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15 mai 2020

Sous le soleil de l'exil, Venise et Bordeaux (3) : Confiné à Venise

Un ami journaliste suisse nous transmet ce message qu'un de ses confrères a publié sur sa page Facebook. Le texte de son discret correspondant nous dit tout des bienfaits du confinement. A condition, bien sûr, d'avoir devant sa fenêtre la Sérénissime plutôt que le supermarché du coin. Ces lignes datées des derniers jours de mars dernier font écho au ressenti de bon nombre de mes amis, vénitiens de cœur de passage ou résidents permanents, tous contraints de rester dans Venise. 



Le déconfinement étant venu, Tramezzinimag a décidé de publier tous les textes reçus qui vont dans la même direction : Oui les circonstances sont douloureuses pour les personnes gravement malades et leurs proches, lourdes pour les personnels du monde médico-social que la bêtise de nos gouvernants et la pensée dominante ultralibérale oblige à travailler dans des conditions indignes, non ce n'est pas la peste du XXe siècle, oui ces soixante jours et davantage de confinement ont été pour beaucoup un bienfait inattendu, une occasion inespérée, inimaginable de se retrouver, de s'apaiser, de se poser. Seul ou en couple, en famille, entre amis, cet enfermement a eu du bon.
"Il y a quelque chose de pourri dans l'empire du Danemark"
Ce temps particulier a tout d'abord permis aux plus rétifs de reprendre à leur compte les mots du soldat Marcellus au début d'Hamlet,  alors que ce jeune prince s’apprête à découvrir que la trahison et le meurtre règnent à la cour et que derrière les apparences de l’ordre et de la grandeur sévit une corruption généralisée.Tout le monde aujourd'hui semble d'accord pour dire que rien de cela ne serait arrivé, du moins dans ces proportions, si on n'avait pas cédé aux mortifères sirènes du profit en accablant la planète et son climat, amenant des situations aberrantes porteuses de catastrophes sanitaires et se rendre compte de l'inanité de la plupart des dirigeants politiques du monde, incapables d'éviter cette situation qu'aucun d'entre eux n'a su ni anticiper - en dépit des alertes lancées depuis des mois - ni gérer la situation. Les morts qui auraient pu être évitées sont le tribut des peuples face à la scandaleuse gestion de la Santé publique par ceux qui nous gouvernent, comme est scandaleuse leur gestion de l'éducation, de la culture. Nous avons compris que cette course à l'argent, au désengagement de l’État, à la financiarisation de toutes les activités humaines  ne pouvait mener qu'au pire et en tout cas n'était pas terrible pour la démocratie et le bonheur des peuples.

Hamlet
Tous - ou presque (car certains ont été pris par une angoisse et une peur panique, leur paranoïa attisée par des médias paumés se raccrochant à la pire approche des évènements qu'un journaliste pouvait choisir et sont restés terrorisés chez eux, déprimés et tremblants), nous avons passé de très heureux jours, dans le silence des villes enfin vidées de l'hystérie habituelle ou à la campagne. Plus de bruit, un ciel enfin dégagé et pur, les lacs, les rivières -  à Venise les canaux et toute la lagune - regorgeant de poissons dans une eau translucide et qui sentait bon, un rythme enfin tranquille jour après jour et des retrouvailles avec soi, avec le temps, les albums photo qu'on n'avait plus ouvert depuis des années, la joie de cuisiner, de faire la sieste et, pour ceux qui travaillaient quand même, le bonheur du télé-travail, sans avoir à se coltiner à la pause les collègues à qui on n'a rien à dire, ni les gens qui avant s'entassaient avec eux, per forza, dans les rames de métro, les trains de banlieue ou les bus. 

"Et quête de joie est écrit sur toute chose" (Patrice de la Tour du Pin) 

