Ce que l'on voit hélas de plus en plus, ce spectacle déprimant que les vénitiens contemplent attristés dans les rues de leur ville et qu'ils ne supportent pas...
Ces milliers de visiteurs désœuvrés, fatigués, qui se vautrent le long des canaux, s’assoient à même le sol, s'allongent sur les dalles de la piazza, se déchaussent, se dévêtissent presque comme sur une plage, attirés par la fraîcheur présumée de l'eau. Si la maréchaussée ne veillait pas, il y en a qui piqueraient une tête dans le moindre canal. Bonjour les maladies de peau et les allergies car hélas l'eau n'est plus aussi propre que du temps de Byron qui avait l'habitude de nager de chez lui jusqu'à chez ses maîtresses. Quand j'étais étudiant, les petits vénitiens de Cannaregio ou de la Giudecca s'amusaient en été à plonger du haut des ponts et pataugeaient dans l'eau à demi nus sous l’œil amusé des passants. Mais c'était il y a vingt-ans. Les eaux n'étaient pas encore ce qu'elles sont aujourd'hui. Et puis les touristes déjà fort nombreux à l'époque, s'ils envahissaient les moindres terrasses et occupaient toutes les tables des bars et des cafés, ne se vautraient pas comme aujourd'hui pareils à des misérables éreintés par leur errance à travers la ville, écrasés par tant de beauté de de magnificence comme les barbares des temps passés quand ils découvrirent la splendeur de Rome qu'ils allaient détruire...
9 commentaires:
- "[...] chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage" (Montaigne ,"Essais", Livre I, Chapitre XXX, Des Cannibales)
- Bien que votre commentaire mozartien ne soit pas à mon goût, je suis heureux de vous lire à nouveau sur ce blog. Cependant, peut-on raisonnablement soutenir comme vous avez une fâcheuse propension à le faire que les touristes sont responsables de tous les maux des Vénitiens, par nature angéliques et innocents ? Ces doux Vénitiens dont la vertu sous l'eau irisée du bassin de Saint-Marc qu'ils fuient d'ailleurs. Non, décidément, je ne m'habituerais jamais à cette dichotomie un peu sommaire qui voit des autochtones bienveillants et des arrivants malveillants. Mais qui a colporté le rêve vénitien jusqu'à ces "envahisseurs" ? Des promoteurs sans âme ou des municipalités de plus en plus soumises à l'appât du gain rapide ? Le souci de rapine est-il l'apanage du Japonais en goguette ou de l'autochtone sans vergogne qui relève chaque année ses prix suivant une courbe exponentielle sans rapport avec le coût réel de la vie ni des biens vendus ? Vous m'objecterez immédiatement : attention à l'amalgame... et je souscrirai à cette remarque. Vous connaissez comme moi la Bible : "Bienheureux les pauvres en esprit car ils seront les premiers au Paradis". QQfois, survient l'idée mélancolique qu'on ne saurait occuper une position intellectuelle sans se croire investi de droits au jugement alors qu'elle confère au contraire le devoir de compréhension envers et contre tout. Oui, on peut regretter un passé idéel où les galères étaient mues par la force des Dalmates à peine débarqués sur la Riva. Oui, on peut regretter le tourisme d'antan, celui de l'Orient-Express et de Marcel Proust, où les aristocrates foulaient seuls le marbre de Zanipolo. En tant que démocrate, vous me permettrez certes de lire Proust mais de me souvenir aussi de quel mépris on écrasa les premiers congés payés. Il est facile de désigner une catégorie particulière comme la réincarnation de Bouvard et de Pécuchet. Il l'est beaucoup moins de penser avec indulgence à ces êtres qui tentent malgré tout, d'éprouver du bonheur, dans des sociétés despérement marchandes, au sein desquelles ce mot est étranger, y compris à Venise. Cette coupure entre Vénitiens et touristes n'est plus seulement un scandale, elle constitue une redoutable menace pour la survie même de l'identité vénitienne, qui avait su jusque lors, tirer le meilleur de l'"envahisseur".
- si l'on demande à quel poisson ressemble aujourd'hui Venise... effectivement, à une grosse morue ... ou un thon, à la rigueur, n'est-ce pas ?
