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24 avril 2024

Pamphlet pour rire et éviter d'avoir un jour à pleurer quand il sera trop tard...

Il n'y a peut-être pas plus de 49000 et quelques habitants permanents à Venise (chiffre qui ne prend pas en compte les étudiants qui étudient à Venise et sont beaucoup à vivre dans le centro storico, les Fous de Venise de tous pays qui y ont un logement en pleine propriété ou loués à l'année, ceux qui sont fiscalement déclarés comme résidents dans d'autres régions d'Italie et passent la plupart de l'année dans Venise sans y payer leurs impôts ou avoir des choses à leur nom, les SDF et les migrants), mais il y a toujours la vie. Et avec elle la joie de vivre à Venise. Un lieu unique, je ne vous l'apprends pas où même dans des conditions vite plus difficiles qu'ailleurs. 

Nombreux sont les témoignages quotidiens de vénitiens, de sang, ou d'adoption, sur le net : il suffit de regarder tout ce qui se publie sur Instagram ! La gabelle imposée par la junte municipale ne changera pas grand chose même si Brugnaro parvient à l'imposer définitivement - ce qui est loin d'être acquis - mais elle aura eu le mérite de faire parler de la situation et d'informer le monde de ce point de non retour qui peut se résumer ainsi : Venise se vide a vitesse grand V et parallèlement se gonfle dangereusement chaque jour avec l'afflux de milliers de visiteurs, ces fameux touriste UNESCO que d'aucuns rêvent d'enlever le droit au voyage. Si on ne peut plus vivre correctement au quotidien à Venise quand on n'est ni propriétaire ni millionnaire, quand il faut faire des kilomètres pour trouver une laverie, un épicier ou un quincailler, quand les magasins qui ferment sont automatiquement remplacés par des boutiques de pacotille pour gogos, que les bars et les restaurants passent de plus en plus sous pavillon chinois, il y a de quoi s'interroger. 

Quel avenir pour Venise de plus en plus étouffée par le tourisme de masse ? Certains à l'humour aiguisé parlent d'un Venezialas (comme à Las Vegas), il y en a qui sérieusement se demandent s'il ne faudrait pas envisager de bâtir quelque part sur la terraferma, près de la mer tout de même un vaste complexe qui reproduirait une grande partie de la Venise historique, ses monuments, son ambiance et où on pourrait loger (comme au Futuroscope ou à Disneyland), entendre parler vénitien, visiter des intérieurs recopiés, des expositions virtuelles, voire même pour les plus curieux et les moins incultes, des exposition des vrais chefs-d’œuvre que prêterait la vraie Venise... 

Il y aurait des animations, des promenades sur les canaux reconstitués, des concerts dans les rues, des fêtes à répétition, et des tas de loisirs. l'entrée serait payante, l'amplitude d'ouverture très large avec des feux d'artifice vrais ou virtuels, des bals, des concerts de rock ou les plus grands DJ viendraient se produire et de grands banquets gorgés de spécialités locales ; les cloches, copies conformes des vraies, sonneraient à l'identique, avec le même son et aux mêmes moments, les pigeons pourraient y être nourris par les gogos qui se feraient photographier avec ces bestioles sur la tête ou avec quelques plantureuses roumaines déguisées en marquises sorties des tableaux de Bellotto ou de Guardi... Place à l'imagination !

 

Le pharaonique projet du couturier Cardin à Marghera

Ce magnifique parc d'attraction serait dédié à Cardin bien sûr qui rêvait d'édifier un building géant sur la terraferma juste au bord de la lagune (Dieu qui aime Venise l'aura rappelé a posto pour éviter que les dégâts soient irrémédiables et ses héritiers ont abandonné la projet). Il créerait des tas d'emploi et seraient prioritaires pour y accéder les migrants assistés, mal traités, mal logés qui trouveraient dans cette réplique de la Sérénissime de quoi se nourrir, se loger, se vêtir et peut-être envisager avec sérénité de pouvoir faire des études, celles qu'ils ont le plus souvent dû abandonner pour quitter leurs pays en proie à la guerre ou à la famine... L'argent qui coulerait forcément à flots, servirait à restaurer la Sérénissime, à rénover un maximum de logements, à financer le retour de la population. Les Airbnb y seraient interdits ou en nombre légalement très limité et pendant quelques semaines dans l'année, mais seulement lorsque la demande de logement permanents réservés aux vénitiens et aux étudiants serait assurée (on a déjà commencé d'interdire les cadenas), les boutiques de colifichets Made in China seraient fermée et remplacées par un véritable artisanat d'art de qualité que la ville exporterait dans le monde et pourrait largement triompher de la camelote genre Temu qu'on propose désormais jusque sur la Piazza. Il n'y aurait que les vrais bons restaurants casalinghe, des tout simples comme des grand luxe, Un quota réduit et bloqué d’hôtels, de pensione et d'auberges de tous niveaux suffirait à accueillir ceux qui viennent y travailler temporairement ou y faire un stage, visiter la vraie Venise. 