Grande joie donc faite de plein de petites choses. Autant de bonheurs simples pour votre serviteur qui n'avait plus autant lu, écrit, traduit, corrigé de textes, depuis des lustres, qui a nettoyé de fonds en comble et redécoré son appartement, trié, classé, jeté des tas de paperasses, et entièrement reclassé sa bibliothèque, par catégorie et par ordre alphabétique - ce qui a pris 24 jours exactement ! Gymnastique, sieste aussi et le soir concert, théâtre ou film en ligne, des tas de nouvelles recettes gourmandes... Une sortie obligée par semaine pour se réapprovisionner et faire un petit tour, le reste du temps passé à lire ou écrire, au soleil face aux tilleuls remplis d'oiseaux joyeusement bruyants...
"C'est merveilleux, c'est vide mais ni morne, ni triste. C'est plutôt joyeux je trouve. [...]Et puis, quand je sors, je ne suis plus obligée de parler avec des gens à qui je n'ai pas envie de parler, pas besoin de faire un effort pour participer à ce jeu social, ils s'écartent d'eux-mêmes et les importuns sont cloitrés chez eux !"
 Voilà ce que me disait la semaine dernière une amie confinée seule avec son chien et ses chats dans une petite ville des Pouilles. Ce n'est pourtant pas une misanthrope, mais elle aussi est revenue à l'essentiel, aux seuls échanges solidaires avec ses voisins, téléphoniques avec ses amis, sa famille, ses collègues qu'elle apprécie vraiment. Le reste a disparu. Il reste l'essentiel. C'est magique. Et mon ami Antoine, grand voyageur, qui vient de m'écrire de Marseille où il vit désormais,  combien le confinement lui plait aussi :
"[...] Au départ, voir du pays me manquait... mais maintenant je suis bien. Je lis. Je joue. C'est assez heureux comme ambiance."
Santa Lucia, le parvis de la gare avant le déconfinement. © Catherine Hédouin, avril 2020.
Mais je m'éloigne. Certains lecteurs toujours pressés et impatients, veulent du concis, du résumé, du court. Revenons donc à ce sympathique confiné anonyme et à ce qu'il écrivait sur la vie vénitienne de ces dernières semaines :
« Je vous écris d’une ville coupée du monde. Nous vivons ici dans une parfaite solitude qui n’est pas le vide.
Nous prêtons chaque jour un peu moins attention à ce que nous ne pouvons plus faire car Venise, en ces jours singuliers, nous ramène à l’essentiel.
La nature a repris le dessus. L’eau des canaux est redevenue claire et poissonneuse.
Des milliers d’oiseaux se sont installés en ville et le ciel, limpide, n’est plus éraflé par le passage des avions.
Dans les rues, à l’heure de la spesa (*), les Vénitiens sont de nouveau chez eux, entre eux. Ils observent les distances, se parlent de loin mais il semble que se ressoude ces jours-ci une communauté bienveillante que l’on avait crue à jamais diluée dans le vacarme des déferlements touristiques.
Le tourisme, beaucoup l’ont voulu, ont cru en vivre, ont tout misé sur lui jusqu’à ce que la manne se retourne contre eux, leur échappe pour passer entre des mains plus cupides et plus grandes, faisant de leur paradis un enfer.
Venise, en ces jours singuliers, m’apparaît comme une métaphore de notre monde.
Nous étions embarqués dans un train furieux que nous ne pouvions plus arrêter alors que nous étions si nombreux à crever de ne pouvoir en descendre !
A vouloir autre chose que toutes les merveilles qu’elle avait déjà à leur offrir, les hommes étaient en train de détruire Venise.
A confondre l’essentiel et le futile, à ne plus savoir regarder la beauté du monde, l’humanité était en train de courir à sa perte.
Je fais le pari que, lorsque nous pourrons de nouveau sortir de nos maisons, aucun Vénitien ne souhaitera retrouver la Venise d’avant.
Et j’espère de tout mon cœur que, lorsque le danger sera passé, nous serons nombreux sur cette Terre à refuser de réduire nos existences à des fuites en avant.
Nous sommes ce soir des millions à ignorer quand nous retrouverons notre liberté de mouvement.
Soyons des millions à prendre la liberté de rêver un autre monde.
Nous avons devant nous des semaines, peut-être des mois pour réfléchir à ce qui compte vraiment, à ce qui nous rend heureux.
La nuit tombe sur la Sérénissime.
Le silence est absolu.
Cela suffit pour l’instant à mon bonheur. Andrà tutto bene. »

Sur le pont des Giocattoli © Catherine Hédouin, avril 2020.

Campo San Bartolomeo © Catherine Hédouin - avril 2020.


(*) : La spesa : les courses.

24 avril 2020

Un 25 avril pas comme les autres


Ce jour de l'année n'est pas un jour comme les autres pour les vénitiens. Comme tous les habitants de la péninsule, non seulement ils fêtent la Libération du pays du joug nazi mais c'est avant tout pour eux la Saint Marc, LA fête nationale de Venise, devenue depuis l'invasion-trahison-pillage du petit général corse que nous n'aimons pas, mais vraiment pas à Tramezzinimag, la fête de la libération de Venise du joug de la sanguinaire révolution française exportée par l'usurpateur. 

Jour important de liesse populaire donc, mais qui cette année aura évidemment un autre goût. Celui de la distanciation sociale obligée, du confinement quasi universel à cause d'un maudit coronavirus qui a tout bouleversé sur la planète et quelques semaines. Comme pour le reste, des tas d'idées ont été proposées pour vivre cette journée tout en respectant les obligations liées au confinement. 

Des propositions ont été publiées sur internet, comme celles de Venetoinside, un site bien fait et plein d'esprit, dévolu, créé par des insiders (et oui, je sais, c'est un peu triste de voir que la deuxième langue du net, à Venise aussi est l'anglais, là où autrefois le français accompagnait seul l'italien dans la documentation touristique, les papiers administratifs, la signalétique,etc... Mais c'est notre faute pas celle des vénitiens !) à un tourisme plus intelligent que celui qui fait grandir les hordes tellement responsables des problèmes de la sérénissime aujourd'hui. Leurs idées pour un 25 avril réussi depuis chez soi (cliquer ICI pour avoir l'article original en entier) :

1 - Se préparer un bon vrai spritz et porter un toast à Saint Marc
C'est l'occasion de redonner la vraie recette maintenant que cet apéritif typiquement vénitien a conquis le monde et se boit n'importe où, n'importe comment et à n'importe quel prix ! Il faut procéder ainsi : un tiers de Prosecco, un tiers d'Apérol, de Select ou de Campari, un tiers de soda ou si vous n'en disposez pas d'eau gazeuse.  Mélanger le tout dans un verre, ajouter des glaçons et une olive verte et une rondelle d'orange. 


2 - Écouter une musique qui vous transporte en pensée à Venise
Le site recommande des airs qui vous rappellent Venise et il y en de tas. A titre d'exemple, ils conseillent en premier le groupe de reggae vénitien Pitura Freska (peinture fraîche en vénitien) avec son  Pink Floi, une chanson qui relate le concert des Pink Floyd qui eut lieu à Venise en 1989 lors de la nuit du Redentore avec près de 200.000 spectateurs et des dégâts énormes constatés le lendemain. 

