11 juin 2016

Le secret professionnel de l'île la plus secrète de Venise, la Giudecca

Crédit photographique ©  Jean-Pierre Dalbéra - 2016 - Tous droits Réservés


Dimanche dernier, mon ami Francesco Rapazzini était l'invité du 219e numéro de Secret Professionnel, l'émission de Charles Dantzig, pour parler de l'île de la Giudecca sur laquelle il a écrit de très belles pages pour le magnifique ouvrage publié par les éditions Robert Laffont pour la collection Bouquins. Francesco est écrivain, vénitien d'origine, mais aussi journaliste, aussi sait-il parfaitement parler à la radio. C'est toujours un plaisir de l'entendre avec son accent italien que je le soupçonne d'entretenir alors qu'il vit en France, à Paris, depuis vingt-cinq ans. Coquetterie ? Non pas, juste un indicible rappel de son appartenance. Il est né de père milanais mais a grandi auprès de sa mère à Venise, à la Giudecca précisément, et encore plus précisément dans la maison même de Giorgio Baffo, du moins son casino sur la Fondamenta di Ponte Longo, une de ces maisons que les patriciens emménagèrent dès la fin du XVIe siècle pour y faire de la musique, y donner des bals et jouer aux jeux de hasard que l’Église longtemps réprima.

Lorsque je l'ai connu, au hasard d'un traghetto en vaporetto, entre le Lido et les Zattere, alors que je revenais de la Mostra del Cinéma avec un de ses amis, Francesco ne savait pas encore trop ce que serait son devenir. Il ne parlait pas le français mais il écrivait déjà. Les années passèrent, nous nous sommes perdus de vue après mon mariage. La dernière fois que je l'avais vu, ma fille Margot venait de naître. Nous n'avions jamais vraiment cessé de nous écrire, puis les lettres se sont raréfiées de ma part comme de la sienne et un jour il m'annonça sa venue à Bordeaux, dans notre appartement de jeunes mariés... C'était au début du Printemps il me semble. Je devais partir pour Antibes où m'attendaient mon épouse et notre petite fille. Ce furent trois ou quatre jours merveilleux de retrouvailles et d'amitié, qui je crois furent parmi les éléments qui déterminèrent Francesco à laisser quelques années plus tard, Milan et Venise pour s'installer en France. Aucune prétention dans ces lignes.

Crédit photographique © Giovanni dall'Orto - 2008 - Tous droits Réservés
 
Je ne voudrais pas laisser à penser que je puisse avoir eu autant d'influence, mais je sais le raisonnement qu'a tenu à l'époque le jeune étudiant en droit un peu acteur et modèle qu'était alors Francesco. Tout le monde passe un jour par Venise, tout le monde y vient mais peu y restent. A chaque rencontre qui comptait dans sa vie, le jeune giudecchino se retrouvait un jour ou l'autre face à la douleur du départ de ses amis et cette sensation d'abandon s'est muée en désir de partir à son tour. Il a roulé sa bosse, exercé plusieurs métiers jusqu'à ce que l'écriture, le journalisme - talents (et virus) inscrits dans son code génétique puisqu'il est entouré dans sa famille par des artistes, des savants... jusqu’à Vittoria, sa propre mère qui est écrivain et directrice de revues - pour finalement devenir cet écrivain véritable et prolixe que nous connaissons. La vie parisienne ne l'empêche pas de rester profondément italien, et plus que cela, vénitien.

J'invite les lecteurs de Tramezzinimag à se pencher sur sa bibliographie. Elle est dense et Francesco écrit sur des sujets fort intéressants. Nous avons à plusieurs reprises cité ses ouvrages dans ces colonnes. Lisez-le, vous m'en direz des nouvelles. C'est bien écrit, gourmand, esthétique, profond, intelligent. A son image. 
 
 
Francesco Rapazzini parle de la Giudecca avec Charles Dantzig 
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