20 janvier 2007

COUPS DE CŒUR N°13

Venise sous la neige
pièce de Gilles Dyrec mise en scène par Gérard Maro
Café de la gare, 41 rue du Temple, 75004 - Paris
(métro Hotel de Ville ou Rambuteau)
http://www.venise-sous-la-neige.com/
Depuis un an au Café de la Gare et ça continue en 2007 ! Un succès avec plus de 200 représentations et 30 000 spectateurs. Venise sous la neige est une comédie dynamique et savoureuse tournant autour d'un énorme malentendu. On se prend très vite au jeu en observant ces 2 couples si différents, dont l'un d'eux pourrait sortir tout droit du fameux Dîner de con. Entre déchirures amoureuses et déclarations de mariage, les rôles vont s'inverser et la soirée va accumuler les catastrophes hilarantes, pour le plus grand plaisir des spectateurs. Excellentissime ! L'histoire : Entraînée par son ami avec qui elle vient de se disputer, Patricia arrive furieuse à un dîner "entre amis" où elle ne connaît personne. Comme elle ne dit pas un mot, on la prend pour un étrangère. Elle entretient alors le quiproquo et fait voler la soirée en éclat…

Une question d'honneur
Donna Leon
Calmann-Lévy. 2005.
"Le célèbre commissaire Brunetti reçoit un jour la visite de Claudia Leonardo, une élève de sa femme. La requête de la jeune fille l'intrigue : elle veut savoir si son grand-père, qui a commis un crime pendant la Seconde Guerre mondiale, peut être réhabilité après sa mort. Mais elle reste très évasive quant à la nature de ce crime. Brunetti mène l'enquête et apprend qu'il pourrait bien s'agir d'un trafic d'œuvres d'art. Lorsque Claudia est retrouvée poignardée dans son appartement, les choses se compliquent. Tandis que certains secrets du passé refont surface, Brunetti doit déjouer les faux-semblants d'une affaire où l'honneur de plusieurs personnes est en jeu. A Venise, les masques dissimulent parfois d'inquiétants visages... " Paru en France en 2005, ce n'est pas la meilleure des aventures de Brunetti mais je prends toujours un plaisir fou à le suivre dans ses enquêtes. 
Savez-vous qu'il existe un site en français consacré de la reine américaine du polar vénitien : http://www.freewebs.com/donna-leon-portal/

Une épicerie à Venise
documentaire réalisé par Elke Sasse
Arte, Visages d'Europe, mardi 23 janvier à 11h05
(Italie, 2005, 26mn)
Rencontre avec les frères Ernesto et Giuseppe Ortis, qui tiennent leur épicerie familiale dans un quartier de Venise encore épargné par les touristes. Une promenade dans les profondeurs de la vie vénitienne où le quotidien n'est pas si facile qu'on pourrait l'imaginer. Dommage que ce petit film ne soit pas rediffusé. Parfois, en écrivant à Arte on a la surprise de pouvoir le télécharger ou bien de le voir rediffuser à l'improviste.

