10 mars 2020

Io Sto a Casa, qu'en penser ?





Nota Bene :
Ce billet présente la vidéo d'un youtubeur un peu space qui explique à ses auditeurs pourquoi il faut rester chez soi et se soumettre aux restrictions imposées par le gouvernement pour lutter contre le coronavirus... La teneur de ses propos, présentés à titre d'information documentaire, est un appel au civisme. 
 
Adressé par des amis italiens, il nous a paru présenter la situation d'une manière intéressante au moment où l’État italien a demandé à la population de rester à la maison. Je ne connais pas ses propos habituels, ses orientations politiques ou philosophiques. Il appelle à limiter les déplacements, avec son langage de comptoir. Et implore les habitués de sa chaîne à respecter les mesures prises par le gouvernement
 
Diffuser cette vidéo n'engage bien entendu en rien le positionnement et l'opinion des animateurs de Tramezzinimag. Cela s'appelle de l'information et l'information ne prend pas position. 
 
Ce type qui ne parle d'habitude que de vapo, de cigarettes électroniques, a pris la peine de se fendre d'une vidéo qui défend la nécessité provisoire de rester chez soi. Si on le fait, ça passera vite et "tutto andrà bene !"  
 
Que peut-on trouver à redire ? 
 
 

09 mars 2020

Soupe aux lentilles et promenades aléatoires : le blog de Nicoletta Fornaro

Copyright © Naturally Epicurean | Nicoletta Fornaro - 2020
Vous connaissez certainement le blog de Nicoletta l'épicurienne qui écrit et montre depuis Venise de bien belles choses, des photos magnifiques et donne des recettes gourmandes que Tramezzinimag ne peut pas ne pas recommander avec enthousiasme. Les propos de son plus récent article mériteraient d'être primés dans un concours à inventer - ou ré-inventer - qui récompenserait les billets les mieux écrits, les plus vrais et profonds, les idées les plus mesurées et l'esprit le plus positif. 

Nicoletta Fornaro est vénitienne, du Lido plus précisément où elle est née d'une mère irlandaise et d'un père vénitien.  Après de nombreux voyages, mariée à un vénitien, elle vit à Venise. Elle est aujourd'hui photographe free-lance et la gourmande collabore aussi à des ateliers de cuisine.Des mots qui construisent et guérissent valent mieux que ceux qui inquiètent ou démolissent. Notre époque est reine pour la démesure et l'emportement, la colère méchante et l'expression totale de tout ce qui grouille en nous de sombre et pestilentiel. Nicoletta évoque les réseaux sociaux et l'inanité des milliers de noms qu'on collationne dans la rubrique de nos "Amis". Combien, dans la vraie vie, le sont vraiment ? Bien souvent, nous rechignons à poser la question. (sa biographie ICI).

Mais revenons à ce blog magnifique et roboratif et à ce qui motive notre chronique du jour. La période que nous vivons aujourd'hui, ce temps que l'on peut qualifier de difficile tellement nous nous sommes habitués - en Occident du moins - à la facilité et à la paix, à une routine que ne sont venus perturber jusqu'à présent que quelques actes, certes atroces et sauvages, pour nous rappeler à la réalité de la nature humaine ; de la nature tout court, qui est par essence bien plus violente que paisible. 

Cette situation de confinement, inédite dans notre monde protégé, pacifié, organisé, nous porte à l'introspection et "remet les pendules à l'heure". Il ne s'agit pas de laisser le doute pas plus que la rancœur s'installer en nous. Il ne nous faut pas céder à la peur et encore moins à l'angoisse. Ne pas jeter la pierre à d'improbables responsables. Ne pas redonner vie à l'ignoble, avec une nouvelle chasse aux sorcières, des règlements de compte et une justice approximative. Les chinois de Wuhan au milieu de qui s'est répandu le virus, sont avant tout des victimes et leurs morts ont droit à notre compassion, pas à notre vindicte. Gardons notre hargne pour ce que nous avons fait ou laissé faire de ce monde depuis que l'Occident ne connait plus ni la faim, ni le manque, ni les menaces des canons. Ces peuples souverains à qui on refuse le dernier mot, les discours lénifiants des gouvernements, ceux-là même à qui nous avons confié le soin de conduire nos pays sur un chemin de liberté, d'égalité et de fraternité et qui, sourds aux cris des foules descendues dans la rue, ne savent plus répondre que par la violence policière et des myriades de lois et de règlements imposés... Gardons notre colère contre nous-même, qui consommons, détruisons, avec l'indifférence et l'arrogance des nantis à qui rien ne peut arriver quand la sagesse aurait dû nous rappeler à davantage de mesure et de bon sens.

