Dix-neuvième année - Nouvelle édition. Les Hors-Textes de Tramezzinimag :

31 janvier 2007

Recette gourmande : Pasticcio di melanzane et Ragù alla napoletana

Une amie de l'Académie italienne de la cuisine me rappelait que l'aubergine est un légume d'été et qu'il vaut mieux éviter d'en acheter en hiver parce que certainement poussées en serre, donc pleines de nitrates et autres saletés qui en modifient le goût et les qualités nutritionnelles. C'est pour cela que mes belles aubergines italiennes (provenant d'un joli potager de Mazzorbo, sur la lagune de Venise,ont été blanchies, coupées en tranches fines et aussitôt congelées l'été dernier. Je les préserve le plus possible et j'essaie d'en faire le meilleur usage : risotto aux légumes (avec des fèves, de la tomate, des herbes, des petits oignons-sauce un peu sucrés), mais surtout pour faire mon "pasticcio de melanzane et maccheroni alla napoletana". Cette fameuse timbale d'aubergines et de macaronis à la napolitaine qui faisait les délices de Casanova, le gourmet. En voici les grandes lignes. On la sert avec du Ragù alla napoletana dont le bouillon est utilisé pour cette préparation. 

Il vous faut 800 grammes de macaronis dits "mezzi ziti", 6 longues aubergines, 2 litres de ce fameux ragù (je vous expliquerai ensuite comment le réaliser), 30 grammes de beurre, de l'huile d'olive, du parmesan fraîchement râpé, 300 g de mozzarella,une vingtaine de feuilles de basilic, 200 grammes de viande hachée, 2 tranches de pain de mie, du lait, un œuf, du persil, de la noix muscade, sel et poivre.

La veille ou quelques heures auparavant, préparez le ragù à la napolitaine. Couper les aubergines en tranches plutôt minces dans le sens de la longueur et les faire frire. Hacher grossièrement la mozzarella. Préparer une farce avec la viande hachée, le pain trempé dans le lait, l’œuf, le parmesan, le persil finement ciselé, le sel et le poivre et une cuillère de muscade fraîchement râpée. 

Modeler des boulettes de la taille d'une noisette et les faire dorer à feu doux dans une poêle avec 2 cuillères à soupe d'huile. Beurrer un moule à charlotte de 25cm de diamètre assez haut (12 ou 13 cm). En tapisser le fond avec des tranches d'aubergines puis les parois en posant les tranches verticalement, les faisant se chevaucher légèrement et en les laissant déborder du moule afin de pouvoir ensuite en recouvrir la timbale. Réserver suffisamment de tranches d'aubergines pour couvrir le moule et couper les tranches restantes en morceaux pour servir d'assaisonnement aux pâtes. 

Faire cuire les ziti à l'eau bouillante salée. Égoutter 2 minutes après la reprise de l'ébullition et les passer aussitôt sous l'eau froide pour interrompre la cuisson qui doit ainsi être al dente. Assaisonner avec une bonne quantité de ragù chaud. Ajouter le parmesan, le basilic ciselé, les boulettes de viande, les morceaux d'aubergines et la mozzarella hachée. 

Remplir la timbale avec les pâtes assaisonnées et refermer le tout avec le reste des aubergines. Replier les morceaux qui dépassent. Mettre au four pendant 30 minutes (four préchauffé à 200° C.). 

Sortir du four et laisser reposer 10 minutes avant de démouler l'appareil sur le plat de service. On peut préparer deux timbales de taille différente dans deux moules pour présenter une timbale à deux étages du plus bel effet. Servir avec la viande du ragù. Dégustez, c'est un délice. 

Ragù alla napoletana 
Tel que le préparait Enrietta, ma "gouvernante" de la calle dell'Aseo. C'était une sfrataï (littéralement "expulsée") comme il y en avait tant dans les années 80 à Venise. Restée longtemps au service d'une vieille patricienne partie en maison de retraite du côté de Vérone, elle avait dû quitter son petit appartement et arrivée à l'âge de la retraite, elle souhaitait enfin se reposer. N'ayant pas assez d'argent pour retourner dans sa Sardaigne natale et rénover sa petite maison de famille, elle était logée aux frais de la municipalité le temps de pouvoir repartir dans son île. Elle avait toujours travaillé à Venise, chez plusieurs prêtres, dans deux ou trois familles patriciennes dont la dernière où elle resta 18 ans, faisant office de gouvernante, de cuisinière et de lingère. 

