Dix-neuvième année - Nouvelle édition. Les Hors-Textes de Tramezzinimag :

21 août 2008

Le Foie de veau à la vénitienne d'Emilio Baldi

L'Antico Martini est un restaurant fameux dans le monde entier. J'ai déjà parlé dans ces colonnes d'Emilio Baldi, son directeur. Lorsque je travaillais à la galerie Graziussi, située juste en face, j'ai eu de nombreuses fois le bonheur de m'entretenir avec lui et mes incursions dans les cuisines comme dans celles du bar-restaurant voisin, Al teatro, m'ont appris beaucoup de tours de mains que j'utilise souvent dans mes péripéties culinaires.


Créé en 1820, le restaurant continue d'attirer les amateurs du monde entier et sa réputation est méritée. Les prix sont certes presque trop en accord avec cette réputation, mais il faut y aller au moins une fois lors d'un séjour à Venise. La vedette de la carte en est depuis longtemps le fameux fegato alla veneziana, plat traditionnel devenu avec la maestria du maître des lieux une icône. Comme l'écrit un critique gastronomique américain au sujet de ce plat, "ne confondez pas authentique avec traditionnel". Car il y a mille manières de préparer le foie de veau à la vénitienne. Celle de l'Antico Martini est devenue une référence. C'est en cela qu'elle est authentique en dépit de l'utilisation d'un ingrédient qui n'a rien de vénitien ! Sauf à l'assimiler à l'histoire (récente) de Venise au temps de la Dolce Vita, quand Hemingway prenait ses cuites historiques à coup de double scotch au Harry's Bar... 

C'est un plat que l'on préparait déjà dans l'antiquité. Les romains utilisaient des figues bien sucrées pour adoucir l'âpreté de la viande. Les oignons à Venise ont peu à peu remplacer le fruit. D'autant que la variété traditionnelle qui est utilisée par les ménagères vénitiennes depuis toujours est bien plus sucrée que les variétés d'oignons qu'on trouve couramment sur nos marchés. Mais je tourne autour du pot : quel est donc l'ingrédient mystère que les cuisiniers du signor Baldi utilisent pour la préparation du divin fegato dell'Antico Martini ? Et bien, c'est... du whisky ! Sans trahir les secrets du maître, voici la recette :

Il va vous falloir pour quatre personnes 500 à 600 grammes de foie de veau bien frais, 4 beaux oignons blancs (au moins 500 grammes en tout), de l'huile d'olive, du beurre frais, du sel, du persil, du vinaigre balsamique - du vrai, onctueux et presque noir - et du bon whisky (la plupart des recettes utilisent seulement du vinaigre balsamique ou du vin blanc). En fait c'est tout simple mais demande de bons ustensiles, et un feu de qualité (le gaz étant le meilleur combustible), car tout dépend de la cuisson et de la poêle qui doit être à fond épais.


Détailler les oignons en très fines rondelles (le plus finement possible) et couper le foie en tranches fines dans le sens de la largeur (elles ne doivent pas être trop longues). Faites sauter les oignons dans un mélange d'huile et de beurre à feu doux, en couvrant. Ils doivent prendre cette jolie transparence crémeuse sans brunir. Pour cela dès qu'ils changent de texture, il faut remuer attentivement et en permanence. Sortir ensuite le poêlon du feu et laisser refroidir un peu. Ajouter la viande et remettre à feu moyen. Au bout de deux à trois minutes, remuer de nouveau les oignons et ajouter une bonne rasade de whisky et le vinaigre. Laisser cuire pendant quelques minutes supplémentaires (pas trop sinon la viande durcit et c'est immangeable). Ajouter du sel si besoin et enfin le persil haché menu. Servir aussitôt avec un accompagnement de polenta grillée. La viande est tendre, bien chaude, parfumée, avec une jolie couleur foncée, la sauce onctueuse, crémeuse oscillant entre le pourpre et le marron foncé. Régalez-vous !

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2 commentaires:

VEB a dit…
Bonjour Lorenzo
Cette recette que je fais souvent est mise aujourd'hui à l'honneur sur monblog. Merci d'avoir partagé l'histoire de ce plat. J'aime beaucoup votre blog avec ses articles éclectiques fouillés et qui donnent une autre perspective à Venise. Comme quoi il n'y a pas que les gondoles. Bien cordialement
Lorenzo a dit…
Merci pour la citation. Mais sauf erreur, vous n'indiquez-pas si vos convives ont aimé !

2 commentaires:

  1. Cette histoire est incroyable ! Espérons revoir très bientôt le TramezziniMag original et toutes ses archives, notamment culinaires...
    En ce qui me concerne, j'ai mis "Toti" en veilleuse depuis un an et j'ai bien peur de le voir disparaître un jour dans les tuyaux informatiques du monstre Gogol...
    Coura

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    1. Merci très fidèle lectrice. Peu à peu, les archives se reconstituent. Puis-je profiter de ma réponse pour vous remercier et vous annoncer qu'un livre de cuisine est en cours d'élaboration avec toutes les recettes parues depuis 2005 sur le blog et d'autres inédites ? Je vous tiendrais au courant. Bien à vous.

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