis plusieurs années le marché de Noël concurrence ceux qu'on trouve depuis des lustres dans ces pays. La lumière se fait presque monochrome et il y a dans l'air quelque chose d'encore plus magique. Babbo Natale est en bon terme avec la Befana et Saint Nicolas est aussi dans les parages...

Je n'ai pas souvent fêté Noël à Venise - la Befana oui, de nombreuses fois - Mais la messe de minuit, les cadeaux sous le sapin, le lait et les biscuits sur la cheminée pour le Père Noël, grand amateur de Digestive Mc Vities.

Un raté dans mon existence. Le rêve ancien (il date de mon adolescence) de voir naître et grandir mes enfants à Venise ne s'est pas réalisé. Dans une autre vie peut-être, mais encore faut il croire que nous en avons plusieurs... Voir grandir ses enfants dans ce lieu unique, hors du monde et pourtant au centre de tout, et donc d'y vivre ce moment magique avec eux n'a encore jamais pu se réaliser. Les enfants grandissent et s'en vont, rien de plus naturel. 

Organiser des retrouvailles pour fêter la naissance du Christ et la joie d'être ensemble, de former une famille, devient plus difficile avec les années. Il y a les conjoints et compagnons dont les familles souhaitent aussi la présence. La plupart du temps, un système d'alternance se met en place. Quand on a la chance de tous vivre non loin les uns des autres, on s'entend pour que la veille de Noël se déroule à tour de rôle chez les parents de l'un et le jour de Noël chez ceux de l'autre. Ou bien, ceux qui ne peuvent se déplacer, qui ne viennent pas, sont là pour la Saint-Sylvestre. Combien cela doit être compliqué pour les familles recomposées quand les enfants se marient, et qu'ils ont à leur tour des enfants... Nous sommes nombreux à connaître cela.


Il y aurait bien une autre solution puisque nous venons de traditions plurielles : Fêter ces moments uniques dans l'année à des dates différentes, celles les plus commodes pour chacun : pour la Saint-Nicolas, le 6 décembre, les 24 et 25 décembre comme nous le faisons depuis toujours, mais aussi le 5 janvier, pour la Befana, qui est aussi le jour des Rois... 

Trois fêtes merveilleuses, trois dates cohérentes pour les enfants qui, vivant naturellement les moments joyeux en famille n'en perçoivent pas la rareté et l'impermanence. Joie de l'enfance innocente qui ne peut concevoir que rien jamais ne dure et que tout cesse un jour. Mais pour parvenir à se réunir ainsi, il faut une volonté active de la part de tous les concernés. Et ce n'est pas évident.

Les temps changent et nous changeons aussi, parce que nous vieillissons, parce nous y sommes contraints, que les mentalités évoluent face à un noyau familial qui est activement ou passivement remis en cause. On ne voit plus que ce qu'il peut produire de terrible et de négatif.  

Mais peu importe ce que nous aimerions, il nous faut vivre sans nostalgie ni regret, dans l'espérance et la joie. Nous ne savons pas pour combien de temps nous sommes là, alors Carpe Diem, jouissons en simplicité de ce qui nous est offert. Le mieux étant l'ennemi du bien, réjouissons-nous devant les yeux émerveillés des enfants, devant leur plaisir, sous le regard bienveillant et ému de leurs parents, tout comme nous quand ces parents n'étaient encore que nos enfants.

Bonne Fête de Noël à tous nos lecteurs !

Éclairage du sapin 2023 sur la Piazza par le maire Brugnaro

Le Campo San Luca et ses illuminations





18 décembre 2023

Des nouvelles de Tramezzinimag

Trop peu actif et peut-être passé de mode quand la mode est aux choses courtes et vite lues, Tramezzinimag n'a plus l'importance qu'il avait avant la disparition de sa première version dont nous avons renoncé à savoir la cause ou la raison. Pas de complotisme à la rédaction qui elle aussi s'est réduite à votre serviteur, son fondateur et à des intervenants ponctuels, qui le plus souvent spontanément proposent des images ou des textes. Mais ceci posé, l'énergie demeure et l'envie de poursuivre aussi !

Si l'objectif n'est pas de reconquérir un lectorat conséquent comme ce fut le cas jusqu'en 2016, avec plus de 2000 visiteurs quotidiens et les Il ne sont plus que 72 en 2023, mais on ne va pas pleurer, ces abonnés sont fidèles et nous les en remercions. Le bonheur d'écrire sur Venise, de montrer la ville telle que nous la vivons, de contribuer à donner des informations avérées, vécues quand la plupart des médias répandent de l'à-peu-près et le plaisir aussi de raconter ce lien très fort qui nous unit à la cité des doges. 

Il y a aussi la satisfaction d'avoir été des précurseurs. Parmi les instigateurs d'une nouvelle vision de la Sérénissime, à une époque ou l'opinion générale véhiculée par la presse n'envisageait que les pigeons de la Piazza, l'enfoncement inexorable de la ville, l'acqua alta, le carnaval et la puanteur des canaux... Fierté donc, d'avoir été les premiers à montrer une Venise vivante, dynamique, jeune, de parler de la Movida estudiantine, et de dire la nécessité de s'intéresser à la lagune et à son fonctionnement, sa flore et sa faune avant de pérorer sur les moyens et les outils pour une vraie sauvegarde de la ville; fierté d'avoir été les premiers à alerter les amoureux de Venise sur les dangers du tourisme de masse et de son inutilité même pour les vénitiens, à relayer les voix qui s'élevaient devant le danger des grands navires, etc. RTS, RFI, France Télévision, Canal Plus, mais aussi France Inter et France Culture ont utilisé nos publications, pris nos conseils et nous ont sollicité pour des émissions et des entretiens.

