09 mai 2011

COUPS DE COEUR (HORS SERIE 5) : Andrew May, le regard sensible d'un photographe britannique



Mon dernier billet était illustré d'une photo du rio terà secondo, où se trouve la demeure du célèbre éditeur vénitien, Alde Manuce, sans mention de date ni d'auteur. La qualité du cliché méritait d'y revenir et le respect des droits d'auteur s'imposant, il était normal que je signale le travail de cet excellent photographe britannique, Andrew May qui m'autorise à publier un de ses clichés.

"Sunset over the Lido, Looking across
towards the Lido from St Mark's"

by Andrew May © - 2008

COUPS DE COEUR (HORS SERIE 4) Connaissez-vous les Editions Serge Safran ?

Petit chronique littéraire improvisée pour un dimanche ensoleillé...


Moi qui peine depuis plus d'un an sur la parution d'un modeste opus réclamé à corps et à cris par les lecteurs de Tramezzinimag, je suis ébahi par l'arrivée d'un nouvel éditeur. Bordelais monté à Paris, l'homme n'est pas le premier venu. Après le Castor Astral, il devient le directeur littéraire des Éditions Zulma, dont il est un des fondateurs. Il vient de publier un texte superbe, "Le voyage du poète à Paris", en lice pour le Prix Renaudot 2011
 
Mais il trouve aussi le moyen de lancer une nouvelle maison d'édition à son nom, et devinez quel est le sujet du premier titre de la maison ? Venise évidemment avec un recueil de nouvelles de Dominique Paravel qui se lit d'un trait, comme un envoûtement. L'auteur a plongé sa plume dans l'eau saumâtre des canaux et nous conte au fil des pages une Venise pleine de violence et d'angoisse. Mais jamais rien de mortifère si ce n'est l'indubitable vérité, celle qui nous ramène à notre état fragile et éphémère. Les femmes et les hommes de ce livre se frottent à une réalité qui les écrase et les fait vivre à la fois. Venise est l'héroïne de ces pages, le fil conducteur qui permet de lire chacun des textes comme on lit un roman chapitre après chapitre. Et on se régale de cette langue âpre, directe et sans masque. Bienvenue aux Editions Serge Safran.
 
Curieux hasard, mais le hasard existe-t-il vraiment, qui fait jaillir, pratiquement en même temps que le roman de Safran et les nouvelles de la Dame Paravel, le flamboyant  « Ce qu'aimer veut dire» de Mathieu Lindon - certainement le plus beau texte de l'année, terriblement fort et émouvant -, et la sortie du purgatoire des textes d'Hervé Guibert que la jeune génération va découvrir enfin.
 
Vous pouvez imaginer le délice que va être ce dimanche... Le soleil qui brille, un vent léger et parfumé qui porte dans la maison, l'odeur des tilleuls, les oiseaux dans les arbres. Une tasse de thé après un verre de l'excellent Moscato d'Asti des amis Batasiolo, et des livres, plein de livres : Paravel, Safran Lindon, Guibert, mais aussi Paul Auster, le texte sur Cassavetes de Maurice Darmon et deux livres retrouvés dans mes cartons : «Avec Mon meilleur souvenir», et sa suite «Et Toute ma sympathie», peut-être le meilleur de Françoise Sagan depuis «Bonjour Tristesse». Bon dimanche à vous aussi.
Nouvelles vénitiennes
Dominique Paravel
Éditions Serge Safran, 2011 
 
Le voyage du poète à Paris
Serge Safran
Éditions Léo Scheer, 2011
 
 
Ce qu'aimer veut dire
Mathieu Lindon
Éditions P.O.L., 2011
 
 
Fou de Vincent
Hervé Guibert
Éditions de Minuit , 1989
 
A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie
Hervé Guibert
Éditions de Minuit , 1990
 
 
Le Carnet rouge
Paul Auster
Éditions Actes Sud, 1993
 
Pour John cassavetes
Maurice Darmon
Éditions Le Temps qu'il fait, 2011 
 
Avec mon meilleur souvenir
Françoise Sagan
Éditions Gallimard, 1984 
 
Et toute ma sympathie
Françoise Sagan
Éditions Gallimard, 1993


1 commentaire(s):

