L'air frais ce matin, le chant des oiseaux (le coucou, les merles, les moineaux) qui répond au cri des mouettes. Cette lumière déjà dense avec le ciel très bleu. Les mille bruits de la vie quotidienne qui s'échappent par les fenêtres ouvertes. Un je ne sais quoi de pimpant et de paisible à la fois... C'est Venise le matin, au début du printemps. Il fera chaud et le ciel restera sans nuage. Un volet qui se lève, le fil du linge qui se grince un peu en se déployant, les oiseaux. le bruit des pas dans la rue. Une allemande qui parle au téléphone en marchant, un livreur qui sifflote et au loin, le ronronnement des moteurs. Puis, de nouveau, le silence... Non je ne suis pas encore à Venise, mais la sensation est la même ce matin, ici, à Bordeaux. Installé près de la fenêtre de mon bureau, j'écoute les oiseaux des jardins alentours. On dirait qu'ils s'essaient tous tour à tour, pressentant d'instinct que le printemps est enfin là pour de bon. Il y a peu de bruit, rien qu'une rumeur. chacun vaque à ses occupations. La lumière est splendide. Tout pareil qu'à Venise. hélas une voiture qui se gare vient rompre le charme. Dans dix jours, nous serons vénitiens. Cet avant goût ce matin, comme une promesse.
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Cela me rappelle de vieux souvenirs. Lorsque mon père mourut, en 1980, nous habitions une vieille et grande maison, face au Jardin Public. Je ne savais plus quoi décider. Arrêter mes études ? Travailler ? Partir ? Je songeais à rentrer dans une communauté religieuse, je pensais devenir pasteur... Je voulais écrire mais il fallait manger. Et je savais bien qu'il nous faudrait vite quitter cette trop grande maison. De l'autre côté du Pavé (c'est le nom que nous avons toujours donné à ce joli cours où nous habitions alors, entre l'entrepôt Lainé et la statue de Jeanne d'Arc), un immeuble était en rénovation. La façade cachée par de grandes toiles semblait presque terminée. C'était un matin d'avril ou de mai, je ne sais plus très bien. Il faisait très beau. La lumière était un peu comme aujourd'hui, les oiseaux chantaient, le ciel était très bleu et je me lamentais, "Que dois-je faire ? Ou dois je diriger mes pas ?"
J'allais déjà souvent en Italie et une ou deux fois par an à Venise, mais je n'avais jamais songé m'y installer. je rêvassais ainsi à la fenêtre quand soudain les ouvriers en face enlevèrent les bâches bleues. Des hommes s'affairaient à mi-étage, installant des enseignes. Lorsqu'ils retirèrent l'échafaudage, je vis, ô surprise, le lion de Saint Marc, l'aile déployée, la patte posée fièrement sur les Evangiles ! Cet immeuble allait devenir la direction régionale de la compagnie Generali Assicurazioni ! J'ai su aussitôt que ma destination serait Venise. Définitivement. Je pris ce hasard comme un signe. A la question que je venais de me poser, la magnifique enseigne de laiton doré apportait une réponse évidente. Venise me faisait signe et choisissait mon destin. Quinze jours plus tard, je débarquais sur le quai de la gare, à Santa Lucia.
Quelques années plus tard, j'ai eu la chance de rencontrer François Mitterrand à Dorsoduro. Il était avec Ida Barbarigo, son amie vénitienne, épouse du peintre Zoran Music chez qui il logeait, et Claude Cheysson je crois. Comme il m'interrogeait sur ce qui m'avait guidé vers Venise, je lui racontais cette anecdote. ll la prit très au sérieux et me félicita en me disant qu'il fallait suivre les signes que la providence parfois nous adresse. "Trop souvent", me dit-il, "on refuse d'y croire et bien souvent, nous comprenons trop tard". Je n'ai jamais partagé les opinions politiques du président, mais je me suis toujours senti très proche de sa pensée philosophique et littéraire. Son amour pour Venise et son désir de créer une réelle politique italienne en France contrairement à tous ses prédécesseurs ne pouvaient cependant que me séduire. Et puis cette manière qu'il avait d'écouter, de se mouvoir et de vous parler. Un être hors du commun dans une ville extra-ordinaire, un matin de printemps sous un ciel très pur. Cela ne pouvait que marquer le jeune homme romantique et exalté que j'étais alors !
