Venus & Adonis
dirigé par René Jacobs 
Clare College Chapel Choir dirigé par Timothy Brown
Orchestra of the Age of Enlightnment 
HMG501684 - Coll. HM Gold, Harmonia Mundi. (enregistré en 199) - 2008. 
Il y a parfois des mystères inexplicables. On rentre chez le disquaire 
parce qu'on a quelques minutes devant soi et on est accueilli par une 
musique magnifique, pleine et profonde. Pas le temps de se renseigner 
pour savoir ce que c'est. Quelques jours plus tard, invité chez un ami, 
on découvre de quoi il s'agit et c'est le bonheur. Comme les livres, les
 disques arrivent dans notre vie le plus souvent par hasard et marquent 
un évènement, répondent à un besoin ou illustrent une pensée. C'est le 
cas de ce disque pour moi. Un enregistrement de toute beauté dirigé par René Jacobs, paru en 1999 et repris dans la belle collection hmGold. De très belles voix, élégantes et impliquées, (la soprano Rosemary Joshua dans le rôle de Vénus et le baryton Gerard Finley dans celui d'Adonis, le contre ténor Robin Blaze pour Cupidon notamment) des instruments anciens parfaitement maîtrisés. Ce "masque pour le divertissement du Roi" Charles II, composé en 1680, par le musicien de la cour John Blow.
 Ce compositeur est encore méconnu, pourtant il composa des centaines 
d'hymnes, de nombreuses odes et de nombreuses songs dont certaines sont 
de nos jours encore très populaires. Elève de Gibbons,
 sa renommé commença enfant, grâce à sa voix de soprano tellement 
réputée que sa mue en 1664, fut présentée, par les gazettes de l'époque,
 comme une catastrophe . Rentré comme claveciniste du roi à la 
restauration (on est dans les années noires qui virent la décapitation du pauvre Charles Ier, le règne de l'infâme dictateur néo-républicain Cromwell), il fut l'organiste de l'Abbaye de Westminster. Mais il est resté dans l'histoire avant tout comme le professeur du jeune Purcell choriste.
Mais pour revenir à cet opéra (le premier opéra anglais entièrement chanté)
 , les amateurs de musique ancienne - et les autres certainement - ne 
pourront rester indifférents à l'originalité, la maîtrise et la beauté 
de la musique. Il y a notamment un passage merveilleux, à l'acte III, 
quand Vénus pleure la mort prochaine d'Adonis.
 qui va expirer à ses pieds. La scène finale est somptueuse : Vénus crie
 sa douleur et son désespoir, puis conduisant somptueusement le deuil du
 demi-dieu, elle emmène le choeur dans une déploration finale qui fait 
frisonner l'auditeur. Il y a dans cette musique anglaise quelque chose 
de la somptuosité picturale vénitienne. En écoutant cette oeuvre, j'ai 
sans cesse devant les yeux des toiles du Tintoret et du Titien.
 
 Antonio Vivaldi
Antonio Vivaldi
Nisi Dominus et Stabat Mater
Marie-Nicole Lemieux, Philippe Jaroussky, 
Ensemble Matheus dirigé par Jean-Christophe Spinosi
Label Naïve, 2008 - OP 30453.
Comme l'a écrit un critique, ce disque est d'une grande émotion. "Il
 y a deux manières d'aborder le Stabat : on peut rechercher la 
représentation d'une douleur stylisée, qui peut engendrer l'écoute 
musicale et la prière; on peut aussi vraiment incarner la douleur de la 
mère. Marie-Nicole a chanté le Stabat Mater comme une mère, cette mère 
qui pleure la chose la plus terrible qu'il y ait au monde - la perte 
d'un enfant. Elle incarne et vit directement les mots. Lorsqu'elle 
chante « dum pendebat filius", En dépit de la gravité des paroles, 
on a l'impression qu'il s'agit d'une berceuse, que la mère berce une 
dernière fois son enfant. Splendide. Le contre ténor parvient à égaler James Bowman,
 qui reste cependant pour moi le meilleur interprète de ces oeuvres de 
Vivaldi malheureusement peu connues du grand public. Le névralgique et 
si fameux "Cum dederit" du "Nisi Dominus". Jean-Christophe Spinosi exprime avec justesse la sensation qui prend l'auditeur en écoutant cet air extraordinaire : "Le
 Cum dederit utilise un principe que j'appelle "mouvement immobile", que
 je trouve très vénitien. À Venise, sur les canaux, le soir, quand il 
n'y a plus aucun mouvements, quand on pousse une barque, elle avance 
mais on a l'impression qu'il n'y aucun mouvement tant l'onde est calme. 
Il y a une composante à la fois onirique et aquatique. Pour atteindre ce
 mouvement immobile, j'ai pensé à la dernière minute qu'il fallait 
ralentir encore plus. Et ce qui est extraordinaire, c'est que Philippe 
aurait pu dire : Ce n'est pas comme cela qu'on fait d'habitude. Au 
contraire, il a adhéré au tempo immédiatement. Ce genre de moment, c'est
 grand ! ». Un très beau disque, sorti il y a un an qui fera un très 
beau cadeau de Noël à faire (et à se faire !). 
... 
 Wlodzimierz Odojewski
Wlodzimierz Odojewski  
Une saison à Venise
Rivages, Editions Payot. 2008
Les souvenirs d’enfance sont bien les plus beaux et les plus intenses 
que l’on conserve au cours d’une vie. Ce petit roman réveillera 
certainement en chacun de vous les émerveillements d’antan, entre rêve, 
illusion et réalité.