Anonyme a dit…
Belles lectures et éclectisme de goûts Lorenzo !
Serge

02 mai 2011

Un matin comme les autres à Venise

Souvent, le matin lorsque je me réveille, une sensation de plénitude m'envahit qui contraste avec l'angoisse du soir, celle qui prend parfois avant que de sombrer dans le sommeil. Le jour est à peine levé et les bruits du matin sont encore étouffés par la torpeur de l'aube. L'esprit demeure dans le vague, comme flottant encore. Puis soudain il suffit d'un chant d'oiseau, du moteur d'une barque qui passe sur le canal voisin pour que tout s'ébranle. Les cloches se mettent à sonner, la lumière se fait plus vive et la rumeur de la ville remplace en un instant le silence. Venise au petit matin est un bonheur qu'il faut avoir expérimenté au moins une fois dans sa vie. L'absence de circulation automobile modifie tout. Aucune sonorité n'a la même ampleur qu'ailleurs. Tout y est plus précis, ciselé comme les dentelles de pierre de la Ca'd'Oro. Mes gestes sont alors toujours les mêmes. Je me lève et me dirige vers la fenêtre de la chambre. Les volets poussés claquent contre le mur couvert de lierre. Une lumière joyeuse se répand aussitôt dans la pièce, éclairant d'une lumière de théâtre les draps défaits, le tapis sur le terrazzo ancien. Mais la sensation reste identique les jours d'hiver, quand le ciel est gris et le soleil d'un blanc glacé. Je pense chaque fois à ces pages de Brodsky où ce qu'il décrit ne laisse aucun doute sur son amour presque physique pour Venise :  
 
"L'hiver dans cette ville, le dimanche surtout, vous vous réveillez au carillon des cloches nombrables comme si, derrière les rideaux de gaze, un gigantesque service en porcelaine vibrait sur un plateau d'argent dans le ciel gris perle. Vous ouvrez grand la fenêtre et la chambre s'emplit en un instant de cette brume extérieure chargée de sons de cloches, faite d'oxygène moite, de café et de prières. Peu importe aussi le degré de pilules qu'il va vous falloir avaler ce matin et combien : vous sentez que tout n'est pas fini pour vous. Peu importe aussi le degré de votre autonomie, à quel point vous avez été trahi; la profondeur de votre lucidité à l'égard de vous-même et le découragement qu'elle entraîne : vous admettez qu'il y a encore de l'espoir... Cet optimisme naît de la brume, de la prière dont elle est faite, surtout à l'heure du petit-déjeuner. Les jours comme ceux-là, la ville prend vraiment des allures de porcelaine, avec toutes ses coupoles recouvertes de zinc, comme des théières ou des tasses retournées et le profil penché des campaniles qui luisent comme des cuillères abandonnées."
 
IL est temps de se préparer pour ce nouveau jour. Plaisir de l'eau qui coule sur la peau. La buée sur les miroirs. Le drap de bain écarlate et doux. La radio qu'on écoute à peine et en bas dans la cuisine, les bruits familiers, l'odeur du café, la bouilloire qui frémit. Le chat étendu sur la marche de bois qui mène au jardin, ronronne en somnolant. Il a déjà eu sa tasse de lait. Le chien frétille, il veut sortir. Manteau ou imperméable ? La porte ouverte, le chien qui se précipite. La voisine un peu folle qui balaie en chantonnant, le libraire qui refait une de ses vitrines. Le chien court vers le campo. Il a ses habitudes. Moi aussi : le journal acheté au kiosque voisin, la ruelle qui permet de déboucher à San Barnaba sans suivre la foule, le ponte dei Pugni, un regard et quelques paroles échangées avec les marchands de fruits sur leur barque, l'arrêt à Sta Margherita, puis le retour par le collège arménien, la calle del Vento, les Zattere. Avec, tenace et venu d'on ne sait où, cet état de bonheur indicible qui me porte et met sur mon visage un sourire benêt. J'ai longtemps pensé qu'un jour, devenu très vieux - dieu voulant - j'irai m'asseoir au soleil sur un banc devant le palais Clari, et regardant les navires passer sur le large canal de la Giudecca, je m'interrogerai sur les raisons de ce bonheur-là, rendant grâce pour tant de beauté, de joies et de cadeaux.

Crédits photographiques © Andrew May - kuhlephotography

01 mai 2011

Les Brèves

La grogne continue au RialtoAprès la polémique autour du transfert du marché de poissons, un autre problème vient de surgir sur la lagune. Le peoplemover inauguré en grande pompe il y a quelques mois ne faisant pas recette, l'administration envisage de démolir le marché de gros des fruits et légumes du Tronchetto, pourtant rénové il y a peu. Bien sur cela n'est pas du goût des grossistes ni des revendeurs qui voient d'un très mauvais œil leur transfert sur la Terraferma. Tout ça pour permettre le stationnement de davantage d'autocars de tourisme. Les grossistes craignent à terme la disparition pure et simple de leur activité et les écologistes se plaignent de la difficulté à trouver les produits locaux au profit de marchandises importées d'Afrique ou d'Amérique du sud. Avec cela, les prix augmentent et le panier de la ménagère en pâtit chaque jour. Lettre à Ca'Farsetti (la mairie), pétitions, manifestation au marché du Rialto, tous les moyens sont bons pour ameuter l'opinion et faire reculer l'administration qui a décidément choisi de favoriser le tourisme pendulaire au détriment de la vie quotidienne des vénitiens. Affaire à suivre dans les prochaines semaines.
Grigory Sokolov à la Fenice lundi soir

