15 septembre 2006

Vivre vénitiennement à Venise la vraie vie vénitienne...

Une charmante jeune femme, fidèle lectrice de TraMeZzinimag m’interroge sur la plus importante des conditions pour bien vivre un premier séjour à Venise.
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Il existe mille et cents guides qui expliquent en détail où aller, comment se nourrir, se loger et quoi voir ou éviter. Je n’ai ni la prétention ni la place sur ce site pour leur faire une quelconque concurrence. J’ai simplement envie de dire à cette lectrice combien il faut s’imprégner dès avant l’arrivée d’un mode de vie finalement différent fait d’attitudes et de comportements par nature opposés à ceux qui guident notre cheminement quotidien à Paris, Lyon ou Bordeaux.

Car ceux qui visitent Venise se rendent vite compte, sans y penser parfois d’ailleurs, que cette ville est unique, différente de toutes les autres. Mais pourquoi en fait ? Comme chacune le sait l’automobile est absente de Venise et cela déjà bouleverse notre conception de la ville moderne. Ici, il faut aller à pied.
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Marcher ! l’incongruité absolue des citadins occidentaux qui passent de leur 4x4 au métro, du tramway au vélo, du bus aux trottoirs roulants et aux escalators et deviennent partisans du moindre effort… Les services publics (motoscafi et vaporetti comme nous les appelons ici) sont très utiles aux citadins comme aux touristes, mais ils ne peuvent desservir que le Grand Canal et les extérieurs du centre historique. Pour se rendre partout ailleurs à l’intérieur de la ville, il faut marcher.
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Il y a les taxis me direz vous. Mais eux non plus ne peuvent aller partout et puis, disons-le, ils sont assez chers, une centaine d'euros en général et ad minima. Aller à pied transforme aussi les travaux : le matin les « opérateurs écologiques » vont de porte en porte ramasser les sacs poubelles, le pain est livré du four à la boutique à l’aide de chariots ou même dans des caisses de bois que les garçons livreurs portent sur leur tête. 

En général, le transport se fait avec des barques aussi loin qu’elles peuvent s’enfoncer dans les méandres de la cité puis les marchandises sont déchargées – toujours à la main – sur des chariots qui à la force des bras vont par les rues, les places et les ponts pour rejoindre leur destination. La difficulté de tout cela ne peut être comprise que de ceux qui ont un jour décidé de se déplacer dans la ville en transportant une malle ou un carton contenant du matériel informatique par exemple…
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La cité piétonnière permet d’autre part à ceux qui ont des enfants de les laisser jouer et courir dans les rues sans avoir à se préoccuper de dangers éventuels. Nous sommes loin des périls d’une ville remplie de voitures… Les adultes oublient eux aussi les problèmes inhérents à la vie avec des roues dès qu’ils osent le pied sur le sol vénitien. Ici pas d’émanation de gaz d’échappement, pas de crainte de retrouver un PV sur le pare-brise quand on est resté trop longtemps en double-file, pas de queue interminable à la pompe du super-marché.
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Les embouteillages ne se voient que pendant le temps du Carnaval quand des centaines de milliers de masques se retrouvent en même temps dans les mêmes ruelles. Il est alors facile de suivre quelques indigènes qui se faufilent à travers le labyrinthe des rues et des ruelles loin du flux des touristes (on ne peut malheureusement pas éviter les engorgements des abords des ponts sur le Grand canal sauf à prendre le traghetto s’il fonctionne…
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Sortir des parcours les plus fréquentés est indubitablement le meilleur moyen de passer son temps à Venise. Si on s’éloigne des itinéraires standards, on peut découvrir une ville plus authentique, avec ses privilèges et ses grands problèmes, la ville des silences et des parfums, mais aussi des murs qui tombent en morceau et des canaux qui à marée basse découvrent au passant leurs fonds malodorants. Rien n’est certes parfait. Venise n’est pas faite que de palais, d’églises, de musées et d’œuvres d’art. Venise c’est aussi l’acqua alta, de plus en plus de monuments d’architecture à l’état d’abandon et l'exode continu et exponentiel des résidents vers la terre ferme à cause du coût prohibitif de la vie ici et les prix inabordables pratiqués sur le marché immobilier en même temps que la croissance démesurée d'un tourisme de masse impossible à contenir et sans grand intérêt pour l'artisanat d'art et l'économie locale en réalité.
Chacun peut visiter Venise à sa manière, à son rythme : en se promenant dans le brouillard, en paressant au soleil des Zattere après y avoir dégusté une glace, en passant ses journées dans les musées et les églises, en recherchant des angles particuliers pour peindre ou photographier, en butinant de trattoria en bars à vin, en étudiant dans les bibliothèques, en faisant du shopping dans les magasins de luxe ou chez les marchands ambulants, en se promenant en gondole à travers les canaux. Mais dans tous les cas, il vous faudra caminare (marcher) !
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Donc, chère lectrice, préparez vous bien attentivement. Une bonne paire de chaussures commodes et agréables et en route pour les rues, les ruelles, les places et les quais ! Allez au gré de vos intuitions. Si vous avez un plan avec vous, utilisez-le seulement pour noter les endroits que vous avez repérés, les lieux qui vous ont plu. Perdez-vous, pour mieux vous retrouver. Surgirons à l'improviste des lieux inconnus et superbes. Éloignez-vous des magnifiques palais et des églises grandioses.
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Visitez au fil des ballade des églises, petites comme des maisons de poupée ou d'imposants monuments, à votre guise... La seule chose qu’il vous faut garder en tête, c’est qu’ici tout va plus lentement qu’ailleurs, guère plus qu’ailleurs mais suffisamment pour rendre la vie moins frénétique. Et se sentir bien avec soi. L'occasion de se retrouver et pour ceux qui en ont besoin, de s'apaiser. Venise est un lieu de ressourcement.

posted by lorenzo at 23:37