La signora Matilde Grinziato Biasin qui me logeait calle dell'Aseo, lui loua aux frais de la Commune le petit studio voisin de mon appartement, au piano terrà de l'immeuble qu'elle occupait avec son mari. Comme son petit studio ne disposait pas de cuisine, elle venait chez moi préparer ses repas. Me voyant un jour submergé de linge à repasser et de vaisselle à faire, elle entreprit de mettre de l'ordre dans ma vie de célibataire pour me remercier de lui laisser l'usage de ma cuisinette. 

Bien m'en prit : à partir de ce jour là, la brave Enrietta s'occupa de ma modeste domus : elle cira, dépoussiéra, nettoya, reprisa, repassa. C'était sa vie. Mais plus que tout, elle me fit la cuisine. Grâce à son art, j'ai eu pendant près d'un an l'illusion de vivre comme autrefois, servi comme un prince par une vieille dame drôle, efficace et stylée qui refusait de dîner en même temps que moi, se faisait toujours discrète et dont les plats était un régal. Elle finit par être indemnisée de la perte de son appartement et put rentrer chez elle finir ses jours. J'ai gardé quelques unes de ses recettes, qu'elle nota pour moi dans un petit carnet de chez Paolo Olbi qu'elle acheta en cachette et m'offrit quand elle s'en alla. Un adorable vieille femme dont je me souviens toujours avec émotion. 
Pour réaliser le ragù manière Enrietta, il faut un beau rôti de bœuf dans le rond, un bon morceau de jambon cru (environ 250 grammes), des herbes (persil, marjolaine, thym), de l'ail, des oignons, 3 ou 4 petites carottes, 2 branches de céleri, du concentrato di pomodoro, du vin rouge, un bouillon cube, du sel et du poivre.
Faire des lardons de jambon cru et les rouler dans de la marjolaine fraîche mélangée au thym, poivre et gros sel (Enrietta utilisait un sel qu'elle préparait elle-même avec du thym et d'autres herbes séchées et qu'elle conservait dans un pot de terre sur sa fenêtre). Piquer ces lardons préparés dans la viande. 

Mettre le rôti dans une cocotte avec 6 cuillères à soupe d'huile et le faire revenir lentement de chaque côté. Quand il est bien doré, le retirer et le réserver au chaud dans une terrine couverte.
Faire revenir dans la graisse de cuisson un hachis confectionné avec le persil, l'ail et le gras du jambon. Ajouter les légumes en julienne et cuire à feu doux sans laisser brunir les légumes. La cuisson doit être très lente pour ne pas vous obliger à rajouter de l'eau. Remettre alors le rôti dans la cocotte en remuant bien le tout pour que les sucs se mélangent bien.
Mouiller peu à peu le rôti avec un verre de vin rouge. Quand le vin est complètement évaporé, ajouter le concentré de tomate peu à peu en le mélangeant bien avec une cuillère de bois. Quand tout est incorporé, mouiller avec du bouillon jusqu'à presque recouvrir la viande. Couvrir. Laisser cuire à feu très doux 4 à 5 heures pour obtenir une viande très tendre et très cuite et une sauce dense, abondante et parfumée. Servir la viande coupée en tranches épaisses nappées de la sauce du ragù. Utiliser la plus grande partie de cette sauce pour la timbale de macaronis. J'ajoute sur les tranches de viande du parmesan râpé et un peu de persil ciselé et frit dans un mélange huile et beurre pour le décor.

4 commentaires: (archives Google du blog originel)

Anne-Marie a dit…
ça a l'air drôlement bon mais pas simple simple à préparer. Je vais essayer ce WE avec des amis qui reviennent de Venise justement et qui m'ont fait connaitre votre superbe blog.
Francis Jacques a dit…
Salut Lorenzo
Vous souvenez vous de Francis Jacques - aquarelliste blogger - de Venise et autres.
Je visite toujours votre lieu d'expression et d'Amour de Venise.
Toujours la rencontre de la passion, de la lumière, de la tendresse comme dans l'amour, que vous avez pour ce lieu magique.
Bien à vous.
Francis Jacques
Lorenzo a dit…
merci Francis Jacques pour vos visites et ce sympathique commentaire. Je poursuis mon parcours amoureux mais votre indulgence est grande, j'ai parfois l'impression de ne pas apporter grand chose. Tant de gens mieux nantis que moi ont su écrire leur passion pour Venise. Mais je continue. je continue.
Anonyme a dit…
è un peccato che tu non mi abbia almeno risposto, la mia era una domanda onesta senza alcun interesse se non di far conoscere le tradizioni di venezia, grazie lo stesso Guido
http://coquinare.over-blog.com

Disparition d'un jeune vénitien


La nouvelle est tombée, comme un bloc de pierre qui se serait effondré d'un angle du palais des doges. Surnommé Max le Gazzettin par ses amis, un jeune journaliste du Gazzettino, directeur du "Gazzettino Illustrato", écrivain en promesse, esprit brillant, fondateur d'une agence de communication qui commençait à faire parler d'elle, Massimiliano Goattin, est mort à 25 ans sur une route encombrée de Phukett, en Thaïlande où il venait juste d'arriver. 

