Vous ai-je parlé déjà du label Venise déposé par une société de communication italienne et dessiné par Philippe Starck ? Il est ici malicieusement détourné par un site vénitien, pour illustrer un triste sujet. De plus en plus des (vrais ou faux) mendiants se rassemblent à Venise. Venus de l'autre côté de l'Adriatique, très souvent gitans, ils s'installent sur les ponts, à l'entrée des églises et des musées, sur la Piazza... Du temps de la Sérénissime, on en voyait peu. La loi était sévère devant la mendicité et la République avait mis en place un système d'aide sociale très sophistiqué qui ne laissait personne sur le pavé. Il en est bien différemment aujourd'hui...
VENISE,UN LIEU MA ANCHE UN VIAGGIO NELL'EUROPA CHE MI PIACE NOT THE ONE OF THE GLOBALIZATION MAIS CELLE DES NATIONS DES PEUPLES DES CULTURES, PATRIA DELLA DEMOCRAZIA DELLA FILOSOFIA DELLA STORIA LA REINE DES VILLES AU SEIN DE L'EUROPE REINE DU MONDE
25 novembre 2006
24 novembre 2006
TraMeZziniMag Tabloïd...
Je ne sais pas vous, mais moi j'ai un faible depuis toujours pour Meryl Streep. Son physique, son jeu, sa voix. Et maintenant savoir qu'elle aussi se laisse prendre au merveilleux piège que Venise tend depuis toujours à ceux qui savent percevoir en elle autre chose qu'un musée à ciel ouvert ou un réserve de drôles d'indiens vivant d'une drôle de manière et hors du temps des autres.
.Le Gazzettino annonçait en première page son récent séjour, en famille. Elle est descendue quelques jours incognito au Monaco & Grand Canal qui possède une des plus jolies vues sur le Canalezzo et le Bassin de Saint Marc. Le secret avait été bien gardé, la réservation faite avec un nom d'emprunt, l'arrivée tellement discrète que le personnel et les clients présents eurent du mal à cacher leur surprise...
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Son mari, le sculpteur Don Gummer l'accompagnait avec leurs trois enfants. Le journal dit qu'elle a passé beaucoup de temps à se détendre mais aussi qu'elle a sacrifié à l'inévitable tradition du shopping dans les boutiques des Mercerie... Je revois la prestation de l'actrice dans ce film qui n'a pris ce me semble aucune ride "Out of Africa" où elle incarnait l'écrivain Karen Blixen aux côtés de Robert Redford.
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Rien à voir avec Venise, en dépit de ses visites répétées à la Guggenheim, mais connaissez vous les sculptures monumentales de ce monsieur (le mari) ? Certaines sont exposées dans des musées américains et plusieurs pièces sont des commandes publiques qui trônent sur des campus (dans l'Ohio notamment) ou sur des places publiques. Son travail est intéressant. Toujours gigantesque, toujours en métal et toujours très géométrique. Cela me rappelle le travail de Nathalie Lamire-Fabre, aujourd'hui galeriste à Bordeaux mais aussi celui de Chillida le basque et de Sirvent le catalan qu'elle me fit découvrir et acheter quand leurs œuvres, dessins et gravures restaient abordables. En voici quelques vues.
23 novembre 2006
Moment de paradis ce soir à Bordeaux
La jeune association des Musiciens du Chapeau Rouge que j'ai la joie de conseiller et que j'espère bien amener bientôt à Venise, née de la rencontre d'un jeune claveciniste élève du Conservatoire de Bordeaux et d'amateurs passionnés de musique baroque, recevait pour son deuxième concert, le claveciniste Olivier Baumont, dans le charmant (et un peu décati) foyer rouge du Grand Théatre. Un moment de paradis. un de ces moments rares où le public et l'artiste sont dans une fusion totale.En parfaite harmonie.
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Elève d'Huguette Dreyfus et de Kenneth Gilbert, aujourd'hui professeur au Conservatoire National de Paris, Olivier Baumont est à quarante cinq ans, l'un des plus grands clavecinistes actuels. Grand pédagogue - tous ceux qui sont passés par sa classe en témoignent, souvent invité dans les meilleurs festivals un peu partout dans le monde, il était l'hôte ce soir de cette jeune association. Un public hélas clairsemé ( il y avait plusieurs concerts aujourd'hui à Bordeaux) à l'occasion de sa venue au C.N.R. où il animera demain et samedi, une Classe de Maître, autour d'un somptueux clavecin français, copie flambant neuve d'un instrument anonyme de 1667 conservé à Boston et que vient de réaliser Guillaume Rebinguet-Sudre, facteur de clavecin bordelais. Un programme de musique française des XVIIe et XVIIIe siècle, en parfaite adéquation avec l'instrument, les lieux et le goût du public qui s'était déplacé malgré la pluie.
