26 novembre 2007

Un de mes lieux préférés : La Zucca

"Les Vénitiens ont dans le caractère un immense fond de joie ; leur péché capital est la gourmandise, mais une gourmandise babillarde et vive." 
(George Sand). 

On parle de glaces et ma gourmandise reprenant le dessus, j'avais envie de vous vanter les mérites de cet excellent petit restaurant qui existe depuis de nombreuses années et qui, en dépit des effets de mode et de son inscription dans pas mal de guides internationaux, reste un lieu authentique, sympathique et abordable. J'en ai déjà parlé sur TraMeZziniMag, il s'agit de la Zucca, situé un peu en retrait des circuits touristiques, assez difficile à trouver quand on ne maîtrise pas encore la topographie de la Sérénissime. Fort heureusement. Son authencité préservée, la Zucca la doit justement en bonne partie à sa situation géographique. Et puis, comme il n'y a pas de menu touristique ni de pizza affichée au menu... 

C'est un lieu où j'allais souvent quand j'étais étudiant. Enfin quand mes finances me permettaient de mettre le nez dehors avec les copains. A l'époque une grande citrouille de bois peinte sur un panneau de bois accueillait les clients. Il y avait en guise de terrasse une grande table de bois et des bancs. 

On n'y servait que des plats végétariens. Un petit quelque chose d'alternatif à l'époque. C'était un lieu toujours paisible, surtout à l'heure du déjeuner. Le soir, des petites bougies éclairaient les tables rustiques. Un fumet délicieux attirait le passant qui s'aventurait sur le petit pont del Megio, juste en face qui mène au campo S. Giacomo dell'Orio. Rien n'a changé. Si ce n'est la carte qui, toujours aussi inventive, s'est ouverte à la viande : lapin, pigeons, canard, mouton... La cuisine reste quand même essentiellement végétarienne. 

Les deux cuisinières - et patronnes - Rossana Gasparini et Paola Salazàr, réinventent des plats traditionnels mais présentent aussi des trouvailles inédites à Venise. Leur canard rôti aux pommes et au Calvados est une merveille. Pas de poisson, peu de viande mais beaucoup de plats à base de légumes, comme les spaghetti aux aubergines fraîches servis avec une sauce à la ricotta assaisonnée au basilic, les tagliatelle aux artichauts et au Pecorino, les lasagne à la chicorée de Vérone, et avant tout à base de citrouille comme le flan de citrouille à la ricotta (à se damner). 

Mais mon plat préféré chez ces dames, c'est le flan d'asperges à la fondue de parmesan. Les desserts sont excellents notamment la très plantureuse mousse au chocolat noir aux noisettes. Quant à la carte des vins, si les prix moyens ont tendance à monter (plus rien à voir avec mon époque -bénie - où la carafe de rouge du pays coutait à peine 500 lires !), le sommelier Roberto Oran connait son métier et apprécie ce qu'il vous sert. Autre bon point, le restaurant est entièrement non-fumeur. A essayer été comme hiver. 

Voici la recette du flan aux asperges :

Il faut des asperges vertes surgelées en bocal ou mieux fraîches (mais ce n'est pas la saison), 450 grammes (environ 3 bottes), un peu de ciboulette, 150 gr de parmesan râpé, 250 ml de crème fraîche épaisse, 6 œufs, du sel et du poivre, du beurre pour le moule. Pour la fondue, il faut : 200 gr de parmesan frais, et du lait entier. 

Commencez par laver les asperges et les faire pocher dans de l'eau bouillante salée puis les passer sous l'eau froide pour préserver leur couleur. 
Mixer finement les asperges et la ciboulette jusqu'à obtenir une purée bien lisse. Dans un bol, battre les œufs avec la crème et ajouter le parmesan râpé, du sel et du poivre. 
Ajouter la purée d'asperges Bien mélanger le tout et mettre la préparation dans un moule à cake beurré. Cuire au four au bain-marie (th.160°) pendant 30 à 40 minutes (selon que les asperges sont fraîches, surgelées ou en bocal). 
Préparer la fondue au dernier moment : faire fondre de parmesan que vous aurez râpé au dernier moment en ajoutant peu à peu du lait entier jusqu'à obtenir une crème épaisse mais pas collante. On peut aussi adoucir en ajoutant du mascarpone (dans ce cas on mettra moins de lait). 
Dès que le flan est cuit (quand la pointe d'un couteau ressort sèche), le démouler. Couper des tranches épaisses, les napper de la fondue, décorer avec des brins d'asperges entiers. 