C'est ce qui émane du billet de Naturally Epicurean (oui, le site de Nicoletta est en anglais, certainement au nom de l'universalité et absolument pas par soumission à la globalisation aveugle prônée depuis des lustres par les ultra-libéraux yankees !). La nécessité d'une introspection collective, l'urgence d'une réflexion tournée vers d'autres paradigme que le progrès, le profit, l'individualisme, l'argent, le travail. L'épidémie enrayée, les confinements levés, les écoles rouvertes et les offices religieux comme les manifestations culturelles et sportives de nouveau autorisés, rien ne sera plus comme avant. D'un point de vue économique bien sûr, car il va falloir ramasser les morceaux, prendre en compte les pertes financières, les manque-à-gagner à tous les niveaux, prendre acte de nos faiblesses et de nos manquements et donc redéfinir quelles sont les vraies priorités. Pour l'individu, pour la société, pour la planète.

Cela n'implique pas de la sueur et du sang, et encore moins des larmes, mais du bon sens et de la détermination pour ne pas refaire les erreurs qui ont été les nôtres. Notre temps sur la terre est trop court pour continuer de courir après des chimères. Nos familles, nos amis, nos voisins c'est la planète entière et c'est au prix d'une véritable solidarité universelle que nous la préserverons comme nous pourrons peut-être préserver l'espèce humaine, bien davantage menacée que la terre. en consommant moins ou mieux, en pendant l'autre avant de penser notre confort personnel, en réapprenant à partager, en redécouvrant la véritable communication, par la parole, par les mots, sur nos places et dans nos rues, dans les écoles et les ateliers, dans les cafés et sur les marchés. Échanger, correspondre, écouter et entendre l'autre. 

L'absence de visiteurs à Venise, le confinement qui fait penser inexorablement à certains films de science-fiction où des forces armées jusque aux dents tiennent les frontières hermétiquement closes, est une aubaine pour les vénitiens. Déjà, la structure de la ville, l'absence de l'automobile, sa taille humaine, les habitudes et les usages locaux rendent l'échange plus facile. Mais c'est aussi l'incroyable et fabuleuse beauté que les vénitiens ont sous les yeux à tout moment et qui leur est rendue par la quarantaine qui est une chance. Gageons que l'introspection qui chemine dans les cœurs et les esprits ne mènera pas au désespoir ni à la hargne, mais bien plus à une remise en question des fausses valeurs que nous avons fait trop facilement nôtres. Le tourisme après le coronavirus ne pourra plus être le même. Tout comme le commerce, la vie culturelle, sociale, politique. Non pas tant parce que les confinés auront été confrontés plus qu'ailleurs à l'idée de la mort, de la maladie, de la finitude, ce que les anglo-saxons appellent "the mortality salience".  

Certains sortiront de  cette expérience transformés. Leur regard sera différent, non pas comme celui de qui a échappé à la mort ou revient d'un épisode extrêmement violent et horrible, mais parce qu'un esprit sain ne peut pas ne pas constater dans le confinement, combien ce que nous pensons être acquis peut vite disparaître, combien nous dépensons inutilement de précieuses énergies simplement pour satisfaire dans l'immédiat des caprices de nantis. Peut-être alors, aurons-nous la chance d'en tirer des leçons et de ne pas refaire les mêmes gestes, ne pas refaire les mêmes erreurs et orienter nos vies davantage vers l'autre et le bien commun. Pour que jaillisse de nouveau la Joie !

Une fois encore, Venise m'apparaît comme un laboratoire, l'exemple de tous les possibles.

05 mars 2020

Venise vidée de ces touristes... Une aubaine ?

Piazza San Marco mardi 14h30 / © Catherine Hédouin - mars 2020
Lorsque j'ai laissé Venise au début du mois de février, juste à temps pour éviter la ruée du carnaval, le temps était froid mais sec, la lumière comme toujours splendide, et les journées, encore très courtes, toutes ensoleillées. Un régal comme chaque année à la même période. Janvier est vraiment l'un des meilleurs moments de l'année à Venise. Un bémol cependant, c'est le moment choisi par un grand nombre de vénitiens dont la vie professionnelle est en rapport avec le tourisme, profitent de l'accalmie pour s'en aller vers d'autres horizons. Ils partent en général au ski ou à l'autre bout de la planète à la recherche d'une mer chaude, de sable fin et de cocktails exotiques. Les gondoliers surtout qui méritent bien de se la couler douce au bord d'une piscine ou sous les palmiers.

