Dix-neuvième année - Nouvelle édition. Les Hors-Textes de Tramezzinimag :

02 février 2011

C'est aujourd'hui la Chandeleur

Sans parler des américains qui fêtent aujourd'hui la marmotte (!) et sont bien plus proches du paganisme primaire des «natifs», et très éloignés de la tradition chrétienne quoi qu'ils en disent, Venise comme toute l'Italie et le reste de l'Europe célèbre aujourd'hui la chandeleur, la commémoration de la présentation du Christ au temple. et, depuis je ne sais plus quel pape (en 1372), la purification de la Vierge. Fête de la lumre où on bénit les cierges qui illuminent toutes les églises, ce jour est pour moi plein de délicieux souvenirs d'enfance. A cause des crêpes bien sur, du panettone de San Biagio et des fritelle qu'on faisait chez ma grand-mère. C'est le passage attendu qui mène à la fin de l'hiver. Un vieux dicton que tout le monde connaît à Venise, le précise :
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«A la Madona Candelora
de l’inverno semo fora,
ma se piove o tira vento
de l’inverno semo drento»
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Quand il pleut et qu'il vente, l'hiver-enfer (inverno-inferno) est toujours là et redevient virulent. Mais il fait beau depuis quelques jours à Venise et le ciel est serein aujourd'hui encore, en dépit d'une température encore bien basse. Ce jour est ainsi un passage, entre Hiver-obscurité-mort et Printemps-lumière-renaissance. Ce passage est fêté symboliquement par la purification et la préparation des corps et des âmes à la nouvelle saison.
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Chandeleur en italien se dit «Candelora» dérivé du latin «candelorum», et «candelaram» signifiait la bénédiction des chandelles, très vieux rite romain d'origine juive. Les premiers chrétiens décidèrent de remplacer la fête païenne par l'anniversaire de la présentation de Jésus au Temple et de la purification de sa mère, quarante jours après sa naissance. Ne pas confondre avec l'anniversaire (qu'on ne fête plus de nos jours) de la circoncision de l'enfant qui eut lieu comme le prévoit la loi hébraïque huit jours après (soit le 1er janvier). Cette tradition vient de la foi juive, où après sa délivrance, une femme était considérée comme impure pendant quarante jours (si elle avait mis au monde un garçon, pour les filles c'était encore plus long). Passé ce délai, on se rendait en procession au temple. En dépit de formes diverses, la fête a partout en Occident la même signification. Chez les romains, c'était les "Lupercales" qu'on célébrait aux Ides de Février, le dernier mois dans le calendrier antique. Il s'agissait de se purifier avant d'entrer dans la nouvelle année. Le rite était censé préparer à la fertilité des terres et à la prospérité. Ce jour-là, les femmes romaines arpentaient toutes les rues de Rome avec des cierges pour purifier la ville et ses habitants. .
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Venise célébrait ce jour-là les Marie ce jour-là en organisant des mariages collectifs pour les jeunes filles méritantes qui recevaient trousseau et argent de généreux donateurs qui penser certainement acheter ainsi leur purification et la bénédiction du ciel, ces Indulgences que la Réforme vilipendera des siècles plus tard. La célèbre Feste delle Marie, reprise depuis quelques années dans le cadre des manifestations officielles du Carnaval, est restée un grand moment dans la mémoire collective vénitienne, puisque la légende raconte qu'un jour de Candelora, des barbares enlevèrent des jeunes filles venues des îles pour être mariées par le patriarche et que suite à un combat héroïque, les jeunes fiancés et leurs amis massacrèrent les kidnappeurs et récupérèrent leurs belles (et les dots, bien entendu !). Mais tous les historiens ne sont pas d'accord sur l'évènement et son déroulement exact.

Demain, on fête Saint Blaise, le martyr arménien. C'était chez nous l'occasion de faire un magnifique panettone au goût unique et, par cet esprit d'escalier qui inonde de digressions mes articles, cela me fait penser à la petite église de San Biagio, édifice méconnu des touristes et qui a une histoire très particulière. Saviez-vous qu'il abrite les restes d'un archiduc autrichien fou amoureux de Venise. Enterré dans la chapelle du Grand Prieuré de l'Ordre de Malte, San Giovanni del Tempio (appelée aussi chiesa dei Furlani) le prince Frédéric-François d'Autriche avait demandé à ce que son cœur demeure dans la chapelle de la Marine de Venise. Il repose aujourd'hui dans la sacristie. En fait, l'église de San Biagio existe sans exister. Elle est un peu comme une annexe du Museo Storico Navale et dépend des autorités militaires depuis la décision de la Magistrature des Eaux d'en transférer la gestion aux affaires culturelles. Son curé est en fait l'aumônier militaire de Venise, et San Biagio est la chapelle de la Marine et des Forces Armées cantonnées à Venise.
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Datant du XIVe siècle, avec une nef byzantine à l'origine, elle a été restructurée et dotée d'une façade moderne au milieu du XVIIIe. Avec la chute de la République, l'église est en partie détruite. Les autrichiens contribuent à sa réinstallation en y amenant des vestiges d'autres églises de la Sérénissime. C'est ainsi que les autels proviennent de l'église Santa Anna, à Castello, qui abritait autrefois une communauté de bénédictines et que Buonaparte fit fermer en 1807, pour faire des locaux un collège, puis un hôpital pour la Marine. On y trouve aussi un superbe monument funéraire provenant de l'église Santa Maria dei Servi, à Cannaregio, (aujourd'hui Casa Studentesca Santa Fosca). 

Il s'agit du monument érigé par la République à la gloire du célèbre capitaine Angelo Emo, héros de la guerre contre le Bey de Tunis, en 1785. Ce patricien éclairé tenta de réformer la marine vénitienne, sur le modèle de la marine anglaise qui tentait de supplanter notre magnifique marine royale, voulue par le clairvoyant Louis XVI.
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Voilà bien des informations dans un billet un peu brouillon. On s'aperçoit qu'il y a mille curiosités dans cette cité magique qui fut, notre époque a tendance à l'oublier, la capitale d'un état souverain très puissant et très riche. La chute de la République, le pillage de Buonaparte, la mise en servitude par les autrichiens et l'unité de l'Italie en ont fait une petite bourgade de province nantie de merveilleux monuments et forte d'une histoire qui ne mourra que lorsque plus personne ne se souviendra de ce que fut la Sérénissime. Bonne fête de la Chandeleur !
 
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