- Qui a dit "les vénitiens, autrefois peuple de marchands, aujourd'hui peuple de boutiquiers"? Bien sur, nombre d'entre eux sont responsables de cette situation. Et cela continue en dépit des tentatives héroïques de Massimo Cacciari. oui des considérations semblables ont remplacé les esclavons des galères par les touristes gogos.L'usage n'est pas le même mais l'esprit demeure...Il faut me pardonner ces humeurs élitistes. On se prend vite à croire Venise dédiée à son seul usage et le mépris facile n'est pas loin lorsqu'on a la chance de pouvoir s'y rendre souvent, y rester, y être bien logé et n'avoir pas à dépendre de guides et d'intermédiaires seulement mûs par l'appât du gain. Je ne regrette ni le temps du Simplon-Orient-Express ni des voyages à la manière de Régnier, Proust, Adelsward-Fersen ou Lorrain, je ne vomis pas les congés payés et le droit au bonheur, même maladroitement revendiqué, est une aspiration fondamentale de la société humaine qu'il faut soutenir et faciliter. Cependant, et peu m'importe la cause, je ne puis me résigner au nom de cette volonté d'être heureux, et quelque soient les responsables de cet état de fait, à la vulgarité et à l'incurie des masses en déplacement à Venise comme partout ailleurs dans les hauts-lieux du patrimoine mondial. Nulle misanthropie dans mes propos. Juste une grande lassitude. J'ai connu Olympie sans un seul visiteur et nous allions courir dans le stade à l'aube, j'ai gravi les marches du Parthénon seul sous les étoiles, j'ai visité Versailles fermé au public, passant de couloirs en cagibis comme dans un palais endormi et Capri lorsque le dernier bateau est parti m'a montré ses plus belles parures. Privilège certes de nos jours, mais qui fut chose courante pour le voyageur d'antan. Faut-il le regretter ? On ne peut à l'inverse se réjouir de la massification du tourisme sans hypocrisie. Comment ne pas souffrir quand certains jours je mets cinq minutes pour rejoindre le portail de ma maison vénitienne, quand la foule qui passe dans la rue de la Toletta est aussi dense que dans le métro à l'heure de pointe, quand le vénitien ne peut prendre le vaporetto envahi par les touristes et qu'il sera en retard à son bureau... Mais laissons-là ces considérations : Venise est encore là, elle est belle, elle se donne et parmi la horde peu resteront indifférents même en n'ayant vu d'elle que très peu ou très mal !Gageons qu'ils prendront conscience du gâchis et verrons la ville autrement...
- Cher Lorenzo, c'est la réponse que j'espérais. Soyez tranquille : la massification ne me réjouit non plus. Le droit à l'intimité et à la vie privée est même essentiel. C'est sûr qu'il est triste de voir des lieux surfréquentés s'étioler. Mais les Satires de Juvénal et son relent de "Cloaca Maxima" nous menacent aussi "Cela fait longtemps que le fleuve de Syrie, l'Oronte, s'est déversé dans le Tibre, charriant avec lui la langue et les mœurs de cette contrée : les joueuses de flûte, les harpes obliques, les tambourins exotiques, et les filles dont la consigne est de se tenir près du cirque. Allez, vous qui aimez ces louves barbares à la mitre colorée ! " (Satires, III, 62-66). Entre le péril de la turba entraînée par Clodius et les imprécations postérieures de Juvénal, il est difficile de trouver un équilibre. Reste en guise de consolation cette axiome de Paul Valéry qui m'a quelquefois permis d'apaiser des élèves désireux de pointer deux points antagonistes dans mon discours : "L'homme n'est pas fait pour résoudre ses contradictions mais pour les vivre". [Si qq'un peut retrouver les références exactes de la citation, je l'en remercie] Cordialement. Condorcet (Frédéric).
- P.S : je déteste vraiment la littérature de Juvénal, jonchée de médisances, de propos et de gestes rapportés.
- J'agrée totalement avec Condorcet!!! Pas la peine de pleurnicher devant les vilains touristes, on les saignent assez comme ça... Chaque année je vois mon voyage à Venise me coûter de 15 à 20% plus cher, bientôt je ne saurais plus y aller... Je ne me baigne pas les pieds dans les canaux (ça risquerait de faire plus de dégâts que Marghera :D ), j'ai même appris l'Italien pour avoir l'air moins con... Mais dommage à cause de leur prix de fous je serai remplacé par un ricain en short qui lui sait se payer Venise...
- Hélas, hélas.
- De plus c'est encore une vidéo de Venessia...






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Bien
sur les inventions, les techniques modernes peuvent apporter des
solutions durables aux problèmes de restauration, mais doit-on laisser
les adeptes du progrès jouer aux apprentis-sorciers et prendre le risque
de laisser détruire inexorablement les trésors préservés du passé ?
Bref, vous aurez compris que ce sont des idées qu'on pourrait croire
farfelues qui se répandent en ce moment à Venise et sont prises très au
sérieux ! Le président de la région, potentat ultra-libéral aux
ambitions aussi titanesques que ses idées sur la Venise du XXIème siècle
et suivants (s'il y en a), a décidé qu'un métro était
nécessaire pour améliorer les déplacements des vénitiens. Pour qu'ils
aillent plus vite ! Non seulement tout le monde est d'accord pour dire
que faire des trous et autres excavations dans le sous-sol argileux de
la lagune serait prendre un risque démesuré pour l'équilibre de
l'éco-système lagunaire déjà bien mal en point, mais imaginez-vous des
stations souterraines qui déboucheraient place Saint-Marc comme
Si
ces monuments restent debout après de tels travaux, qu'est ce que
Venise aura gagné avec un métro ? Davantage de touristes, qui
circuleront sous terre et s'ajouteront à ceux qui arpentent les ruelles
et les campi. Et puis mettre 30 minutes pour aller d'un point à un autre
en vaporetto restera toujours pour le vénitien qui se rend à son
travail plus appréciable que 5 minutes dans une rame de métro
souterraine, vous ne trouvez pas ? Mais imaginez un peu : 250 millions
d'euros de travaux pour 15 millions de voyageurs par an de Tessera (l'aéroport à l'Arsenal en passant par Murano)
à 9 euros pour les touristes et 3 euros pour le vénitiens, si je ne
m'abuse cela fait 135 millions d'euros de chiffre d'affaires.
