Abiti antichi e moderni dei Veneziani
par Doretta Davanzo Poli. 
Collection " Cultura popolare veneta" 
à l'initiative de la Fondazion Cini 
et de la Régione Veneto. 
 Editions Neri Pozza.
 
"Una  specie di scialle, identificato come tale su oggetti archeologici  ritrovati in area veneta, impone di iniziare la storia della moda a  Venezia da molto lontano. Si tratta del fazuolo, detto in seguito  cendale, ninzioletto, tonda, sial, termini tutti riferibili a un  indumento similare, sistemato a ricoprire testa e spalle, che continuerà  a ripresentarsi nel corso dei secoli come una sorta di filo conduttore  nell’abbigliamento femminile veneziano".
C'est ainsi que commence l'ouvrage de Doretta, avec le châle, cet  accessoire indispensable depuis toujours de la garde robe des  vénitiennes, tous milieux confondus, un long périple historique sur la  mode et les usages vestimentaires vénitiens de l'antiquité vénitienne à  nos jours, riche de détails historiques et de curiosités. "Le propos est d'étudier les changements de la mode au cours des siècles, à Venise et sur la terre ferme", souligne Giancarlo Galan, l'actuel Président de la Région dans sa préface, "en  mettant en évidence les données sociales et culturelles et en les  comparant au contexte historique et économique dans lequel les  différentes manières de s'habiller se sont développées"..."Depuis  toujours lieu de rencontre et d'échange de culture, poursuit Galan, pont  entre l'Orient et l'Occident, Venise reflète, même dans l'habillement,  influences et tendances dépendantes des relations politiques et  commerciales à un moment historique déterminé, réussissant en même temps  à définir et conserver de nombreux traits d'originalité, tant dans la  manière de se vêtir des classes des hautes sphères que dans les milieux  populaires..." 
Au VIe siècle, l'expansion de la culture orientale en Italie (en 257, le trône d'orient est occupé par Justinien,  le dernier grand empereur romain) laisse des traces dans la manière de  s'habiller des populations qui habitent les îles de la lagune - comme en  témoignent les personnages peints sur les fresques de la basilique d'Aquilée - mais bien vite  avec l'évolution des techniques de tissage, les artisans vont mêler à  la tradition vestimentaire romaine des éléments originaux d'inspiration  purement locale. Un élément par exemple apparait vite et va rester à  travers les siècles en usage dans toutes les classes de la société : la fourrure. "même à l'intérieur des habitations, peu ou mal chauffée, des classes moyennes", raconte l'auteur, "on  se protègeait du froid en revêtant plusieurs épaisseurs de vêtements  dont l'un au moins était en tissu fourré. Les moins favorisés se  contentaient de peaux de mouton, de chèvre ou de lapin (les plus pauvres  portaient même des peaux de chien ou de chat), tandis que les riches  portaient des peaux plus précieuses comme le veau, moins lourd et plus  chaud. La fourrure (les poils) touours tournés vers l'intérieur".  les poils de la fourrure portée vers l'extérieur sera seulement une  nouveauté de la mode du XIXe siècle. Depuis à Venise, le manteau de  fourrure, vison, renard ou zibeline reste très porté et la tradition  dote les filles à leur majorité d'un manteau de vison comme chez nous  d'un collier de perles...
A partir du XIIIe  siècle, c'est l'affirmation définitive d'un art du tissage typiquement  vénitien accompagné d'un mode de travailler la laine et la soie très  particulier. La ville commence à mettre en place lois et règlements en  matière de mode, notamment, comme toujours, pour limiter les excès. Le  gouvernement de la Sérénissime sera contraint par exemple d'établir des  ordonnances limitant le prix maximum pour la confection d'un habit. Un  arrêt de février 1219 précise par exemple :"per un completo composto di gonnella, guarnacca e pelliccia, il  costo è fissato in L. 12, sette per le prime due, 5 per la terza"("pour  un complet composé d'une jupe, un haut garni et un fourrure, le coût  est fixé à 12 livres, sept pour les deux premières pièces, 5 pour la  troisième). Il va surtout réglementer le nombre de vêtements et la quantité de tissus précieux qu'il sera possible de posséder. 
A cette période, la corporation des teinturiers ("I Tintori")  va prendre beaucoup d'importance. La valeur d'une couleur au détriment  d'une autre orientera les goûts, fera et défera les modes pendant  plusieurs siècles. 
C'est aussi à cette époque que sera introduit un accessoire fondamental et révolutionnaire : le bouton.  Jusqu'alors le vêtement était plus ou moins élaboré, il n'en demeurait  pas moins une sorte de tunique portée par l'homme comme par la femme.  Avec le bouton, le vêtement adhère mieux au corps, ce petit accessoire  ingénieux va rendre possible une utilisation différente des étoffes.  Cette ouverture permettra, au siècle suivant, la différenciation totale  de la mode masculine de celle réservée aux femmes. 
