 Mitsou, le chat le plus photographié de Bordeaux, se languit comme  ses maîtres de Venise. Il reste des heures durant sur le rebord des  fenêtres, descend dans la cour, s'endort au soleil dans la rue et semble  attendre le prochain départ, comme nous impatient de retrouver son  univers. Bien que tout ici nous rappelle la vie vénitienne, il reste  toujours une différence majeure, terrible et ineffaçable.
Mitsou, le chat le plus photographié de Bordeaux, se languit comme  ses maîtres de Venise. Il reste des heures durant sur le rebord des  fenêtres, descend dans la cour, s'endort au soleil dans la rue et semble  attendre le prochain départ, comme nous impatient de retrouver son  univers. Bien que tout ici nous rappelle la vie vénitienne, il reste  toujours une différence majeure, terrible et ineffaçable. Certes, nous vivons dans un quartier agréable et très calme,  à deux pas du plus beau jardin que le XVIIIe siècle des Intendants du roi ait  donné à une ville française. Les rues sont larges et ensoleillées, les  maisons comme la nôtre ont connu le siècle de Louis XV, certaines  remontent même aux premières années du règne du bon roi Henri... Une  sérénité liée aux siècles de tranquille atmosphère, rend la vie de la  maison paisible et apaisante. 
Mais il y a le bruit des voitures, cette  rumeur terrible qui ne cesse jamais ou presque. Une rue passante est à  deux pas. Très animée le jour avec ses commerces, ses cafés et ses  restaurants, elle devient une autoroute la nuit pour les gens pressés de  rentrer chez eux et qui ne veulent pas être arrêtés par un feu rouge.  Le pire, ce sont les motos. Et puis comme il fait encore chaud, les  fenêtres restent ouvertes la nuit et le bruit monte. Les portières qui  claquent, les démarrages un peu vifs, les voyous qui aiment faire  pétarader le moteur de leurs pétrolettes, les bus qui roulent à vive allure...
Bordeaux  est une belle ville et notre quartier un bonheur, mais ce bruit... Ce  bruit ! A Venise, nous entendons les merles dans les arbres et le  clapotis de l'eau du canal voisin, les pas qui résonnent sur les dalles  de pierre. Parfois une sirène dans le lointain, un avion qui transperce  le ciel. Et puis les cloches des églises qui carillonnent toutes les heures, avec en tête la Marangona qu'on entend de partout, et quatre fois par jour, les cris des enfants qui sortent de  l'école ou jouent pendant la récréation dans l'école voisine. 
A ces sons  jamais agressifs correspondent aussi des odeurs dont j'ai toujours la  nostalgie quand je ne suis pas là-bas : l'odeur de la glycine dans le  jardin, celle très particulière de la lagune, mélange de senteurs  marines, d'algues et de terre et puis soudain, fugace, le délicieux  parfum du café qu'on torréfie ou du pain qui vient de sortir du four.  Ici, dans notre exil, ces odeurs parfois nous parviennent aussi. Elles projettent alors notre âme vers notre chère lagune, comme la bonne odeur des canelés de Baillardran quand on passe près du marché des Grands hommes ou le café grillé de la Maison du Café, les bords du fleuve quand  la marée remonte. Délicieux remugles qui font chavirer les papilles et  nous transportent en pensée vers la Sérénissime. Mais le bruit est  toujours là.
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| © photo Dominique M. - Le Campiello | 
Même les terrasses ensoleillées qui nous rappellent  tellement nos longs moments de délicieux farniente vénitiens ne sont  jamais plongés dans ce silence incroyablement plein qui caractérise  Venise et fait d'elle, loin de toute autre  considération esthétique ou artistique, un lieu unique où la ville  semble être campagne et où la campagne pourtant partout repoussée par la  nécessité de la vie humaine semble dominer et imposer ses droits. Voilà  ce qui rend Venise unique, cet union parfaite entre la nature et  l'anti-nature. Quand on connaît bien la cité des doges, on comprend  combien il est vain et hors sujet de souligner le peu de présence  végétale dans la ville. La nature est partout, sous nos pieds par la  terre des îlots et les forêts de pieux des fondations, autour de nous  avec l'eau des canaux, au-dessus par ces ciels magnifiques, à chaque  instant par la lumière incroyable. Alors peu importent le manque  d'arbres et de verdure quand les pierres et les briques elles-mêmes avec  leurs tons si particuliers, sont aussi une part de nature domestiquée  par le savoir-faire de l'homme. Ah! combien par cette soirée de victoire  de la France au rugby (ne nous aura-t-on pas cassé les oreilles avec  cet évènement depuis des semaines !), comme notre chat, j'ai hâte de  revenir et goûter à nouveau à ce silence si plein, à ces nuits  merveilleusement paisibles et tranquilles...
