On parle beaucoup des jardins de Venise ces temps-ci. A ce propos, je vous recommande l'excellent petit reportage de Maurice Olivari au journal de 13 heures de TF1 du 9 mai dernier. On y voit Laetizia Querenghi, la grande spécialiste vénitienne des jardins et la charmante Comtesse Barnabo dont le jardin est vu chaque jour par des milliers de passants qui défilent devant ses balustrades, puisqu'il donne sur le Grand Canal (on peut y louer des appartements d'ailleurs). Voici un ouvrage exquis que j'ai toujours plaisir à relire et à offrir.
Frederic EdenUn Jardin à Venise
Actes Sud
Riche aristocrate anglais, sir Frederic Eden, père du premier ministre de Sa Très Gracieuse Majesté, le célèbre Anthony Eden, s'installe à Venise pour raison de santé. Las d'une vie oisive, il achète en 1884 un jardin sur la Giudecca qu'il entreprend de transformer. Or, jardiner à Venise est presque toujours un cauchemar pour toute personne douée de bon sens : pergolas qui s'enfoncent dans la vase, quasi-impossibilité de planter des arbres, pluviométrie capricieuse, et une lagune quelque peu envahissante... Néanmoins, c'est avec un flegme et une ténacité typiquement anglaise que notre auteur s'emploiera à créer ce jardin devenu mythique, le plus grand de Venise.
Il a, en effet, fasciné de nombreux écrivains et inspiré l'œuvre de la célèbre architecte de jardin, Gertrude Jekyll. L'auteur nous invite ainsi à découvrir mille petits tableaux de la vie vénitienne : construction de pergolas, marcottage des rosiers, forage de puits, création d'une étable et d'une laiterie, fête du Rédempteur, démêlés avec les autochtones et les autorités municipales... Tous les amoureux de Venise ont entendu parler du "giardino Eden". Un jardin à Venise est le récit pittoresque de ce jardin planté par un membre d'Albion, sur une île, au sein de la plus exquise cité du monde. Le peintre Huntervasser y a vécu, des poètes l'ont dépeint. J'ai eu la chance de le visiter il y a longtemps. C'était, en dépit d'un quasi abandon, une merveille. Le reportage de TF1 en montre quelques allées sans le nommer.
Il y avait hier à Bordeaux un concert d'orgue (sur celui de Sainte Croix, le Dom Bedos dont je vous ai déjà parlé) et clavecin donné par Céline Frisch. Un régal. Samedi dernier, à l'église Saint Pierre, c'était celui des très jeunes "Musiciens du Chapeau Rouge", (ensemble dédié à la musique ancienne et à la tradition bordelaise qui, comme dans beaucoup de villes aisées, vit naître aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles des ensembles d'amateurs éclairés qui se produisaient dans les jardins ou dans les salons) qui vient de naître et que j'ai eu l'honneur de porter sur les fonds baptismaux en avril dernier avec d'éminents parrains comme Michel Laplénie, le directeur de Sagittarius et Davitt Moroney. Violoncelle baroque et clavecin pour des sonates italiennes de Vivaldi, du Gabrieli , Geminiani : Benoit Babel, au clavecin, et Clémence Prioux, au Violoncelle baroque. Ils ont plein de projets : le Stabat Mater de Pergolese, de Bach et du Telemann, une classe de maître avec Davitt Moroney... Mais je vous en reparlerai.
Antonio Vivaldi, les Cantates virtuoses
Philippe Jaroussky
et l'ensemble Artaserse
Label Virgin Classic
C'est un CD qui m'a vraiment surpris. Ému même. Les Cantates virtuoses de Vivaldi interprétées d'une manière incroyablement sensuelle par Philippe Jaroussky, accompagné par l'Ensemble Artaserse, avec Jérémie Papasergio au basson et Emilia Gliozzi au violoncelle. Le chant s'élève et vous tendez l'oreille, ébloui, incrédule, confondu par tant de lumière, de naturel et de grâce. De grâce, oui ! Les cyniques, les désenchantés et autres esprits chagrins ricaneront sans doute. Pourtant le mot n'a jamais été si juste, si pertinent. Certes, il est difficile pour l'auditeur enthousiaste, exalté, de résister aux envolées lyriques : elles offrent une contenance face au mystère d'un timbre, d'une beauté à nulle autre pareille, qui défient le temps et les catégories. C'est incroyable : Philippe Jaroussky chante comme il respire : depuis toujours, sans se poser de questions, avec une aisance et une simplicité désarmantes. Ce don, que d'aucuns gâteraient en cédant aux succès faciles et aux mirages du showbiz, il le met au service de sa passion, généreuse mais réfléchie, pour la musique baroque. En quelques années, son parcours (sans faute), jalonné de chefs-d'oeuvre, denses, exigeants (Messe en si, la trilogie des opéras et les Vêpres à la Vierge de Monteverdi...), mais aussi de découvertes excitantes et de splendeurs inédites (I Strali d'Amore de Cavalli, Il Sedecia de Scarlatti, La Verità in cimento de Vivaldi), augure un avenir brillant et riches en surprises, car ce jeune contre-ténor partage la fièvre des explorateurs, cette capacité d'émerveillement qui animent aussi les musiciens qui l'ont dirigé et guidé : Gérard Lesne, Jean-Claude Malgoire, Gabriel Garrido, Jean Tubéry et Jean-Christophe Spinozi...
posted by lorenzo at 21:07