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Peu de monde certes mais des gens passionnés, attentifs. Atmosphère joyeuse loin de toute compassion, dans ce vaste hall de notre bel opéra. Le grand escalier, le salon de droite : le foyer rouge (ainsi dénommé car situé du côté du Cours du Chapeau Rouge, magnifique rue devenue depuis peu une sorte de mall tout à fait dans l'esprit des Intendants qui ont fait la magnificence de notre ville sous Louis XV et Louis XVI.
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Avec un peu de retard, l'artiste a fait son entrée. Il a salué, et très à l'aise, le sourire aux lèvres, nous a présenté son programme. Ses explications, simples, limpides mais profondes et très documentées permirent aux plus jeunes de rentrer très vite dans ces pièces parfois un peu inattendues : Chambonnières, grand mélodiste, raffiné et profond, peu joué et pratiquement pas enregistré, avec cette merveilleuse chaconne qui sera rejouée au deuxième rappel, Louis Couperin, le plus bref de cette dynastie de musiciens, mais l'un des plus inventifs. Après l'entracte, d'Anglebert avec notamment l'allemande et la courante du vieux Gautier, puis Rameau avec la suite en la mineur de 1706 avec cette Vénitienne qui donne envie de chanter et de danser !
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Programme très cohérent donc où le public s'est installé, recueilli et à l'aise. Etait-ce le lieu, le nombre de participants, mais il émanait de ce salon, pendant toute la durée du concert, et même à l'entracte, une atmosphère de connivence, de passion tranquille que le jeu d'Olivier Baumont a peu à peu transcendé, déclenchant après la dernière note du menuet de Rameau, une salve d'applaudissements. Cet enthousiasme ne se démentit pas après le bis, une pièce de Jacques Duphy, mort à Paris le lendemain de la prise de la Bastille.
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Dans un entretien, Olivier Baumont disait que pour qu'un concert soit réussi il fallait "la réunion de trois éléments : un répertoire, un interprète, le public. Il est réussi quand s’opère une vraie adéquation, quand l’interprète est parvenu à convaincre, à émouvoir le public par le répertoire. Je dirais qu’il faut que chacun, dans le binôme interprète/public, fasse un chemin au cours du concert : pour l’interprète, celui d’amener le public à une qualité d’émotion particulière ; pour le public celui d’une certaine concentration pour parvenir à cette émotion vécue comme un dialogue. Je trouve que le concert est plus une rencontre qu’une prestation soliste sur scène face aux gens. Penser cela m’ôte le trac ; J’aime aussi l’idée qu’un concert offre l’occasion d’inviter des amis et de se parler entre nous pendant une heure". C'est bien cela qu'il nous a été donné de vivre ce soir.
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Pour finir et parce que je cherche toujours le lien avec Venise, Olivier Baumont est l'auteur du très beau Vivaldi de la collection Gallimard Jeunesse, livre image avec CD !
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Comme Gustav Leonhardt qui dit qu’il existe deux belles façons de transmettre la musique : le concert et l’enseignement, notre illustre invité donnera samedi un master class et une conférence sur la musique française. Guillaume Rebinguet présentera quant à lui son clavecin. Conférences et master-class à l'Atelier du CNR. de 10 à 18 heures. Entrée Libre.
22 novembre 2006
Les amis de San Alvise
Il y a non loin du ghetto, un club d'escrime , l'association Costantino Reyer, animé par un groupe de passionnés et dont le trésorier, amateur de bon niveau, est un monsieur que je connais bien, puisque c'est le fils aîné de Matilde Grinziato Biasin, la fondatrice de l'Alloggi Biasin où je logeais la première fois à Venise. C'est elle qui me fournit mon premier travail et me logea. Leonardo a lui aussi une auberge sur la lista di Spagna. Federico , lui est le propriétaire du Cantiere Soccol, près de San Girolamo. Les garçons - et les filles - du club d'escrime sont heureux. Ils raflent souvent coupes et médailles.