C'est cette année encore le monumental et talentueux pianiste de Saint Petersbourg, Grigory Sokolov qui clôturera lundi 2 mai prochain, la saison de musique de chambre de la Società Veneziana di Concerti. La virtuosité, la technique et la profondeur du russe seront une fois encore laissées à l'appréciation du public vénitien qui l'avait ovationné lors d'un précédent concert. A 61 ans (il a fêté son anniversaire le 18 avril dernier), le pianiste présentera en première partie du concert, deux oeuvres de Johann-Sebastian Bach, le Concerto italien BWV 971 en trois mouvements et l’Ouverture française BWV 831 en sept mouvements. La seconde partie sera consacrée à Robert Schumann. Le récital à la Fenice se terminera cette fois encore à n'en pas douter, par une standing ovation que le public vénitien réputé difficile ne réserve qu'aux grands interprètes. Une série de bis est à prévoir avec le public debout, incapable de rester assis pour écouter ad libitum l'inspiration d'une grand maître.
Grigory Sokolov
2 mai 2011, Théâtre la Fenice
Informations : www.societavenezianaconcerti.it
Happyspritz@Guggenheim édition 2011Troisième édition de cette manifestation très glamour qui se déroule dans le cadre prestigieux de l'ancienne demeure de Peggy Guggenheim qui revit l'espace de plusieurs soirées comme au temps de la fantasque milliardaire américaine. Art contemporain, musique et convivialité sont les maîtres-mots de cette manifestation très courue à laquelle il faut absolument participer pour prendre la mesure de la vie intellectuelle et sociale à Venise. Avec plus de 5000 personnes les années précédentes dans les jardins de la Fondation, au milieu ds œuvres de Picasso, Magritte, Kandinsky, de Chirico et Pollock, dans une ambiance sonore élaborée par les meilleurs dj-sets du monde, avec la magie des crépuscules de mai, ces ciel souvent splendides qu'on retrouve aussi à New York et qui plaisaient tant à la magicienne des lieux qui aurait terriblement apprécié cet évènement. L'idée est simple : le musée ouvre ses portes en fin de journée à l'heure de l'apéritif, des Dj (en l'occurrence cette année Ricky Russo/In Orbita). animent les lieux, le public se répand dans les jardins, les terrasses et les salles et on boit du spritz en bonne compagnie. certains viennent même en famille terminer là leur passeggiatta. Cela les 2, 9, 16 et 23 mai, de 19 heures à 21 heures 30. L'exposition actuelle est consacrée aux artistes rebelles de l'Avant-garde vorticiste , mouvement anglais des années 1915 soutenu par Ezra Pound. Les collections permanentes sont aussi ouvertes au public venu participer à l'apéritif géant. L'entrée coûte 7 euros. Entrée gratuite pour les détenteurs du Young Pass, la carte de membership que le musée Guggenheim réserve aux moins de 26 ans). Le billet donne droit à un spritz préparé par Aperol, partenaire de l'opération depuis sa création. Cet apéritif est l'occasion de rencontres originales et de confrontations artistiques qui donnent à la visite au musée une dimension très conviviale dont on a peu l'habitude.
Happyspritz@Guggenheim
2, 9, 16, 23 mai 2011, Collezione Peggy Guggenheim
Info www.guggenheim-venice.it

PRIMAVERA A PALAZZO FORTUNY
Camerino, Penso, Ventura
Suivant une formule qui a fait ses preuves, le Palais Fortuny s'ouvre cette année encore le temps d'une saison à trois magnifiques expositions Deux artistes contemporains, Paolo Ventura avec L’Automa et Michelangelo Penso avec Circuito Genetico, se confrontent au monde de Mariano Fortuny, nouveau parcours, expériences originales et véritables laboratoires d'esthétique. A voir aussi la Rivoluzione del colore, l'hommage aux extravagantes et géniales inventions de la styliste vénitienne aujourd'hui disparue, la célèbre Roberta di Camerino.
jusqu'au 8 mai 2011
Palazzo Fortuny

Campo San Beneto, San Marco
www.museiciviciveneziani.it