août 2004.

J’apprends l’italien. Pour le savoir, pour le parler ? Plutôt l’apprendre ; joie de la découverte. Apprendre une langue, c’est retrouver les réflexes premiers quand les mots hésitent encore entre les lèvres. Apprendre une langue étrangère, c’est apprendre à parler. Les phonèmes se cueillent comme des fruits, pas toujours mûrs. Il faut du temps, un certain soleil, et l’Italie n’en manque pas. Pourquoi aller chercher l’allemand, voire le russe - vite abandonné - l’anglais, n’en parlons pas, j’en refuse la fluidité mondiale, pourquoi aller ailleurs quand on a l’italien, tout près de soi, la porte à côté ?
Aujourd’hui je pars pour Venise. ;
A Venise, tu ne comprendras rien. Ils parlent en dialecte.
Surtout, ils parlent anglais. Dès qu’ils te devinent étrangère, ils t’assènent leur baragouin.
Tout de même il ne faudrait pas oublier le dialecte qui régnait administrativement jusqu’au dix-huitième siècle. Ne pas oublier que Venise la Sérénissime a longtemps été une république indépendante et fière de l’être, dirigée par un doge et qu’on y menait grande vie. Shakespeare, Goldoni, Casanova nous ont largement ouvert les portes de la cité qui restait ensuite, malgré son déclin et ses déboires, un lieu de plaisir où se donnaient des fêtes somptueuses.
Giorgione, Titien, Le Tintoret, Bellini, ils sont partout, jeux de lumières, de contrastes, toiles immenses sur les murs ou au plafond déroulant dans une succession mirobolante les multiples épisodes de l’histoire mythologique ou religieuse. Je ne compte plus les Annonciations, celle où la Vierge repousse avec crainte les propos de Gabriel, vous dîtes, un enfant ?
Pour Venise, je ne convoquerai ni Chateaubriand, ni Stendhal ni Morand. Cette fois je veux entrer de plain-pied. J’achète le Corriere della Sera comme une grande. Je le déploie dans le vaporetto. Je n’apprends pas, je pratique. Voyons, combien de crimes aujourd’hui ? Aucun ? Je me rattraperai sur la Mostra et la venue de Woody Allen dans nos murs.
Il me vient des mots. Je me surprends même à penser en italien. Les langues s’attrapent-elles comme des maladies ? Où gît le microbe qui inocule le phrasé ? Ne pas triompher.
Seulement me laisser aller au ravissement. C’est comme la nage ; jetez-vous à l’eau. Avancer dans une langue, c’est comme avancer dans une ville. Quelque chose se dégage qui bouchait la vue, entravait la circulation. Tenez, vous connaissez le pont du Rialto qu’admirent chaque jour des centaines de visiteurs ? Comprendre que le mot signifie rive haute, rio alto, quand Venise, encore déserte, se résumait à cet îlot, avant même la construction de la basilique de Saint-Marc, est un plaisir de choix. Les curieux y songent-ils en s’amassant sur le pont ? Tant d’autres découvertes étymologiques au hasard des errances, des lectures.
Dans l’église Santa Maria Formosa, étrange mélopée. Au premier rang, une femme, micro en main, profère des litanies que quatre ou cinq autres femmes dispersées sur les bancs, derrière, reprennent en chœur avec componction. Modernisme et tradition.
Dehors, un peintre a posé son chevalet devant l’un de ces nombreux ponts qui enjambent les canaux. Il vient de Hongrie. D’une ville dont il m’explique qu’elle se situe à l’emplacement de l’ancienne capitale et se nomme Esztergom. Ne pas confondre.
Pour un bref échange, mon italien suffit. Quelque chose résiste encore, sans doute l’essentiel : comprendre ce qui ne m’est pas destiné. En savoir assez justement pour être l’espionne de service, la voleuse de conversations. En savoir assez pour en savoir plus.
Les pas se poursuivent au détour des nombreuses calle, certaines si étroites qu’on peut se donner la main d’une fenêtre à l’autre. Souvent pas de noms de rue, seulement des numéros. Comme dans tous les pays du sud, les linges aux fenêtres ou au travers des rues exposent ventre à l’air le quotidien des gens, serviettes, draps, culottes. D’autres ruelles sont si sombres qu’on y attend le coup de couteau d’un condottiere. La ruelle débouche sur le rien, vous êtes fait, pas moyen d’échapper à l’ennemi ! Surtout, on se perd. Tourner, tourner sans cesse, d’une campiello à un canal, encore un, ressentir combien " la plus belle ville du monde ", nervurée de rios à l’odeur fétide, émerge à peine des eaux, y retournera peut-être, s’affaissant sur elle-même, d’où cette vague inquiétude mêlée à la fascination. Mort à Venise, mort de Venise. Comme un rêve trop beau pour être vrai, où l’on compte encore sur les chats pour venir à bout des rats.
Venise, est-ce l’Italie ? Comme à Gênes, Genova, direction Livourne, au soleil couchant d’une Italie toute rose, comme à Rapallo avec l’édifice de pierre, sorte de tonnelle qu’on appelle le château et l’ombre de Nietzsche dans les parages, comme à Camogli où la mer se déchaînait sur des rives noires, galets ou tourbe, comme à Tellaro, ce village haut en couleur perché sur des rochers, fouetté par les vagues ? Mais cela c’était un autre voyage.
Quant à mes Venise, ils s’ajoutent l’un à l’autre, se recouvrent. Il y a eu le premier quand je ne savais pas encore regarder. J’étais à Venise pour y être. Émerveillement. Puis un, deux autres Venise de la découverte. Aujourd’hui, je tente d’écouter la rumeur. La ville se dilate, se diversifie. Mais plus j’approche, plus elle se dérobe. Ville retorse, toute en recoins, en cachettes, dont on ne verra jamais le bout.
Voir Venise pour voir autre chose, être là pour être ailleurs. A Amsterdam par exemple, avec ses canaux, entre Van Gogh, les restaurant indonésiens et le Marché aux fleurs , ou encore à Hambourg, surnommée autrefois la Venise du Nord à cause de ses Fleete...
Marie Louise Audiberti
posted by lorenzo at 00:01