Fou d'Orient, ce jeune homme rêvait depuis toujours de ce voyage. Déjà, il y a deux ans un périple au Japon l'avait bouleversé. Ce nouveau Marco Polo se promettait de ramener de ses pérégrinations orientales des tas de notes. Matière à un livre ? Chi lo sà ?  

Il est mort bêtement, sur une moto de location et sa famille vient juste d'en être informée. Il y a parfois comme cela à Venise, comme ailleurs, des disparitions injustes. Inexplicables. De jeunes esprits brillants, de belles âmes qui s'en vont trop tôt. Trop vite. 

TraMezziniMag adresse ses sincères condoléances 
à ses parents, à sa famille et à toute la rédaction du Gazzettino.

No Pizza !


Cette affichette aperçue dans la vitrine d'un café. Elle manifeste la lassitude des vénitiens devant les hordes de touristes qui dévalent les rues et affamées, se répandent dans les magasins et les bars à la recherche de n'importe quelle pitance consommable immédiatement. Leur vocabulaire limité comprend au moins ce mot "pizza", ainsi que "birra", "café", "Toilette", "gondola"... 
Elle peut se traduire par "Touriste soit le bienvenu, entre et installe-toi, commande un café, un verre de vin, un chocolat ou des pâtisseries, mais nous ne vendons pas de pizzas nous sommes désolés". Paroles qui pouvaient être prononcées trois ou quatre fois dans la semaine autrefois, mais qu'il est impossible de réciter aujourd'hui, car il ne faudrait faire que ça : "no pizza, no pizza, no pizza, no pizza, no pizza"... Il ne faut pas leur en vouloir à ces vénitiens, ils sont simplement fatigués de cette invasion débridée !

26 janvier 2007

Venise au XIXeme siècle

Par un matin calme devant le campo San Zanipolo.

Matin d'hiver sur les Schiavoni


" L'air de Venise est sain, les femmes y vieillissent moins vite que dans les autres climats chauds de l'Italie, et les hommes y conservent de la fraîcheur et de la force jusqu'à un âge très avancé."
M.Perrot,
Nouvel Itinéraire portatif d'Italie (1827).

Matin d'hiver


Ou bien était-ce en automne ? La lumière cependant est toujours aussi belle et l'ambiance est là, unique et formidablement roborative. On ne se lasse jamais du quotidien à Venise.

Concours pour la dévolution de la Pointe de la Douane : Guggenheim et Pinault à égalité

50/50 pour le premier round, ainsi en a décidé le comité technico-scientifique présidé par Achille Bonito Oliva, qui est chargé de décider qui se verra attribuer les locaux de la Pointe de la Douane.


Égalité absolue donc tant pour ce qui est de la qualité architecturale proposée, des réponses apportées au cahier des charges notamment les solutions préconisées par les deux institutions pour la gestion et le déploiement culturel des lieux, le choix des œuvres qui seront mises à disposition et le rayonnement international qui en découlera. C’est maintenant à la direction vénitienne du Patrimoine qu’il appartient de trancher. L’assesseur, Mara Rumiz a suggéré une synergie entre les deux fondations pour instituer un nouveau pôle culturel de portée internationale avec la présentation d’une collection commune. Du jamais vu. Le rapprochement de la pensée muséale américaine avec la pensée européenne et française… Un rêve qui, s’il devenait réalité permettrait à Venise d’offrir au monde entier un extraordinaire périple artistique en déployant dans sa plus ample expression une vision de la création contemporaine des années 50 à nos jours. Je subodore que les autorités avaient déjà cela en tête et qu’il fallait une commission ad hoc pour renforcer la conviction que les deux fondations aujourd’hui implantées presque à égalité à Venise : le siège des deux collections est un passage obligé pour les amateurs d’art moderne, le prolongement permanent des expositions de la Biennale dans un des lieux les plus prestigieux du monde, une ville unique qui refuse de se contenter d’un tourisme de masse venu contempler (consommer ?) les vestiges de sa puissance et les témoignages de sa grandeur passée.
 