21 novembre 2006
21 novembre : Fête de la Madone de la Salute
C’est aujourd’hui la fête de la Salute. Sûrement la manifestation vénitienne la moins touristique et la plus authentique qui se célèbre encore ici.
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Plus de 400 ans après, elle suscite toujours un réel sentiment religieux mais aussi une volonté d’appartenance chez les vénitiens de tout âge et de tout milieu. Une vraie fête populaire très suivie. Cette festivité, comme celle du Redentore, commémore la terrible épidémie de peste qui pendant entre 1630 et 1631 décima une grande partie de la population, laissant la République anéantie.
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Vous vous souvenez sans doute que le Doge implorant l'intercession de la Vierge afin d'arrêter l'épidémie, fit le vœu de construire une basilique à sa gloire . C'est ainsi que fut construite la magnifique basilique de la Salute. Et c'est suite à ce vœu qu’aujourd’hui encore, la population de Venise défilera tout au long de la journée, comme elle le fait depuis cinq siècles.
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Les pèlerins se rendront à la basilique, à la suite du Patriarche de Venise, le Cardinal Angelo Scola et du sindaco Massimo Cacciari, avec l’ensemble des corps constitués, les représentants du corps diplomatique, les commandants des armées, en passant par le pont flottant dressé sur des barges et qui traverse le grand canal. Ils vont tous rendre hommage à la Madone et allumer un cierge pour qu’elle protège leur santé et celle des leurs. Partout sur le chemin, des marchands de bougies se mêlent aux vendeurs de bonbons, de beignets et de marrons grillés. Pour la joie des enfants qui apprécient particulièrement la fête de la Salute.
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Cette animation très particulière vaut la peine d'être vue. Les familles sont là du plus vieux au plus jeune, des groupes d'écoliers avec leurs maîtresses, les cierges à la main, des adolescents passent dans leurs vêtements branchés. Quelques étrangers ébahis se retrouvent au milieu de religieuses. Les gondoliers y vont aussi. Tous avec leurs cierges. Venise toute entière passera aujourd'hui par la Salute...
18 novembre 2006
De Watford aux zattere avec Jane Austen
"C'est une vérité universellement reconnue qu'un célibataire pourvu d'une belle fortune doit avoir envie de se marier, et si peu que l’on sache de son sentiment à cet égard, lorsqu’il arrive dans une nouvelle résidence , cette idée est si bien fixée dans l’esprit de ses voisins qu’ils le considèrent sur le champ comme la propriété légitime de l’une ou l’autre de leurs filles." C'est ainsi que débute le roman de Jane Austen, "Orgueil et préjugés" qui a marqué mon adolescence.
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Seul français perdu dans un collège néo-gothique à Watford, dans les environs de Londres et qui servit quelques années plus tard de décor à un épisode de "Chapeaux melons et bottes de cuir" et aussi au film des Pink Floyd "the wall" (!), j'étais terriblement esseulé. Le roman, découvert par hasard, me passionna. Je revois encore le petit studio réservé au prefect Simon Warr qui dirigeait notre maison, Cadogan House. Connaissant mon désarroi de frenchie perdu dans cet univers ultra fermé qui me tolérait à peine, il m'autorisait chaque nuit à quitter le dortoir pour m'installer dans ce petit bureau qui sentait bon le cuir et la lavande. La fenêtre à guillotine donnait sur le jardin du quadrangle. Vautré sur un vieux sofa, je lisais jusqu'à n'en plus pouvoir... .
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Quelques années plus tard, à Venise, j'ai rencontré un vieil anglais qui fut longtemps bibliothécaire au Royal College de Watford où j'ai trompé l'ennui de mes quatorze ans. Il descendait à la Calcina, sur les Zattere. Juste en face de la terrasse du Cucciolo où j'avais mes habitudes. Un jour que nous prenions notre macchiato quotidien, je vis s'avancer cet homme que je reconnus aussitôt. Je me présentais. Il ne se souvint pas de moi mais à l'énoncé des noms de mes camarades de Cadogan House, il se rappela le petit français un peu gauche qui avait rejoint l'école vers la mi-septembre et passait presque tous ses après-midis dans la grande bibliothèque quand les garçons faisaient l'exercice en uniforme où se rendaient en cours de sciences. Il me fit adresser la revue du collège.
