Je
me doutais que le précédent billet attirerait de nombreux commentaires.
On ne peut en effet rester sans réaction devant cette terrible
actualité qui pousse les vénitiens à se roidir devant l'inanité des
programmes d'aménagement mis en place par les autorités, que les idées
viennent de Rome (ce qui est de plus en plus mal accepté) ou de
responsables plus proches du problème (à priori) comme le président de
la région ou le maire.
Ce dernier est un philosophe, ne l'oublions pas. Sa vision de la gestion, l'animation de la Res Publica
passe chez lui par un prisme qu'on pourrait croire délivré de ces
calculs bassement politiques que les politiques semblent assimiler à la
politique. Pardonnez-moi ce mauvais jeu de mots... La gestion et
l'organisation de la vie de la cité ne devraient n'avoir jamais que
l'intérêt du citoyen pour motif et pour objectif. Dans la réalité
quotidienne - et ce depuis toujours - des critères de parti, de classe,
de famille l'emportent sur l'intérêt général. Massimo Cacciari
semblait vouloir apporter une gestion nouvelle, modèle même. Il est
hélas empêtré dans des calculs de voix, des questions d'intérêts
généraux qui ressemblent aux intérêts de grands groupes ou de familles
politiques. Bref, il n'a pas pu - ou su - échapper à la politique politicienne
et au jeu des interférences et des influences. Le résultat c'est une
ville mourante, où le citoyen de base n'a plus la possibilité de se
loger, de se nourrir ni de travailler sauf à abandonner les lieux
traditionnels dans lesquels sa famille a toujours vécu : plus d'épicerie
ni de boulangerie à proximité, moins d'écoles, bientôt plus de
maternité. des loyers qui sont régulièrement multipliés par trois ou
quatre, sans que l'Etat ne souhaite intervenir - logique impitoyable du
libéralisme - et il est contraint de partir vers Mestre. Ou pire, vers Marghera, là où le sol, l'air et l'eau sont imbibés de poison pour de nombreux siècles...
C'est
pour cela que je dis et redis que Venise et son avenir sont l'image de
ce que sera l'avenir de notre continent, voire de l'humanité. Tant pis
si l'on me prend pour un pessimiste imbécile. Ce que nous saurons faire
pour sauver Venise et sauver sa vraie vie quotidienne - il ne s'agit pas
vous le comprendrez de la vie des touristes, des pigeons de la place (les vrais, ceux à plume pas ceux qu'on plume!) et des vendeurs de souvenirs de pacotille made in Taïwan - nous saurons le réaliser partout ailleurs.
Regardez
cette photo incroyable. Le paquebot qui ressemble à un gratte-ciel
surplombe la ville. Son tirant d'eau est énorme et pourtant il a pu
accoster devant le quai des Esclavons. On peut imaginer le mouvement des
eaux, les flux souterrains qui sont venus heurter les fondations des
quais et plus loin des immeubles dont une grande partie à cet endroit
est construite sur pilotis comme du côté du Rialto. C'est bien le symbole d'une époque où le "tout profit"
et la culture de masse affrontent ce monde très spécifiquement à
l'échelle humaine dont Venise, avec son écosystème et son organisation
urbaine, est le dernier symbole vivant.
Cette
image me fait horreur. Elle impressionne certes dans le sens où elle
marque le spectateur. Moi, elle me fait peur. Prions pour que nous ne
voyons jamais Venise d'aussi haut, comme submergée, magnifiée par le
souvenir qu'on en aurait. Une Venise qu'on apercevrait par beau temps,
quand la mer est calme et dont les ruines surgiraient sous les eaux
entre des bancs d'algue. "Mesdames,
messieurs, à votre droite, comme si vous y étiez, vingt mètres plus bas
au fond de l'eau si claire parce que le détergent créé par la société
SeaBright Inc. a permis de la débarrasser de tout ce qui aurait pu gêner
votre vision, vous apercevez les bulbes de la basilique san Marco. A 16
heures vous pourrez y admirer le ballet des dauphins offert par Disney
et le consortium des casinos de Las Vegas." annonceraient les hauts-parleurs des bateaux. En anglais et en chinois bien entendu...
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