S. Croce, 1762, calle del Megio 
(entre S. Giacomo dell'Orio et S.Stae) 
ouvert à midi et le soir. 
Fermé le dimanche 
Prix moyens : 25 à 30 € sans la boisson 
Réservation recommandée au : 041 52 41 570 



___________

2 commentaires : (archives Google)

Anonyme a dit… 
Mi metti l'acqua in bocca Lorenzo ! 
27 novembre, 2007 
..............................................................................................................................................
&nbsnormal;">

25 novembre 2007

Esquisses vénitiennes

Je viens de mettre la main sur un exemplaire de l'édition originale des "Esquisses vénitiennes" d'Henri de Régnier, parue au Mercure de France en 1920. Le volume, broché, un peu sali, a souffert. Mais il a certainement été entre les mains d'un amoureux de Venise. En le feuilletant, j'y ai trouvé une carte postale plus ancienne qui avait du servir de marque-page. Elle est datée de 1909. Rédigée au dos de l'affiche en réduction de la VIIIe biennale de Venise, voilà ce que dit son texte :
Venise, 11-5-09
Par suite d'un hasard heureux j'ai pu aller passer deux heures à l'Exposition. Albert Besnard y a une place d'honneur. Le pavillon de la Hongrie est un véritable joyau. Si par hasard je n'étais pas rentré à 11 heures, ne t'inquiètes pas, c'est que je ne rentrerai qu'à 6 heures du matin lundi. Bons baisers mon gros loulou.
Maurice"
Et c'est adressé à Madame Maurice Vinot, 45 via S. Gregorio, Milano. Le cachet de la poste montre que la carte a été postée depuis la Ferrovia.
.
J'aime ces instants de vies passées que le hasard ressuscite. C'est déjà émouvant lorsqu'il s'agit de membres de notre famille que nous avons pu connaître. Ces témoignages sont alors comme un rappel de leur vie; une palpitation qui ne demanderait qu'à se faire entendre de nouveau et nous rend un peu de ceux que nous avons aimé. Ça devient encore plus émouvant quand ce sont des inconnus. On a l'impression de rentrer par effraction dans leur intimité et en même temps, on se dit que lire leur nom, déchiffrer leur message, regarder leur photo, c'est les sortir de l'anonymat dans lequel la mort les a plongé. Un peu comme le sourire réconfortant de l'infirmière à un malade qui n'a plus ni famille ni ami pour le soutenir dans son agonie...
.
Qui était ce Maurice Vinot ? Que faisait-il à Milan en 1909 avec son épouse, celle qu'il surnomme affectueusement "Loulou" ? Peut-être que leurs noms n'ont plus jamais été prononcés depuis des années ? Peut-être cette carte postale est-elle le seul témoignage matériel existant encore de leur passage sur cette terre? Peut-être, par un malheureux hasard, cette carte n'est-elle jamais parvenue à sa destinataire et qu'un drame est né de l'absence de Maurice ? Et s'il avait menti ? Si tout cela n'était qu'un subterfuge et qu'il s'était enfui avec une autre femme rencontrée à Milan ou ailleurs? 
En cherchant un peu sur internet, j'ai trouvé plusieurs Maurice Vinot. L'un fut le premier présentateur du journal parlé à Radiola qui deviendra le Radio Paris de triste mémoire (vous savez la rengaine "Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand"), un autre tourna de nombreux films à succès sous la direction de Louis feuillade ou Romeo basetti. Il mourut en 1918. Un autre encore était un industriel... Quand au 45 via s. Gregorio, c'est un immeuble bourgeois du centre de Milan, aujourd'hui siège d'une maison de prêt à porter.
..
A partir de ces quelques indices, on pourrait écrire toute une histoire... Elle commencerait par quelques jours à Venise, à la Biennale, avec le pavillon hongrois nouvellement construit comme décor et les peintures académiques, aujourd'hui oubliées, de l'alors directeur de la Villa Médicis, comme prétexte...