Amortissement des travaux en 24 mois, puis le pactole pour l'ACTV (la société des transports en commun de Venise)
qui en profiterait pour supprimer la liaison en autobus par le pont de
la Liberté et quelques lignes de vaporetti de plus en plus obsolètes (sic).
Le progrès, mes amis, le progrès ! Le climat change et le ciel en ce
début d'été est pourri, l'eau manque et quand elle coule encore dans nos
rivières, elle est polluée, chque jour les sculptures en pierre
d'Istrie des façades vénitiennes se transforment en talc, la lagune
monte et les poissons morts flottent le ventre en l'air partout dans la
lagune, au milieu des algues radio-actives mais vive le progrès et la
fuite en avant du modernisme !

Heureusement,
la protection de l'environnement a de plus en plus d'adeptes, et un
tunnel de plus de huit kilomètres dans la couche d'argile qui forme
l'immédiat sous-sol de la lagune et de la cité des doges (et qui est en contact direct avec la nappe phréatique) représente un frein aux ambitions du Président 



Connaissez-vous
Emily Harvey ? Cette galeriste new yorkaise connue pour son soutien
envers la communauté avant-garde internationale et notamment les
artistes du mouvement Fluxus. Elle partageait sa vie entre New York et
Venise où elle avait élu domicile. Elle aimait Venise et voulait
partager avec dautres lamour quelle avait pour cette ville unique.
La 


Se
rendre à Venise et ne pas descendre à l'hôtel, voilà un vieux rêve que
tout le monde aujourd'hui peut transformer en réalité. Des centaines
d'adresses sont ainsi à la disposition des voyageurs - vous savez
combien je préfère ce terme à celui tellement dévoyé de "touriste" - et il s'ouvre chaque jour un nouveau "bed & breakfast" plus ou moins accueillant. L'idée est bonne : Vivere alla veneziana, entre amis ou en famille pendant quelques jours,
voire
quelques semaines... Attention cependant au danger. Vivre ainsi vous
fera risquer l'addiction. Trop agréablement installés, des habitudes
vite prises chez tel ou tel commerçant bienveillant, quelques bribes
d'italien, deux ou trois rencontres avec des voisins avenants et ça y
est, vous êtes en état de dépendance et la désintoxication devient
impossible. Il n'y a aucun remède et si l'overdose n'est pas mortelle (du moins pas à ma connaissance !), l'embarras peut prendre de terribles proportions. Je sais de quoi je parle !
L'hôtel à Venise lorsqu'on a un budget "normal",
se résume à un décor néo-vénitien avec débauche de damas et de brocard,
nègre de bronze tenant une lanterne dorée, lustres à pampilles dorées
et lions de saint Marc en plâtre doré. Votre chambre matelassée de faux
tissu XVIIIe ouvrira sur un puits de jour sans lumière souvent
nauséabond et dans les catégories les plus simples, le drap du dessus
utilisé par vos prédécesseurs sera devenu votre drap de dessous.
Colazione continentale avec un mauvais pain blanc sans aucun goût, un
petit pot de confiture d'abricot, une plaquette de beurre et un café au
lait sans imagination...
Bien
sur les catégories supérieures ont de belles chambres, des concierges
affables et de gentils grooms en livrée. Mais passer dix jours en
famille au Londra, au Métropole, au Baüer-Grunenwald et à plus forte
raison au Danieli ou au Gritti (je ne parlerai même pas du Cipriani à la Giudecca)
n'est pas pour tous les portefeuilles sauf à pouvoir claquer 1.000 à
5.000 euros par jour. On peut certes dormir au Danieli pour une somme
relativement modique mais ce ne sera pas la chambre de George Sand et
Chopin.
d'amour
romantique au possible situé sur le Grand canal avec une partie de
jardin à votre usage personnel, étage noble d'un vieux palais, duplex
fonctionnel avec terrasse, loft ultra moderne avec jacuzzi et haut
débit... Quant aux tarifs, ils vont de 650 euros à 15.000 euros la
semaine (exemples extrêmes pris au hasard des quelques agences avec qui je suis en contact). La moyenne pour un appartement convenable non inondable (trop de locations sont des magazzini transformés à la hâte et qui malheureusement sont inondés lors de l'aqua alta)
tourne entre 800 et 1.200 euros la semaine en Pleine Saison. Il est
souvent possible de négocier les tarifs pour des durées plus longues.






