23 avril 2006

Une vie ordinaire

En relisant le petit ouvrage d' Henry de Régnier que je cite souvent, je suis tombé sur une phrase qui a marqué toute ma vie vénitienne. Il recommande au visiteur de rester avant tout lui-même à Venise. 

Point trop d'églises ou de musées, si ce n'est pas votre "truc". Avant tout, vivez comme vous le feriez n'importe où ailleurs : "Le point essentiel et le précepte fondamental est de vivre à Venise comme on vivrait partout ailleurs, d'y rester soi-même et de ne pas s'y faire une âme factice. Si vous aimez voir des églises, visitez des églises; si vous aimez voir des tableaux, regardez des tableaux, mais ne vous y croyez pas obligé. Venise n'oblige à rien, pas plus à se grimer en romantique qu'à se déguiser en esthète... Ne posez pas devant vous-même, un pigeon sur chaque bras. Marcher vous plaît ? ne prenez pas de gondole. Ne sacrifiez pas vos aises et vos goûts au souci de la couleur locale. Ne demandez à Venise que votre agrément..."
Car, ce qui rend Venise si attachante, ce qui fascine et attire, ce n'est pas seulement les monuments, les trésors d'art, les vestiges d'un passé grandiose. Non, j'en suis convaincu, c'est l'ordinaire, le quotidien qui nous marque. Car, comme partout ailleurs dans le monde, à Venise, on travaille, on mange, on organise sa vie de chaque jour. les enfants vont à l'école, les parents partent travailler, les vieillards se réchauffent au soleil. Bien que de plus en plus difficile, la vie quotidienne à Venise, à elle seule, est un trésor qu'on veut très vite partager. Se rendre le matin au kiosque du coin pour acheter le journal et parler des résultats sportifs avec le vendeur, prendre son pain chez le boulanger, faire la queue chez le boucher, puis à la poste. Discuter un peu avec la fleuriste sur le campo en regardant les enfants courir après les mouettes. Entendre les cloches de l'église répondre à celles des églises voisines et rentrer chez soi préparer le repas. Les tulipes dans un vase sur la belle nappe bleue, le rayon de soleil qui illumine le pavement de la cuisine, l'odeur des glycines partout dans la ville et bientôt, les cris des enfants qui sortent de l'école... Ailleurs, les cris des barcaroï qui chahutent et plaisantent en livrant leur marchandise au marché, les gondoliers qui sortent du bar entourés de l'odeur du café qu'ils viennent de boire, le livreur de brioches qui s'en va par les calli, le panier sur la tête comme autrefois. Les ouvriers qui poussent leur chariot; les carabiniers, toujours grands, toujours impeccables qui se donnent un air sévère, surtout devant les filles (et devant les vitrines où ils aiment se contempler)... Tout ce monde est le même qu'ailleurs, mais ici il y a quelque chose de plus. La lumière, les odeurs, le décor ? Tout cela à la fois sans doute. C'est Venise au quotidien. C'est la Venise que j'aime. La prochaine fois que vous y allez, humez cet air unique, ouvrez grand vos yeux à Castello, à Dorsoduro comme à Canareggio. Vous verrez, une heure de quotidien ordinaire vous fera plus de bien qu'une nuit de sommeil. Vous reviendrez réjoui, affamé et heureux ! Essayez.
posted by lorenzo at 21:52

Absence avec préméditation

Bobo Ferruzzi
.C'est vrai, je suis parti, sans rien dire, en catimini. Certains d'entre vous s'en sont inquiétés ! Cela fait plaisir de se savoir un tout petit peu utile à mes lecteurs ! J'ai tiré les volets, fermé la porte à double tour et, le chat confié aux voisins, nous avons quitté Bordeaux, son ciel pollué, ses travaux, sa poussière pour des horizons plus purs. Il fallait bien ça. Tant de mois de fatigue amassée, de lassitude, de stress mal digéré et ce teint, grisâtre, comme les nuages bordelais... Bref, je vous ai abandonné une longue semaine. Mais me revoici, reposé, bronzé, de joyeuse humeur (comme les enfants d'ailleurs), plein d'idées et de (nouveaux) textes. Car, sous ma glycine, face à la lagune, j'ai beaucoup travaillé. Je ne dirai pas que c'est avec joie que nous avons repris le chemin de Bordeaux. Il fait si lourd ici. Mais il faut bien reprendre les habitudes et la nécessité de la vie nous ramène toujours vers notre devoir... Encore un petit effort, quelques années de travail encore, et, Dieu voulant, ce sera Venise per sempre (pour toujours). Enfin. 
En attendant, c'est promis, je ne m'en irai plus sans vous prévenir !

posted by lorenzo at 21:40