Les vénitiens voyaient d'un assez mauvais œil le concert, la réalité dépassa les prévisions les plus pessimistes avec près d'un mètre de déjection humaines le long des façades du palais des doges. L'horreur absolue, le triomphe de la barbarie mais on était loin de la barbarie drainée par le tourisme de masse depuis. Le concert cependant fut un moment inoubliable pour les fans du groupe qui a été déclaré persona non grata par la Municipalité suite aux dégâts. A leur décharge, les Pink Floyd ont tout de même spontanément contribué à financer les dommages causés à la ville par une très grosse enveloppe.
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Les vénitiens de Veneto Inside recommandent aussi Paolo Conte et sa fameuse chanson Tua cugina prima (Tutti a Venezia), qui décrit avec drôlerie, un couple qui se fait photographier à San Marco pour faire envie à une cousine qui se vantait d'avoir été à Venise avant eux...Satire du tourisme de masse que le covid-19 aura peut-être contribué à calmer sinon à supprimer... On peut tout de même rêver, non ?


Les auteurs de l'article suggèrent aussi ce qui est devenu au fil des ans pour certains l'Hymne de Venise, "Le Glorie del Nostro Leon", chant issu de la tradition populaire qu'on entend beaucoup résonner du côté de Castello ces temps-ci précisent-ils. Chaque dimanche, un vénitien du quartier prépare une playlist spéciale "pour entretenir et apporter un peu de joie à tout le voisinage". Toute forme de soutien mutuel est bonne à prendre, vous en conviendrez. Ci-dessous, une version (en vénitien, bien entendu) avec des images édifiantes qui ne cachent rien de l'amertume de ce que la cité des doges était devenue avant l'épidémie et que personne ne souhaite revoir... :



3 - Faites-vous plaisir en préparant un plat vénitien
Les auteurs poursuivent leurs conseils par de succulentes recettes traditionnelles, faciles à réaliser et qui rendent la vie plus agréable de leur préparation à leur dégustation. En voici la traduction : 

Pour ceux qui aiment le poisson et les saveurs fortes, nous vous proposons le fameux Bigoi in salsa. Pour environ quatre portions, vous n'aurez besoin que d'un pot d'anchois à l'huile de 100 gr, 1 gros oignon blanc et 500 gr de bigoli (1). Commencez par couper l'oignon en fines tranches et laissez-le fondre à feu très doux sur une poêle avec de l'huile. Ensuite, ajoutez les anchois, remuez de temps en temps. Laissez fondre les anchois, versez peu à peu l'eau de cuisson des pâtes pour former une sauce crémeuse. Ajoutez ensuite les bigoli (cuits al dente,recommande l'auteur !), Un peu de poivre et, si vous le souhaitez, saupoudrez une poignée de chapelure préalablement grillée avant de servir le plat et le tour est joué.
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Et puis, "pour les amoureux des légumes de saison et du respect des traditions jusque dans la cuisine", Venetoinside propose le famosissime Risi e bisi, un plat qui était offert au Doge le 25 avril, en l'honneur de la fête de San Marco. Pour le préparer, il faut : 350 g de riz Nano Vialone, 1 kg de petits pois frais, 1 oignon, 60 gr de beurre, 50 gr de poitrine de porc, environ 1 litre de bouillon de légumes, du persil, du parmesan râpé, sel &poivre, huile. Prenez d'abord les gousses de pois, lavez-les, ajoutez-les au bouillon de légumes et faites-les cuire 1 heure à partir du début de l'ébullition. Les mélanger ensuite avec un mixeur à immersion et versez le tout dans un bol, en le passant au tamis. Pendant ce temps, faites revenir dans une poêle l'oignon haché avec la moitié du beurre et un peu d'huile, pendant une dizaine de minutes. Ajouter le bacon en dés, le persil haché, puis les petits pois et le bouillon avec les cosses. Lorsque le bouillon commence à bouillir, versez le riz et ajoutez le sel. Vers la fin de la cuisson, ajoutez le reste du beurre, du parmesan et du poivre.

Enfin, pour ceux qui aiment davantage les plats de viande et ne dédaignent pas les saveurs fortes, cette autre recette typique de la tradition vénitienne, le Fegato alla veneziana. Les ingrédients nécessaires : 500 gr de foie de veau, 6 feuilles de sauge, 15 gr de beurre, 2 oignons blancs, une cuillerée de vinaigre de vin blanc, de l'huile, du sel, du poivre et de l'eau. Cuire les oignons émincés dans une casserole avec le beurre et un filet d'huile. Ajouter un peu d'eau, cuire 5 minutes, ajouter la sauge hachée et le vinaigre de vin blanc. Après quelques minutes, ajoutez les tranches de foie et faites cuire à feu vif pendant environ 5 minutes, en les retournant à mi-cuisson.
Trois délicieuses recettes - dont les deux dernières déjà présentées dans Tramezzinimag avec des variantes (voir la colonne de droite qui contient un lien pour chacune des recettes publiées depuis 2005) faciles à réaliser et vraiment liées à ce jour si important dans le coeur des vénitiens. Après la musique et la gourmandise, le cinéma. 

Veneto inside poursuit ses propositions pour un 25 avril confiné mais heureux avec des suggestions de film :

4 - Regarder un film qui se passe à Venise
Pour inviter les vénitiens à patienter, le jour où il sera de nouveau possible d'azrpenter calle et campi reviendra, ils ont pensé à trois films très différents mais qui tous montrent la beauté de la ville : le grand classique Pane e Tulipani, avec Bruno Ganz, The Tourist avec Angelina Jolie et Johnny Depp et Indiana Jones et la dernière croisade de Spielberg... Ils auraient pu en ajouter pleind 'autres tellement Venise a été le decor de films depuis l'invention du cinéma. Nous avons déjà évoqué dans nos colonnes le travail du Circuito Cinema sous la houlette du très savant Robert Ellero auteur d'un annuaire - hélas épuisé, "Venezia,CIttà del Cinema" qui donna lieu à une magnifique exposition dans les années 80.