Combien de palaces s'ouvrent dans des palazzi scandaleusement cédés à des fortunes privées, peu recommandables et se transforment en auberges de luxe presque toujours vides qui ne serve qu'à blanchir de l'argent pas très propre, font faillite rapidement, puis sont rapidement revendus au prix fort et ainsi de suite...

Les familles seraient soutenues pour venir se réinstaller dans la ville, les loyers encadrés, les travaux subventionnés ; La gestion courante serait supervisée par les organisations internationales qui installeraient dans le centre historique plusieurs de leurs entités, comme le tribunal international pour la protection de la nature, l'Unesco, des grandes écoles pourraient compléter le pôle universitaire. Les pays du G7 n'ont-ils pas prévu d'y tenir leurs sessions régulièrement à Venise ? Dans quelques semaines, ce seront les ministres de la justice du G7 qui siègeront pendant plusieurs jours...

Palazzo Zorzi, Siège de l'Unesco à venise
 

Ainsi l'argent affluerait du monde entier pour conserver ce joyau unique de la civilisation occidentale, cet ultime témoin du lien naturel entre l'Orient et l'Occident, gardienne du modèle culturel et artistique byzantin et chrétien. 

Comme devraient l'être Jérusalem ou Rome, Alexandrie, Athènes et d'autres hauts-lieux de notre culture, ces villes pourraient devenir des lieux d'extraterritorialité, échappant aux calculs et combinazione politiques, gérées et contrôlées par des sages, des savants et des intellectuels, représentant les Nations libres, sans parti pris, sans orientation politique, sans enjeux politiques. La reine de l'Adriatique retrouverait son statut de ville-état, son autonomie, parangon d'une qualité de vie unique où règnent la beauté et la culture, les arts, les lettres et un art de vivre qui rendent la ville de Saint Marc unique au monde.

On y conserverait les usages et les traditions tout en ouvrant grandes les portes de la cité à l'innovation, à la recherche, aux débats et aux créations. La Biennale d'art, celle d'architecture, de danse ou de théâtre comme la Mostra du cinéma seraient gérées sous surveillance de l'Unesco, du Parlement européen ou de l'ONU. 

étudiants réclamant un logement décent à San Giobbe
 

Tous auraient leur siège officiel, protocolaire à Venise. Voilà ma vision utopique de la Venise d'après nous, sauvée des eaux par la pointe de la technique qui au-delà du MOse dont on verra vite les limites catastrophiques, fera la part belle aux savoirs anciens, aux techniques éprouvées qui ont réussi jusqu'aux temps modernes à la sauver des eaux. La population sera de nouveau nombreuse, tant les opportunités de logement, de travail et le cadre de vie attireront les gens. 

Les politiques d'aménagement, de logement, de formation, de santé, d'aide sociales renoueront avec les principes éthiques de la République. Faire en sorte que le peuple de boutiquier que dénonçait Jean Lorrain je crois, redevienne ce peuple de marchands qui domina le monde par sons avoir-faire, sa détermination et la qualité de ses produits. Forte de l'enseignement de plusieurs siècles de déploiement du capitalisme, des trop longues années de déshumanisation et de la recherche pathologique de toujours plus de profit, Venise a toujours été un modèle. On y a mis au point tellement de choses dans tellement de domaines qu'il serait tout naturel que le monde lui redonne les moyens de jouer à nouveau ce rôle. 

Il est doux de rêver n'est-ce pas. Mais il serait tellement doux de savoir que les hommes de bonne volonté vont ouvrir leurs yeux et leur coeur, oublier leurs calculs égoïstes et faire mentir l'idée que les civilisations sont mortelles. Lacan s'il vivait encore aurait bien des leçons à leur - à nous - donner sur cela. Sauver Venise, ce n'est pas s'assurer que monuments et œuvres  d'art soient protégées, entretenus et assurées, c'est simplement entendre ce que disent les vénitiens, ce qu'ils attendent, ce dont ils sont besoin. Ne pas vouloir faire de Venise une ville comme les autres mais adapter les besoins d'aujourd'hui à sa structure, se fier à ce que les vénitiens ont mis en place au fil des siècles, pour la voirie, l’entretien et la protection des eaux, privilégier les besoins premiers des vénitiens : se loger, se nourrir, se soigner, se divertir, et pour les plus jeunes, apprendre, jouer... 

