30 septembre 2018

Van Gogh et Tintoret, la dérision et la joie : Venise au quotidien


Van Gogh et Tintoret, les églises en piteux état comme les mentalités, le regard triste des jeunes migrants africains contraints de mendier au coin des rues, l'indifférence des passants, les hordes de barbares qui arpentent la Piazza, le compteur de la pharmacie Morelli qui continue son chiffrage à rebours des vénitiens qui restent, et le rire des enfants qui jouent sur les campi le soir après l'école, tandis que de partout les cloches répandent leur chant joyeux qu'accompagnent les mouettes de leurs cris stridents... Venise au quotidien. C'est la fin de l'été. Bientôt l'automne et le temps va changer, hésitant quelques semaines encore entre la douceur des soirs d'août, le joli mois d'Auguste où sonne souvent le tonnerre, et la froidure insidieuse des matins sombres qui sera notre lot en novembre. Sauf manifestation inattendue mais prévisible du changement climatique. Peut-être devrait-on commencer de parler de révolution climatique...

Matteo Salvini s'en est retourné avec sa kyrielle de conseillers, de gardes du corps aux faciès de voyous et les soldats armés jusqu'aux dents ; brassage de vent, effets de manche et clichés façon jet set, comme ils font tous, ces fantoches grotesques qui partout s'emparent du pouvoir, mentent et trahissent à qui mieux mieux le peuple, entraînant le monde dans une scandaleuse fuite en avant nourrie par la peur, la propagande, le rêve et le clinquant. Démocrature, fascisme rampant ? La haine en tout cas qui pointe son nez de nouveau, même ici, à Venise... Les médias n'ont retenu que la beauté vénusienne de sa compagne. Cela ne vous rappelle rien ? On a eu un peu le même en France et puis juste après la version opposée mais tout aussi nauséabonde. Et le monde regarde médusé ces incultes et leurs filles de joie accaparer le pouvoir et tout saccager...

L'égérie du vice-premier Matteo Salvini ou le retour des satrapes
 
L'Italie entre les mains d'un gouvernement populiste, le premier d'Europe occidentale... En tout cas le premier qui dit son nom. Cela ne durera pas, du moins faut-il l'espérer. Les italiens méritent tellement mieux que ça... Mais passons aux choses sérieuses, et parlons de ceux qui font vraiment bouger les choses sans regarder les résultats des sondages ni de la bourse. Ceux qui ont de véritables convictions et le sens de l'autre... 

Car finalement, tout tient encore le coup ici. La jeunesse est active, joyeuse. insolente à souhait, elle est l'hormone de vie qui s'insinue partout dans les rues de la ville. Contrairement à leurs aînés, ces jeunes gens déterminés agissent, construisent, inventent, et innovent. Peu à peu cette dynamique s'empare des esprits. Il n'y a pas d'alternative : agir, avancer ou laisser mourir la Venise authentique en même temps que meurent nos libertés... Il faudrait des heures pour détailler toutes les initiatives nouvelles qui font bouger les choses à Venise, du logement aux constructions navales, des jardins partagés à la création d'un tourisme solidaire, des manifestations culturelles inédites au dépoussiérages des traditions et des rites... Venise avec eux se réinvente et l'argent pas plus que la politique n'entre en jeu ! TraMeZziniMag tout au long des prochains mois détaillera leurs actions, leurs initiatives, tous les nouveaux projets en cours d'élaboration. Vous verrez, il y a pléthore d'idées et de perspectives réjouissantes....

Plus que jamais, le Poseïdon de l'Arsenal tient ferme son trident. Non - même si l'envie nous prend -  ne pas s'en servir pour empaler ces  touristes iconoclastes qui se répandent partout et ne voient rien autour d'eux qu'à travers leurs smartphones... Je pense à Cees Nooteboom qui s'est inspiré de la statue pour sa Lettre XX dans ses rutilantes Lettres à Poséidon, magnifiquement traduit en français par Philippe Noble.


Cees Nooteboom
Lettres à Poséidon
Actes Sud
2013


Poséidon, Venise
Photographie Catherine Hédouin
© 2018