Les intéressés n’ont pas réagi de la même manière. Le Gazzettino soulignait la satisfaction de la Guggenheim prête à étudier un rapprochement avec sa concurrente. Jean-Jacques Aillagon, le directeur du Palais Grassi, se montrait un peu plus distant et laconique. Il doit bien entendu en référer au patron dont la vanité - et personne en l’occurrence ne peut le lui reprocher – risque de souffrir de cette association qui pourrait réduire l’impact de son installation à Venise. Si les deux candidats s’entendent, nous aurons bientôt dans ces magnifiques locaux, revus par deux architectes de très haute volée, un des plus intéressants musées d’art contemporain du monde qui draînera des visiteurs douze mois sur douze au même titre que le Centre Pompidou ou le Moma de New York ! Venise accéderait ainsi avec les collections et les expositions temporaires du Palais Grassi, avec les collections du Musée Guggenheim, avec l’exposition internationale de la Biennale, ses galeries privées et ses collections municipales, au rang d’une capitale internationale de l’art contemporain. Quel coup de fouet pour l’activité économique. Quelle chance unique de pouvoir se positionner autrement qu’en Disneyland pour tourisme de masse avec ses masques et ses verroteries. Le maire qui s’exprimait hier sur ce sujet ne disait-il pas qu’outre la restauration très lourde de l’édifice (il faudra respecter sa structure originelle comme on le fit à Bordeaux avec l’entrepôt de denrées coloniales qui abrite le CAPC - Centre d’Arts Plastique Contemporain), il s’agira de présenter des collections permanentes avant tout et de permettre à la ville de participer à la programmation culturelle du centre.
 

"La "fusion" des deux collections que la Fondation Guggenheim et la Fondation Pinault ont proposée au comité" a observé l’assesseur Mara Ramiz, "serait la meilleure solution pour le public comme pour Venise, pour l’impact mondial qui en découlerait". D’autant plus que les collections se complètent parfaitement, la Guggenheim possédant des pièces fondamentales pour la compréhension de l’art contemporain des années 50 à 80 et la Fondation Pinault disposant essentiellement de pièces des années 80 à aujourd’hui. Pinault a les moyens d’aller seul jusqu’au bout, sa Fondation peut assumer l’intégralité des charges et il est donc le mieux placé pour l’emporter si malheureusement aucun rapprochement n’était possible. A l’annonce du verdict de la Commission, les réactions n’étaient pas vraiment les mêmes : on sentait dans le communiqué officiel publié par Jean-Jacques Aillagon une froideur contenue sinon de l’irritation. En revanche, le communiqué américain montrait une plus grande disponibilité et une parfaite compréhension de la position de la Commune. En fait les américains de la Guggenheim sont en contact – et en phase - avec la réalité vénitienne et la philosophie locale depuis bien plus longtemps que l’ultra-parisienne équipe Pinault. A suivre.
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P.S. : Pour ceux qui veulent davantage d'explications sur ce roman et qui n'ont pas tout suivi, vovi un lien vers un article de Jean Jacques Bozonnet, paru dans le monde l'été dernier : http://www.vannes-off.net/

La polenta Goldoni

Les enfants me réclament souvent ce plat dont ils raffolent. Facile à réaliser, il est cependant un peu long si on veut faire de la vraie polenta au lieu de cette préparation précuite bien pratique certes mais dont le goût est à la polenta ce que la purée Mousline est à la vraie purée… Il vous faut : de la polenta, de l’ail, du jambon de San Daniele très finement coupé, du parmesan, du beurre, du vinaigre balsamique, un œuf par personne, de la ciboulette, du gingembre, du radis noir et une carotte. On peut remplacer le jambon par de la pancetta.

Etaler la polenta dans un plat creux pour lui donner une forme de grosse galette. Réservez au chaud. Dans une assiette, disposer les tranches de jambon chiffonnées, des lamelles de radis noir et de carottes. Faire pocher un œuf par assiette. Mettre l’œuf au milieu de la chiffonnade de jambon, y mettre un peu de hachis ail et ciboulette pour décorer, un peu de gingembre râpé et napper d’un filet de vinaigre balsamique. Disposer la polenta brûlante dans les assiettes, étaler dessus une bonne épaisseur de beurre frais puis le parmesan fraîchement râpé. J'ajoute parfois des jeunes pousses d'épinard ou de chicorée de Vérone coupées en lanières. C'est d'un très bel effet et agréable au goût. Servir aussitôt et régalez-vous.
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A propos de plaisirs gourmands, connaissez-vous la charmante comtesse Fulvia sesani ? Elle abrite depuis quelques années dans son joli petit palais Morosini (datant du XIIe siècle) une école de cuisine des plus confidentielles où moult anglaises et américaines bien nées (ou très argentées) viennent apprendre à prix d'or les délices de la gastronomie vénitienne. Fulvia est le mélange à part égale de Maïté la bonne gasconne et la très aristocratique et bordelaise Micheline Lawton qui se sont rendues célèbres en France avec leur émission télévisée. Mais je vais vous reparler d'elle.

