En 1981, le magazine "Connaissance des Arts" publiait un article de Denis Picard illustré par des photographies de Robert Emmet Bright sur la très originale demeure de l'architecte et décorateur italien, alors très en vogue, Piero Pinto.
En rangeant des papiers, j'ai retrouvé ce texte que je vous livre dans son intégralité. Je ne sais plus si Monsieur Pinto occupe toujours cette chapelle. En tout cas, il avait, outre le bonheur d'occuper un lieu aussi original, la chance d'avoir à deux pas, l'une des meilleures boulangeries de la ville. Les croissants de ce "panificio" étaient délicieux. Si je ne m'abuse, ce local a été remplacé par un bar-restauration rapide. J'habitais à quelques centaines de mètres de là, Calle Navarro, de l'autre côté du canal qui passe aux pieds de la ca'Dario et longe cette délicieuse petite place après la Guggenheim. Un des plus beaux endroits de Venise...
En rangeant des papiers, j'ai retrouvé ce texte que je vous livre dans son intégralité. Je ne sais plus si Monsieur Pinto occupe toujours cette chapelle. En tout cas, il avait, outre le bonheur d'occuper un lieu aussi original, la chance d'avoir à deux pas, l'une des meilleures boulangeries de la ville. Les croissants de ce "panificio" étaient délicieux. Si je ne m'abuse, ce local a été remplacé par un bar-restauration rapide. J'habitais à quelques centaines de mètres de là, Calle Navarro, de l'autre côté du canal qui passe aux pieds de la ca'Dario et longe cette délicieuse petite place après la Guggenheim. Un des plus beaux endroits de Venise...
"Venise n'en finit pas de mourir, mais peut-être est-ce là son art de vivre. Une vie que poètes, peintres et cinéastes ont souvent teintée d'une romantique, voire morbide, mélancolie. Incomprehension ? L'esprit populaire lui-même ambigu quand il chante :O che festa. Oh ! che spectacoloChe presenta sta lagunaQuando tuto xé silenziosoQuando sluse in ciel la luna...Fête nocturne, hommage à la lune, mélopées des gondoliers qui inspirèrent peut-être l’une des plus belles mélodies du Tristan de Wagner, venu lui aussi mourir en ces lieux. L’une des grandes morts de Venise fut la naissance, sous les bottes d’un Bonaparte encore révolutionnaire, d’une éphémère République d’Italie. Point final de la Sérénissime, arrêt de mort aussi pour une part non négligeable du patrimoine immense de la cité : il fut décidé qu’une église suffisait à chaque district de la ville. Les autres, désormais surnuméraires, furent désaffectées, vidées de leurs œuvres d’art et bien souvent démolies. De ce vandalisme fut victime San Vio, une église fondée au Xe siècle et reconstruite au XIVe, connue à divers titres et notamment pour avoir abrité le tombeau de Rosalba Carriera, l’illustre pastelliste du XVIIIe siècle - on peut voir ses œuvres non loin de là, dans les salles de l’Accademia et dans les salons du Palazzo Rezzonico.
A vrai dire, San Vio n’avait pas totalement disparu : quelques éléments architecturaux épars furent récupérés. Et quand de pieux citoyens obtinrent du Vatican la permission d’élever, au fond du Campo San Vio, une petite chapelle de brique rouge en souvenir de la grande église, ces éléments furent réemployés. De style néo-byzantin, ce qui n’avait rien d’étonnant à l’époque (1865) et encore moins en cette ville – pour avoir fait mettre à sac Constantinople, Venise n’en a pas moins recueilli une bonne part de l’héritage de Byzance – cette chapelle connut récemment, comme jadis son aînée, le malheur d’être désaffectée. Mais les temps ont changé : elle ne fut pas détruite, seulement vendue.
Son acquéreur, Piero Pinto, passionné de Venise, s’est trouvé particulièrement heureux de pouvoir résider là, dans le Dorsoduro, entre l’Accademia et la Salute. Situation privilégiée, d’autant que la petite chapelle rouge ouvre côté abside sur un petit jardin secret et, côté porche, sur le noble espace du Campo San Vio. Au bout de ce Campo, le grand canal aligne ses palais fastueux mais aussi, presque en face de la chapelle, la petite maison rouge qui fut l’atelier de Canova avant de devenir le refuge de d’Annunzio. Restaurée, ses murs décapés pour retrouver la décoration de marbres anciens sauvés de San Vio, la maison de curé attenante réaménagée en chambres et salles de bains, la chapelle néo-byzantine est devenue confortable résidence. A l’intérieur se mêlent, en un subtil dosage, trois mondes qui furent complémentaires dans leurs oppositions : Venise bien sûr, mais aussi Byzance-Constantinople, sa rivale chrétienne qu’elle voulut supplanter, et la Turquie islamique de l’Empire ottoman, son ennemi de plusieurs siècles. Plus d’ailleurs par l’ambiance que par les objets. Né en Egypte, le maître des lieux a pourtant hérité de son père une belle collection d’art de l’Islam. Mais ici la "décoration" se fait discrète, par petite stouches. "Un peu de tout" dit modestement Piero Pinto".