Premier blog sur Venise, présenté depuis l'origine (mai 2005) comme la première Revue en ligne des fous de Venise, Tramezzinimag a ouvert la route à tous les autres, et il y en a eu des sites splendides animés par des vénitiens de coeur ou de sang, tous devenus des amis au fil du temps. Certains nous ont quitté, d'autres ont arrêté, quelques uns résistent. 

«Qui Viviamo Bene», Venezia, Santa Marta, septembre 2016 - ©quiviviamobene

La machine était lancée, déployant tous des informations vraies sur les problèmes de Venise et sur le fait qu'«à Venise on vit bien» *

Pourtant on entend partout que les lecteurs se détournent désormais des textes longs, détaillés, documentés. il faut de l'évènement qui frappe, resplendit en quelques lignes et si possibles du visuel qui marque les esprits...  Alors, les blogs composés de longs billets qui il y a encore quelques années faisaient le bonheur des enseignants et que suivaient leurs élèves, nous interrogeant souvent avant un voyage, un exposé ou même un projet de documentaire, doivent-ils disparaître et nous mettre tous à faire du pré-digéré, simples annexes de l'univers Wiki-Google ? 

« Si nous devions en parler aujourd'hui avec un membre de la génération Z, il nous désignerait probablement comme des "boomers", quelqu'un qui s'est attaché à quelque chose de déjà "vieux", un peu comme nos parents lorsqu'ils racontaient avec fierté les appels téléphoniques à pièces dans les cabines téléphoniques.» lit-on sur un site italien, leader dans la création et le design des outils de développement de marques. Celui qui a écrit ces lignes n'a pas trente ans.

Dont acte. Tramezzinimag poursuit ses publications, continue de solliciter des plumes et des illustrateurs, dessinateurs, photographes, pour égayer nos pages et présenter Venise autrement. Nous poursuivons aussi, laborieusement, le repêchage des billets perdus avec la disparition soudaine du blog en 2016. Depuis quelques semaines, de nouvelles sources ont permis de rajouter une trentaine de billets des premières années. Nous nous attaquons maintenant à remplir les manques des années 2008 à 2011. Quand ce travail de fourmi sera achevé, nous publierons un sommaire détaillé de toutes les pages publiées depuis 2005.

Autre grande joie : nous avons pu republier l'ensemble des commentaires de l'époque que les premiers forages dans les profondeurs du Net n'avaient pas permis de mettre à jour. De même pour les illustrations originales, le fonds iconographique est en voie de récupération totale.

Vos contributions sont toutes les bienvenues : idées d'articles, dessins, photographies, suggestions, compte-rendus de films ou de disques en rapport avec Venise. Et puis vos dons pour permettre d'éditer les publications en cours de préparation et couvrir les frais de recherches et de remise en état des archives repêchées. Nous reviendrons sur les éditions Tramezzinimag devenues officiellement les Edizione Deltae, dont le siège est à Venise.


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Notes

* Clin d’œil au très documenté, dynamique et joyeux blog et site Instagram, @Quiviviamobene baptisé suite à l'apparition d'un tag joyeux un jour sur la paroi d'un immeuble du côté de Santa Marta. Animés par la très solaire Ilona Gault, pianiste et traductrice et son père, Philippe Gault, ancien dirigeant de radios, tous les deux devenus de vrais vénitiens au quotidien, qui diffusent d'excellents podcasts toujours bien documentés et basés sur des données vérifiées (ce qui est rarement le cas dans les (im-)média(-ts) d'aujourd'hui et publient aussi des vidéos et des photos de qualité. Ces deux-là ont l’œil, sans flagornerie aucune. Nous ne partageons pas toujours leur position mais leur travail est remarquable. Et joyeux.

13 novembre 2023

Coups de Cœur N°59

Sergio Pascolo
Venezia Secolo Ventuno
Visioni e strategie per une rinascimento sostenibile
Anteferma edizioni, 
Venezia.2020
ISBN : 978-8832050509
17€
 
L'ouvrage est sorti il y a trois ans. Il demeure cependant d'actualité et permet aussi de faire connaître aux lecteurs de Tramezzinimag (qui lisent l'italien) la maison d'édition qui l'a publié dont le catalogue est plein de trésors sur lesquels nous reviendrons. L'auteur, architecte de son état, nous livre un constat très clair du vivre à Venise au XXIe siècle. Comme le dit la notice, il aborde le destin de Venise, l'urbanisation globale et le destin de la planète. «Des thèmes apparemment éloignés mais qui se rejoignent. Universellement reconnue comme l'une des plus belles villes du monde, Venise est aujourd'hui menacée par la crue des eaux et la monoculture touristique ». Elle se dépeuple, elle se meurt. Comment accepter sa disparition, voire la planifier ? «Dans le scénario mondial du 21e siècle, Venise pourrait être l'une des villes les plus attrayantes de la planète car, en raison de sa durabilité intrinsèque, elle est un exemple paradigmatique de la ville du futur.» Nous n'avons jamais tenu un autre discours dans ce blog : «Une ville compacte à taille humaine, un port d'idées, un carrefour de connaissances et de savoir-faire, un pont entre l'Orient et l'Occident, où la vie est associée à la beauté, à l'harmonie et à la durabilité.» Ce livre propose d'«imaginer et de tracer concrètement une renaissance durable, avec une large réflexion sur l'idée de la ville insérée dans une perspective globale qui concerne l'ensemble de la planète.» Passionnant et revigorant. Venise peut-être sauvée.
 