©Tramezzinimag , avril 2024 - IA by Canva   

Sans véritable rapport, cette photographie créée par l'Intelligence artificielle. A regarder de près, on voit que cette fameuse IA ne remplace pas le talent d'un vrai photographe mais l'atmosphère qui se dégage de ce cliché m'a paru convenir à ce coup de gueule un peu naïf et mal écrit. J'avais demandé à l'ordinateur de créer une photographie de jeunes vénitiens en train de manger une glace au bord d'un canal. Voilà le résultat. Ce n'est pas du grand art, il faut l'avouer. Le souvenir de la photo truquée de la Princesse de Galles nous rappelle que la technique a ses limites.

Mais pour cela comme pour le reste, gardons espoir, gardons l'humour et la foi en l'homme, in spite of.




 

02 mars 2024

Les années passent, l'essentiel demeure

© Yves Bauchy -2012 - Tous Droits Réservés.

Republié à sa date d'origine, «Le Gardien du pont» (30/09/2012) un billet de fantaisie comme les appelait un vieil ami vénitien aujourd'hui disparu. En relisant ce petit texte léger et sans prétention, j'ai revu la scène originale qui donna ces lignes, près de douze ans plus tôt. Encouragé par les 452 lecteurs (dix fois plus que d'habitude !)du précédent article qui évoquait la médiocrité et l'imposture, je ne résiste pas au plaisir de vous en donner le lien, car il n'est pas évident qu'en passant par nos pages, le visiteur ait l'idée, l'envie ou le temps d'aller voir dans les années passées...

Pourtant, on ne peut que constater que rien n'a vraiment changé. Les images que nous donnions à voir alors de Venise sont pour la plupart semblable à la Venise d'aujourd'hui. Un peu plus de monde, des tensions plus prégnantes qu'avant, d'autres disparues ou soignées. Venise montre qu'elle demeure bien vivante.

Sur Instagram, l'amie Ilona, pianiste et vénitienne d'adoption dans son @quiviviamobene poursuit cet état d'esprit positif que l'on retrouvait dans tous les blogs consacrés à Venise. Dans ses publications,
je retrouve depuis toujours une certaine familiarité de coeur et d'esprit. Je vous les recommande, si vous ne les connaissez pas encore.

Pou l'occasion, Tramezzinimag a invité dans ses pages un ravissant matou bordelais de  nos relations, qui a bien voulu accepter de prendre la pause et d'avoir son élégance posture publiée dans nos pages.

Bonnes lectures et bon dimanche ! 

Venezianamente

12 février 2023

Le Retour...

Mille fois pardon aux lecteurs qui m'écrivent, étonnés de mon silence, inquiets ou mécontents de ne plus retrouver régulièrement leur Tramezzinimag. Certes, entre 2005 qui vit naître le premier blog et 2023, les goûts et les habitudes ont changé. De revue en ligne on m'a conseillé de passer aux « brèves », faciles à lire, ce format ultra-court que les nouvelles générations préfèrent... Un jeune lycéen m'avouait candidement l'autre jour « J'aime beaucoup lire mais les gros livres, les longs textes, ça me fait peur » et la jeune fille qui était avec lui ajoutait « Moi, je cherche tout de suite le résumé ou un abrégé ». Ils ne lisent jamais les journaux, encore moins les revues, mais sont au courant de tout instantanément et en permanence, saturés d'images qui frappent...

Trop sollicités par les réseaux sociaux, sur le fond, nous avons pris l'habitude du drame et attendons chaque jour une nouvelle dose de tragédie universelle. Les images flash et choc ont pris le dessus. L'information immédiate plutôt que la réflexion et le commentaire... Il faut faire avec. L'humain est toujours pressé désormais. On peut dire, avec ce que nous avons fait de la planète, que cette fuite en avant, semble donner raison à ces pessimistes qui voient dans tout cela une sorte de suicide collectif ; la fin autoprogrammée de notre espèce, qui peu à peu laisserait se déliter tout ce qui fait l'humain en poursuivant d'épouvantables chimères baptisées Progrès, Croissance, dans un monde sous l'influence négative de l'information en continu, qui distille jour après jour, la peur et l'angoisse et réduit l'espoir et le bonheur à des chimères...