24 janvier 2007

Il neige !



Joie enfantine quand les flocons se mettent à tomber et que peu à peu le sol, le rebord des fenêtres, les toits des maisons se recouvrent de cette pellicule magique. Il neige depuis quelques heures maintenant et la nuit s'est faite plus silencieuse, tout ce que je vois depuis mes fenêtres a pris un aspect mystérieux, splendide et pur. D'abord timides, les flocons ont grossi. Le ciel est rose comme un rêve et peu à peu tout est recouvert d'une couche immaculée. Le chat regarde par la fenêtre, ahuri par la métamorphose de son paysage familier. L'air s'est fait plus froid et plus pur. On a la même sensation qu'en montagne, quand les poumons semblent s'ouvrir à la pureté de l'air. Silence absolu. Enfin, il neige !

Radio Birikina

Luc, fidèle de TraMeZziniMag depuis le début me demande les références d’une radio vénitienne en ligne. Voici le lien vers Radio Birikina, qui peut s’écouter en Mp3 ou simplement avec Window Media Player. Bonne musique, émissions sympathiques, et cette ambiance unique des radios italiennes où même la publicité est musique. Certains journalistes ont vraiment l’accent vénitien, c'est normal puisque la plupart sont vénitiens ! Pour les amateurs de couleur locale de tous âges. Sur votre page d’accueil WMP noter le lien et écoutez : http://212.103.197.216:8000/birikina_live

20.000 visiteurs !


TraMeZziniMag est assez fier de constater que le seuil des 20.000 visiteurs est passé. Personne ne saura jamais qui a été ce vingt-millième curieux venu se perdre dans les méandres de la Venise que j'aime. Non ne croyez pas que je tire une quelconque gloire de ce chiffre. Mais il me prouve que ce travail quotidien - qui est avant tout un plaisir - continue de trouver parmi vous un écho bienveillant et les commentaires laissés sur mon livre d'or le prouvent bien. Ne voyez donc aucune vanité ni aucune prétention dans mes propos. Une grande fierté plutôt. Il existe des milliers de sites sur Venise dont certains bien mieux faits et bien plus documentés. J'ai seulement la faiblesse d'aimer faire aimer ce que j'aime. Viva Venezia!

22 janvier 2007

Avez-vous des nouvelles du Signor Casanova ?

Les Studios Disney l'avaient annoncé à grand renfort médiatique dès 2004 ce "Casanova". Une méga production Touchstone confiée à Lasse Hallström, avec un casting brillant et bien choisi. Mais la montagne a accouché d'une souris et le DVD est dans les bacs depuis moins de temps qu'il n'en faut pour réserver un billet au cinéma du coin. Qu'en est-il vraiment ?

Bon vous l'aurez compris, j'ai enfin visionné ce film et je peux maintenant en parler. Non ce n'est pas un flop, certainement pas non plus un titre qui restera dans les mémoires. En fait c'est un bon petit film très divertissant, une gentille histoire d'amour avec des moments très drôles et des scènes remuantes, tout ce qu'il faut pour un moment de plaisir en famille. Les acteurs ne sont pas mauvais, l'histoire assez bien trouvée bien qu'invraisemblable.

Mais ce qui me fait vous parler aujourd'hui de ce film, c'est bien sur parce que Venise y a une place prépondérante. En fait, à bien y penser, c'est Venise qui emporte le meilleur morceau dans ce méli-mélo hollywoodien. Car le réalisateur a insisté pour que tout soit tourné sur place, en décor naturel pour les extérieurs comme pour les scènes se déroulant dans les palais. C'est ainsi que Casanova fuit les gardes de l'inquisition à travers les couloirs du vrai couvent de la Pietà où il fut, disons, assez souvent aperçu. L'interrogatoire et le procès du séducteur numéro 1 se déroulent dans la salle même ou quelques siècles plus tôt Giacomo Casanova le vrai comparut devant le Tribunal...