Duello d'Archi a Venezia 
Veracini,Locatelli, Tartini,Vivaldi
Chouchane Siranossian et le Venice Baroque Orchestra dirigé par Andrea Marcon
Alpha Classics, 2023.
19€ 
 
Reçu ce flamboyant CD que j'écoute en boucle depuis quelques jours. L'idée, comme nous l'expliquent la virtuose arménienne Chouchane Siranossian et Andrea Marcon, était de lancer des « un duel imaginaire à coups d’archets à Venise entre les quatre mousquetaires du violon de la première moitié du XVIIIème siècle : Vivaldi, Veracini, Tartini et Locatelli ». Corelli meurt en 1713, cédant le flambeau à ses héritiers. Venise devient alors le théâtre d’une rivalité sans merci… «Le violon endosse le rôle d’arme idéale pour démontrer sa virtuosité et ses prouesses. Le but ultime étant d’étonner l’auditeur et de démontrer, parfois même en exaltant certains penchants narcissiques, sa propre bravoure. » Chouchane Siranossian, dont la virtuosité a était qualifiée de « diabolique » par The Sunday Times était l’interprète idéale de ces concertos à haut risque, avec la complicité éclairée et renouvelée d’Andrea Marcon et de son pétulant ensemble vénitien. Une bonne idée pour vos étrennes vraiment ! Pour vous en convaincre, écoutez le podcast de France-Musique (01/06/2023) : ICI
 
Charles Simmons
Les locataires de l'été
Traduit de l'américain par Eric Chedaille
Libretto Poche, 2022 
ISBN 978-2-36914-668-1  
8,30€
Une belle découverte. On m'avait beaucoup parlé de l'américain Charles Simmons, romancier et journaliste
récemment disparu (2017). Ce petit roman qui date de 1997 est un pur régal. Texte court (152 pages), à l’écriture vive et légère. L'histoire est assez simple :
été 1968, un adolescent de quinze ans, fils unique, est en vacances, comme avec ses parents dans leur maison sur une presque-île de la Côte Atlantique des États-Unis. Passionnés par la navigation et par la mer, le garçon et Peter son père passent beaucoup de temps sur leur bateau, un petit voilier en bois, l'Angela. Mais les événements vont se compliquer avec l'arrivée dans le pavillon voisin de la fantasque Madame Mertz et de sa fille, Zina, âgée de vingt ans, apprentie photographe et, surtout, d'une éblouissante beauté. Michael, foudroyé par cette belle jeune femme, découvre l'amour, ses rêves, sa réalité, ses douleurs. Sous l'apparente gaieté de ce roman solaire coulent en filigrane une note mélancolique et une certaine amertume.Charles Simmons aborde dans la plus grande des libertés les grands thèmes qui composent la vie : l'amour, le désir, le mariage, la recherche de soi, le temps qui passe et les illusions qui tombent... Il traite son sujet en y apportant toutes les nuances et la profondeur qu'exigent ses personnages et leurs sentiments.À lire ce roman, on songe inévitablement à Tourgueniev et à son Premier Amour, dont ce livre se veut une réécriture, mais le lecteur pensera aussi aux nouvelles de Francis Scott Fitzgerald et bien entendu à L'Attrape-Cœur de Salinger ou encore à Carson McCullers par la grande liberté de ton. La préface de Jérôme Chantreau, le traducteur met l'eau à la bouche dès la première page. Je m'y retrouve quand il explique que :« Depuis que j'avais lu "Le Bonheur des tristes" de Luc Dietrich et que j'avais appris qu'un grabd roman peut[aussi] tenir en peu de mots, je savais qu'il en existait, je les cherchais partout» Il écrit plus haut que « le roman de Simmons est un grand livre de chevet, un chef-d'œuvre de poche. Pourquoi grand ? Parce qu'il dit l'essentiel, et même un peu plus. pourquoi petit ? Parce qu'on pourrait passer devant sans le voir. Une esquisse. Un pastel. Il y a peu de livres aussi épurés [...] Et voici entre mes mains Les Locataires de l'été qui semblaient avoir été écrits avec de l'eau, sur du sable. Un récit scintillant comme le bord de la vague, à la tombée du soir. Une aquarelle qui peint l'été radieux, les premières amours et les errements du coeur. Rien de très original, avouons-le. Mais le coup de génie de Simmons, c'est d'avoir ouvert l'été en deux, et d'avoir regardé à l'intérieur. Qu'à-t-il vu ? Que personne ne prend la jeunesse au sérieux. Que la nonchalance est un crime. Que l'été finit mal.» Que dire de plus sur ce roman pour vous donner envie de le lire séance tenante ? Vous dire avec le traducteur que l'auteur avec ce livre nous parle du danger permanent de vivre et d'aimer et que les jours heureux filent à la vitesse des nuages...C'est Michael qui raconte cet été-là, celui de ses quinze ans et de son passage précipité et douloureux vers l'âge adulte. Les deux derniers paragraphes - et surtout les deux dernières lignes - pourraient s'entendre comme un constat d'échec, une grande désolation. Il n'en est rien, le constat fait par Michael parvenu à l'âge qu'avait son père cet été-là, s'il est lucide, n'en est pas moins l'évidence d'un bonheur. Celui de devenir jeune quand, vieilli, la lucidité nous confirme qu'on met longtemps, longtemps, à devenir jeune.
 

08 octobre 2023

Occuper sa raison d'utiles rêveries... (1)

Un petit texte retrouvé (4 juin 2023)

«...Tantôt, un livre en main, errant dans les prairies,
J'occupe ma raison d'utiles rêveries :
Tantôt, cherchant la fin d'un vers que je construis,
Je trouve au coin d'un bois le mot qui m'avait fui ;
Quelquefois, aux appas d'un hameçon perfide,
J'amorce en badinant le poisson trop avide ;
Ou d'un plomb qui suit l'œil, et part avec l'éclair,
Je vais faire la guerre aux habitants de l'air.
Une table au retour, propre et non magnifique,
Nous présente un repas agréable et rustique...»