________

3 commentaires:

Anonyme a dit…
Votre papier m'a mis les larmes au yeux ce soir, je le trouve terriblement émouvant. Vos écrits si poétiques me font rêver. Venise me manque. M.17
Anonyme a dit…
Le curé de l'église Santa Maria Della Fava (S Marco)nous a raconté que le Ponte delle Tette (S Polo)avait été entièrement payé grâce aux dons des passants aux riveraines qui, le soir, se mettaient à leur fenêtre, seins au vent, pour rassembler assez d'argent pour construire ce fameux pont! (j'ai une photo de l'endroit, si ça vous amuse!) Ce curé est un homme fort jovial et rigolo qui nous a longuement parlé de son église avec beaucoup d'humour! Marie G
Lorenzo a dit…
Ce brave curé a bien édulcoré l'histoire. Le quartier abritait en vérité de nombreux lupanars tolérés voire encouragés par le gouvernement pour éviter la prostitution sauvage et la profusion des maladies. Les femmes étaient obligées de se montrer les seins nus aux fenêtres des maisons closes pour éviter qu'on les confonde avec des travestis. l'homosexualité était tolérée en privé, mais pas quand il s'agissait d'amour tarifé. Afficher ses seins, c'était prouver qu'on était une femme. La silicone n'existait pas encore !

Ganga, le marché aux poissons de Venise

D'autres petits riens prélevés sur un quotidien unique : Une note d'humour et de fantaisie. Pour ma lectrice Marie Daynié qui a pâti de la grève du personnel d'Artesia. De sombres considérations financières risquent de mettre à mal cette ligne, trop peu rentable à ce qu'il parait. En attendant de pouvoir repartir, voici un petit film de dix minutes, sympathique et original : un jour comme les autres sur le marché aux poissons de Venise, de l'aube au crépuscule ! L'illustration musicale est superbe, les images pleines de poésie et l'essentiel de Venise transpire de ces images. Regardez, vous m'en direz des nouvelles.


Direction & photographie par Francesco Cabras & Alberto Molinari
édité par Francesco Struffi
Musique originale composée par Alessandro Molinari.  
Produit par Ganga Films © 1999.


________

3 commentaires:

Marie a dit…
C'est également plein d'humour!  Grazie, Lorenzo d'avoir fait un tour par mon album photos, de votre commentaire et de m'avoir dédié ce nouveau post, ça me touche bien plus que vous n'imaginez... Je ne sais pas si c'est le personnel d'Artésia ( n'est-t-il pas italien?) ou le réseau ferroviaire français qui est devenu impraticable - aiguilleurs, sabotages - mais c'était hier... Place aux projets pour le printemps! :-)  En tous cas, ce serait dommage à terme, pour des raisons d'absence de rentabilité, de voir disparaître cette ligne : pour ma découverte de Venise, j'ai trouvé tout à fait extraordinaire au sortir de la gare de me sentir plonger ( grand canal oblige) comme par magie dans un "autre monde".. C'est saisissant! Pour revenir au quotidien, si vous le permettez, je vous poserai de temps en temps quelques questions sur des choses que j'ai remarquées, qui m'ont intriguée...  Comme par exemple le ramassage des poubelles! J'ai observé comment les vénitiens triaient, posaient à même le sol ou accrochaient leurs petits sacs de déchets à leur poignée de porte.. ou ailleurs.... le passage du préposé à la chose (piano piano) avec sa petite carriole métallique puis l'embarquement sur un bateau ( où vont les déchets?)... des petits riens comme vous dites!  Ou encore les chats.  Que représentent les chats pour les vénitiens? J'ai imaginé une théorie mais elle est sûrement fausse! Fidèlement vôtre et encore merci. Marie
Lorenzo
Lorenzo a dit…
Racontez nous votre théorie, je vous dirais comment est la vie des chats ici. Quant aux déchets ils sont triés le plus possible en Italie. A Venise, ils partent vers une île, grand dépotoir au milieu de la lagune qui fait le bonheur des mouettes mais ils vont aussi vers des centres de retraitement très modernes.
la girafe a les yeux noirs a dit…
et le silence et le vide quand la vie s'est retirée sous le regard de la petite vierge à l'enfant que j'ai toujours vue fleurie, cette lumière si spéciale qui traverse les grandes bâches rouges et vient s'épandre sur le sol mouillé