27 novembre 2016

Vacances à Venise (1955)

Après un weekend dévolu aux documentaires avec la découverte de l'extraordinaire Trilogy of Solitude réalisé par Glenn Gould et Journal de Voyage avec André Malraux, qui feront l'objet chacun d'un billet prochainement sur Tramezzinimag), détente avec Summertime de David Lean, film de 1955 qui est un de mes films favoris que j'aime beaucoup revisionner pour me détendre et retrouver l'idée de la Venise qui existait encore lorsque j'étais un tout petit enfant mais que je ne connais que par ce qu'ion m'en a raconté. Si j'y avais vécu alors m'en serai-je souvenu ? 

Vacances à Venise c'est aussi pour moi l'affiche de Venezia Città del Cinema, l'exposition de photographies créée en 1985 par Roberto Ellero, alors  Directeur des Activités cinématographiques à l'Assessorat à la culture, (actuel responsable démissionnaire du Circuito Cinema), dont le catalogue, L'immagine e il mito di Venezia nel cinema (L'image et le mythe de Venise au cinéma) que j'ai eu le plaisir de traduire en français, reste à ce jour le répertoire le plus complet de tout ce qui a été tourné à et sur Venise depuis le film daté de 1896 réalisé par Albert Promio, l'opérateur des Frères Lumière (un billet de Tramezzinimag aujourd'hui irrémédiablement perdu dans les limbes par la mauvaise foi de Google et de ses sbires était consacré à cet ouvrage). Sur cela aussi, Tramezzinimag reviendra dans un prochain billet. Bonne fin de dimanche et bon lundi à vous.

Venise chantée par Nietzsche


Friedrich Nietzsche rédige son poème 'Venise" en 1888. Il le recopie dans Ecce homo, en notant cette phrase devenue célèbre : "Quand je cherche un autre mot pour musique, je ne trouve jamais que Venise"(1) Il avait séjourné dans la cité des doges quelques années auparavant. En 1880, puis en 1884 et aussi en 1886. C'est à Venise qu'il écrivit Aurore, sous-titré Réflexions sur les préjugés moraux, avec en exergue cette belle citation du Rig Veda  "Il y a tant d'aurores qui n'ont pas encore lui". dont il dicta les aphorismes sous le titre L'Ombra di Venezia, au musicien Frierich Köselitz (que Nietzsche avait rebaptisé Peter Gast). Philippe Sollers souligne, dans son Dictionnaire amoureux, combien les termes musique et silence reviennent souvent lorsque le philosophe parle de ses séjours à Venise, notamment dans ses lettres à l'ami Köselitz-Gast, "...Un seul endroit sur terre, Venise". (2) 
An der Brücke stand 
jüngst ich in brauner Nacht.
Fernher kam Gesang : 
goldener Tropfen quoll’s 
über die zitternde Fläche weg. 
Gondeln, Lichter, Musik - 
trunken schwamm’s in die Dämmrung hinaus… 

Meine Selle, ein Saitenspiel, 
sang sich, unsichtbar berührt, 
heimlich ein Gondellied dazu, 
zitternd vor bunter Seligkeit. 
- Hörte Jemand ihr zu ?…
Accoudé au pont,
j’étais debout dans la nuit brune
De loin, un chant venait jusqu’à moi.
Des gouttes d’or ruisselaient
sur la face tremblante de l’eau.
Des gondoles, des lumières, de la musique.
Tout cela voguait vers le crépuscule.     

Mon âme, l’accord d’une harpe,
se chantait à elle-même,
invisiblement touchée,
un chant de gondolier,
tremblante d’une béatitude diaprée.
- Quelqu’un l’écoute-t-il ?

(Traduction de Guy de Pourtalès)       
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1 - :  "Wenn ich ein andres Wort für Musik suche, so finde ich immer nur das Wort Venedig".
2 - : In- Philippe Sollers, Dictionnaire amoureux de Venise, Plon éditeur, 2004., pp. 343-352.