Toujours ces vers de Monsieur Boileau-Despréaux qui reviennent sur mes lèvres...Puisque je vis seul et que les enfants devenus grands sont partis vivre leur vie, j'occupe souvent mes dimanches à rouvrir tiroirs et malles sous prétexte de faire du tri, d'alléger ce qu'on entasse tout au long d'une vie. Longtemps, ce tri pourtant nécessaire m'était impossible. Alors, je classais comme on nous l'avait appris à Sciences Po : par période, par thème, par lieu. Dossiers, fiches, albums, carnets... des boites et des boites se sont ainsi entassées au fil des années.

Désormais, c'est d'un vrai nettoyage dont il s'agit et je n'hésite plus à jeter. Cela prend du temps car il n'est pas question de tout mettre à la poubelle sans regarder le contenu de toutes ces liasses de documents, ces boites bourrées de photographies, de cartes postales, de lettres. Après tout, ce sont les souvenirs d'une vie. 

C'est ainsi que dimanche dernier, après mon tour hebdomadaire au marché, après le rituel du café avec les amis rencontrés, le déjeuner le plus souvent solitaire - je n'aime pas trop aller déjeuner chez des amis le dimanche - suivi de la sieste quotidienne, j'ai ouvert mes boites de Pandore. La météo était propice. Après une belle matinée ensoleillée pour fêter la Sainte Trinité et les mamans de l'Hexagone, le ciel s'est soudain assombri, puis l'orage tant attendu a éclaté. Pas de remords du coup de n'être pas ressorti. Rien de mieux à faire que me replonger dans les recoins de mon passé. Comme un retour au pays.

«Un paese ci vuole, non fosse che per il gusto di andarsene via. 
Un paese vuol dire  non essere soli »[...] 
(Cesare Pavese)*

Puisque je partais quelques jours plus tard pour Venise, je regardais du côté des mes archives vénitiennes. Non, je ne suis pas obsédé, mais deux périodes de ma vie d'adolescent puis de jeune homme, sont marquées chacune par une ville littéralement adorée, bien que je sache, tellement on me l'a répété, qu'« on n'adore que Dieu »... Ces deux cités chères à mon coeur, sont deux capitales de deux empires. Londres et Venise, puisque ce sont elles mes élues, ont une place essentielle dans mon univers personnel. Toutes deux en cinquante ans ont bien changé mais l'essentiel, ce qui a fait leur âme, palpite toujours au-delà des modes et des caprices des hommes.

Je les ai connues pratiquement en même temps, du moins à quelques années près. Dans cette période commune à tous où tout se joue en nous. Ma vie n'aurait pas été la même sans elles. Peut-être aurai-je pu être influencé par d'autres lieux. Peut-être l'ai-je été sans m'en rendre vraiment compte : Istanbul, Salzbourg, Lisbonne, Naples, Athènes... « N'importe quelle autre ville aurait pu faire l'affaire » me disent parfois les gens... Pourtant je suis convaincu que chacun a son Ithaque dont il découvre un jour la présence tout au fond de lui-même. 

J'étais encore trop jeune pour lire Simone Weil (**) et me demander pourquoi Ulysse s'était-il fait attacher au mât de son bateau, trop jeune pour réaliser que ce les sirènes proposaient au héros ce n'était pas le plaisir mais la connaissance. Alors pourquoi s'est-il fait attacher ? Toutes ces réflexions vinrent plus tard. Je l'avais trouvée Ithaque, en deux versions même, dans deux mondes différents. Une ville du Nord et une au Sud. A leur manière, toutes les deux m'ont offert plaisir et connaissance...

Dans chacune de ces deux villes, je me suis retrouvé livré à moi-même. J'y étais seul et très jeune. Personne pour me tenir la main ou me taper sur les doigts. Je n'en maîtrisais pas encore la langue ni les usages. Toutes deux sont des capitales avec des relents parfois de village et toutes deux ne m'ont jamais montré la moindre hostilité. Très vite, je m'y suis senti al mio agio (*). Bien, mais pourquoi ? pour quelle mystérieuse raison ai-je ressenti cet impérieux besoin de m'intégrer corps et âme en elles, de ne plus faire qu'un avec elles ? Les années passent mais je n'ai toujours pas la réponse.

Dans la Plage, ce court texte de l'immense Cesare Pavese, on fuit Ithaque pour mieux se connaître, pour avancer et se construire. Quand on y revient, on a l'impression, à chaque fois, de n'être jamais vraiment parti. Les êtres et les lieux qu'on a laissé changent, disparaissent même, mais une partie de nous-même s'épanouit à nouveau, comme les fleurs s'ouvrent le matin après la rosée nocturne.

«Un pays ça veut dire ne pas être seul», écrit Pavese, «et savoir que chez les gens, dans les arbres, dans la terre, il y a quelque chose de vous,qui, même quand on n'est pas là, vous attend patiemment. Mais ce n'est pas facile d'y vivre tranquillement.» Combien je me reconnais dans ces propos.

Les lecteurs de Tramezzinimag savent combien mon coeur balance entre le quotidien de ma vie en France et l'impératif besoin - que beaucoup partagent - de revenir encore et toujours à Venise, avec toujours à l'esprit l'idée d'enfin tout faire pour m'y installer, ne plus repartir. A chacun de mes séjours, une voix intérieure exprime cette certitude : « Cette fois mon garçon, c'est la bonne !» 

