28 octobre 2007

Venise comme un décor : et si tout était en carton-pâte ?



Quand il y a des travaux ici, les échafaudages sont cachés par de gigantesques toiles peintes qui reproduisent la façade en réfection. Cela donne parfois, surtout la nuit, un aspect étrange. Comme un décor de cinéma ou de théâtre. Mêlé au silence de la nuit, aux éclairages qui transforment le moindre coin de rue en une œuvre d'art unique, l'effet est toujours saisissant. Le promeneur est soudain transporté dans un autre univers...

1 commentaire:

romi2424 a dit…
oui aux toiles peintes reproduisant les façades mais non non aux publicités comme celle de Dolce Gabbana sur le grand canal.

NEWS : Même les tickets ont pris l'eau

Le nouveau système Imob.Venezia qui va gérer informatiquement les abonnements et la délivrance des titres de transports de l'ACTV est en partie édité en France par la société ACS.  
 
Lors du déluge du 26 septembre dernier qui a causé de nombreux dégâts sur la Terre Ferme comme à Venise, la plus grande partie des cartons entreposés via Martiri della Libertà qui contenaient le nouveau matériel, a pris l'eau ! 50.000 cartes et des centaines de rouleaux faisant partie des nouveaux matériaux de la billetterie électronique sont repartis vers la France pour être éventuellement séchés et nettoyés ou plus certainement remplacés par le fabricant. Le sèche-cheveux ne suffisant apparemment pas devant l'ampleur des dégâts ! Cela retarde de plusieurs mois la mise en place de cette nouvelle billetterie. Heureusement que les autorités avaient prévu de conserver l'ancien système au moins jusqu'en mai prochain !
 
 

Benvenuti, amici di Bordeaux



Plusieurs amis ont - avec raison - choisi ce temps de Toussaint pour se rendre quelques jours à Venise. TraMeZziniMag leur souhaite un bon séjour, sans acqua alta (rien n'est moins sûr, mais c'est une expérience qu'il faut vivre), avec un beau ciel bleu et une jolie lumière. Mille choses à faire, mille lieux à découvrir ou à retrouver. L'essentiel à Venise se montre quand on flâne, au hasard de nos pas. Je sais qu'ils sauront prendre le temps, loin des chemins fréquentés inlassablement par les hordes de touristes. A ne pas manquer : Boire un verre de vin blanc en dégustant un tramezzini tonno-uova ou un toast (croque-monsieur) au café del Paradiso, face à la lagune, à deux pas de la Biennale, sur le coup de midi quand la lumière est la plus belle sur le Bacino di San Marco (la plus jolie vue d'ensemble de la ville), un café macchiato chez Rosa Salva aux pieds du Colleone ou sur le campo San Luca, un gianduiotto da passeggio chez Nico (ah! le délice de cette crème fouettée mêlée à la glace chocolat-noisette qu'on déguste en marchant le long des Zattere...), le spritz du soir au Margaret Duchamps avant d'aller dîner, après une agréable passeggiata. Enfin ils ne manqueront certainement pas non plus de goûter au Bellini du bar très cosy du Danieli (celui du Harry's Dolce n'est pas mal non plus), à moins qu'ils ne fasse assez beau pour déguster un verre de prosecco assis sur les marches de la Fenice, très tard dans la nuit en regardant passer les gens comme sur une scène de théâtre. Bonnes vacances à tous !

2 commentaires:

Lucie a dit…
merci Lorenzo, nous le boirons ce spritz à la santé de Tramezzinimag et de son auteur mais la prochaine fois fais nous plaisir, ne pars pas avant que nous arrivions ou n'arrive pas après notre départ ! Private joke !!!
Lucie & Antoine
venise86 a dit…
Sniff.. ce sera sans moi...