À Tramezzinimag, point de pessimisme ou de pensées mortifères. A l'image de Venise, - qui comme toujours, montre l'exemple - notre chère Sérénissime, qu'on dit depuis longtemps agonisante, remugle d'une civilisation moribonde, voire déjà en décomposition, regardez-la, en dépit de tout et contre attente, elle paraît plus que jamais ardente, vibrante, rayonnante, attirant toujours autant - hélas - des millions de visiteurs ébahis, mais que sa population native ou d'adoption refuse de laisser considérer comme un musée ou un parc d'attractions. Ne contredit-elle pas, un fois encore, toutes ces idées bien noires évoquées plus haut 

Pour conclure, Tramezzinimag reste ce qu'il a toujours souhaité être, une revue qui met en avant Venise et sa civilisation, la beauté de son quotidien, les merveilles de son histoire, souvent source de leçons pour le monde moderne. 

17 mai 2021

A Bigger splash par Lisa Hilton

L'écrivain L
isa Hilton vient de publier dans la revue en ligne AirMail dans son numéro 96  récemment (en anglais) un excellent article sur un conflit qui oppose la municipalité et le maire aux propriétaires de certains grands palais sur le Canalazzo ou ailleurs dans la vie et qui ont trouvé avec la Biennale le moyen d'assurer l'entretien et parfois la restauration des bâtiments historiques dont ils ont la charge et qui ont pu jusqu'à ce jour rester propriété privée au lieu de devenir d'énièmes auberges de luxe ou pseudo luxe pour nouveaux riches russes et chinois, rois du pétrole et vieilles ex-starlettes du porno. 
 
En effet, l'administration n'entend pas se laisser concurrencer par les familles patriciennes dans la compétition pour les pavillons nationaux de la Biennale. La Municipalité dispose d'un patrimoine immobillier qui coûte une fortune et comme il est impossible de tout transformer en centre commercial de luxe ou en palace. 
 
Filippo Gaggia (Dir. Views on Venice Estates), Hughes Le Gallais (Ca' Del Duca) et Mario Donati (Palazzo Quarini-Vianello) .

Voici le lien de l'article pour ceux qui lisent l'anglais :  ICI

18 février 2021

«O mein papà» par Nilla Pizzi

 
Souvenirs d'enfance. Une chanson que fredonnait ma mère quand j'étais enfant et que j'avais appris à chanter très jeune. L'air est un peu démodé et l'origine allemande de la mélodie rappelle l'époque à laquelle elle fut à la mode, quand l'Italie se fourvoyée dans sa funeste alliance avec l'Allemagne nazie, l'URSS de Staline et le Japon, cet axe criminel qui généra l'une des plus grandes boucheries qu'ait connue l'Humanité. Mais la chanson est belle et émouvante. Elle réveille mille souvenirs d'enfance, l'amour d'un fils pour son père et le chagrin de l'avoir perdu trop tôt et d'avoir aujourd'hui un âge qu'il n'a jamais atteint. 
« O mein papà, sei l’uomo più adorabile. / O mein papà, sei l’uomo più sincero,/ O mein papà, sei tanto caro e amabile, /e nel tuo cuor c’è solo la bontà. / Degli occhi tuoi gli sguardi m’accarezzano / perché, lo so, per te son bimbo ancora./ O mein papà, fratello e amico unico,/ O mein papà, sei tutta la mia vita. / E se l’amor potesse far miracoli, / vorrei tornar bambino insieme a te./ O mein papà, o mein papà, o mein papà.

Certaines strophes n'ont plus été reprises avec le temps. Elles marquaient une vision du monde qui n'est plus du tout politiquement correcte de nos jours. 

«Quand’ero bambino, / l’amico più caro sei stato tu solo, papà. / Tornavi piccino, per farmi giocare / e imitavamo i negri e gli indù. / Ta ta pum – Ta ta pum – Ta ta pum./ Fra tanto clamor, sembrava il Far West / la casa tra i fior… laggiù. / Se a volte guastavo i miei balocchi / e il pianto sgorgava dal cuor,/ col tuo bel sorriso, baciandomi gli occhi, / si dileguavan tristezze e dolor.»

On y parle de jouer en «imitant les nègres et les Hindous», jargon connoté qui passe aujourd'hui pour du racisme comme apparaissent racistes Tintin et le capitaine Haddock, les héros de notre enfance. C'est vrai que quand nous jouions enfants, l'indien perdait toujours, il était le méchant et le gentil cow-boy s'avérait toujours plus fort que les apaches et les sioux, que nous appelions les sauvages. Que tout cela est loin désormais. Mes propos, pourtant simple réminiscence de l'enfance et commentaire innocent d'une chanson, émouvant souvenir de mes jeunes années, vont certainement être jugés réactionnaires par les «modernes», victimes consentantes de la pensée unique et du lavage de cerveau.Mais qu'importe les pisse-vinaigres, je ne vais rien censurer de mes souvenirs et la nauséabonde cancel culture ne passera pas chez Tramezzinimag ! Nous ne portons pas la responsabilité des erreurs commises par ceux qui vinrent avant nous.