Marek, neuf ans, attend avec impatience ses premières vacances à Venise,
 lieu de villégiature familiale. Or nous sommes en Pologne en 1939, et 
le pays commence à être envahi par l’Allemagne nazie. A défaut de 
Venise, c’est dans la maison de tante Weronika, située en pleine 
campagne, que le petit garçon passera ses vacances d’été. Le foyer 
recueillera rapidement le reste de la famille. Cependant, la joie de 
retrouver ses proches ne résistera pas longtemps à la déception de 
devoir différer l’accomplissement de son rêve. Un jour, alors que les 
bombardements se font plus que jamais menaçants, une source miraculeuse -
 à moins qu’il ne s’agisse d’une canalisation déficiente - va inonder la
 cave. Alors que tante Weronika percevra les vertus thérapeutiques de 
cette eau lustrale, et émettra l’idée de créer des thermes, tante 
Natacha, de son côté, va imaginer de réinventer Venise. Les planches à 
repasser et les tables de ping-pong serviront de terrasses, les baquets 
de la buanderie feront de très convaincantes gondoles et le violon et le
 vieux piano seront parfaits pour les concerts du soir. Ainsi, tandis 
que les obus déchirent le sol et que les soldats meurent par milliers, 
les enfants sont protégés des affres de la guerre grâce à l’univers 
onirique qu’ils ont créé dans leur cave...
Avec ce court texte, Wlodzimierz Odojewski, né en 1930 en Pologne, nous offre un véritable petit bijou de sensibilité, de grâce et de délicatesse. "Il y a du Grand Meaulnes dans ce roman" comme l'écrit Dominique Aussenac
 dans le Matricule des Anges. Une saison à Venise fait partie de ces 
textes qu’on lit d’une traite, mais qui nous berce encore longtemps de 
sa douce mélodie. Il nous signifie ainsi que nos jeux d’enfant sont 
décidément inoubliables. (Remerciements à la librairie Mollat).
 
 Patrick Barbier
 Patrick Barbier 
La Venise de Vivaldi, Musique et fêtes baroques
Editions Grasset. 2002.
La République de Venise vit somptueusement ses dernières heures de 
gloire. Nous sommes au XVIIIe siècle. Jamais on ne s'est autant diverti,
 jamais la fête et la musique n'ont occupé une telle place dans la vie 
quotidienne. Le carnaval (qui dure entre cinq et six mois), les 
fêtes d'Etat, le jeu, mais aussi les concerts, les nombreuses cérémonies
 religieuses et l'opéra provoquent l'admiration et l'envie des visiteurs
 du monde entier qui font de Venise la destination favorite de l'élite 
internationale... Vivaldi, 
dont le nom est inséparable de Venise, écrit ses concertos pour les 
jeunes filles des Hospices et ce religieux, se comporte au théâtre en 
homme d'affaires, aussi doué que rusé. Du carnaval aux réceptions dans 
les ambassades, de la basilique Saint-Marc aux grands théâtres d'opéra, 
des barcarolles sur les canaux à la musique des cloîtres, l'auteur,
 à partir de textes et de correspondances de l'époque du prêtre roux, 
mais aussi grâce à de savoureuses anecdotes transmises à venise depuis 
cette époque, ressuscite parfaitement la vie musicale de cette ville incomparable. 
Patrick Barbier, italianiste
 de formation, est professeur de musique à l'Université Catholique 
d'Angers. Il est l'auteur, entre autres, d'un très intéressant essai sur
 les castrats italiens à la Cour de Versailles, "La Maison Des Italiens" paru en 1999 chez Grasset, dont je vous reparlerai.
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 B&B La Madonetta
B&B La Madonetta 
San Polo 1440
30125 Venezia
39 041 5287880
Il fallait que je vous parle de ce Bed & Breakfast de charme,
 situé non loin du campo San Polo, facilement accessible à pied ou par 
le vaporetto, et qui, pour 90 euros par jour en hiver, propose des 
chambres pour deux très agréablement meublées, propres et confortables. 
La maison est accueillante, le salon très convivial permet de se relaxer
 quand on a les pieds endoloris par des heures de marche à travers la 
ville. On peut y bouquiner dans le calme, surfer sur internet avec 
l'ordinateur de la maison ou avec le sien. Le petit déjeuner est copieux
 et fait devant vous dans la grande cuisine de la maison. Pour les 
amateurs du thé de cinq heures, tout le matériel pour se concocter une 
bonne théière - ou une cafetière - est à disposition. Une des meilleures
 adresses dans cette gamme de prix (100 euros la chambre pour deux avec un lit supplémentaire possible, en pleine saison).
 Bien sûr, ce n'est pas la meilleure solution quand on veut séjourner en
 hiver à Venise, l'idéal demeurant l'appartement qui permet pour une 
somme souvent raisonnable de se sentir chez soi et de tenter de vivre 
vraiment à la vénitienne, en faisant ses emplettes, en cuisinant les 
produits du cru et en organisant sa journée au rythme de ses envies. 
Mais c'est souvent bien mieux que l'hôtel impersonnel et toujours très 
cher. Quel plaisir a-t-on après une journée fatigante, de se retrouver 
dans une chambre exigue et impersonnelle ? Et puis comment satisfaire 
l'envie d'un verre de lait à deux heures du matin ou d'une pastaciutta 
quand dehors tout est fermé ? A moins de loger au Gritti ou au Cipriani, aucun room-service ne vous sera proposé dans les auberges au tarif abordable !