Projet Mosé, la lagune en travaux

Sur la motonave (semblant sortir d’une aventure de Tintin) qui effectue la ligne régulière Lido-Punta Sabbioni-Burano, la lente navigation se fraie un chemin au milieu du pharaonique chantier du MOSE (Moïse en italien) et acronyme de “Modulo Sperimentale Elettromeccanico”, qui permettra l’installation de vannes mobiles gigantesques sur les trois passes permettant l’accès à l’intérieur de la lagune. Ces vannes, une fois déployées permettront de limiter les entrées d’eau lors de marées d’une amplitude supérieure à un mètre, ces fameuses acqua alta dont la première de la saison a touché la ville il y a quelques jours. Sept marées d'importance critique sont constatées chaque année en moyenne.

Le dernier record date de 1996, avec 20 marées d’une amplitude supérieure à ce seuil. Selon le site salve.it, qui relaie l’avancement des travaux, 32% des travaux sont réalisés aujourd'hui. Sachant que la lagune est accessible par la mer via trois passes (Chiogga, Malamocco, et l’extrémité nord du Lido), il faudra respectivement 18, 19 et 41 vannes géantes pour fermer l’accès à la lagune.

Le système est en apparence simple : des ballasts remplis d’eau maintiennent chacune des vannes au fond de l’eau, comme des portes fermées. Lorsqu’il est nécessaire de fermer les passes, de l’air évacue l’eau des ballasts, chacune des vannes se relevant alors naturellement sous la poussée de la flottaison, formant rapidement une digue bloquant l’entrée de l’eau dans la lagune. Ce système mécanique de contrôle de la quantité de l’eau estimé initialement à 3,5 milliards d’euros est prévu pour être achevé à l’horizon 2012, et a déjà été réévalué à 4,2 milliards ! Les associations écologiques continuent de s'insurger contre ce système “lourd” et auraient préféré des interventions moins lourdes pour l’écosystème de la lagune déjà très perturbé par la pollution et le trafic maritime. L’origine du projet remonte à l’année 1966. Souvenez-vous : le 4 novembre, une acqua alta gigantesque submergea la place Saint-Marc sous 1,20 m d’eau, soit une cote de 1,94 m par rapport au niveau de la mer. Cette catastrophe sans précédent déclencha une vaste interrogation internationale sur le devenir de Venise. 
 
Il faut savoir que ce phénomène a toujours existé : on a dans les archives de la Sérénissime de nombreux témoignages et rapports des inondations de plus ou moins forte amplitude et ce depuis le VIe siècle (avec une interruption pendant la période de l'occupation française qui fut le commencement de tous les ennuis pour la ville), mais la République de Venise avait toujours réussi à préserver la lagune et la ville, et ce avec des techniques largement inférieures à ce que les moyens modernes peuvent permettre... Sans commentaire... 
 
Pour plus de détails, outre le site mis en lien ci-dessus, je vous invite à relire l'article paru dans TraMeZziniMag, en décembre 2005 (cliquez ici).

D'après archicool.com. © Photos de archicool.com

Il faisait très froid cette année-là

Il faisait très froid cette année-là. Un terrible brouillard s'était emparé de la lagune et semblait vouloir noyer de ses effluves la ville entière. La nuit tombait vite et cette humidité qui enveloppait tout, dégorgeant des murs sales, remontant du pavé des ruelles sombres et sales, la faisait frissonner. 

Élisabeth ne voyait de sa fenêtre que le gris du ciel et quelques masses informes sur le canal de la Giudecca. Le Palais était en permanence éclairé. Mais l'épouvantable odeur des lampes à pétrole et des becs de gaz l'incommodait. Elle se souvenait de son arrivée à Venise. Le cortège joyeux sur le grand canal. Certes il ne faisait pas aussi chaud qu'à Naples mais le soleil brillait et le ciel n'avait pas cessé d'être bleu depuis le départ de la résidence. L'empereur avait envoyé une énorme gerbe de fleurs roses et blanches, l'impératrice elle-même avait assisté à la cérémonie. La "plus jolie jeune fille de Naples" comme l'appelait Metternich devenait Son Altesse Sérénissime la princesse Edmund von Clary und Aldringen et rentrait, elle la descendante de hobereaux protestants que la révocation de l'édit de Nantes chassa de France, dans l'une des plus grandes familles d'Autriche, arrivée d'Italie au XIVe siècle. 