J'allais déjà souvent en Italie et une ou deux fois par an à Venise, mais je n'avais jamais songé m'y installer. je rêvassais ainsi à la fenêtre quand soudain les ouvriers en face enlevèrent les bâches bleues. Des hommes s'affairaient à mi-étage, installant des enseignes. Lorsqu'ils retirèrent l'échafaudage, je vis, ô surprise, le lion de Saint Marc, l'aile déployée, la patte posée fièrement sur les Evangiles ! Cet immeuble allait devenir la direction régionale de la compagnie Generali Assicurazioni ! J'ai su aussitôt que ma destination serait Venise. Définitivement. Je pris ce hasard comme un signe. A la question que je venais de me poser, la magnifique enseigne de laiton doré apportait une réponse évidente. Venise me faisait signe et choisissait mon destin. Quinze jours plus tard, je débarquais sur le quai de la gare, à Santa Lucia. Quelques années plus tard, j'ai eu la chance de rencontrer François Mitterrand à Dorsoduro. Il était avec Ida Barbarigo, son amie vénitienne, épouse du peintre Zoran Music chez qui il logeait, et Claude Cheysson je crois. Comme il m'interrogeait sur ce qui m'avait guidé vers Venise, je lui racontais cette anecdote. ll la prit très au sérieux et me félicita en me disant qu'il fallait suivre les signes que la providence parfois nous adresse. "Trop souvent", me dit-il, "on refuse d'y croire et bien souvent, nous comprenons trop tard". Je n'ai jamais partagé les opinions politiques du président, mais je me suis toujours senti très proche de sa pensée philosophique et littéraire. Son amour pour Venise et son désir de créer une réelle politique italienne en France contrairement à tous ses prédécesseurs ne pouvaient cependant que me séduire. Et puis cette manière qu'il avait d'écouter, de se mouvoir et de vous parler. Un être hors du commun dans une ville extra-ordinaire, un matin de printemps sous un ciel très pur. Cela ne pouvait que marquer le jeune homme romantique et exalté que j'étais alors !
posted by lorenzo at 09:05



















Longue promenade à Castello, jusqu'à San Pietro. Silence de ces lieux éloignés de la foule de veaux. Comme un autre monde. Les deux femmes sur le pas de la porte, presque au bord de l'eau qui pelaient des légumes pour la minestra, une petite fille jouant à leurs pieds avec les épluchures, le campo aux herbes hautes et le fond de ce décor, la basilique blanche et l'ancien palais épiscopal, le campanile. Une scène de théâtre pour une scène de Goldoni...
Deux ans déjà... Deux années passées ici, calle dell'Aseo, Cannaregio, à deux pas du ghetto. Rien ne change, tout continue... L'âge semble n'avoir pas de prise sur moi. Ce n'est pas que je sois moins vulnérable que les autres. J'ai moi aussi mes blessures. La différence est que ces plaies, je les aime, je les entretiens, je les guette pour en faire des phrases. Assurément cela me perdra un jour, mais jusqu'à présent, c'est ce qui m'a sauvé... Cela aussi je le dois à Venise...
Samedi 14 avril.
Au Musée Guggenheim : cocktail pour la réouverture de la collection. Mondanités fades mais petits fours de Rosa Salva. Le jardin envahi par de vieilles sottes envisonnées. Jeunes étudiants sélects. Je pense à une scène de la Panthère Rose sans trop savoir pourquoi... Encore le Duc et la Duchesse. rencontré Laure et Mirabelle qui rentraient.



Ce
tableau énigmatique s’articule autour d’un personnage central qui
désigne un point du ciel au moyen d’une baguette. Mais la version que
renferme la villa diffère singulièrement des autres représentations :
ici, la baguette se termine par une forme étrange, qui ressemble à une
bulle de savon irisée. Altération de la peinture, ou volonté de
l’artiste de donner un sens nouveau à son œuvre ? Peu importe : aux yeux
du critique comme à ceux de la jeune femme, cette bulle, réelle ou
fantasmatique, pourrait bien symboliser leur tentative commune de mettre
à l’abri, comme dans une bulle d’éternité, les instants les plus
précieux de la vie, ceux qu'il ssont en train de vivre, ensemble...
petites
salles presque humbles mais très belles de proportion. Une noble
simplicité. Ce que le XVIIIe siècle a su produire d'harmonie et de grâce
est contenu dans ces minces espaces qu'un soleil joyeux éclaire dans le
silence du jour, arrachés comme par faveur au luxe et à l'ostentation
du reste du palais. C'était bien le meilleur écrin possible pour
présenter cette série de peintures joyeuses et fantasques qui, à chaque
fois que je leur rend visite, me donne l'impression d'être à une autre
époque et rend l'illusion quasi parfaite : ces êtres vus de dos semblent
vivants. Les polichinelles dans la pièce à côté vibrent et frémissent.
On entend presque la musique de leurs instruments et le son de leurs
voix. Enfant, je rêvais de demeurer là après que le musée soit fermé.
J'étais convaincu que la nuit tout ce monde s'animait pour de bon et,
descendant des parois, dînait, s'amusait, dansait jusqu'au petit matin.
Parfois le lendemain, une coupe de champagne renversée sur le sol, un
peigne d'écaille, des miettes intriguaient les gardiens et ils
maudissaient à chaque fois les femmes de ménage trop pressées qui
n'avaient pas bien nettoyé ces petites salles éloignées. Il est de ces
mystères à Venise...
Ce tableau énigmatique s’articule autour d’un personnage central qui désigne un point du ciel au moyen d’une baguette. Mais la version que renferme la villa diffère singulièrement des autres représentations : ici, la baguette se termine par une forme étrange, qui ressemble à une bulle de savon irisée. Altération de la peinture, ou volonté de l’artiste de donner un sens nouveau à son œuvre ? Peu importe : aux yeux du critique comme à ceux de la jeune femme, cette bulle, réelle ou fantasmatique, pourrait bien symboliser leur tentative commune de mettre à l’abri, comme dans une bulle d’éternité, les instants les plus précieux de la vie, ceux qu'il sont en train de vivre, ensemble...
petites salles presque humbles mais très belles de proportion. Une noble simplicité.