Rien à redire non plus sur les costumes, les perruques, les coiffures et les parures des dames, les barques, les chalands et les gondoles, rien non plus à redire sur la décoration des appartements sinon quelques libertés prises avec les siècles (on voit à un moment dans un salon totalement XVIIIe une table à thé totalement XIXe).

Il y a toujours des erreurs grossières dans ce genre de film, mais cette fois-ci, elles sont rares et passent car l'authenticité du décor étouffe les quelques oublis. Je pense à une scène ou Casanova suit la belle Francesca croyant qu'elle se rend chez un amant secret. Elle passe au-dessus d'un passage (situé près de S.Giovanni e Paolo en vérité - à deux pas du palais où logeait sa mère, sur le Fondamente Nuove - est-ce un clin d'oeil voulu ou le hasard des repérages ?), la fenêtre de la galerie où la belle jeune femme passe est certes habillée de vitraux en cul de bouteille mais elle est aussi hélas encadrée par deux magnifiques volets métalliques, peints en vert bouteille, comme il y en partout à Venise depuis les années 60. C'est absurde mais ça passe.

Les vues du Grand Canal aussi passent très bien. Pourtant on y voit des bâtiments qui n'existaient pas à l'époque de Casanova... Cela n'a guère d'importance. Les scènes du bal, de la foule dans les rues ou sur la Piazzetta pour le carnaval, tout est parfaitement plausible. Ce n'est pas un hasard quand on lit au générique le nom de Danilo Reato, qui a été le conseiller historique du film.

Le DVD dans sa partie bonus présente d'ailleurs le making-off du film à Venise expliquant la part fondamentale de la ville dans l'esprit du metteur en scène. C'est ce qui restera avec l'excellente illustration musicale. Musique ancienne et baroque pour l'essentiel, revue mais toujours traitée avec beaucoup de fidélité. C'est tout neuf, mais ça passe. Regardez-le, c'est un agréable petit film. Et puis, dernière chose, en dépit de quelques détails presque scabreux, de dialogues parfois assez "pointus" oserai-je dire, les enfants peuvent le voir sans les faire ricaner de gêne ni faire rougir leurs parents.

20 janvier 2007

COUPS DE CŒUR N°13

Venise sous la neige
pièce de Gilles Dyrec 
mise en scène par Gérard Maro
Café de la gare, 41 rue du Temple, 75004 - Paris
(métro Hotel de Ville ou Rambuteau)
http://www.venise-sous-la-neige.com/
Depuis un an au Café de la Gare et ça continue en 2007 ! Un succès avec plus de 200 représentations et 30 000 spectateurs. Venise sous la neige est une comédie dynamique et savoureuse tournant autour d'un énorme malentendu. On se prend très vite au jeu en observant ces 2 couples si différents, dont l'un d'eux pourrait sortir tout droit du fameux Dîner de con. Entre déchirures amoureuses et déclarations de mariage, les rôles vont s'inverser et la soirée va accumuler les catastrophes hilarantes, pour le plus grand plaisir des spectateurs. Excellentissime ! L'histoire : Entraînée par son ami avec qui elle vient de se disputer, Patricia arrive furieuse à un dîner "entre amis" où elle ne connaît personne. Comme elle ne dit pas un mot, on la prend pour un étrangère. Elle entretient alors le quiproquo et fait voler la soirée en éclat…

Une question d'honneur
Donna Leon

Calmann-Lévy. 2005.
"Le célèbre commissaire Brunetti reçoit un jour la visite de Claudia Leonardo, une élève de sa femme. La requête de la jeune fille l'intrigue : elle veut savoir si son grand-père, qui a commis un crime pendant la Seconde Guerre mondiale, peut être réhabilité après sa mort. Mais elle reste très évasive quant à la nature de ce crime. Brunetti mène l'enquête et apprend qu'il pourrait bien s'agir d'un trafic d'œuvres d'art. Lorsque Claudia est retrouvée poignardée dans son appartement, les choses se compliquent. Tandis que certains secrets du passé refont surface, Brunetti doit déjouer les faux-semblants d'une affaire où l'honneur de plusieurs personnes est en jeu. A Venise, les masques dissimulent parfois d'inquiétants visages... " Paru en France en 2005, ce n'est pas la meilleure des aventures de Brunetti mais je prends toujours un plaisir fou à le suivre dans ses enquêtes. Savez-vous qu'il existe un site en français consacré de la reine américaine du polar vénitien : http://www.freewebs.com/donna-leon-portal/

Une épicerie à Venise
documentaire réalisé par Elke Sasse

Arte, Visages d'Europe 
Mardi 23 janvier, à 11h05
(Italie, 2005, 26mn)
Belle rencontre avec les frères Ernesto et Giuseppe Ortis, qui tiennent leur épicerie familiale dans un quartier de Venise encore épargné par les touristes. Une promenade dans les profondeurs de la vie vénitienne où le quotidien n'est pas si facile qu'on pourrait l'imaginer. Dommage que ce petit film ne soit pas rediffusé. Parfois, en écrivant à Arte on a la surprise de pouvoir le télécharger ou bien de le voir rediffuser à l'improviste.