posted by lorenzo at 23:08





Il demeurait avec ses parents et ses sœurs au Londra, sur la Riva dei Schiavoni, courte étape avant de se rendre en Turquie. Il n’avait pas voulu accompagner sa famille à un concert. Il préférait se promener. Sorti en même temps qu’eux, il choisit d’aller dans l’autre direction, vers les Giardini Reali, derrière la Piazza, le long de cette promenade qui borde le bassin de San Marco, avec les gondoles et les taxis bien alignés devant les balustres en pierre blanche. Le soir toute une foule cosmopolite et élégante s’y rencontre. De mauvais peintres y proposent des portraits à trois sous, des camelots se mêlent aux touristes sous le regard indifférent des nombreux chats qui vivent là depuis toujours. Il avait toujours aimé les chats et
surtout ceux de Venise, tantôt faméliques, tantôt plantureux. Ses sœurs se moquaient de lui : il voulait un chaton vénitien comme à Rhodes il voudra un chaton grec. Ce n’était plus un enfant mais ce jeune adolescent restait très jeune dans sa tête. Poète, il rêvait chaque instant de sa vie et sa rencontre avec Venise fut un miracle, une révélation. Il ne devait plus s’en guérir. Jamais.
Et toujours, depuis plus de trente ans, il écoute le même enregistrement (celui de Riccardo Mutti qu'il préfère à toutes les éditions plus récentes ) en errant sur les ponts, dans les rues et les campi de sa ville. Aujourd'hui, lorsqu'il revient à Venise, il se coiffe de ses écouteurs et repart à la conquête de sa ville. A la conquête de ses rêves. Il n'a plus la même énergie qu'autrefois et la fatigue vient plus vite, mais le plaisir demeure comme au premier jour quand, la nuit venue, il se faufile dans le dédale des raccourcis autour du Rialto, derrière le ghetto, derrière l'arsenal ou près de la cathédrale San Pietro avec le cum sancto spiritu. Il termine souvent par le campo San Fantin, sur ce magnifique palcoscenico où, avec le fronton de la Fenice, la tonnelle de la Taverne, les deux puits et les deux églises très noires, on a vite la sensation, surtout tard dans la nuit, quand il n'y a plus personne, d'être sur la scène d'un théatre abandonné. Assis sur les marches du théatre reconstruit, il écoute le hautbois de Gordon Hunt accompagner le merveilleux Domine Deus du Gloria.








Un Gianduiotto chez 




Des bruits, des odeurs descendent des maisons par les fenêtres ouvertes. Une poulie qui grince avec le linge qu'une main étend tout la haut, une radio, un rideau de bambou qui crisse. Le temps qui passe doucement, c'est Venise en juillet... Peu à peu, quand la fraîcheur reviendra, les maisons s'ouvriront, laissant sortir des petites vieilles qui iront papoter entre voisines sur des chaises qu'elle sortiront devant leurs portes, les enfants iront courir ou jouer à la balle, les chiens feront leur promenade de fin de journée. Puis ce sera la passegiatta... 





Ce qui à l'heur de plaire à sa mère (