Mais quelle mauvaise fée me renvoie à chaque fois et sème sous mes pas des tas d'obstacles inattendus ? C'est en continuant le tri de mes affaires, que je me propose de poursuivre ma réflexion et de vous faire part de l'avancée de mon cogito. En espérant ne pas vous lasser bien sûr !

à suivre..

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Notes :

«Il faut avoir un pays, ne serait-ce que pour le plaisir d'en partir. Un pays, ça veut dire ne pas être seul...» Cesare Pavese, «La Spiaggia» (La Plage).

**  Simone Weil, «L'Iliade ou le Poème de la force» (publié dans Les Cahiers du Sud de décembre 1940 à janvier 1941 sous le nom de Émile Novis.

*** Al mio agio : à mon aise.





30 août 2023

Se chiama Venezia e canta bene / Il se nomme Venezia et chante bien !


Les hasards du net. Mon moteur de recherche joue son rôle d'informateur-rabatteur et m'envoie parfois, parmi la foule de choses inutiles que son intelligence (tellement artificielle) pense devoir m'intéresser a eu du nez cette fois. Un lien vers un -à la belle voix de son temps, une musique qui emballerait même les plus réticents, des paroles intelligentes et pratiquement aucune information sur le type. Il se fait appeler Venezia et on trouve sur Spotify deux morceaux. Il apparait aussi, enfin sa voix, dans un titre d'un certain Marco. Pas mal aussi musicalement et tout aussi peu d'information sur l'artiste. Je n'ai guère plus à vous mettre sous la dent. Ces jeunes gens aiment ce qu'ils font mais restent discrets et visiblement loin de toute arrière-pensée commerciale. Nous ne pouvons que les en féliciter à tramezzinimag.

 

Si les éditions Deltæ parvenaient à avoir pignon sur rue à Venise, avec la galerie-librairie Page Blanche - dont il faudrait peut-être traduire le nom sur le principe incontournable du «when in Rome do as the romans do» inventé par les anglais qui ne respectent pas souvent cette règle (*) - nous l'inviterions pour faire connaître sa musique dans nos locaux et s'il a publié des CDs, on les commercialiserait à l'occasion d'une exposition ou d'un évènement. 

Peut-être serait-il invité du coup par ces autres brillants jeunes gens, vénitiens 100% appellation d'origine, d'Indiemoon qui ont lancé il y a quelques années avec l'association Il Caicio, des sessions musicales sur le modèle des Black Cab Session américaines. Mais, au lieu de faire joue des musiciens en direct depuis une limousine dans les rues de New York ils ont eu l'idée de les faire jouer en bateau sur la lagune. Tramezzinimag en a parlé il y a quelques années, à l'époque de l'émission Détours de la RTS réalisée par mon ami Antoine Lalanne-Desmet (ICI).

A vos oreillettes et vous verrez que ces morceaux très contemporains sont de belle qualité. en tout cas ils ont un succès certains chez les jeunes, l'été sur les plages vénitiennes (et d'ailleurs) et le soir dans les bars. Vous nous donnerez votre avis.

Notes

(*) Ces sacrés insulaires qui ont bien des points communs avec les vénitiens - des insulaires aussi qui prétendent pourtant - j'ai toujours soutenu leur position - que «si on démontait le ponte della Libertà, l'Europe deviendrait une île !»

20 août 2023

Où il est question du passé bien rangé dans de belles boîtes et de la lune bleue joliment jaune

Un titre inhabituellement long pour ce billet inspiré par les semaines passées et cet été 2023 qui fut à la fois somptueux et misérable. Il n'est pas loin de sa fin bien que demeure encore dans l'air l'espérance d'autres belles journées à venir avant l'automne. Demain, ce sera la (deuxième) pleine lune d'août, une de ces splendides lunes bleues qui font rêver les enfants poètes. 

Déjà depuis deux jours elle est là, jaune comme du sable avec son visage immortalisé par Méliès (*), sans la fusée dans l’œil mais jaune comme le réalisateur l'avait imaginée. Avec elle un changement de température mais aussi un air plus fluide, plus léger et presque frais. Un ciel bas aussi prémices de l'automne qui n'est plus très loin ; comme un avertissement. 

Surpris, les gens délaissent les terrasses et les rues sont presque vides. Il n'y a pas que le climat bien sûr, l'ambiance est morose depuis plusieurs mois et le retour des vacances s'avère encore plus douloureux que d'habitude. Les prix qui flambent (pourtant la valeur des matières premières diminue), la crainte de ceux sur qui on continue de faire pression dans les medias et qui appréhendent le retour de la pandémie. Ils me donnent envie de raconter une fois encore ce que furent les vraies pandémies de notre histoire, la fulgurance de leur extension, la mort se propageant partout à une échelle qui rend ridicule les chiffres des victimes du Covid.. 

Mais ne repartons pas dans les polémiques même si la colère est grande devant la gigantesque esbrouffe des nos dirigeants et ce presque partout dans le monde... Bref bien des raisons de se sentir tendu sur cette planète... Pourtant le beau temps revient toujours après la pluie et jamais les entreprises diaboliques - que l'on croit au démon ou pas - ne triomphent jamais. 

Rester positif, résister à la morosité, sourire à la vie... C'est certes plus facile dans nos régions méridionales où le soleil se fait bien plus rieur qu'ailleurs, où les cœurs sont rompus aux petites joies, aux bonheurs du quotidien. N'est-ce pas tout ce dont l'être humain a besoin ? 
 