Michel Lambert
Airs de cour
par René Jacobs
, Konrad Junghänel (théorbe), Wieland Kuijken (viole), Mihoko Kimura et Dirk Verelst (violon).
Curiosita, Harmonia Mundi. 
2004.
Discrète collection qui reprend des enregistrements du fonds Harmonia Mundi d’une incroyable richesse. Pour les esprits curieux (c’est ce que dit la notice de présentation du catalogue), on trouve les arts Florissants de Willian Christie interprétant magistralement le Cantique de Möyse de Moulinié, Les cantates de la vénitienne Barbara Strozzi avec la voix de Judith Nelson, l’Ensemble Janequin avec les Leçons de ténèbres de Sermisy, Huguette Dreyfus au clavecin qui joue Microcosmos de Bartok… Des pochettes résolument sobres, contemporaines, très légères presque trop épurées mais un contenu d’une belle qualité. J’ai toujours apprécié la politique éditoriale de cette maison de disques. Rappelez vous la création dans les années 70-80 de la collection Musique d’abord qui pour 10 Francs (1,50 €) proposait des enregistrements d’une grande qualité et d’une incroyable diversité. Presque tous les titres ont finalement été réédités mais le prix forcément a changé. Leur politique de développement est intelligente, leur méthode de commercialisation très sobre et surtout leur catalogue d’un éclectisme et d’un goût absolument sûr. Comme on dit d’une oreille qu’elle est parfaite. Bon, je ne sais si ce panégyrique me vaudra un cadeau de la maison arlésienne, mais je revendique mon attachement à cette compagnie !
Revenons-en à Lambert par René Jacobs. Dans un français parfait, le Maestro Jacobs chante avec la délicatesse, le raffinement et l’efficience qui lui sont naturelles (nous sommes en 1981 au moment de l’enregistrement réalisé par l’excellent Jean François Pontefract) ces "airs de cour" composés pour ces concerts qui s’organisaient souvent dans les salons en ville comme à la cour et où régnait une atmosphère précieuse et légère à la fois. Ce n’était pas des réunions prétentieuses mais savantes aurait-on dit à l’époque de gens bien mis, connaisseurs et cultivés. Michel Lambert, "élève" du grand Etienne Moulinié, chantait en s’accompagnant au théorbe. Presque toute son œuvre est consacré à ce genre avec le plus souvent une référence à l’amour et à la mort. Ce disque est un régal. J’aurai pu vous parler, paru dans la même collection, de Judith Nelson interprétant la musique de Barbara Strozzi parce qu’elle était vénitienne (autre disque fabuleux). Mais ces airs de Lambert participent de ma vie vénitienne. Il y a une vingtaine d’années, quand jeune étudiant, je passais les plus belles soirées du monde chez un vieil aristocrate musicien amateur qui connaissait tout le monde à Venise. Je sais bien qu’il réunissait chez lui beaucoup de jeunes gens parce qu’il était très sensible à notre jeunesse et on croisait souvent chez lui de forts jolis garçons et de très belles jeunes filles. Mais il n’eut jamais pour aucun de nous de gestes qui eurent pu nous embarrasser ni ne prononça de propos déplacés. Il nous jouait du Lambert. C’est chez lui que je découvris le théorbe, le plaisir de cette musique paisible, humaine, interprétée parfois par de grandes voix. Je pense à Margaret Zimmermann qui venait parfois chez lui, de ces jeunes musiciens du conservatoire Marcello dont j’ai déjà parlé et qui donnèrent à ma demande un récital pour l’exposition de Missa Yoshida (cf billet mis en lien de novembre dernier). Ce vieux monsieur, aujourd’hui disparu, avait un talent extraordinaire pour rassembler et harmoniser des êtres qui ailleurs ne se seraient jamais rencontrés. N’est ce pas cela l’esprit du XVIIe où la curiosité et la parfaite éducation permettaient de s’ouvrir à la nouveauté, où l’accueil se faisait naturel. Inconnu en pénétrant dans le salon, vous vous sentiez au bout de quelques minutes parfaitement intégré, comme lorsqu’on revient chez des amis de longue date… Cette capacité extraordinaire est une caractéristique de l’aristocratie et diffère tellement de la prétention bourgeoise, de cet esprit recroquevillé, frileux et sans curiosité aucune qui est malheureusement l’apanage de cette classe sociale pourtant pleine de prétention et de complexes. J'en croise tellement d'exemplaires à Venise ou à Bordeaux... 
Mais laissons-la ces digressions. Lambert et ses airs de cour valent bien mieux que ces considérations sur la bêtise et l'étroitesse d'esprit, surtout quand on écoute ce merveilleux "Vos mépris chaque jour" dont on ne sait pas l’auteur avec la basse continue qui souligne la douleur du chanteur fou d’amour et de dépit : "Vos mépris chaque jour me causent mille alarmes / Mais e" chéris mon sort, bien qu’il soit rigoureux. / Hélas ! si dans mes maux je trouve tant de charmes, / Je pourrais de plaisir, si j’étais plus heureux." La viole et les violons reprennent l’air et le terminent, prolongeant la douleur de l’amoureux transi. Ce qui fait la beauté de l’écriture de Lambert, c’est justement ce passage naturel de la voix à l’instrument. On n’est plus seulement dans l’ornementation. Chaque air possède un double qui loin de nous éloigner du texte, le développe, le souligne et parfois même l’explique. Méditation douloureuse, cette chaconne parle à tous les cœurs qui ont connu forcément à un moment ou à un autre les tourments dont il est question. Écoutez, vous serez conquis.
 
