Et puis il y a ce sentiment d'appartenance, cette fierté de mettre nos pas dans ceux qui nous ont précédés. Vénitien de sang, je ne suis pas né à Venise - peu s'en est fallu - et si les deux générations d'avant moi étaient davantage liées à Constantinople, Milan et Florence, cette fierté, ce sentiment d'être chez soi, al posto giusto, dans un moment tel que cette fête rituelle, je l'ai toujours ressenti avec force en moi.
Je me souviens de la toute première fois où, étudiant, je décidais de me joindre à la procession. Une grande émotion s'était soudain emparée de moi. Dans mon journal, j'ai retrouvé ces notes :
«J'ai senti vraiment comme une présence invisible. Joyeuse elle m'accompagnait... En fait, je sentais quil s'agissait de l'âme des miens, mes anges comme disait ma grand-mère, tous ceux qui vécurent ici avant moi et qui ont fait que je vive là à mon tour, mettant à mon tour mes pas dans les leurs...»
Ce jour-là, je vous assure que la sensation était très forte, presque palpable physiquement, comme un souffle, une présence...
«ils marchaient tous avec moi, le long de l'étroite calle del Traghetto où débouche le pont votif. Ils m'ont transmis leur foi et leur enthousiasme, tous ceux dont le sang coule dans mes veines, marchands, soldats, marins, médecins, celui qui fut drogman du sultan, l'aïeule qui refusa de quitter Venise quand l'attendait un mariage princier à Candie, [illisible],diplomates, interprètes, poètes, musiciens... D'eux aussi, cette passion pour tout ce qui touche à Venise. Et puis cette impression depuis mes premiers pas sur les "masegne" de la Sérénissime, celle d'être ici depuis toujours, de n'appartenir qu'à ces lieux, ces monuments, ces canaux, ces îles, cette lagune, ma patrie !»
Ces propos maladroits pleins d'emphase, je les ai écrit dans mon journal à dix-sept ans. Je ne m'exprimerai guère différemment aujourd'hui, les lecteurs de Tramezzinimag ne peuvent que le confirmer... Cette Solanità della Madonna della salute ravive à chaque fois ma passion, mon amour pour la cité des doges.
J'ai perdu hélas, une photo qui était rangée dans ce cahier retrouvé. c'est l'amie qui m'accompagnait ce jour-là qui l'avait prise. Elle donnait à voir une figure d'adolescent extatique, la tête un peu penchée comme j'apparais toujours sur les clichés de cette époque. Quand je savais l'objectif pointé sur moi, le regard que j'avais souvent joyeux, se faisait soudain taciturne. Timidité d'adolescent ou coquetterie de celui qui se sait séduisant ? On pouvait croire à mes sourcils froncés qu'être pris en photo me gênait. Il y avait des deux, je pense.
« Tu es encore absent ! » me disait-elle souvent, agacée mais bienveillante. Je devais la rassurer à chaque fois : « Non, non, je suis là avec toi, ce n'est rien. Je pensais». Absent, oui je l'étais, et je le suis resté, surtout au milieu du monde, au milieu des autres. Absorbé en réalité par mille pensées, j'avais du mal à être vraiment là où mon corps se trouvait, avec les gens qui m'entouraient.
Difficile à expliquer, je n'étais plus un jeune garçon que la vie et le monde effarouchaient et pourtant... La mèche en désordre sous le bonnet de laine, ce bonnet aux couleurs vives unies que nous portions tous, selon la mode d'alors, roulé sur le haut du crâne sur nos cheveux longs, imitant sans le savoir les garçons de Carpaccio (ignorions-nous vraiment cette ressemblance après tout ?), je m'étais accoudé à une barrière. L'évasion de mes sens et de mes pensées ne traduisaient ni l'ennui ni la tristesse. Juste la contemplation d'un ailleurs qui pourtant avait tout à voir avec l'endroit précis où nous trouvions.
- 1,5 kg de viande de mouton préparée,
- 1 beau chou de Milan frisé
- 1 céleri-branche,
- 250g de pommes de terre
- 2 carottes
- 3 beaux oignons,
- 1 gousse d'ail
- herbes & aromates : thym, laurier, romarin, baies de genièvre
- Huile d'olive,
- sel et poivre
- Bicarbonate de soude
Retirer la viande du feu et laisser refroidir dans un endroit frais.
Retirer la graisse du bouillon quand elle se fige sur le dessus.
Quand le bouillon est prêt, rajouter la viande refroidie découpée en morceaux. Laisser cuire le tout à petit feu pendant cinq heures pour obtenir le ragoût.
Pendant ce temps, laver le chou, enlever les feuilles blanches et le couper en morceaux.
Faire revenir oignon et ail hachés dans une casserole. Quand l'oignon est fondu verser le chou. Laisser cuire environ six à sept minutes, assaisonner avec du sel et du poivre fraîchement moulu, en arrosant régulièrement le chou avec du bouillon de légumes si nécessaire.
Enfin, ajouter la viande au chou, laisser ce dernier finir de cuire.
Quand le chou est cuit, le mélange doit être moelleux.