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Nous nous sommes écrit quelques temps. Puis plus rien. Le brave homme est certainement mort, le collège de garçons a fermé ses portes, faute de subventions et d'élèves au plus noir des années Thatcher... La revue a cessé de paraître et ce temps qui fut pourtant le seul véritable enfer de mon adolescence, remplit mon cœur de nostalgie aujourd'hui. Simon Warr s'est rendu célèbre récemment en jouant son propre rôle de professeur de lettres dans une émission de télé-vérité diffusée au Royaume Uni (sur Channel 4 je crois), où des jeunes gens sont enfermés dans un pensionnat des années 50 et filmés 24 h sur 24 pour le plaisir des voyeurs que sont devenus les téléspectateurs britanniques.
16 novembre 2006
Burano Blues
Une superbe photo de Burano, paradis des coloristes, présentée il y a quelques jours sur le site Venice Daily Photo que je vous recommande ardemment.
Un grand merci à son initiateur.
Un grand merci à son initiateur.
15 novembre 2006
Venise 2030. : une ville vide
“Mi mancherai se te ne vai” chante le ténor Josh Groban. C’est un peu ce que je ressens en lisant cet article de Roberto Bianchin paru dans la Repubblica en août dernier. S’il devait arriver le pire que certains prédisent à la Venise que nous connaissons aujourd’hui, l’humanité perdrait à tout jamais une des plus importantes parties d’elle-même. Son âme. Ce qui fait que notre civilisation, en dépit des monstruosités que l’homme moderne n’a pas su éviter, est restée jusqu’à aujourd’hui autre chose qu’un simple agglomérat de besoins primaires et de satisfactions matérielles immédiates. Nous sommes responsables de l’avenir de Venise !
Un cri d’alarme encore une fois diront certains. Il restera certainement sans écho ou produira les sempiternelles déclarations d’intention. Constat dramatique et déprimant. Faisons mentir les prospectives et les statistiques. Révoltons nous contre un état de fait qui n’a rien d’irréductible. C’est en tout cas me semble-t-il ce que cherche à faire Massimo Cacciari. Son commentaire de l’œuvre de Bettini dans une récente interview parue dans Libération (9/11/2006) montre combien il a assimilé les particularismes de la ville et l’urgence de solutions innovantes. Mais qui lui en donnera les moyens quand on s’aperçoit que l’administration Prodi agit peu ou prou comme Berlusconi avec le projet Mose… Voici une traduction de l’excellent texte de Bianchin que vous pouvez retrouver en intégralité et en italien sur le site d’Eddyburg :
Les soirs d’été, les vaporetti qui ramènent les touristes vers la gare sont bondés. Ils glissent le long du Grand Canal. Peu de façades sont éclairées et de plus en plus de fenêtres demeurent fermées et les grands lustres éteints. Le compte à rebours dans ce qui fut la cité des doges a malheureusement commencé et on sait aujourd’hui qu’en 2030 en pénétrant dans la cité on pénétrera dans une ville fantôme. En 24 ans, si l’exode qui n’a jamais pu être freiné continue au même rythme que ces 40 dernières années, Venise n’aura plus un seul habitant. Seulement des hordes touristes. Il en vient déjà 18 millions par an, 50.000 en moyenne par jour.
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Et d’ici vingt ans, ce chiffre risque de doubler. Zéro résidents, cent mille touristes. Et alors, la menace redoutée depuis toujours de devenir le Disneyland d’Italie deviendra réalité. On ouvrira les portes le matin et on les refermera le soir, et l’idée de faire payer l’entrée ne sera plus un scandale, ce sera même normal. Mais la Venise de l’année zéro, sans plus aucun des siens, la cantilène de son dialecte, ne sera plus une ville. Seulement les vestiges d’un antique théâtre de marbre et de dentelles abandonné sur l’eau pour servir de passe-temps aux légions de touristes du monde entier.
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Le désastre annoncé et raconté par la voix glaciale des chiffres issus des tableurs des services municipaux de l’anagraphe. Depuis 1966, année de a terrible l’inondation dont on vient de fêter le quarantième anniversaire, le centre historique de Venise a perdu la moitié de ses habitants. Ils étaient 121.000 en 1966, ils sont 62.000 aujourd’hui et parmi eux 3.000 étrangers. La tendance est constante depuis quarante ans, comme est constante l’augmentation du niveau de la mer : 5 centimètres de plus depuis 5 ans et tout cela ne s’est jamais arrêté depuis 1966 : 102.000 habitants en 76, 84.000 en 1986, 69.000 en 1996. Mille habitants par an sont ainsi partis avec des pointes à 1.500. L'année dernière, 1.918 habitants ont quitté la cité lagunaire. Une nouvelle et inquiétante sonnette d’alarme. "Nous sommes au-delà du niveau admissible" dit l’assesseur à l’habitat, Mara Rumiz, "au-delà de ces chiffres, Venise ne sera plus une cité normale mais se transformera en une sorte de magma touristique qui perdra toute attraction aux yeux des touristes eux-mêmes".