Lorsque je reviens, longtemps après que les effluves du carnaval se sont évanouies, la ville est transformée. Les décorations de Noël qu'on garde ici jusqu'au temps du carnaval retirées, les boutiques de fanfreluches et de pacotilles chinoises rouvertes, la Sérénissime dégorge de nouveau d'une foule disparate venue des quatre coins du monde. Du moins c'est ainsi depuis des années en cette période qui précède le printemps. Partout les touristes se répandent et il est de nouveau difficile d'avancer dans les ruelles aux alentours de la Piazza et du Rialto notamment. C'est un bonheur - au début - de voir l'émerveillement des petits et des grands qui découvrent pour la première fois la cité des doges. Puis la lassitude reprend le dessus. Voir les visiteurs d'un jour ou moins encore s'arrêter en plein milieu d'un pont étroit simplement parce que de là la vue sur le campanile de San Marco doit servir impérativement de fonds à leurs selfies, où devoir en enjamber d'autres vautrés sur les marches pour une pause-pitance. Je ne parle pas de ceux qui s'arrêtent en plein milieu d'une rue pour regarder une vitrine ou interroger leur GPS, ceux qui en groupe bouchent carrément l'accès au vaporetto, parlent fort et pénètrent partout où une porte est restée entrouverte... L'insupportable parfois mais qui n'empêche tout de même pas de bien vivre ce quotidien unique dans une ville unique. Quel centre urbain ailleurs dans le monde dispense autant de beauté et de sérénité, autant de poésie et de silence ? 

Autant dire que la présence de ce virus dont on nous rabat les oreilles depuis quelques semaines peut sembler être une aubaine. Il n'y a littéralement plus personne dans les rues d'habitude les plus fréquentées de la ville. En voici des images envoyées par mon amie Catherine. Du jamais vu depuis longtemps. La Piazza et le Rialto quasiment vides à des heures de pointe.

Mais en voyant ces rues et ces places vides du point de vue de ceux qui vivent du tourisme, l'absence de visiteurs n'a pas le même sens. Cette peur et cette paranoïa qui a fait fuir le monde risque de coûter cher à l'économie locale et mettre dans l'embarras plus d'un petit commerçant...

Campo San Luca, mardi 13 heures © Catherine Hédouin - mars 2020.

Pont du Rialto, mardi 15 heures / © Catherine Hédouin - mars 2020

27 février 2020

La situation de l'épidémie de COVID -19 en Italie


À ce jour, le nombre de cas en Italie est de 374 cas confirmés dont 12 décès, rapportés dans 10 régions. Parmi les 374 cas, 96% des cas sont concentrés dans 3 régions : 69% des  cas se situent en Lombardie (258 personnes), 19% en Vénétie (71 personnes), 8% en Emilie-Romagne (30 personnes), et les autres cas dans les régions suivantes : Piémont (3), Latium (3), la Sicile (3), la Toscane (2), Ligurie (2), Trentin Haut-Adige (1) et Marches (1).

En octobre dernier, et sans rapport aucun avec le COVID-19, des experts mandatés par les autorités sanitaires internationales ont publié la première édition du Global Health Security Index, qui a établi une étude qui visait à évaluer le degré de préparation de 195 pays face à un risque biologique émergent, comme une épidémie liée à un nouveau virus. Le résultat fait un peu froid dans le dos, il apparaît qu'aucun pays ne semble vraiment prêt. L'Italie se classe à la 31e position, pratiquement dernière parmi les pays riches... Cela explique la radicalité des mesures prises par le gouvernement italien et les autorités locales pour tenter de redresser la situation et d'activer tout ce qui est possible pour contenir l'épidémie, disposer des outils et matériels pour éviter que la situation s'envenime.

Cela ne veut pas dire qu'il y a réellement danger à être en Italie aujourd'hui. Si c'était avéré, les frontières seraient fermées, les liaisons aériennes, terrestres et aquatiques interrompues ou mises sous contrôle et les ambassades organiseraient le rapatriement des ressortissants de leur pays. On n'en est pas là. 

Le nombre de personnes présumées atteintes s'explique sans aucun doute par l'attrait touristique de la péninsule pour les asiatiques qui viennent nombreux visiter le pays avec notamment une très forte fréquentation pour Florence et Venise.
Ballo del Doge 2020
Mais, Biens Chers Lecteurs, gardons la tête froide et regardons les chiffres établis par les autorités sanitaires mondiales :

A 15 heures, le mercredi 26 février 2020, à 15h, la situation épidémiologique internationale fait état, sur une population mondiale de plus de 7 milliards (7.767.212.378 personnes exactement !), on comptait hier, 26 février 2020 (à 15h), 81.027 cas confirmés de COVID-19, dont 78.095 cas en Chine (96,4%) et 2.932 cas dans le reste du monde (3,6%)

Parmi ces cas avérés, 2.716 personnes sont mortes en Chine (PRC), 2 en France, 2 à Hong-Kong, 1 au Japon, 1 aux Philippines, 15 en Iran, 4 sur le bateau de croisière "Diamond Princess", 1 à Taïwan, 11 en Corée du Sud et 11 en Italie. Même s'il est claire que les chiffres augmentent, on est loin de la pandémie et, bien que préoccupant, le nombre de victimes reste excessivement faible. Sans se voiler la face sur l'importance et l'actuelle dangerosité de ce virus, il n'y a aucune raison de se ronger les ongles de terreur. encore moins d'arrêter de vivre normalement. c'est le parti pris par les vénitiens dans leur grande majorité.