Au passage si quelqu'un peut m'expliquer comment parvenir à mettre du son et des images sur ce blog pour partager avec vous davantage encore de ma passion pour Venise, qu'il n'hésite pas à m'écrire ! Je ne parviens pas à résoudre ce pensum.

19 janvier 2007

TraMeZziniMag Galerie : "Andare a Ombre", une tradition vénitienne

On dit qu'il se sert plus de 50.000 ombre (1) par jour à Venise. Quand on sait le nombre d'habitants aujourd'hui dans le centre historique on pourrait croire que les vénitiens sont tous des alcooliques ! Si on boit beaucoup et souvent à Venise, c'est depuis toujours par sociabilité.

Les bars, appelés enoteca (œnothèque) quand ils vendent et servent uniquement du vin, birreria quand il s'y ajoute des bières ou bàcaro quand on y sert à manger (l'équivalent de nos bar-caves et de nos bars à vin), sont très nombreux. Ce sont des lieux de rencontre pour les habitants du quartier, un salon où l'on cause, où, tout en refaisant le monde on s'enquiert des voisins, de leur santé, de leur vie. Refuge pour les isolés, les personnes âgées, le mal logés.

Centre de la vie sociale de tout un peuple, des ouvriers à l'aristocratie, tous s'y retrouvent. Jeunes et vieux, on y fait au moins un passage chaque jour. A la mi-journée mais surtout le soir à partir de 17-18 heures, au moment de la passeggiata, avant dîner. Chacun a ses habitudes dans l'un des nombreux bars nichés parfois dans des endroits insolites, loin des grands axes du centre historique. 

Y entrer, boire un verre, parmi la foule des habitués, grignoter quelques cicchetti, vous permettront de comprendre la vie vénitienne et de vous sentir vraiment à l'intérieur d'un monde authentique, qui grouille de vie et d'ardeur et non plus un musée tristement figé dans ses splendeurs délétères.


Voici quelques photos des bàcari à mon époque (photographies prises entre 1980 et 1985), par deux enfants de Venise, grands amoureux de leur ville, auteurs de plusieurs ouvrages passionnants sur la cité des doges au quotidien (mais je vous en reparlerai).


Crédits Photographiques :
Catullo & Lagomarsino, photographes



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(1) : ombra, (pluriel : ombre) : Littéralement "ombre", vient du XVIIIe siècle, de la tradition vénitienne de servir à boire l'été à l'ombre du campanile de San Marco et sous les galeries quand il faisait trop chaud. Par extension, boire un verre, prendre un apéritif se dit "bere un'ombra" dans tout le veneto.


Etes-vous gourmands ?

Nous les sommes à Tramezzinimag et nous l'assumons. Particulièrement des pâtisseries vénitiennes traditionnelles, celles à base de pâte d'amande. Pour vous mettre l'eau à la bouche, voici quelques échantillons de pâtisseries locales :