5 - Donnez libre cours à votre côté artistique
Enfin, la dernière proposition réunit des idées de bricolage à réaliser en famille et éviter que les chères têtes blondes ne restent vautrées devant la télévisioon ou les consoles de jeux ou s'étripent en cassant tout autour d'eux. C'est ainsi que le site propose de réaliser un dessin de bocolo, cette rose rouge traditionnellement offert aux épouses et aux mères le 25 avril ou le lion ailé, symbole de l'evangéliste et de la république de Venise.
Des liens permettent de réaliser ces deux dessins : ICI pour le lion, ICI pour la rose. Il est aussi suggéré la réalisation d'un masque du carnaval avec un PDF en ligne (ICI) et même un origami grâce à un autre tutoriel : ICI.

Voilà de quoi vous permettre de passer un bon 25 avril. Evviva Venezia ! Evviva Italia ! Merci aux rédacteurs de Venetoinside dont Tramezzinimag vous recommande le contenu (publicité gratuite !)

© Comune di Venezia / 24/04/2020

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(1) : les bigoli sont des pâtes en forme de tube épais autrefois fabriquées à base de farine de sarrasin et aujourd'hui, le plus souvent avec de la farine de blé entier qu'on mélange à des œufs de cane. Ils sont fabriqués à l'aide d'un pressoir vertical appelé bigolaro. On trouve en Toscane une variété de pâte assez semblable, les pici ou pinci . Comme la plupart des pâtes, elles sont bien meilleures cuites al dente et doivent être dégustées aussitôt préparées.

10 mars 2020

Io Sto a Casa, qu'en penser ?





Nota Bene :
Ce billet présente la vidéo d'un youtubeur un peu space qui explique à ses auditeurs pourquoi il faut rester chez soi et se soumettre aux restrictions imposées par le gouvernement pour lutter contre le coronavirus... La teneur de ses propos, présentés à titre d'information documentaire, est un appel au civisme. 
 
Adressé par des amis italiens, il nous a paru présenter la situation d'une manière intéressante au moment où l’État italien a demandé à la population de rester à la maison. Je ne connais pas ses propos habituels, ses orientations politiques ou philosophiques. Il appelle à limiter les déplacements, avec son langage de comptoir. Et implore les habitués de sa chaîne à respecter les mesures prises par le gouvernement
 
Diffuser cette vidéo n'engage bien entendu en rien le positionnement et l'opinion des animateurs de Tramezzinimag. Cela s'appelle de l'information et l'information ne prend pas position. 
 
Ce type qui ne parle d'habitude que de vapo, de cigarettes électroniques, a pris la peine de se fendre d'une vidéo qui défend la nécessité provisoire de rester chez soi. Si on le fait, ça passera vite et "tutto andrà bene !"  
 
Que peut-on trouver à redire ? 
 
 

09 mars 2020

Soupe aux lentilles et promenades aléatoires : le blog de Nicoletta Fornaro

Copyright © Naturally Epicurean | Nicoletta Fornaro - 2020
Vous connaissez certainement le blog de Nicoletta l'épicurienne qui écrit et montre depuis Venise de bien belles choses, des photos magnifiques et donne des recettes gourmandes que Tramezzinimag ne peut pas ne pas recommander avec enthousiasme. Les propos de son plus récent article mériteraient d'être primés dans un concours à inventer - ou ré-inventer - qui récompenserait les billets les mieux écrits, les plus vrais et profonds, les idées les plus mesurées et l'esprit le plus positif. 

Nicoletta Fornaro est vénitienne, du Lido plus précisément où elle est née d'une mère irlandaise et d'un père vénitien.  Après de nombreux voyages, mariée à un vénitien, elle vit à Venise. Elle est aujourd'hui photographe free-lance et la gourmande collabore aussi à des ateliers de cuisine.Des mots qui construisent et guérissent valent mieux que ceux qui inquiètent ou démolissent. Notre époque est reine pour la démesure et l'emportement, la colère méchante et l'expression totale de tout ce qui grouille en nous de sombre et pestilentiel. Nicoletta évoque les réseaux sociaux et l'inanité des milliers de noms qu'on collationne dans la rubrique de nos "Amis". Combien, dans la vraie vie, le sont vraiment ? Bien souvent, nous rechignons à poser la question. (sa biographie ICI).

Mais revenons à ce blog magnifique et roboratif et à ce qui motive notre chronique du jour. La période que nous vivons aujourd'hui, ce temps que l'on peut qualifier de difficile tellement nous nous sommes habitués - en Occident du moins - à la facilité et à la paix, à une routine que ne sont venus perturber jusqu'à présent que quelques actes, certes atroces et sauvages, pour nous rappeler à la réalité de la nature humaine ; de la nature tout court, qui est par essence bien plus violente que paisible. 

