Il y a tout au fond de Venise des endroits incroyables. Hugo Pratt en connaissait beaucoup, certains n'existent que pour les véritables amoureux de la ville. ceux qui savent voir avec leur coeur. Comme en rêve. En vrac, quelques uns de ces lieux incroyables et puis des bribes de souvenirs, esprit d'escalier...
Lorsque j'étais étudiant à San Sebastiano (c'était alors la faculté de Lettres, où je terminais mon cursus d'histoire des Arts, travaillant "la peinture du trecento, interprétation et réminiscence des splendeurs païennes"), j'allais souvent me promener dans un quartier retiré, loin derrière les derniers endroits habités. Il y avait une maison entourée de murs avec de hauts grillages. Là, un vieil homme au visage buriné comme un vieux loup de mer, vivait au milieu de ses chats mais aussi d'une demi douzaine de singes en semi-liberté...A Castello un vieux perroquet chantait Bella Ciao et la Marseillaise au fond d'un bar un peu sale...
our une scène de Fellini matinée de Pasolini. c'était le milieu du jour. Il faisait beau et doux. Soudain les rues furent envahies d'une foule de gens bizarres, certains parlaient fort, d'autres chantonnaient, il y en avait des tres vieux d'autres plus jeunes. Ils semblaient sortirt d'un rêve ou d'un cauchemar. Leur visage était effrayant, souvent hilare. C'étaient les fous de l'asile de San Clemente que la loi italienne venait de libérer. Ils déambulaient pour la première fois en toute liberté dans les rues de la ville... J'étais sur la Lista di Spagna avec la femme du Consul de Grèce, une espagnole exubérante qui était venue avec moi voir les stands des marchands de livres d'occasions qu'on trouvait alors près des Santi Apostoli. On aurait dit une scène de Fellini...
Une autre fois, un matin d'hiver, un jeune suédois, splendide athlète blond au corps trop musclé, pas très grand, fut pris d'une crise de démence. Il neigeait un peu et la température devait avoisiner les 0°. Il sortit de l'auberge complètement nu présentant son anatomie à tous les passants et délirant dans sa langue. J'ai su plus tard qu'il déclamait des vers de Shakespeare en suédois... Il lisait Castaneda toute la journée, fumait beaucoup et son sourire était bizarre... Ce jour-là, il se serait jeté dans le grand canal, pour nager comme Byron le fit, si des policiers ne l'avaient interpellé à temps. Il fit une cure de sommeil et lorsqu'il revint à l'auberge, confus et intimidé, c'était un tout autre personnage, poli, pudique, rougissant encore de ce qu'il avait fait et qu'on lui avait raconté. Il n'avait aucun souvenir de cette bouffée délirante...
Une autre fois, un matin d'hiver, un jeune suédois, splendide athlète blond au corps trop musclé, pas très grand, fut pris d'une crise de démence. Il neigeait un peu et la température devait avoisiner les 0°. Il sortit de l'auberge complètement nu présentant son anatomie à tous les passants et délirant dans sa langue. J'ai su plus tard qu'il déclamait des vers de Shakespeare en suédois... Il lisait Castaneda toute la journée, fumait beaucoup et son sourire était bizarre... Ce jour-là, il se serait jeté dans le grand canal, pour nager comme Byron le fit, si des policiers ne l'avaient interpellé à temps. Il fit une cure de sommeil et lorsqu'il revint à l'auberge, confus et intimidé, c'était un tout autre personnage, poli, pudique, rougissant encore de ce qu'il avait fait et qu'on lui avait raconté. Il n'avait aucun souvenir de cette bouffée délirante...
Tant d'autres choses encore...
Je me revois au Palais Clari, un 14 juillet vaporisant de l'eau d'Evian sur les canapés et les petits fours de la réception du consul, tellement il faisait chaud et je me souviens du dernier plateau aspergé d'engrais pour les plantes vertes par mégarde, celui qui fut présenté aux autorités civiles, religieuses et militaires de la ville sans que personne ne semble y trouver à redire. Foie gras et saumon fumé arrosé à l'engrais horticole...
Je me souviens de mes razzias dans les réserves du consulat lorsque je n'avais plus d'argent pour m'acheter à manger. Je repartais, grâce à Agnès - et la bénédiction du consul son père, qui fermait les yeux - les bras remplis de conserves, de sardines à l'huile, de pâtes, de fromage, de chocolat de pâté, de saucisson et de jus de fruit sous le regard du président Mitterrand dont le portrait officiel, placé juste au-dessus du bureau du Consul, regardait avec insistance et une moue à la Mona Lisa, la porte d'entrée. Je ne voyais que lui en sortant de la grande salle pour reprendre l'ascenseur qui menait au rez-de-chaussée. C'était assis devant lui que j'appelais ma mère... Et l'Ile de France, le mostoscafo du consulat, le seul à avoir l'autorisation de battre pavillon étranger, par un vieux privilège datant de l'ancienne république. Et le terrain de foot, au milieu des ruines d'un bâtiment de l'occupation autrichienne derrière l'arsenal où de curieux personnages vous épiaient et disparaissaient aussitôt...
Je vous raconterai cela aussi....
posted by lorenzo at 00:14