Puis viendra la bourse, tant pour les hommes que pour les femmes : de cuir ou d'étoffe, décorée ou brodée "Accrochée  à la ceinture dont elle semble un simple ornement ou son prolongement,  par des liens, des rubans, des noeuds ou des chaînettes" explique l'auteur,"pendantes  et bien en vue, ce sera vite la proie facile des voleurs munis de  ciseaux qui suffisent pour couper les liens et s'en emparer : le terme  de tagliaborse (taille-bourse) servira vite à qualifier ce genre de  voleurs..." 
Au XVe siècle, Venise va exprimer toute son originalité dans le secteur de l'habillement. Du côté des hommes on ré-introduit la toge,  sorte de sur-veste à usage professionnel que la Sérénissime va rendre  obligatoire. Pour les femmes, il y aura ces manches bouffantes attachées  aux épaules et interchangeables. C'est pendant cette période  qu'apparaissent des étoffes tellement précieuses qu'elles seront  acceptées par le sprêteurs à gage et se retrouveront dans les contrats  de mariage... Brodées d'or et d'argent, décorées de motifs végétaux  somptueux, ces tissus démontrent le très haut niveau de savoir-faire des  tisserands vénitiens. 
Au XVIe siècle se développe la dentelle avec ce fameux point tellement fin (que l'on pratique encore - de moins en moins - à Burano). Au XVIIème siècle ce sont ces fameuses chaussures  (échasses plutôt) dont je vous parlais il y a quelques jours. On arriva  à des semelles tellement hautes qu'il fallait aux élégantes l'aide de  deux personnes pour tenir debout et marcher... Des tas d'extravagances  vont apparaître, de l'ampleur, du volume pour mettre en valeur la beauté  des étoffes précieuses.. On va inventer des couleurs toujours plus  belles, des rayures, des fleurs brodées ou tissées... Jabots de  dentelles, camisoles et voiles, capes et manteaux, tricornes et autres  accessoires typiques comme ceux qu'on peut admirer dans les tableaux de Longhi  sont décrits en détail dans le livre de Madame Davanzo Poli, jusqu'aux  plus petits détails y compris les artifices camouflés sous les vêtements  féminins pour mettre en valeur le corps (paniers sous les jupes,  cercles pour tenir le bas des robes faits en cartilage de baleines ou en  plumes).
Après la chute de la République, pendant l'occupation française puis autrichienne, rien ne change vraiment sauf l'arrivée des pantalons  longs pour remplacer la culotte ancien-régime, véritable révolution  puisque ce vêtement masculin était porté à venise depuis la Renaissance  par les prolétaires les plus pauvres et mis à la mode par les  révolutionnaires parisiens et qui nous a amené à l'habillement moderne. 
Les temps modernes ne sont pas oubliés dans ce livre avec les créations de Mariano Fortuny, espagnol de naissance mais vénitien d'adoption, dont quelques belles pièces sont visibles au Palais Fortuny  que je vous recommande. Il vient d'être rénové mais conserve  l'atmosphère belle époque et très esthétique mise en place par l'artiste  lui-même. Artiste éclectique, il ouvrit en 1906 un laboratoire  d'impressions sur étoffes, velours et taffetas, qu'il teintait lui-même  puis imprimait selon un procédé de son invention, dérivé de la technique  des "Katagami" japonais. Eleonora Duse, Sarah Bernhardt, Isadora Duncan et Ilda Rubistein seront ses clientes et ses meilleures ambassadrices.
Vénitienne authentique, Giuliana di Camerino, aujourd'hui disparue, illustre la deuxième partie du XXeme siècle. Son label "Roberta di Camerino",  signature apposée sur de magnifiques accessoires, sacs et ceintures de  velours polychromes avec des motifs en trompe-l'oeil, (que la jet-set  des années 60 s'arrachait après que Grace Kelly,  lors de son arrivée à Monaco, se présenta avec un de ses modèles)  continue d'avoir beaucoup de succès en Italie comme dans le monde entier  avec des foulards et des vêtements que Giuliana lança avec beaucoup de  professionnalisme. J'ai participé chez Graziussi à l'édition d'un  portfolio de ses dessins. C'était une garnde dame. Et puis, il y a Fiorella Mancini et ses créations psychédéliques (les mannequins femmes à tête de doges barbus, c'est elle), les tissus et vêtements de Norelène (Hélène et Nora , la femme et la fille de Bobbo Ferruzzi)... Un livre passionnant.
posted by lorenzo at 00:02