Cette situation de confinement, inédite dans notre monde protégé, pacifié, organisé, nous porte à l'introspection et "remet les pendules à l'heure". Il ne s'agit pas de laisser le doute pas plus que la rancœur s'installer en nous. Il ne nous faut pas céder à la peur et encore moins à l'angoisse. Ne pas jeter la pierre à d'improbables responsables. Ne pas redonner vie à l'ignoble, avec une nouvelle chasse aux sorcières, des règlements de compte et une justice approximative. Les chinois de Wuhan au milieu de qui s'est répandu le virus, sont avant tout des victimes et leurs morts ont droit à notre compassion, pas à notre vindicte. Gardons notre hargne pour ce que nous avons fait ou laissé faire de ce monde depuis que l'Occident ne connait plus ni la faim, ni le manque, ni les menaces des canons. Ces peuples souverains à qui on refuse le dernier mot, les discours lénifiants des gouvernements, ceux-là même à qui nous avons confié le soin de conduire nos pays sur un chemin de liberté, d'égalité et de fraternité et qui, sourds aux cris des foules descendues dans la rue, ne savent plus répondre que par la violence policière et des myriades de lois et de règlements imposés... Gardons notre colère contre nous-même, qui consommons, détruisons, avec l'indifférence et l'arrogance des nantis à qui rien ne peut arriver quand la sagesse aurait dû nous rappeler à davantage de mesure et de bon sens.

C'est ce qui émane du billet de Naturally Epicurean (oui, le site de Nicoletta est en anglais, certainement au nom de l'universalité et absolument pas par soumission à la globalisation aveugle prônée depuis des lustres par les ultra-libéraux yankees !). La nécessité d'une introspection collective, l'urgence d'une réflexion tournée vers d'autres paradigme que le progrès, le profit, l'individualisme, l'argent, le travail. L'épidémie enrayée, les confinements levés, les écoles rouvertes et les offices religieux comme les manifestations culturelles et sportives de nouveau autorisés, rien ne sera plus comme avant. D'un point de vue économique bien sûr, car il va falloir ramasser les morceaux, prendre en compte les pertes financières, les manque-à-gagner à tous les niveaux, prendre acte de nos faiblesses et de nos manquements et donc redéfinir quelles sont les vraies priorités. Pour l'individu, pour la société, pour la planète.

Cela n'implique pas de la sueur et du sang, et encore moins des larmes, mais du bon sens et de la détermination pour ne pas refaire les erreurs qui ont été les nôtres. Notre temps sur la terre est trop court pour continuer de courir après des chimères. Nos familles, nos amis, nos voisins c'est la planète entière et c'est au prix d'une véritable solidarité universelle que nous la préserverons comme nous pourrons peut-être préserver l'espèce humaine, bien davantage menacée que la terre. en consommant moins ou mieux, en pendant l'autre avant de penser notre confort personnel, en réapprenant à partager, en redécouvrant la véritable communication, par la parole, par les mots, sur nos places et dans nos rues, dans les écoles et les ateliers, dans les cafés et sur les marchés. Échanger, correspondre, écouter et entendre l'autre. 

L'absence de visiteurs à Venise, le confinement qui fait penser inexorablement à certains films de science-fiction où des forces armées jusque aux dents tiennent les frontières hermétiquement closes, est une aubaine pour les vénitiens. Déjà, la structure de la ville, l'absence de l'automobile, sa taille humaine, les habitudes et les usages locaux rendent l'échange plus facile. Mais c'est aussi l'incroyable et fabuleuse beauté que les vénitiens ont sous les yeux à tout moment et qui leur est rendue par la quarantaine qui est une chance. Gageons que l'introspection qui chemine dans les cœurs et les esprits ne mènera pas au désespoir ni à la hargne, mais bien plus à une remise en question des fausses valeurs que nous avons fait trop facilement nôtres. Le tourisme après le coronavirus ne pourra plus être le même. Tout comme le commerce, la vie culturelle, sociale, politique. Non pas tant parce que les confinés auront été confrontés plus qu'ailleurs à l'idée de la mort, de la maladie, de la finitude, ce que les anglo-saxons appellent "the mortality salience".  

Certains sortiront de  cette expérience transformés. Leur regard sera différent, non pas comme celui de qui a échappé à la mort ou revient d'un épisode extrêmement violent et horrible, mais parce qu'un esprit sain ne peut pas ne pas constater dans le confinement, combien ce que nous pensons être acquis peut vite disparaître, combien nous dépensons inutilement de précieuses énergies simplement pour satisfaire dans l'immédiat des caprices de nantis. Peut-être alors, aurons-nous la chance d'en tirer des leçons et de ne pas refaire les mêmes gestes, ne pas refaire les mêmes erreurs et orienter nos vies davantage vers l'autre et le bien commun. Pour que jaillisse de nouveau la Joie !

Une fois encore, Venise m'apparaît comme un laboratoire, l'exemple de tous les possibles.

02 janvier 2020

Paraît qu'à Venise...: Moi, les gros bateaux, je ne peux pas les encadrer...

Vu sur le site de J@M, Paraît qu'à Venise... ce clin d’œil savoureux sur une idée de liliforcole, autre ami et fidèle lecteur, membre de notre vieille confrérie des Fous de Venise. Si vous ne connaissez pas encore le site "Paraît qu'à Venise" né en 2011, abonnez-vous, sa vision décalée de Venise et de sa lagune, vaut souvent le détour.

"Venice in oil" de Bansky (reprise de FB), sur une idée de Liliforcole / © J@M - 2019.

01 décembre 2019

Dans la famille Tramezzinimag, connaissez-vous Tumblr ?


Connaissez-vous le Tumblr de TraMeZziniMag, créé en décembre 2011 ? Vous y trouverez des photos reprises du blog ou provenant de différents photographes amis et collaborateurs, parfois des clichés inédits, des citations. L'adresse ? : http://tramezzinimag-blog.tumblr.com/

30 novembre 2019

Relire les anciens billets de TraMeZziniMag...


