..On a souvent "prétendu
que l'Italie de la renaissance était dominée par l'idée d'art. C'est
une confusion : ce qu'on appelle ici art n'a rien à voir avec les
Beaux-Arts. C'est en réalité le triomphe de la logique, la perfection,
raisonnée en toutes ses parties, qu'un souverain donne à l’organisation
de ses états... Bref, l'idéal propre à tous les ouvriers de la pensée."
..C'est avec ces quelques mots lus d'un ouvrage de Müntz,
qu'un de mes maîtres me fit comprendre pourquoi la Renaissance a tant
tardé à s'introduire à Venise et pourquoi Venise n'apparait pas aux yeux
des historiens comme un lieu moteur et innovateur dans la création
artistique de cette période extraordinairement féconde partout en
Italie. Le doge avait bourse et poings liés par le Sénat qui, par sa
nature et ses fonctions, restait dans tous les domaines autres que ceux
qui pouvaient contribuer à la protection des acquis de la république, de
son pouvoir, son influence et de sa fortune, très conservateur et
frileux. Le système politique de la Sérénissime évitât la dictature et
permit aux vénitiens une certaine liberté enviable à l'époque, mais
freina beaucoup les inventions de l'art. L'inquisition veillait aussi.
Pourtant, avec les échanges commerciaux et l'importance de l'activité
portuaire, Venise voyait passer du monde et parmi eux des savants et des
artistes dont les idées et les innovations forcément essaimaient les
esprits. C'est ainsi qu'on ne peut imaginer le passage à Venise de Leonardo da Vinci
sans qu'ait eu lieu un échange de nature philosophique, scientifique ou
artistique avec ceux qu'il a pu rencontrer pendant son séjour.
..C'était en mars 1500. Le XVIe siècle n'avait pas trois mois. On sait qu'il était chez le célèbre luthier Gugnasco, derrière San Zaccaria, à qui il montra le portrait au fusain qu'il venait de réaliser d'Isabelle d'Este (cf Tramezzinimag, billet du 24/3/2007).
La tradition voudrait que les plans et dessins des navires amphibie,
ancêtres des sous-marins, aient été dessinés pendant son séjour. On sait
qu'il rencontra des esprits brillants et cultivés et sa renommée lui
aura forcément fait prendre contact avec les plus grands artistes
vénitiens... Que
n'avons-nous pas de témoignages vidéo ou simplement sonores de cette
période... Si seulement cela avait existé alors, quelle richesse pour
nous... Nous saurions ce qui fut dit, la nature des échanges chez les
uns ou chez les autres et qui forcément contribuèrent à l'évolution des
idées, la modernité entrant comme un courant d'air dans les palais comme
dans les esprits vénitiens.
..Mais
qu'importe les hommes, ce qui compte avant tout, c'est l’œuvre d 'art
elle-même et la personnalité de son auteur n'intéresse que dans la
mesure où elle permet d'expliquer la genèse et l'esprit de cette œuvre.
Ne fait-on pas de nos jours trop cas de l'auteur de l’œuvre, glosant sur
le pourquoi du comment ? Mais l'artiste est avant tout l"intermédiaire
qui transforme une intuition, une idée, un ressenti en son expression
visible et accessible à tous... Un besogneux doué d'une intuition et
naturellement d'un savoir-faire du même type finalement que celui du
boulanger ou de l'ébéniste... Saviez-vous que pour les grecs, le mot qui
servait à désigner un sculpteur servait aussi pour définir un simple
fabricant d'assiettes ?
..Mais
le sujet mériterait bien des développements qui ne peuvent trouver leur
place sur un blog. Nos temps sont au court, au rapide, au pré-digéré.
Un critique n'a-t-il pas écrit il y a quelques années, au sujet des
billets de ce blog, qu'ils étaient trop longs et trop sophistiqués. J'ai
pris cela comme un compliment... Encore une autre histoire... Bonne dernière semaine de l'année à mes lecteurs!
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