Ne plus craindre, croire en Dieu, en l'autre, aux lendemains meilleurs, à la paix, à la solidarité, à l'amour, à la main tendue... Il y a du chemin à faire pour que tous nous comprenions la nécessité de nous unir, de nous entraider, de nous accepter. Les religions semblent ne plus attirer beaucoup de monde, sauf les extrêmes dont la violence, la hargne sont bien éloignées des valeurs d'amour, de paix et de tolérance pour n'être que des codes moraux rigides et hypocrites, des organisations au service des pouvoirs les plus corrompus et les plus indignes de lever un seul regard vers le Créateur. 
 
Certes, il ne faut pas généraliser, bien des communautés, des Églises, des femmes et des hommes aux vies consacrées sont des ilots de paix et d'amour, d'écoute et de patience. Ils montrent la route et ce n'est pas celle que les pouvoirs tracent pour les peuples. Ils ne veulent que des petits soldats, des esclaves soumis et pour être de notre temps, des consommateurs dociles. Ce n'est pas l'esprit de Tramezzinimag ni de ses lecteurs.

Les circonstances ayant obligé votre serviteur à passer bien plus de temps que de coutume en France (**), à la maison, j'en ai profité pour faire du rangement, trier, classer, jeter. Rester en ville, calfeutré pendant les heures les plus chaudes comme on le faisait autrefois à Palerme dans les palais de l'aristocratie où une salle sans fenêtre, souvent aux murs très épais, au sol de marbre permettait d'échapper au vent torride venu d'Afrique et aux températures semblable à celles que nous avons connu, souvent une fontaine d'eau claire rafraîchissait les lieux. Nos temps disposent de l'air conditionné, qu'on nous interdira bientôt d'utiliser car peu écologique pour les smart cities, ce projet que d'aucuns disent fascisant, concocté par des ayatollahs du marketing et relayés par dls écologistes ultras, qui nous interdira de trop se doucher, de trop manger de viande ou d'arracher les herbes folles qui enlaidissent les trottoirs. 

J'ai rangé donc. Et comme toujours j'ai redécouvert mille vestiges, humbles souvenirs de jolis moments de vie comme nous en avons tous. La première boite ouverte contenait des pochettes de photos datant de l'époque pas si lointaine où nos souvenirs restaient visibles et palpables, fixés durablement sur du papier, dans des cadres sur les meubles ou aux murs

Longtemps j'ai fait le choix de faire tirer mes photographies. Après l'argentique (Ah combien je regrette mon petit laboratoire avec son agrandisseur Crocus, l'odeur si particulière du révélateur, les clichés mis à sécher sur un fil avec des pinces à linge, l'ampoule rouge...), il y a eu les tirages en machine à la FNAC ou chez les photographes qui tentèrent de s'adapter pour subsister. Parmi les photographies retrouvées, ces petits fragments de vie vénitienne, comme les témoins d'un temps révolu. 
 
J'y reconnais l'entrée de la Biennale à l'Arsenal, impossible de bien lire la date du journal mais au livre que je lisais il doit s'agir de l'été 2015, l'année du reportage pour la RTS avec mon ami et complice Antoine Lalanne-Desmet, de l'appartement de Santa Maria Formosa, de la disparition du premier Tramezzinimag pour une raison encore jamais expliquée... Mais je suis en train de lasser le lecteur par toutes ces digressions qui se bousculent au fil de ma plume (cf. les billets de cette époque). 

Cet été-là, le hasard m'avait fait retrouver un ami de jeunesse. Je prenais un verre à la Misericordia. Il était dans le même bar avec une autre de mes amies d'avant, «du temps où je vivais à Venise». Joie des retrouvailles. Tellement de choses à nous dire. Sont arrivés des jeunes, parmi eux il y avait son fils. Même génération que mes enfants. Présentation, échanges de propos avec une bienveillance réciproque. Quelques jours plus tard, pressé de me rendre à un rendez-vous du côté de Sant'Elena, je le recroisais. Le ragazzo avait déposé sa petite amie à la bibliothèque et avait amarré sa barque sous le pont qui mène à la Querini Stampalia. Comprenant que j'étais en retard, il se proposa de m'amener là où je devais aller.
 
Cette balade improvisée jusqu'à Sant'Elena fut une sorte de flashback comme dans un film. Je me suis revu avec mes amis d'alors parcourant - à la rame, il y avait encore peu de barques à moteurs encore chez les jeunes - les rii, traversant le canalazzo, bavardant et riant.

Mes lecteurs les plus fidèles sauront pour l'avoir lu souvent lu dans mes billets que mon coeur depuis toujours se partage entre la France, l'Italie - particulièrement Venise bien évidemment -  et la Grande-Bretagne. 

L'âge venant, la nostalgie se fait bien plus assidue qu'autrefois, quand la vie active, les enfants, la nécessité d'aller à l'essentiel occupaient suffi-samment ma vie pour que remontent à la surface les souvenirs d'autrefois, petits et grands moments de l'enfance et de la jeunesse. Cette période unique où nous voulons être plus grands, plus forts, plus libres tout en nous félicitant d'être aimés, protégés, portés. Paradoxe de l'homme qui se satisfait rarement du présent, pressé d'entrer dans un avenir rêvé, promesse d'indépendance et de liberté. 



 

 

 

 

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NOTES

(*) - Le voyage dans la lune, Georges Méliès, 1902.

(**) - En expliquer le pourquoi serait digne d'un mauvais roman de non-aventure avec des non-héros et des nuages toxiques. Ne perdons pas de temps avec cela. Une page tournée.

09 août 2023

Une librairie de plus à Venise : bienvenue à la Feltrinelli !