Les anciens billets du site originel, celui qui de 2005 à l'été 2016 a nourri plusieurs centaines d'abonnés et de très nombreux lecteurs réguliers ou occasionnels, ne contenaient pas que des choses de qualité. Parfois des textes rédigés en vitesse, mal relus et pas assez corrigés, des photos au mauvais format, des légendes erronées ou simplement oubliées, mais toujours la joie et l'enthousiasme que nous avions à partager nos coups de foudre, nos passions. Mais tout cela restait tourné vers Venise, en bons Fous de Venise comme nous avait baptisé un éminent journaliste de France Culture aujourd'hui disparu. Mais c'était l'heureux temps des blogs et des blogs sur Venise, à la suite de TraMeZziniMag, il y en a eu de très beaux, de très intéressants, tous créés par des ces Fous de Venise qui formons une belle communauté de passionnés et d'inconditionnels de la Sérénissime

Difficile alors de baisser la garde et, maintenant que le miracle s'est produit, que peu à peu les articles présumés perdus corps et biens dans l'immensité abyssale d'internet, refont surface, les redécouvrir, une fois nettoyés, dépoussiérés, adaptés au nouveau format, est un régal pour nous qui les avons fait naître et qui ne nous étions jamais résignés à leur disparition. Nous vous invitons à faire comme nous, à feuilleter les archives du TraMezziniMag des origines, en relisant les billets au hasard ou par thématique (il suffit de cliquer sur les noms qui vous parlent dans le nuage des libellés, ou de choisir un jour, un mois, une année et de vous laisser porter.

Laissez-nous vous conseiller quelques billets parmi nos favoris, parmi ceux qui ont attiré le plus de commentaires et de débats, ceux qui ont été repris pour servir Venise et ses habitants. Aller dans les archives, remonter le sommaire, se promener dans les jours et les saisons, dans les libellés, autant de moyens fort utiles pour la reconnaissance du blog, pour qu'il retrouve sa place dans les moteurs de recherche. Autant de clics différents sur les billets des années précédent le naufrage de 2016, qui nous permettront de redéployer notre lectorat aussi, les lecteurs attirent les lecteurs. Et enfin, la plupart des commentaires qui étaient impossible à retrouver sont aussi revenus. Pour les abonnés de toujours, vous retrouverez nos échanges, pour ceux qui ne connaissent TraMezziniMag que depuis peu, ajouter en temps réel votre avis sur les artciles ou les prises de position serait super et gratifiant pour nous ! Merci d'avance les amis !

En voici quelques échantillons (il suffit de cliquer sur l'adresse du titre de votre choix), à titre d'exemples :
  • La Bulle de Tiepolo (mars 2006) 
http://tramezzinimag2.blogspot.com/2006/03/la-bulle-de-tiepolo.html

  • Il marchait seul dans la nuit (juillet 2006)
http://tramezzinimag2.blogspot.com/2006/07/il-marchait-seul-dans-la-nuit.html

  •  Venise ne veut plus des navires géants (janvier 2012) 

07 août 2019

Les vénitiens, les chats et la tendresse d'un regard : Nicolas Cytrynowicz, photographe.

Les hasards des promenades sur internet à la recherche de nouveautés, de sons, d'images qui pourraient varier un peu l'ordinaire des jours, offrir aux lecteurs de Tramezzinimag un autre regard, des idées différentes, matière à réflexion, soutien à nos états d'âme, rire ou nostalgie... La très belle voix de la splendide Lizz Wright, pleine de poésie, accompagnait mes pérégrinations hier soir à la recherche de photographies que je ne trouvais pas. Puis soudain, une trouvaille. Un site qui n'est plus alimenté depuis quelques années, avec en légende de l'image - nostalgique -  de Venise (la rambarde en fer forgé d'un pont de Venise) sur laquelle je suis tombé, cette phrase de François Mauriac que m'avait envoyé Antoine il y a fort longtemps :
"On ne quitte pas Venise, Monsieur, on s'en arrache. 
Un séjour à Venise c'est une étreinte."
Évidemment, si ça commence ainsi, il y a de fortes chances que l'auteur du site, un certain Nicolas Cytrynowicz, soit une belle personne. En phase avec l'esprit Tramezzinimag. Au fil des pages de son blog, j'ai glané quelques bijoux. Des clichés très simples, tous imprégnés d'un respect et d'une grande poésie. En voici quelques exemples (à visionner en écoutant la merveilleuse chanson de Miss Wright, «Reaching for the moon» ci-dessous). Des deux, vous me direz des nouvelles.

 

 
Vous connaissez ma fibre investigatrice. Bien que n'étant aucunement de la trempe du flamboyant Flavio Foscarini (ceux qui auront suivi mes avis et auront lu la Vestale de Venise me comprendront - et les autres qu'attendez vous pour courir le faire ?), j'ai voulu en savoir plus sur l'homme qui a ce regard aussi doux sur les gens, sur Venise. J'ai découvert des pages très belles sur les chats, des photographies de voyage à travers le monde. Je puis vous dire que le photographe vit dans l'est de la France, qu'il travaille ou a travaillé pour aider les autres à se mieux porter mentalement par de l'accompagnement personnel (comme les journalistes, voilà que je flotte dans l'à-peu-près. 


Trois photographies m'ont particulièrement ému et serviront de conclusion à l'hommage que je souhaitais adresser à ce monsieur, l'une représente un jeune garçon et un chat, quelque part en Chine, en 2010, je crois. Il s'agit de Thomas, le fils du photographe. Devenu un talentueux photographe bien engagé dans cet art aujourd'hui (voir ICI), l'autre une jeune fille au regard très beau et la dernière, Nicolas Cytrynowicz lui-même, sur la dernière page de son blog, avec pour seule légende "Au-revoir".
   