29 novembre 2020

Tramezzinimag invite l'écrivain Mustapha Dahleb :

J'ai le plaisir de livrer à votre appréciation ce petit texte qu’un ami dominicain m’avait fait connaître quelques jours après le début du premier confinement. Publié par un écrivain arabe et médecin, dans la Tribune Juive le 20 mars 2020, il nous appelle à la sagesse et à prendre du recul. Je l'avais lu avec délices. Et si, avec le temps, "le petit machin" a continué de tout bousculer, il n'a pas entamé - il ne doit pas entamer - l'Espérance et la Joie, ces deux vertus lumineuses qui aident à résister à la peur, résister à la colère et à sa fille dévoyée, la haine, à résister au désespoir. Gardons notre ardeur en ce premier jour de l'Avent !

Gustav Klimt. Hope. II. 1907-1908. Détail. MOMA. NY

L’humanité effondrée et la société ébranlée par "un petit machin"   

par Mustapha Dahleb*

Un petit machin microscopique appelé coronavirus bouleverse la planète. Quelque chose d’invisible est venu pour faire sa loi. Il remet tout en question et chamboule l’ordre établi. Tout se remet en place, autrement, différemment. 

Ce que les grandes puissances occidentales n’ont pu obtenir en Syrie, en Lybie, au Yemen, ce petit machin l’a obtenu : cessez-le-feu, trêve... Ce que l’armée algérienne n’a pu obtenir, ce petit machin l’a obtenu (le Hirak a pris fin). Ce que les opposants politiques n’ont pu obtenir, ce petit machin l’a obtenu (report des échéances électorales... Ce que les entreprises n’ont pu obtenir, ce petit machin l’a obtenu : remise d’impôts, exonérations, crédits à taux zéro, fonds d’investissement, baisse des cours des matières premières stratégiques... Ce que les gilets jaunes et les syndicats n’ont pu obtenir, ce petit machin l’a obtenu : baisse de prix à la pompe, protection sociale renforcée... 

Soudain, on observe dans le monde occidental le carburant a baissé, la pollution a baissé, les gens ont commencé à avoir du temps, tellement de temps qu’ils ne savent même pas quoi en faire. Les parents apprennent à connaître leurs enfants, les enfants apprennent à rester en famille, le travail n’est plus une priorité, les voyages et les loisirs ne sont plus la norme d’une vie réussie. Soudain, en silence, nous nous retournons en nous-mêmes et comprenons la valeur des mots solidarité et vulnérabilité. Soudain, nous réalisons que nous sommes tous embarqués dans le même bateau, riches et pauvres. Nous réalisons que nous avions dévalisé ensemble les étagères des magasins et constatons ensemble que les hôpitaux sont pleins et que l’argent n’a aucune importance. Que nous avons tous la même identité humaine face au coronavirus. Nous réalisons que dans les garages, les voitures haut de gamme sont arrêtées juste parce que personne ne peut sortir. Quelques jours seulement ont suffi à l’univers pour établir l’égalité sociale qui était impossible à imaginer. 

La peur a envahi tout le monde. Elle a changé de camp. Elle a quitté les pauvres pour aller habiter les riches et les puissants. Elle leur a rappelé leur humanité et leur a révélé leur humanisme. Puisse cela servir à réaliser la vulnérabilité des êtres humains qui cherchent à aller habiter sur la planète mars et qui se croient forts pour cloner des êtres humains pour espérer vivre éternellement. Puisse cela servir à réaliser la limite de l’intelligence humaine face à la force du ciel. Il a suffi de quelques jours pour que la certitude devienne incertitude, que la force devienne faiblesse, que le pouvoir devienne solidarité et concertation. Il a suffi de quelques jours pour que l’Afrique devienne un continent sûr. Que le songe devienne mensonge. Il a suffi de quelques jours pour que l’humanité prenne conscience qu’elle n’est que souffle et poussière. 

Qui sommes-nous ? Que valons-nous ? Que pouvons-nous face à ce coronavirus ? Rendons-nous à l’évidence en attendant la providence. Interrogeons notre “humanité” dans cette “mondialité” à l’épreuve du coronavirus. Restons chez nous et méditons sur cette pandémie. Aimons-nous vivants !

* Mustapha Dahleb est le nom d’auteur du Docteur Hassan Mahamat Idriss.

© Mustapha Dahleb & Lorenzo Cittone - Tramezzinimag2.blogspot.com - 29/XI/2020 – Tous Droits Réservés