14 juin 2008

Demain comme un cauchemar...

Je me doutais que le précédent billet attirerait de nombreux commentaires. On ne peut en effet rester sans réaction devant cette terrible actualité qui pousse les vénitiens à se roidir devant l'inanité des programmes d'aménagement mis en place par les autorités, que les idées viennent de Rome (ce qui est de plus en plus mal accepté) ou de responsables plus proches du problème (à priori) comme le président de la région ou le maire. 
 
Ce dernier est un philosophe, ne l'oublions pas. Sa vision de la gestion, l'animation de la Res Publica passe chez lui par un prisme qu'on pourrait croire délivré de ces calculs bassement politiques que les politiques semblent assimiler à la politique. Pardonnez-moi ce mauvais jeu de mots... La gestion et l'organisation de la vie de la cité ne devraient n'avoir jamais que l'intérêt du citoyen pour motif et pour objectif. Dans la réalité quotidienne - et ce depuis toujours - des critères de parti, de classe, de famille l'emportent sur l'intérêt général. Massimo Cacciari semblait vouloir apporter une gestion nouvelle, modèle même. Il est hélas empêtré dans des calculs de voix, des questions d'intérêts généraux qui ressemblent aux intérêts de grands groupes ou de familles politiques. Bref, il n'a pas pu - ou su - échapper à la politique politicienne et au jeu des interférences et des influences. Le résultat c'est une ville mourante, où le citoyen de base n'a plus la possibilité de se loger, de se nourrir ni de travailler sauf à abandonner les lieux traditionnels dans lesquels sa famille a toujours vécu : plus d'épicerie ni de boulangerie à proximité, moins d'écoles, bientôt plus de maternité. des loyers qui sont régulièrement multipliés par trois ou quatre, sans que l'Etat ne souhaite intervenir - logique impitoyable du libéralisme - et il est contraint de partir vers Mestre. Ou pire, vers Marghera, là où le sol, l'air et l'eau sont imbibés de poison pour de nombreux siècles...

C'est pour cela que je dis et redis que Venise et son avenir sont l'image de ce que sera l'avenir de notre continent, voire de l'humanité. Tant pis si l'on me prend pour un pessimiste imbécile. Ce que nous saurons faire pour sauver Venise et sauver sa vraie vie quotidienne - il ne s'agit pas vous le comprendrez de la vie des touristes, des pigeons de la place (les vrais, ceux à plume pas ceux qu'on plume!) et des vendeurs de souvenirs de pacotille made in Taïwan - nous saurons le réaliser partout ailleurs.

Regardez cette photo incroyable. Le paquebot qui ressemble à un gratte-ciel surplombe la ville. Son tirant d'eau est énorme et pourtant il a pu accoster devant le quai des Esclavons. On peut imaginer le mouvement des eaux, les flux souterrains qui sont venus heurter les fondations des quais et plus loin des immeubles dont une grande partie à cet endroit est construite sur pilotis comme du côté du Rialto. C'est bien le symbole d'une époque où le "tout profit" et la culture de masse affrontent ce monde très spécifiquement à l'échelle humaine dont Venise, avec son écosystème et son organisation urbaine, est le dernier symbole vivant. 
 
Cette image me fait horreur. Elle impressionne certes dans le sens où elle marque le spectateur. Moi, elle me fait peur. Prions pour que nous ne voyons jamais Venise d'aussi haut, comme submergée, magnifiée par le souvenir qu'on en aurait. Une Venise qu'on apercevrait par beau temps, quand la mer est calme et dont les ruines surgiraient sous les eaux entre des bancs d'algue. "Mesdames, messieurs, à votre droite, comme si vous y étiez, vingt mètres plus bas au fond de l'eau si claire parce que le détergent créé par la société SeaBright Inc. a permis de la débarrasser de tout ce qui aurait pu gêner votre vision, vous apercevez les bulbes de la basilique san Marco. A 16 heures vous pourrez y admirer le ballet des dauphins offert par Disney et le consortium des casinos de Las Vegas." annonceraient les hauts-parleurs des bateaux. En anglais et en chinois bien entendu... 
 

5 commentaires:

IL GATTO DEL RABBINO a dit…

J'ai vu, à Venise, un camion semi-remorque sur une barge ravitailler (en je ne sais en quoi) un tel monstre des mers. C'était une image incroyable : le semi-remorque me donnait l'impression d'être un petit camion jouet qui allait tenir dans ma main.

Anonyme a dit…

C'est la seule image de Venise que je ne peut pas aimer ... quelle distance!

Jaio a dit…

Inimaginable...Et le maire est un philosophe?

Anonyme a dit…

"Venise et son avenir sont l'image de ce que sera l'avenir de notre continent, voire de l'humanité" : une analyse tout à fait pertinente.

Mehdi a dit…

"critère de classe" ? Seriez vous secrêtement communiste, Lorenzo ?
Image déplorable du reste. A première vue, j'ai pensé à un immeuble .

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