L'ouverture d'une nouvelle librairie est toujours une fête partout dans le monde. D'autant que de partout fusent les statistiques sur la baisse de fréquentation des bibliothèques, le pourcentage qui grimpe d'année en année du nombre de jeunes qui n'ont jamais lu un seul livre et les rumeurs sur l'inéluctable disparition de l'objet qui a changé le monde avec l'invention de l'imprimerie. 

C'est donc fête à Venise où l'éditeur Feltrinelli vient d'ouvrir ce mardi la quinzième librairie de la Sérénissime (en comptant les marchands de livre d'occasion et de livres anciens, et les librairies du centro storico, de Mestre et du Lido). Il y a quelques jours encore, j'étais passé distrait sur le rio terà Secondo, à San Polo, juste à l'angle de la calle qui mène au vaporetto San Stae. Les anciens se souviendront de cette osteria, baptisée «al Lento» officiellement Osteria da Renato, où le patron était connu pour sa philosophie de la lenteur.  


En attendant l'inauguration officielle qui aura lieu en septembre, nombreux sont les les vénitiens qui depuis mardi viennent se rendre compte par eux-mêmes et visitent librairie dans ses locaux flambants neuf. Feltrinelli, la maison d'édition, qui compte des dizaines et des dizaines de points de vente dans toute l'Italie, a officiellement ouvert avant-hier sa librairie à Venise, une première. À ce jour, les grandes chaînes ont toujours eu du mal à s'ouvrir dans la ville faute d'espace adéquat. en apprenant la nouvelle, j'ai aussitôt repensé à ce délicieux film de Nora Aphron, «You've got mail»,  avec Meg Ryan et Tom Hanks, reprise du fameux «Shop around the corner» de Lubitsch. Dans le film l'enseigne Fox, spécialiste des hypermarchés du livre vient s'installer en face d'une petite librairie de livres d'enfants. Le contraste est grand entre le géant et la petite boutique.
 

Le choix de Feltrinelli est totalement adapté à la Sérénissime. Située entre le campo San Polo et San Giacomo dall'Orio, elle ne s'étend que sur une petite centaine de mètres carrés seulement et s'apparente plutôt aux petites librairies généralistes indépendantes que nous aimons tous. Avant elle, l'osteria dont les vénitiens se souviennent, puis une galerie d'art. Murs en briques apparentes, sol décoré d'arabesques qui attirent le regard, étagères sobres et sans fond pour laisser voir les murs, poutres apparentes. Une lampe Fortuny et un plafonnier de chez Venini pour marquer la vénétianité du lieu. Sur les rayons, il y en a pour tous les goûts, avec même un rayon.
 
 
Si l'ouverture d'une librairie est toujours une bonne nouvelle, surtout en période de baisse drastique du nombre de lecteurs, le fait qu'elle ouvre à Venise, ville aux prises avec le dépeuplement, l'est encore plus. Le choix du quartier aussi, dans une partie de la ville qui est rarement visitée par les touristes de masse ce qui laisse à penser que la clientèle visée sera avant tout locale. Bonne pioche. 
 
De fait comme le souligne les journaux locaux, durant ces deux premiers jours, la librairie a été surtout visitée par des habitants, ravis d'accueillir Feltrinelli tout près de chez eux, dans un «va-et-vient incessant alors qu'à l'intérieur de la boutique les derniers travaux d'installation électrique et d'éclairage se terminent» écrit ce matin dans La Nuova, le journaliste Eugenio pendolini. Parmi eux mardi soir, on remarquait l'écrivain Tiziano Scarpa venu visiter la boutique en personne.
 
Aucune déclaration officielle, aucun dossier de presse de la part de maison d'édition sur la nouvelle librairie de Venise. Seules les deux  libraires, professionnelles expérimentées et passionnées venues de Vérone et Trévise pour parler de cette avenyure lagunaire.

Inévitablement, l'ouverture suscite un grand intérêt. « Bienvenue dans une librairie de haut niveau comme la Feltrinelli à Venise », déclare Cristina Giussani, propriétaire de la librairie Mare di Carta et représentante du syndicat des libraires, « Ce sera une librairie dédiée aux Vénitiens car elle est loin des circuits habituels du tourisme urbain».

Un échelon de plus aussi dans l'offre de livres dans la ville, où l'on compte aujourd'hui une douzaine de librairies (dont une seule, Mare di Carta, qui vend des manuels scolaires), en plus des quatre librairies d'occasion et de livres anciens. Bonne route à Feltrinelli Venezia. Allez-y faire un tour, amis de Tramezzinimag. Peut-être bientôt pourrez-vous y trouver les publications de Deltæ, la maison d'édition de Tramezzinimag et des auteurs qui nous honorent de leur amitié ?
 
 Libreria Feltrinelli 
Rio Terà Secondo 2245A
San Polo  (près du Campo S.Agostin)
Tel. :  +39 02 9194 7777




02 août 2023

Tramezzinimag retrouve ses billets perdus en 2015

Les plus anciens et fidèles lecteurs de Tramezzinimag, (l'original, celui qui avait fêté l'année précédente (le 7 mai 2015) ses dix ans d'existence, avec ses nombreux abonnés et comptabilisait presque 2.000.000 de visiteurs depuis ses timides débuts en 2005, quand on se battait pour ce que l'Europe allait devenir ou ce que nous ne voulions pas qu'elle devienne...) se souviennent du drame. 