Longue promenade à Castello, jusqu'à San Pietro. Silence de ces lieux éloignés de la foule de veaux. Comme un autre monde. Les deux femmes sur le pas de la porte, presque au bord de l'eau qui pelaient des légumes pour la minestra, une petite fille jouant à leurs pieds avec les épluchures, le campo aux herbes hautes et le fond de ce décor, la basilique blanche et l'ancien palais épiscopal, le campanile. Une scène de théâtre pour une scène de Goldoni...
Deux ans déjà... Deux années passées ici, calle dell'Aseo, Cannaregio, à deux pas du ghetto. Rien ne change, tout continue... L'âge semble n'avoir pas de prise sur moi. Ce n'est pas que je sois moins vulnérable que les autres. J'ai moi aussi mes blessures. La différence est que ces plaies, je les aime, je les entretiens, je les guette pour en faire des phrases. Assurément cela me perdra un jour, mais jusqu'à présent, c'est ce qui m'a sauvé... Cela aussi je le dois à Venise...
Samedi 14 avril.
Au Musée Guggenheim : cocktail pour la réouverture de la collection. Mondanités fades mais petits fours de Rosa Salva. Le jardin envahi par de vieilles sottes envisonnées. Jeunes étudiants sélects. Je pense à une scène de la Panthère Rose sans trop savoir pourquoi... Encore le Duc et la Duchesse. rencontré Laure et Mirabelle qui rentraient.



Ce
tableau énigmatique s’articule autour d’un personnage central qui
désigne un point du ciel au moyen d’une baguette. Mais la version que
renferme la villa diffère singulièrement des autres représentations :
ici, la baguette se termine par une forme étrange, qui ressemble à une
bulle de savon irisée. Altération de la peinture, ou volonté de
l’artiste de donner un sens nouveau à son œuvre ? Peu importe : aux yeux
du critique comme à ceux de la jeune femme, cette bulle, réelle ou
fantasmatique, pourrait bien symboliser leur tentative commune de mettre
à l’abri, comme dans une bulle d’éternité, les instants les plus
précieux de la vie, ceux qu'il ssont en train de vivre, ensemble...
petites
salles presque humbles mais très belles de proportion. Une noble
simplicité. Ce que le XVIIIe siècle a su produire d'harmonie et de grâce
est contenu dans ces minces espaces qu'un soleil joyeux éclaire dans le
silence du jour, arrachés comme par faveur au luxe et à l'ostentation
du reste du palais. C'était bien le meilleur écrin possible pour
présenter cette série de peintures joyeuses et fantasques qui, à chaque
fois que je leur rend visite, me donne l'impression d'être à une autre
époque et rend l'illusion quasi parfaite : ces êtres vus de dos semblent
vivants. Les polichinelles dans la pièce à côté vibrent et frémissent.
On entend presque la musique de leurs instruments et le son de leurs
voix. Enfant, je rêvais de demeurer là après que le musée soit fermé.
J'étais convaincu que la nuit tout ce monde s'animait pour de bon et,
descendant des parois, dînait, s'amusait, dansait jusqu'au petit matin.
Parfois le lendemain, une coupe de champagne renversée sur le sol, un
peigne d'écaille, des miettes intriguaient les gardiens et ils
maudissaient à chaque fois les femmes de ménage trop pressées qui
n'avaient pas bien nettoyé ces petites salles éloignées. Il est de ces
mystères à Venise...
Ce tableau énigmatique s’articule autour d’un personnage central qui désigne un point du ciel au moyen d’une baguette. Mais la version que renferme la villa diffère singulièrement des autres représentations : ici, la baguette se termine par une forme étrange, qui ressemble à une bulle de savon irisée. Altération de la peinture, ou volonté de l’artiste de donner un sens nouveau à son œuvre ? Peu importe : aux yeux du critique comme à ceux de la jeune femme, cette bulle, réelle ou fantasmatique, pourrait bien symboliser leur tentative commune de mettre à l’abri, comme dans une bulle d’éternité, les instants les plus précieux de la vie, ceux qu'il sont en train de vivre, ensemble...
petites salles presque humbles mais très belles de proportion. Une noble simplicité.

Il est né et a vécu à Venise, dans une belle maison à côté de la Ca'Rezzonico, à San Barnaba. Une plaque le rappelle sur la fondamenta qui mène au musée des arts décoratifs. La maison transformée en fondation, abrite un superbe jardin ouvert depuis quelques années maintenant au public, et qui est un délicieux endroit où se rafraichir en été avant ou après la visite du musée. Avec le petit jardin de l'université, c'est un lieu toujours paisible, ombragé, où la foule des touristes ne pénètre qu'au compte-goutte. Tant mieux. 


Ce soir, j'en ai fait revenir quelques morceaux à la poële avec un soupçon d'huile d'olive, je les ai dressé brûlants sur une assiette. J'y ai mis du beurre qui a doucement fondu, du parmesan fraîchement râpé. J'y ai ajouté de fines tranches de jambon de San Daniele, des lanières de carottes et de radis noir crus , de la mozarella (de la vraie, faite avec du lait de bufflesse) coupée en lamelles et un oeuf poché. J'ai arrosé les crudités et l'oeuf d'un peu de vinaigre balsamique. Le festin était prêt. Ah, j'oubliais, il y avait un peu de tapenade maison, pour la couleur. Un régal accompagné d'un verre de Bardolino à la saveur très ample, très longue. Un festin de roi vous dis-je ! 






posted by lorenzo at 01:06