Au total, 5 continents sont touchés : l'Asie hors chine continentale  avec 1 769 cas, l'Europe avec 383 cas, l'Amérique avec 65 cas, l' Océanie (22 cas) et enfin l'Afrique avec seulement 2 cas. Il faut ajouter les 691 cas confirmés sur un bateau de croisière au large du Japon. Les Grandi Navi ne sont pas mis en cause par les vénitiens pour rien !

Toujours au 26 février, parmi les 39 pays hors Chine ayant signalé des cas, les autorités notaient 5 nouveaux pays touchés : l'Autriche (2 cas), l'Algérie (1 cas), le Brésil (1 cas), la Croatie (1 cas) et la Suisse (1 cas).

Rappelons qu'au moment où je rédige ces lignes, le nombre de décès dans le monde suite à un cancer est de  1.591.260 ! 

Voilà pour les chiffres. L'inconnu, les craintes ancestrales, la pression médiatique, tout concourt à perturber le plus grand nombre d'entre nous. Bientôt les adeptes de la théorie du complot se répandront à travers les réseaux sociaux, parleront d'une stratégie des chinois, de la CIA, des russes ou du Mossad. Les séries télévisées financées par Amazon et Netflix vont dans ce sens (Hunters avec De Niro, The Messiah...). 

Un monde nouveau, où tout va très vite, cela donne un peu le vertige. Les vénitiens, comme tout le monde sont un peu préoccupés et pas seulement pour les retombées négatives que le surgissement de cette épidémie à la une de l'actualité a déjà sur l'économie locale. Mais ils ont connu des épisodes autrement plus lourds dans leur histoire. Les grandes épidémies de peste ont décimé la population. Lors de la première grande épidémie, en 1347, la Sérénissime qui comptait un peu plus de 100.000 habitants en 1347, en perdit plus de 60.000 ! En 1574, avant la peste, Venise comptait plus de 195.000 habitants. Après la peste, il n'en restait qu'un peu plus de 130.000 ! Parmi les victimes, le doge, les membres du Grand Conseil, de nombreux religieux, des artistes (Titien notamment) et des milliers d'enfants aussi. Pourtant la ville fit face, les habitants s'organisèrent, s'entraidant et se réconfortant. La dernière grande peste en 1630-1632 emporta un tiers de la population !



Une fois encore Venise, toujours innovante, servit de modèle en créant les lazaret pour regrouper les malades et tenter de les soigner en les éloignant du reste de la population. la quarantaine était inventée et elle fut systématisée partout ensuite. Le terme même vient de Venise, puisque le premier lieu de quarantaine était une île occupée par une communauté bénédictine. Île et couvent portaient le nom de Santa Maria di Nazareth. Bientôt appelé Nazaretto, qui devint par ontologie, assimilant les lieux au Lazare des Evangiles, donna Lazaretto... Partout où sévissait la peste noire dans le monde, on vit bientôt s'édifier des lazarets, bâtis et organisés sur le modèle vénitien.

La détermination des vénitiens et leur foi donna aussi au monde de merveilleux monuments, l'église du Redentore puis la Salute, directement liés aux terribles épidémies que la République de San Marco connut au cours des siècles. Serait-il déplacé de publier un billet sur cette époque terrible dont beaucoup de témoignages ont été conservés qui tous donnent une image différente de la manière dont elle fut vécue, jour après jour, par la Sérénissime vécut ? Tramezzinimag attend vos avis.

Plusieurs siècles après, les participants au fameux Bal du Doge de cet an de grâce 2020, somptueuse et décadente soirée (XXVIIe édition !), à laquelle il faut avoir assisté au moins une fois,  étaient bien au courant de l'Arrêté du gouverneur. Zaïa, au diapason du mode de pensée des élites qui nous gouvernent avait annoncé la couleur : écoles et universités fermées, rassemblements interdits, plus de cultes, de marchés, de concerts... Pourtant, le bal, qui avait lieu à la Scuola de la Misericordia, chez le doge Brugnaro (qui en est propriétaire à travers sa Holding Umana et la Reyers, le club de basket qui lui appartient) - Tramezzinimag vous reparlera de l'évènement dans un prochain billet) - s'est déroulé dans la liesse - qui était tout sauf populaire, vu le prix des billets - et il y avait foule. Tout le monde s'est follement amusé sans cordon sanitaire, et vins et champagne coulaient bien plus volontiers que des solutions hydroalcooliques et les masques n'avaient rien de chirurgicaux.