Dix-neuvième année - Nouvelle édition. Les Hors-Textes de Tramezzinimag :

24 mars 2007

Albrecht, Leonardo et les autres

Dürer, on l'a vu, vint deux fois à Venise. Nombreux furent les artistes qui y sont venus, qui s'y sont installés et dont l’œuvre en a été changée. Léonard de Vinci travailla à Venise. on sait que le 3 mars 1500, il était chez le facteur d'orgue Lorenzo Gugnasco à qui il montra le portrait au fusain de la belle Isabelle d'Este qu'il venait de réaliser à Mantoue. Il était accompagné par son ami, le mathématicien Fra Luca Pacioli précurseur de la comptabilité moderne, qui était déjà relativement célèbre à Venise après un cours de géométrie qu'il donna dans l'église San Bartolomeo et qui attira de nombreux intellectuels de la ville. Son traité des proportions servit beaucoup à Léonard qui illustra l'édition vénitienne de ses œuvres. On a tellement de détails sur les journées de Léonard à Venise qu'on pourrait presque écrire le journal de sa vie vénitienne. Le vin bu en compagnie du Capitaine de galère Alvise Salomon, Provéditeur de San Marco qui se rendit célèbre dans la lutte contre les turcs qui expliqua à l'artiste ses théories de stratégie navale, le connétable de la République à de Ravennes Marco da Rimino, le chanoine des Sti apostoli, un certain Stefano Chigi, le juriste Antonio Frisi, garde des sceaux du doge, et le fameux Fra Giocondo archéologue et féru d'antiquités qui fut l'un des plus grands architectes civils et militaires de l'époque.

L'écrivain Diego Valeri a laissé un compte-rendu des séjours du peintre tellement détaillé qu'on croirait lire le scénario d'un film documentaire. Quelle période extraordinaire où les esprits les plus brillants du moment mettaient en commun leurs intuitions et leurs réflexions pour éclairer l'humanité. Le Sénat de Venise ne s'y trompait pas qui accueillait à bras ouverts ces jeunes savants, artistes, penseurs et philosophes qui en faisant sortir l'humanité de l'obscurantisme médiéval (cela serait à nuancer) pouvait servir les intérêts de la République.

 
C'est ce qu'exprime ce tableau représentant le célèbre moine mathématicienen train de travailler. Mystérieuse peinture dont on ne sait pas grand chose. Le jeune homme aux longs cheveux frisés et aux vêtements soignés passait pour être Léonard de Vinci au moment où les deux hommes livrèrent à l'éditeur les épreuves du fameux traité de mathématiques en même temps qu'ils donnaient des conférences révolutionnaires. Mais aujourd'hui puisqu'on est certain que l'auteur de ce tableau n'est autre que Jacopo da Barbari, le jeune homme au second plan est certainement Albrecht Dürer qui s'intéressa lui aussi aux travaux de Fra Pacioli. 
 
En revanche on s'accorde toujours pour dire que le volume en verre ou en mica au premier plan, appelé polyhèdre pour faire savant à mon tour, aurait été peint par Léonard de Vinci qui se rendit plusieurs fois dans l'atelier de Barbari. C'est d'ailleurs à Venise qu'il commença sa fameuse Sainte Anne avant de repartir pour Milan et Florence. 
 
On voit combien tout ce petit monde de la Renaissance évoluait ensemble, se stimulant par leurs travaux communs mais aussi leurs parties de plaisir. on imagine ainsi ces jeunes gens se promener en barque sur les canaux, rendre visite à leurs aînés dont ils venaient entendre l'enseignement, sachant faire les courtisans quand il le fallait parce que sans les grands, les puissants leur art, leur science, leur recherche n'étaient rien. Imaginez combien Venise devait être animée : les artistes dans leurs boutiques, les savants dans leurs salles d'étude, les imprimeurs devant leurs presses, les moines dans les bibliothèques recopiant les antiques et les riches marchands ramenant sans cesse de nouveaux documents, des pièces uniques d'archéologie, et les jeunes femmes séduites par tous ces beaux esprits qui participaient souvent aux réunions savantes et illuminaient les bals de leur rayonnante beauté.

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