©Nicolas Cytrynowicz
©Nicolas Cytrynowicz
©Nicolas Cytrynowicz
Mes remerciements à Nicolas Cytrynowicz pour la publication de ses photographies et à son fils Thomas.




06 avril 2019

Ce qu'était Tramezzinimag en 2009 : pages retrouvées


Un lecteur très fidèle vient d'avoir la gentillesse de m'adresser un lien qu'il avait conservé et qui présente le Tramezzinimag des origines. Il est consultable en cliquant ICI. Certains articles ont été repris sur le nouveau blog mais d'autres manquaient à l'appel.  Grande fierté devant le travail accompli, le nombre d'abonnés et le chiffre des visiteurs quotidiens qui firent de Tramezzinimag le plus célèbre blog consacré à Venise. c'était aussi le plus ancien (né en 2005). 

Il permit de belles rencontres, facilita des voyages, des reportages et des documentaires, fut souvent utilisé par les enseignants et me valut de nombreuses interventions dans des émissions de radio. Une belle aventure, un peu ralentie par la disparition dans les limbes du site, assassiné par un robot Google sans qu'à ce jour on en connaisse la raison. crime gratuit ou prémédité ? Le commissaire Brunetti s'est vu retirer l'enquête. Hmmm ! cela est louche. 

Trêve de plaisanterie, ce clin d’œil est pour moi l'occasion de vous remercier une fois encore, mes chers lecteurs, pour votre fidélité, votre soutien, vos commentaires et vos conseils. Vous m'avez permis de poursuivre le chemin avec détermination et dans la joie. Sans vous, rien de ce qui a été accompli n'aurait pu voir le jour. Dieu voulant, souhaitons que Tramezzinimag continue de satisfaire ses lecteurs !


25 février 2019

Dans les archives de Tramezzinimag... (1)

Pour les nouveaux lecteurs qui ne le sauraient pas, Tramezzinimag né en 2005 a été piraté puis coulé corps et biens par Google en 2015. Le naufrage a emporté des centaines de billets publiés pendant dix ans, mais aussi les archives photographiques, les notes et la plupart des courriels et des commentaires reçus. Grâce à certains abonnés, à l'aide d'informaticiens - dont certains travaillent pour Google - et aux sites d'archivage, il a été possible de remettre en ligne un certain nombre d'articles. Et Tramezzinimag II a vu le jour, sur la même plateforme appartenant à Google, Blogger qui reste un des meilleurs outils libre d'accès et sans publicité de la planète blog.  

Au hasard des rencontres ou des courriers reçus, il m'a paru important de donner à (re)voir certains billets republiés mais que le visiteur du site n'aura peut-être pas la curiosité d'aller lire tant ils sont anciens. Les réseaux sociaux, le goût pour l'immédiat et l'instantané que véhiculent Twitter, Snapchat, Facebook, Instagram et autres, font que beaucoup répugnent à lire ce qui est ancien, considéré comme dépassé ou démodé. 

Cette nouvelle rubrique présentera des billets de ce blog publiés entre 2005 et 2010 et qu'il est possible de retrouver dans le sommaire actuel mais que peu de monde va lire. Juste pour donner à mes lecteurs la possibilité de découvrir des petits riens qui auraient pu leur échapper. Parfois les commentaires retrouvés d ces billets ont été publiés. Il est possible d'en ajouter de nouveaux, faisant ainsi vivre l'échange entre lecteurs et l'auteur. 

La galerie de Tramezzinimag (1)
L'idée de présenter des oeuvres, aquarelles, dessins, peintures, de toutes les époques qui font partie du musée imaginaire de Tramezzinimag. Une galerie virtuelle en quelque sorte qui m'amena en 2008 à créer une véritable galerie, la Galerie Blanche, à Bordeaux en attendant de pouvoir un jour le faire à Venise. ICI le lien sur le premier volet de cette rubrique paru le 14/11/2005, huit mois après la naissance du blog.

Bonnes lectures !

20 février 2019

L'homme aux singes de Santa Marta

Certains vont penser qu'il s'agit d'une invention et peu de gens s'en souviennent aujourd'hui, mais il y avait à Venise toute une colonie de petits singes en semi-liberté.C'était il y a une trentaine d'années.L'idée de ce billet m'est venue une nuit, alors qu'avec Antoine et ses amis Giulia et Jared, nous nous promenions derrière San Marco. Nous devisions joyeusement lorsqu'une forte odeur de marijuana nous est parvenue d'un sottoportego sombre où trois jeunes gens bavardaient. L'odeur, que je n'aime décidément pas, m'a rappelé celle qui régnait dans ce coin derrière Santa Marta quand par un après-midi très chaud je tombais nez à nez avec une tribu de babouins accrochés à un grillage et qui me regardaient...



C'était non loin de San Nicolo dei Mendicoli, dans ce quartier retiré de la Sérénissime, encore alors seulement habité de marins et de dockers, de pêcheurs d'ouvriers. Un quartier pittoresque mais apparemment sans grand attrait historique. Difficile à trouver, peu avenants, les lieux n'attiraient guère les touristes. Les étudiants n'y vivaient pas encore et la nuit les ruelles semblaient moins éclairées qu'ailleurs. C'est dans ces lieux éloignés qu'un homme surnommé Lele et que mes amis appelaient The monkey man, abritait cette colonie pour le moins spéciale... 

