Vous connaissez Arbit Blatas ? Ce peintre d’origine lithuanienne qui arriva à Paris dans les années 20 et fut proche de tous les grands noms de ce qui devait devenir l’École de Paris dont il fut lui-même un des membres et le dernier survivant est aussi vénitien d'adoption.
Peintre et sculpteur, Blatas avait eu l’idée géniale de faire le portrait de tous ces artistes qu’il fréquenta pendant de nombreuses années. C’est ainsi que naquit cette fabuleuse série-témoignage sur les plus grands peintres de l’entre deux guerre. Mais il ne se contentait pas d’être un bon peintre, à l’œil débordant de couleurs qui savait si bien traduire tout ce que nos sens peuvent percevoir dans un paysage, une musique, une idée. Il maniait aussi à la perfection le volume. Ses sculptures monumentales en bronze laissent une image de ses amis qui palpite et vibre comme le film de leur vie.
Les bas-reliefs exécutés pour le ghetto de Venise, le Mémorial juif du Marais à Paris et le siège de l’ONU à New York (et chez lui en Lithuanie), sont aussi criants d’authenticité. La douleur et l’espoir transpirent de ces plaques de bronze qui ne laissent personne indifférent. Les croquis préparatoires de ce beau travail sur l’Holocauste ont servi d’illustration au générique d’une série télévisée consacrée à la déportation des juifs par les nazis. Illustrateur, Blatas l’a été aussi quand il réalisait pour les plus grands opéras du monde des décors et des costumes somptueux. On se souvient de son formidable travail pour l’Elektra de Strauss magistralement interprétée par Regina Resnik, sa femme qui en fera un jour la mise en scène à Chicago, comme le Falstaff de Verdi. Mais le travail scénique du maestro que j’ai toujours préféré, ce sont les planches de l’Opéra de Quatre sous de Kurt Weill que j’ai eu la chance de voir naître sous mes yeux.
Les tirages effectués à Venise étaient colorés à la main par Blatas que j’assistais. J’étais ensuite chargé de numéroter les feuillets que vendait ensuite la galerie Graziussi dans des portfolios magnifiques au tirage extrêmement limité. Arbit laissa aussi des portraits touchants d’humanité et de profondeur : Regina dans son costume d’Elektra, le Mime Marceau en Bip aérien, Sir Geraint Evans dans Falstaff… Et puis il y avait les vues de Venise : le jardin de la Locanda Montin, le bassin de Saint Marc au couchant, le campo Santo Stefano. Il existe un très beau tableau de Venise qui s’inscrit pour moi dans la lignée des plus grandes vues réalisées au fil des siècles par les plus grands artistes, de Canaletto à Monet.
La liste est longue des peintres qui ont su traduire à un moment donné la fantastique vision qui s’offrait à leur regard. Cela n’arrive guère qu’une fois ou deux à un artiste : ce qu’il a devant lui est tellement parfait, les couleurs, les lignes, les volumes, ses états d’âme complètement impliqués, insérés dans ce paysage que l’œuvre qui va prendre forme est à la fois la vision personnelle de l’artiste mais aussi la traduction absolue dans son langage de la réalité qui s’offre à ses yeux. Ce tableau, qui représente des remorqueurs sur le bassin de San Marco dans le brouillard, a été peint à quatre mains si j’ose dire. En effet, Albert Marquet qui était vers la fin de sa vie en visite chez Blatas au moment où celui-ci travaillait à la toile ajouta ça et là sa vision, son regard et on décèle les touches particulières qui émanent de cette fusion. Mais cela aurait pu ne rien donner qu’un exercice de style, un "private joke" entre artistes. L’amour sincère, profondément ancré dans leur cœur, que les deux hommes portaient à Venise a permis que cela fonctionne.
Les bas-reliefs exécutés pour le ghetto de Venise, le Mémorial juif du Marais à Paris et le siège de l’ONU à New York (et chez lui en Lithuanie), sont aussi criants d’authenticité. La douleur et l’espoir transpirent de ces plaques de bronze qui ne laissent personne indifférent. Les croquis préparatoires de ce beau travail sur l’Holocauste ont servi d’illustration au générique d’une série télévisée consacrée à la déportation des juifs par les nazis. Illustrateur, Blatas l’a été aussi quand il réalisait pour les plus grands opéras du monde des décors et des costumes somptueux. On se souvient de son formidable travail pour l’Elektra de Strauss magistralement interprétée par Regina Resnik, sa femme qui en fera un jour la mise en scène à Chicago, comme le Falstaff de Verdi. Mais le travail scénique du maestro que j’ai toujours préféré, ce sont les planches de l’Opéra de Quatre sous de Kurt Weill que j’ai eu la chance de voir naître sous mes yeux.
Les tirages effectués à Venise étaient colorés à la main par Blatas que j’assistais. J’étais ensuite chargé de numéroter les feuillets que vendait ensuite la galerie Graziussi dans des portfolios magnifiques au tirage extrêmement limité. Arbit laissa aussi des portraits touchants d’humanité et de profondeur : Regina dans son costume d’Elektra, le Mime Marceau en Bip aérien, Sir Geraint Evans dans Falstaff… Et puis il y avait les vues de Venise : le jardin de la Locanda Montin, le bassin de Saint Marc au couchant, le campo Santo Stefano. Il existe un très beau tableau de Venise qui s’inscrit pour moi dans la lignée des plus grandes vues réalisées au fil des siècles par les plus grands artistes, de Canaletto à Monet.
La liste est longue des peintres qui ont su traduire à un moment donné la fantastique vision qui s’offrait à leur regard. Cela n’arrive guère qu’une fois ou deux à un artiste : ce qu’il a devant lui est tellement parfait, les couleurs, les lignes, les volumes, ses états d’âme complètement impliqués, insérés dans ce paysage que l’œuvre qui va prendre forme est à la fois la vision personnelle de l’artiste mais aussi la traduction absolue dans son langage de la réalité qui s’offre à ses yeux. Ce tableau, qui représente des remorqueurs sur le bassin de San Marco dans le brouillard, a été peint à quatre mains si j’ose dire. En effet, Albert Marquet qui était vers la fin de sa vie en visite chez Blatas au moment où celui-ci travaillait à la toile ajouta ça et là sa vision, son regard et on décèle les touches particulières qui émanent de cette fusion. Mais cela aurait pu ne rien donner qu’un exercice de style, un "private joke" entre artistes. L’amour sincère, profondément ancré dans leur cœur, que les deux hommes portaient à Venise a permis que cela fonctionne.
J’écris ces lignes vénitiennes à la lumière de ma lampe Fortuny. assis à mon bureau, à Bordeaux. Quel joli raccourci qui me fait sourire. Le chat à côté me regarde étonné. il ne peut pas comprendre ce qui m'amuse ainsi : penser à Blatas, disparu en 1999, juif lituanien de New York, parisien de cœur qui vivait à Venise, penser à Marquet, peintre bordelais considéré comme un des plus grands de son époque et moi, tout petit écrivaillon, penché sous la lampe, connaissant si peu de choses finalement, mais apprenant chaque jour et qui cherche à transmettre, souvent avec maladresse, sa passion (son obsession ?) Le chat s'est rendormi, vautré sur mes feuillets. La pluie très dense dehors a changé ce début d’après-midi en nuit sombre. Mais la vraie lumière qui éclaire mon bureau, c’est bien cette toile dont la reproduction trône devant moi.