Un beau soir d'été que ce 23 juillet 2016. Après une partie de la journée passée à la plage, je m'apprêtais depuis la salle d'informatique de la Querini Stampalia (la fibre était toujours en cours d'installation à Sant'Angelo), à lire les commentaires sur les derniers billets et à mettre en ligne un nouveau billet quand j'eus la très mauvaise surprise de voir s'afficher cet horrible message :

Panique à bord. Gros coup au coeur, grande tristesse, puis énorme colère. Après le découragement et une pensée pour Lord Baden-Powell et son très beau texte «Tu seras un homme mon fils», je me retroussai les manches et pendant plusieurs mois je remuais ciel et terre, appelant les ministères, l'ambassade des États-Unis, mes contacts à New York et en Californie, ameutant amis, famille, lecteurs, pour tenter de parvenir à trouver un interlocuteur chez Google et récupérer mes données perdues (l'ensemble de mes archives photos qui étaient stockées sur Google Photo avait été avalé dans l'effondrement et mes boites-mails avaient sombré aussi). Il y avait bien derrière tout cela quelqu'un qui soit avait fait une erreur, soit avait réglé son compte à Tramezzinimag et effacé en appuyant sur une touche de son ordinateur dix ans de travail...

Pour ne pas laisser mes lecteurs sans explication, je publiais un communiqué sur Facebook,puis je repris un blog ailleurs que chez Google avec le même titre et lançais un avis. Une sorte de « Coucou, N'ayez pas peur, les amis, la maison s'est effondrée mais nous sommes encore vivants, amochés mais vivants ! » Et les messages ont afflué de partout, d'abonnés, d'amis et d'inconnus. Tous se désolaient de la disparition, tous m'encourageaient, me soutenaient. 

Plusieurs lecteurs m'envoyèrent des enregistrements du blog, des captures d'écran, des photos et des vidéos venant du blog défunt. On me signala l'existence du site Wayback Machine, les archives d'internet. Un lecteur fonctionnaire au ministère de la Culture m'adressa une liste de liens et le nom de plusieurs responsables de Google avec qui il avait déjà eu à faire. Un cousin avocat à New York se proposa pour monter un dossier. Mon député ne répondit jamais à mon courrier, pas plus que l'ambassadeur des États-Unis ou le ministre français de la culture... J'hésitais un moment à m'adresser au président de la République ! 

Toute une armée de volontaires m'aida ainsi et peu à peu, sans que Google jamais ne bouge ni ne réponde évidemment - qu'étions-nous après tout, Tramezzinimag petit blog sur Venise qui ne rapportait rien à personne et ne révolutionnait pas le monde de la finance ou du commerce ? - aux nouveaux billets se rajoutèrent les certains textes anciens retrouvés. Il en manque encore. A sa disparition Tramezzinimag I était riche de 2268 messages si on se réfère au dernier archivage de Wayback Machine (avril 2016). Tramezzinimag II, sur la même période (7 mai 2005 - 23 juillet 2016) n'en compte que 1292... C'est déjà beaucoup mais il reste 976 billets encore à retrouver et Wayback Machine n'a pas couvert toutes les années du blog !

Récemment, un de mes plus anciens lecteurs et soutien m'a adressé une douzaine de copies d'écran. Inscrit, il recevait par mail les articles et avait pris l'habitude de les collationner. Il a été ainsi facile de remettre en ligne l'intégralité des articles dont il avait la trace, illustrations et vidéos comprises. e fut un long travail de relecture et de correction parfois. Voilà douze billets retrouvés pour 2013 et 2014. Plus que 964 à refaire jaillir des limbes googlesques et le site sera de nouveau complet.

Il ne manquera plus qu'à retrouver les abonnés égarés en chemin et tenter de «booster» le lectorat réduit à une petite centaine de lecteurs chaque jour... Les temps ont changé, on ne peut le nier. Mais Tramezzinimag II continue d'exister, par passion et amour pour la Sérénissime, avec le soutien de ses lecteurs. Vos commentaires et vos messages sont un encouragement. Je vous en remercie. Continuez, faites nous connaître et racontez cette triste aventure !


Parce qu'elle m'inspire joie et sérénité en même temps que force et vigueur, laissez-moi conclure avec cette  magnifique toile de Sigrid Gloerfeldt, exposée dans la belle salle d'exposition du Palais Contarini-Polignac, chez Roger de Montebello en avril dernier. Tramezzinimag reviendra sur cette artiste dans un prochain billet.

29 juillet 2023

COUPS DE CŒUR (HORS-SÉRIE N°42) : «Le Chemin», un chef d'œuvre de Ana Mariscal

 
Une fois n'est pas coutume, Tramezzinimag présente un film espagnol. Il y a en ce moment sur ARTE (et jusu'au 31 juillet seulement), un film espagnol de 1964 réalisé par Ana Mariscal en Noir & Blanc qu'il faut voir à tout prix. Du grand cinéma. Très émouvant, réaliste, drôle, une somme de petits riens, de drames et de joies, toute la comédie humaine dans un petit village d'une vallée de Navarre au début des années 60. Porté par des acteurs incroyablement justes jusque dans l'excès et la caricature, débordant de naturel. La peinture d'un monde rural disparu ou en voie de disparition. 
 
 
Adaptation du roman éponyme de Miguel Delibes paru en 1953, le film a été présenté au Festival de Cannes et à la Mostra de Venise. On pense au Visconti de Rocco et ses frères, à Jean Eustache, aux images de Pasinetti ou de De Sica. Une histoire banale : la caméra suit les derniers jours dans la vallée, d'un jeune garçon, fils unique du fromager du village qui veut l'envoyer étudier à cent kilomètres de là pour un avenir meilleur. On sourit, on rit, on pleure aussi devant le quotidien de ce presque adolescent sensible et intelligent dont l'enfance s'éloigne. Un chef-d’œuvre à ne pas manquer.
 



 
  
 
Le film est disponible en DVD.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Miguel Delibes
Le chemin
traduit par Eddy Chaulet
Verdier éditeur
1994.
184 pages 
ISBN ; 978-2864322078
15€