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Les experts en démographie prévoient que cet exode continuera et que les chiffres vont augmenter : la dépopulation pourrait se stabiliser dans les prochaines années sur un chiffre légèrement supérieur à aujourd’hui, avec une perte moyenne de 2.000 à 2.500 habitants l’année. S’il en est ainsi (et rien ne permet de penser qu’il en soit autrement car on n'entrevoit aucun signal précis d’une inversion de la tendance), le dépeuplement sera complète en 2030, et Venise sera désertée. Mieux, elle sera vide d’habitants mais plein de touristes. Les chiffres globaux ne tempèrent aucunement ces résultats car la diminution de la population est en augmentation sur tout le territoire : les îles de l’estuaire se vident aussi (51.000 en 1966, 31.000 aujourd’hui), pareil pour Mestre et la Terre Ferme passés de 193.000 à 176.000. En quarante ans, l’entière Commune a perdu 100.000 habitants, passant de 365.000 à 269.000. "C’est peu de monde pour la métropole de la Vénétie qui se veut une référence nationale et internationale pour la qualité des services et l’offre culturelle" poursuit l’assesseur.
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Cet exode massif est devenu le mal le plus grave de Venise, l’urgence la plus criante, bien avant l’invasion touristique, l’acqua alta et le danger imminent de nouvelles inondations, et ce à cause du problème de l’habitat. Non seulement parce que l’inondation de 66 a rendu impraticable 16.000 logements situés en rez-de-chaussée qui ont ainsi dû être abandonnés, mais parce que le prix des maisons est devenu inabordable pour les résidents. Aujourd’hui, une maison à Venise, dans un marché dominé par des étrangers aux moyens économiques élevés, se vend entre 6.000 et 8.000 euros le m² et il faut compter pour un appartement de 80 m² situé dans le centre historique, un loyer mensuel dépassant souvent les 2.000 euros.
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De plus, "i sfrattai", les personnes expulsées sont nombreuses et beaucoup de maisons deviennent des pensions ou des bed & breakfast. Selon l’Observatoire vénitien de l’habitat, il s’agit d’une véritable invasion : 706 appartements du centre historique ont été transformées en logements pour touristes. La Municipalité qui est propriétaire de 4.839 appartements, a reçu cette année 2.835 nouvelles demandes de relogement social.
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Pour accroître les difficultés de ceux qui sont déterminés à rester dans Venise, vient s’ajouter la rapide dégradation des bâtiments, le coût très élevé des travaux dans ces immeubles la plupart du temps très anciens, le plus souvent mal entretenus, rongés par l’humidité et les désagréments provoqués par les hordes de touristes : depuis la difficulté qu’il y a pour monter sur un vaporetto surchargé jusqu’à celle de trouver un restaurant "normal" pratiquant des prix normaux. Si l’exode a dépeuplé et vieilli la ville (un quart de la population a plus de 64 ans), l’excès de tourisme a transformé le quotidien. Il suffit pour s’en persuader de voir le nombre de magasins qui ferment obérant la vie de tous les jours : boulangeries, boucheries, fruits et légumes, coiffeurs, drogueries, cordonniers, serruriers, menuisiers, tailleurs, merceries… Jusqu’aux bars-caves de quartier. A leur place s’ouvrent des enseignes internationales de prestige, des multinationales du fast-food, des boutiques de pacotilles, des stands de masques de Taïwan, de dentelles de Burano fabriquées en Chine, de verres de Murano made in Roumanie. Et la ville, toujours plus encombrée et invivable, est maintenant dominée par le clan des "affitacamere" (loueurs de chambres) plus ou moins clandestins, des entremetteurs et des rabatteurs sans autorisation ni scrupules, du gang des taxis, des corporations de gondoliers avides et des marchands ambulants voleurs.
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Cris et Hurlements, protestations, plaintes, manifestations, rien n’y fait. Chaque soir il y a une lumière qui s’éteint et une fenêtre qui se ferme...
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