ancêtre du mouvement Slowfood
dont je vous reparlerai. Nous avons publié un très joli portfolio en
très petit tirage aujourd'hui rarissime, où la Camerino présentait une
douzaine de croquis ornés de son célèbre R pour
Roberta. La maison continue sans elle, dans le même esprit, avec
beaucoup de panache et un peu plus de modestie peut-être, après quelques
années sombres. Son logo est présent aux quatre coins du monde mais
reste peu en vogue en France.

Le muscat ne vient ni d'Espagne ni des rives orientales de la Méditerranée, il arrive souvent de Macau ou de Parempuyre. Bien sûr beaucoup de stands s'approvisionnent au Marché de Brienne, le centre d'approvisionnement en gros et leur marchandise arrive d'Israël ou du Brésil.
Mais il y a encore et pour combien de temps de vrais cultivateurs qui
arrivent dès 5 heures du matin et déballent leur marchandise souvent
pleine de terre et de paille. La marchande de volaille termine de peler
les lapins, on pèse les dindons et les poules avec des balances à la
romaine.
Un
vieux monsieur édenté vend uniquement des oignons, des noix, de la
menthe et du persil. Tiens, cette semaine il a des carottes. Elles sont
énormes. Pas une n'a la même taille. Elles sentent bon. Non loin de là,
de l'autre côté de la Flèche (nom donné ici au campanile
qui fut longtemps le clocher le plus haut de tout le sud de la Loire et
que Louis XIV rabaissa comme il voulait rabaisser l'arrogance des
bordelais), ce sont les "textiles" : camelots du roi et
marchands de tissu, de bimbeloterie, de vêtements, d'articles de
vaisselle, mercerie... On y trouve de tout.
Quand
j'étais adolescent, on ne parlait sur ce marché que portugais ou
espagnol. Aujourd'hui, la plupart des chalands sont arabes et les cafés
autour de la place servent du thé à la menthe. Je me souviens de femmes
très brunes, en jupons très colorés qui portaient les paniers sur leur
tête, des stands avec des chevreaux vivants, des chatons et des chiots.
Il y avait aussi un fromager qui nous faisait goûter chaque samedi un
cantal onctueux comme je n'en ai jamais plus retrouvé... La rumeur dit
que la Municipalité veut chasser les marchands parce qu'à cinq cent
mètres les halles ont été confiées à une société privée qui doit
rentabiliser son espace. Ainsi, deux marchés se confrontent et se
tournent le dos au lieu de se développer de concert.
Déjà
les emplacements qui se libèrent suite à un décès ou un départ à la
retraite ne sont pas reproposés en dépit des demandes. La ville il est
vrai a ouvert ces dernières années plusieurs nouveaux marches de plein
air : le jeudi, il y a le marché biologique né sur la jolie petite place
Saint Pierre et qui s'y trouvait trop à l'étroit. Il a rejoint
l'emplacement d'un autre marché devenu célèbre ici, le marché du Colbert. Situé en face du croiseur "le Colbert" (désarmé et devenu un musée flottant qui fait couler beaucoup d'encre à défaut d'être coulé par ses détracteurs...).
C'est un marché du dimanche où se retrouve tout le monde : étudiants et
bourgeois, intellectuels et nouveaux-riches, snobs et artistes. On peut
y déjeuner d'huitres et de viandes rôties (la daube de taureau au
moment des corridas est un monument), on vient y boire le verre du
dimanche et savourer d'excellents cannelés...
Les habitants de la périphérie ont aussi leurs marchés et puis il reste
quelques vestiges des marchés couverts de quartier : aux Chartrons, derrière le Palais Gallien, celui du cours Victor Hugo, non loin de Saint Paul...
Rien ne remplacera l'atmosphère incomparable de ces lieux de vie où
tout le monde se retrouve, tous réunis par la joie de bien manger, par
le goût des bonnes choses, un appétit d'authenticité et d'humanité...
Allez ressentir tout cela dans un hypermarché Carrefour ou Auchan...

Lorsque
vous habitez de l'autre côté du grand canal, le meilleur moyen d'y
arrivere st de prendre le
Les
ruelles sont remplies de monde et les marchands de fruits, de légumes,
les bouchers, les poissonniers, les charcutiers rivalisent d'ingéniosité
pour présenter leur marchandise aux vénitiennes tirant leur chariot.
Mais d'autres lieux plus paisibles abritent aussi de petits marchés : le
Un
univers vivant, pittoresque où l'on trouve une marchandise qui échappe
encore aux règlements imbéciles établis par les fonctionnaires obtus du
Parlement européen. 
Les plus exotiques étaient les oranges de
uelquefois, il avait de beaux œufs énormes, provenant d'une ferme de 