son amour pour Venise et qui exprime ses joies et ses colères chaque jour depuis douze mois. Mais je dois avouer qu'un de mes meilleurs moments de la journée, lorsque je quitte mon cabinet, c'est, une tasse de thé fumant sur ma table, 
Hier le Jardin Public débordait des mêmes, vautrés sur les pelouses où ils laissent mille traces de leur passage le soir : bouteilles vides, papiers gras, kleenex ou papier toilette, branches cassées et fleurs arrachées. les barbares sont partout. A Venise aussi me direz-vous, mais quand on veut les oublier, éviter les hordes de veaux déguisés en touristes, il suffit de se perdre dans les dédales et quelques ponts plus loin, on n'entend plus rien que le bruit de nos pas, le chant des oiseaux et le cri des enfants qui jouent dans les cours des maisons, sous le regard des chats endormis sur la margelle d'un puits. Là-bas, même dans un quartier populaire et décati, rien de sordide ne vient vous agresser l’œil. Et si les graffitis et les tags se répandent aussi, ils ne se retrouvent que dans les quartiers du centre. A Bordeaux, les barbares sont partout, autour des Quinconces, sur les marches du Grand Théâtre, sur les quais. Une invasion. et ils saccagent, ils consomment le décor... Saint Michel, hier encore si pittoresque, est devenu un champ de déjections canines arpenté par de jeunes islamistes allumés et agressifs et de babas drogués... Mais bon, voilà, nous en sommes tous là, on ne fait pas toujours et à tout moment ce que l'on veut.. 









C'est celle-là qu'il a peinte, mais dont il ne parle jamais. Les mois et les mois qu'il y a passés ont-ils donc disparu de son souvenir ? Jamais il ne prononce le nom de la ville quand nous sommes ensemble, quoique nous pensions l'un et l'autre à elle. Nulle part elle n'est plus présente que dans cet atelier. Elle est dans ces toiles retournées et que j'imagine à ma guise, tout en regardant dans une vitrine quelqu'une de ces fioles transparentes rapportées de là-bas et qui semblent toujours contenir de l'eau de la lagune, tandis que, sur le parquet, se roule un chat qui porte au cou un de ces colliers en boules de verre coloré qu'on fabrique à Murano, – un chat trapu, rond et baroque, qui a l'air de ces animaux un peu diaboliques dont Carpaccio animait ses compositions et dont il ornait ses terrains semés de fleurettes délicates, sous les pas de ses San Giorgio et de ses Santa Orsala.


Je suis presque certain que le même lieu pris en photo une heure après, montrerait les leoncini (la petite place surélevée qui est devant le palais patriarcal, où on déposait autrefois les noyés pour qu'on vienne les reconnaitre) garnis de papiers gras et de bouteilles vides, comme souvent dès que la bonne saison revient... Bien entendu, s'il y avait davantage de lieux adaptés aux touristes peu argentés, des espaces verts avec des bancs et des tables, des toilettes publiques, des corbeilles plus nombreuses et des "stewards" ou des "hôtesses" pour rappeler les usages à tout ce monde, les choses seraient différentes. mais Venise n'est pas 

Avant tout, vivez comme vous le feriez n'importe où ailleurs :
en regardant les enfants courir après les mouettes. Entendre les cloches de l'église répondre à celles des églises voisines et rentrer chez soi préparer le repas. Les tulipes dans un vase sur la belle nappe bleue, le rayon de soleil qui illumine le pavement de la cuisine, l'odeur des glycines partout dans la ville et bientôt, les cris des enfants qui sortent de l'école... Ailleurs, les cris des barcaroï qui chahutent et plaisantent en livrant leur marchandise au marché, les gondoliers qui sortent du bar entourés de l'odeur du café qu'ils viennent de boire, le livreur de brioches qui s'en va par les calli, le panier sur la tête comme autrefois. Les ouvriers qui poussent leur chariot; les carabiniers, toujours grands, toujours impeccables qui se donnent un air sévère, surtout devant les filles
(et devant les vitrines où ils aiment se contempler)... Tout ce monde est le même qu'ailleurs, mais ici il y a quelque chose de plus. La lumière, les odeurs, le décor ? Tout cela à la fois sans doute. C'est Venise au quotidien. C'est la Venise que j'aime. La prochaine fois que vous y allez, humez cet air unique, ouvrez grand vos yeux à Castello, à Dorsoduro comme à Canareggio. Vous verrez, une heure de quotidien ordinaire vous fera plus de bien qu'une nuit de sommeil. Vous reviendrez réjoui, affamé et heureux ! Essayez.