Michel Lambert
Airs de cour
par René Jacobs, Konrad Junghänel (théorbe), Wieland Kuijken (viole), Mihoko Kimura et Dirk Verelst (violon)
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Curiosita, Harmonia Mundi. 2004.
Discrète collection qui reprend des enregistrements du fonds Harmonia Mundi d’une incroyable richesse. Pour les esprits curieux (c’est ce que dit la notice de présentation du catalogue), on trouve les arts Florissants de Willian Christie interprétant magistralement le Cantique de Möyse de Moulinié, Les cantates de la vénitienne Barbara Strozzi avec la voix de Judith Nelson, l’Ensemble Janequin avec les Leçons de ténèbres de Sermisy, Huguette Dreyfus au clavecin qui joue Microcosmos de Bartok… Des pochettes résolument sobres, contemporaines, très légères presque trop épurées mais un contenu d’une belle qualité. J’ai toujours apprécié la politique éditoriale de cette maison de disques. Rappelez vous la création dans les années 70-80 de la collection Musique d’abord qui pour 10 Francs (1,50 €) proposait des enregistrements d’une grande qualité et d’une incroyable diversité. Presque tous les titres ont finalement été réédités mais le prix forcément a changé. Leur politique de développement est intelligente, leur méthode de commercialisation très sobre et surtout leur catalogue d’un éclectisme et d’un goût absolument sûr. Comme on dit d’une oreille qu’elle est parfaite. Bon, je ne sais si ce panégyrique me vaudra un cadeau de la maison arlésienne, mais je revendique mon attachement à cette compagnie !
Revenons-en à Lambert par René Jacobs. Dans un français parfait, le Maestro Jacobs chante avec la délicatesse, le raffinement et l’efficience qui lui sont naturelles (nous sommes en 1981 au moment de l’enregistrement réalisé par l’excellent Jean François Pontefract) ces "airs de cour" composés pour ces concerts qui s’organisaient souvent dans les salons en ville comme à la cour et où régnait une atmosphère précieuse et légère à la fois. Ce n’était pas des réunions prétentieuses mais savantes aurait-on dit à l’époque de gens bien mis, connaisseurs et cultivés. Michel Lambert, "élève" du grand Etienne Moulinié, chantait en s’accompagnant au théorbe. Presque toute son œuvre est consacré à ce genre avec le plus souvent une référence à l’amour et à la mort. Ce disque est un régal. J’aurai pu vous parler, paru dans la même collection, de Judith Nelson interprétant la musique de Barbara Strozzi parce qu’elle était vénitienne (autre disque fabuleux). Mais ces airs de Lambert participent de ma vie vénitienne. Il y a une vingtaine d’années, quand jeune étudiant, je passais les plus belles soirées du monde chez un vieil aristocrate musicien amateur qui connaissait tout le monde à Venise. Je sais bien qu’il réunissait chez lui beaucoup de jeunes gens parce qu’il était très sensible à notre jeunesse et on croisait souvent chez lui de forts jolis garçons et de très belles jeunes filles. Mais il n’eut jamais pour aucun de nous de gestes qui eurent pu nous embarrasser ni ne prononça de propos déplacés. Il nous jouait du Lambert. C’est chez lui que je découvris le théorbe, le plaisir de cette musique paisible, humaine, interprétée parfois par de grandes voix. Je pense à Margaret Zimmermann qui venait parfois chez lui, de ces jeunes musiciens du conservatoire Marcello dont j’ai déjà parlé et qui donnèrent à ma demande un récital pour l’exposition de Missa Yoshida (cf billet mis en lien de novembre dernier). Ce vieux monsieur, aujourd’hui disparu, avait un talent extraordinaire pour rassembler et harmoniser des êtres qui ailleurs ne se seraient jamais rencontrés. N’est ce pas cela l’esprit du XVIIe où la curiosité et la parfaite éducation permettaient de s’ouvrir à la nouveauté, où l’accueil se faisait naturel. Inconnu en pénétrant dans le salon, vous vous sentiez au bout de quelques minutes parfaitement intégré, comme lorsqu’on revient chez des amis de longue date… Cette capacité extraordinaire est une caractéristique de l’aristocratie et diffère tellement de la prétention bourgeoise, de cet esprit recroquevillé, frileux et sans curiosité aucune qui est malheureusement l’apanage de cette classe sociale pourtant pleine de prétention et de complexes. J'en croise tellement d'exemplaires à Venise ou à Bordeaux... Mais laissons-la ces digressions. Lambert et ses airs de cour valent bien mieux que ces considérations sur la bêtise et l'étroitesse d'esprit, surtout quand on écoute ce merveilleux "Vos mépris chaque jour" dont on ne sait pas l’auteur avec la basse continue qui souligne la douleur du chanteur fou d’amour et de dépit : "Vos mépris chaque jour me causent mille alarmes / Mais e" chéris mon sort, bien qu’il soit rigoureux. / Hélas ! si dans mes maux je trouve tant de charmes, / Je pourrais de plaisir, si j’étais plus heureux." La viole et les violons reprennent l’air et le terminent, prolongeant la douleur de l’amoureux transi. Ce qui fait la beauté de l’écriture de Lambert, c’est justement ce passage naturel de la voix à l’instrument. On n’est plus seulement dans l’ornementation. Chaque air possède un double qui loin de nous éloigner du texte, le développe, le souligne et parfois même l’explique. Méditation douloureuse, cette chaconne parle à tous les cœurs qui ont connu forcément à un moment ou à un autre les tourments dont il est question. Écoutez, vous serez conquis.
 
Au passage si quelqu'un peut m'expliquer comment parvenir à mettre du son et des images sur ce blog pour partager avec vous davantage encore de ma passion pour Venise, qu'il n'hésite pas à m'écrire ! Je ne parviens pas à résoudre ce pensum.