L'endroit est exotique, éloigné de tout, silencieux et désert., pareil à une ville des Balkans qu'aurait revu Giorgio De Chirico, un de ces lieux étranges qui évoquent à la fois le Tintin du Sceptre d'Ottokar et Morgan, l'ultime aventure de Corto Maltese...  Je n'ai jamais su grand chose du bonhomme qui vivait entouré de cette ménagerie. Je me souviens vaguement d'un article dans je ne sais quelle revue locale à moins que ce fut dans la Nuova ou le Gazzettino. Nous étions au tout début des, années 80. 

On disait qu'il avait été dans la marine du temps de la conquête de l’Éthiopie. mais la dernière guerre était loin dans ces années 80 commençantes. On disait aussi qu'il était devenu un peu fou à force de fumer de la marijuana. Il avait transformé le jardin de sa maison en une vaste volière sans oiseaux, mais remplie de ses fameux singes qui attiraient les gamins du voisinage et effrayaient les passants. On disait qu'il avait aussi une passion prononcée pour les adolescents mâles qu'il abordait à tout moment et sans détours. Il fréquentait le cinéma de Santa Margherita, qu'on appelait le Vecio pour le différencier du cinéma Moderno. Il chassait dans l'obscurité du cinéma où venaient les garçons en groupes. Je me souviens l'avoir vu à plusieurs reprises au Baretto, appelé aussi I Due Draghi, juste en face du campanile. Il y venait boire son verre de blanc ou prendre un café... 

Les singes - étaient-ce des babouins ? - ne sont pas une invention de buveurs impénitents comme on en rencontre à Venise dans les osterie et qui nourrissent l'inspiration des écrivains depuis toujours.Lele pateon (*), bien que fumeur compulsif de "maria" qu'il fumait presque en permanence, n'était pas fou. La maison, située dans un pâté de maison retiré et tranquille. Haut de trois étages dont quelques fenêtres sont grillagées, l'immeuble possède une cour-jardin attenante entièrement clôturée d'un grillage pareil à une volière.C'est là que vivaient la dizaine de petits singes joueurs et bruyants qui animaient le coin comme le font les petits enfants dans un square. Que sont-ils devenus ? L'homme vit-il encore ? Où était-ce exactement ? Qui pourrait me montrer des photographies de l'endroit, de cette petite ménagerie et de son propriétaire ?

© Il Poltronauta
Un blogueur vénitien, Il Poltronauta, a écrit un billet il y a quelques années sur le même sujet avec, curieusement, les mêmes sentiments et en relevant des détails similaires. Le monsieur écrit joliment bien ses sentiments et son quotidien vénitien, sa mélancolie éclairée par une belle culture et par un sens propre au peuple vénitien de la résilience plutôt que de la résignation. Comme une fraternité de cœur et d'émotions... Voilà un extrait de son texte consacré au Monkey Man via une réflexion sur une chanson du groupe Toots and the Maytals au titre éponyme : 
"[...]sembra disabitata, ma poi sento le risate di alcuni bambini provenire dall’interno.No, non sono bambini, nessun bambino riderebbe così.Sul bordo del muro vedo una mano, poi due, e infine una faccia pelosa con dei denti aguzzi, che mi guarda di traverso e inizia ad urlare. Subito dopo un’altra faccia, e poi un’altra ancora. Eccole, finalmente, le scimmie. Mi fanno un paio di smorfie, ma dopo un po’ se ne vanno, evidentemente la mia faccia sorpresa le mette a disagio, o forse hanno meglio da fare. Torna a casa contento, mi sento David Attenborough di ritorno dal Borneo, so già che quel disco di Toots and the Maytals non suonerà più come prima. So anche però che, fra cinquant’anni, racconterò questa storia a qualcuno, che ovviamente non mi crederà."(**)
 

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Notes :
*- Allusion à ses attirances : le terme vénitien “pateon” a une connotation très allusive en rapport au goût du personnage pour les formes masculines. La patta était la partie de la chausse qui correspondrait à la braguette dans le pantalon moderne et qui mettait en avant les avantages du corps masculin souvent d'une manière exagérée comme en témoigne la peinture de l'époque.En l'occurrence, au lieu de choquer et de poser un problème d'attentat à la pudeur, les formes volumineuses seront plutôt un objet de moquerie, récurrent dans les pantomimes de la Commedia dell'arte. C'est l'exemple du costume de Pantaleone. Montaigne s'en indigna qui qualifia "ce protubérant artifice" de "ridicule pièce qui accroît [leur] grandeur naturelle par fausseté et imposture". À la fin du XVIe siècle, les poches détrônent la braguette. 

**- "[...] semble inhabité, mais ensuite j'entends des rires d'enfants qui viennent de l'intérieur ... Non, ce ne sont pas des enfants, aucun enfant ne rirait comme ça ... Sur le bord du mur, je vois une main, puis deux, et enfin un visage velu avec de dents pointues, qui me regarde de côté et se met à crier, immédiatement après un autre visage, puis un autre encore, les voilà enfin,les singes, ils me font quelques grimaces, mais au bout d'un moment ils s'en vont mon visage surpris les met mal à l'aise, ou peut-être ont-ils mieux à faire ... rentrez heureux, je sens que David Attenborough revenant de Bornéo, je sais déjà que Toots et le disque de Maytals ne sonneront plus comme avant. mais que, dans cinquante ans, je raconterai cette histoire à quelqu'un qui, évidemment, ne me croira pas. " (Traduction d'un passage du billet de Poltronauta : https://ilpoltronauta.com/2014/02/08/monkey-man/)