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7 commentaires:
- Le silence : une vertu pour une civilisation qui ne sait pas vraiment ce que ce terme signifie. Ces manifestations bruyantes ne renvoient pas au "rite d'inversion" étudié par Emmanuel le Roy Ladurie dans "Le Carnaval de Romans". Ces promeneurs nocturnes défilant bruyamment dans les rues sont de farouches routiniers durant la journée. La nuit est une récompense : pour le salarié, elle coincide avec le repos et pour le travailleur intellectuel, elle aiùe l'ode à la vie et à l'esprit.
- Le silence est un luxe. Le silence peut aussi être une prison. Je pense aux malentendants qui n'ont plus le grand bonheur d'écouter de la musique... ou plus prosaïquement la possibilité de participer à la moindre conversation. D'où un isolement certain. La nuit est une récompense, mais la nuit est aussi synonyme de travail pour quelques-uns afin que notre bien-être (hôpitaux, pompiers, etc...) soit garanti... ou nos envies de distraction satisfaites (spectacles divers et variés). Nous sommes loin de Venise. Mais Venise est bien la seule ville italienne, par sa "physionomie", à ne pouvoir bénéficier du bruit si doux et agréable des "motorini" et conversations interminables et très tardives des jeunes (ou moins jeunes) italiens, surtout en période estivale. Quant au foot et au rugby qui suscitent des réactions aussi passionnées que bruyantes, et peut-être disproportionnées, je vous l'accorde, soyons indulgents. Intellectuels ou pas, favorisés ou pas, certains sont "tétanisés" par la victoire ou la défaite de leur équipe favorite. Voilà, c'était mon "coup de gueule" du jour, une réaction épidermique... alors que je suis si souvent d'accord avec vous, au travers des articles de vos blogs (qui me font découvrir tant de choses que j'ignore). AG
- Qu'il est merveilleux, cet hymne à Venise! Oui, le silence est roi à Venise, surtout comme "toile de fond" de tous ces sons que l'on entend, que l'on entend vraiment soudain. L'eau, et toutes ses notes différentes, du clapotis au bruit un peu sourd du bois qui bat l'eau quand une gondole passe et semble taper une surface de fond ( est-ce possible ? c'est l'impression que le son donne ), on apprend qu'il y a un son particulier de l'eau qui se fend, un son soyeux et prolongé... Et la musicalité absolue des "ciao-ciao", lorsque deux vénitiennes se croisent, l'une prononce comme en chantant, "Ciao Giustina, ciao" et l'autre répond en mesure "Ciao, Roberta!" et la première qui est presque passée déjà ajoute un "ciao, ciao", sur une tonalité decrescendo, avec parfois un léger écho de la deuxième, "ciao"... Ciao Lorenzo, merci du bonheur de m'avoir replongée dans cette partition sonore du silence, tandis que mes voisins ont mis la techno à fond et que tous mes meubles vibrent, qu'ils hurlent pour couvrir le bruit sur leurs quatre enfants qui hurlent, tous surexcités par cette nuit à clamer de tout leur saoûl. Qu'importe, puisque j'ai été transportée à Venise!
- Je trouve que la possibilité de dormir est un des droits les plus élémentaires qui soit. Etre dérangé à 1, 2 ou 3 h du matin par des fêtards est une véritable agression physique sachant que bien souvent, le sommeil sera difficile à retrouver.
- Chat sur damier ...
- AG et tietie007, soyez les bienvenus sur TraMeZziniMag, car sauf erreur, lecteurs silencieux venant souvent sur le site, ce sont vos premiers commentaires. Ce blog - comme tous ses semblables - ne vit et n'évolue que par ses lecteurs. Leurs avis, leurs critiques aident à avancer au service de notre passion commune : Venise. Je remercie au passage tous ceux qui depuis plus de deux ans non seulement me font l'honneur de me lire, mais apportent leur contribution par leurs idées, leurs connaissances et leur indulgence. TraMeZziniMag est à eux aussi.
- Bonjour Lorenzo, NON NON, je ne suis pas si silencieuse. Je me suis déjà manifestée (en italien) le 12 septembre dernier. Bonne journée. Agnès
 
   
   
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