22 mars 2007

un corps transparent d'elle...

 
Rainer Maria Rilke, sur une amie vénitienne :"C'est une âme toute vibrante dans un corps transparent d'elle, un être sensible comme une fleur et profond comme un miroir ou de loin se mire un ciel plein d'étoiles..."
 
Ce texte m'est revenu en mémoire et j'y associe depuis toujours ce beau portrait d'une jeune vénitienne inconnue peint par Dürer pendant son séjour en Italie, lorsqu'il étudiait la manière de l'atelier Bellini. On dit aujourd'hui qu'il s'agirait en fait de l'épouse du peintre. Mais là n'est pas mon propos. Je voulais seulement vous parler d'une belle exposition qui est actuellement présentée au Museo Diocesano de Venise, dans le sublime cloître de San Apollonia, jusqu'au 30 juin. Entièrement consacrée à l'oeuvre gravée du Maître de Nuremberg, le génial Albrecht Dürer dont les liens avec Venise furent très forts et se ressentent dans bon nombre de ses œuvres. Il fit à Venise deux séjours. Il existait alors dans la Sérénissime une guilde de marchands de Nuremberg qui formait une des nombreuses ramifications de la colonie allemande installée au Fondaco dei Tedeschi au Rialto. Dürer fut appelé par eux pour décorer une des chapelles de l'église San Bartolomeo qui était leur paroisse. Ce fut le polyptique de la Fête du Rosaire. Il réalisa certainement d'autres toiles pour les riches négociants allemands qui financèrent sa venue. 
En 1494, le peintre rencontra Jacopo de Barbari qui lui apprit l'art des proportions humaines et animales, notamment celles du cheval dont Dürer se servit beaucoup dans ses gravures. Ils travaillèrent ensemble, furent souvent en concurrence et on hésite beaucoup aujourd'hui dans l'attribution de la fameuse carte de Venise conservée au Musée Correr. Ne serait-elle pas de Dürer plutôt que de Barbari ?
Le travail de Dûrer sera définitivement transformé par ses séjours vénitiens. Il y travailla beaucoup la représentation des bêtes et notamment des lions et des crabes, et des "mystérieuses créatures marines", animaux réels ou mythiques très présents dans la cité des Doges. Scènes païennes ou religieuses, les gravures de Dürer sont toutes splendides, raffinées et parlantes, d'un modernisme qui n'a pas cessé d'étonner.