Le marié, grand et beau garçon de douze ans son aîné souhaitait séjourner quelques mois dans le beau Palais Priuli que sa famille avait acquis et somptueusement aménagé en 1808. Ils ne repartirent pour Vienne que très tard dans la saison et prirent l'habitude de passer à Venise les plus beaux mois de l'année. C'est à Venise qu'elle éleva ses enfants, tous nés en Autriche. Les grandes salles magnifiquement décorées que l'on remplissait de fleurs odorantes abritèrent de magnifiques soirées. La dernière datait d'il y a dix ans. Le 27 août 1867, la comtesse Edmée, l'aînée de ses quatre enfants, se mariait avec un gentilhomme chambellan du roi, Charles-Felix Nicolis de Robilant, ambassadeur à Vienne puis à Londres. La fête fut joyeuse, mais Élisabeth restait amère, le comte était aimable, très fortuné, mais il avait plus de quarante ans. Un mariage convenu. Comme son père, ambassadeur d'Autriche auprès de la cour de Naples, ce gendre était diplomate et servait le roi d'Italie auprès de François-Joseph.

Mais plusieurs saisons avaient succédé à cet été 1867. Elle avait commencé de tousser l'année où l'Europe de nouveau s'embrasa. Ses fils servaient la coalition allemande. Elle demeura à Venise toute l'année 1870. Quand son fils Karl-Richard, officier de cavalerie dans la Landwehr du 2e Régiment d'Uhlans autrichiens, lui écrivit de Versailles où l'Allemagne se proclamait impériale, elle frémit devant les conséquences de ces nouvelles convulsions du monde. Elle tenta de se distraire en surveillant de très près la décoration de sa chambre. Les hauts murs de stuc furent lissés et tendus d'une soierie peinte à la chinoise, où des oiseaux, tous différents, s'égayaient sur des branches en fleurs sur un fond d'un vert pâle délicieux. Elle avait fait installer une petite chapelle dans l'épaisseur des murs. Très pieuse, Élisabeth se sentait trop fatiguée dorénavant pour aller jusqu'à l'église voisine où elle distribuait ses aides. Ce goût de sang qu'elle avait toujours dans la bouche, sa pâleur, ce froid qu'elle ressentait à tout moment, cette lassitude, tout la confortait dans son inquiétude. Elle ne vivrait plus très longtemps. Il devait y avoir cette année-là un joli carnaval et tous ses enfants allaient arriver pour fêter l'anniversaire d'Edmund, né en 1813. Les Robilant resteraient quelques semaines avant de repartir pour Vienne en passant par Turin... 
Elle regardait par la fenêtre. Un bateau passa. Le ciel semblait s'être tout entier renversé dans l'eau de la lagune. Près d'un réverbère, en bas un mendiant chantait en grattant une mandoline. Une vieille faisait griller des marrons. L'odeur parvenait jusqu'à Élisabeth. Elle se mêlait au parfum des fleurs. Élisabeth avait très froid mais elle aimait regarder par la grande fenêtre. Quand Teresa, la petite femme de chambre entra avec le thé et les médicaments, elle semblait dormir sur le canapé. C'était le 14 février 1878. Le chagrin fut réel parmi la population de Venise. Conformément à ses volontés, l'église de San Trovaso où elle aimait tant prier reçut une importante donation. On lui dédia une chapelle, celle où siège cette magnifique sculpture de la Renaissance vénitienne qu'elle aimait tant. Carlo Lorenzetti réalisa un médaillon représentant la princesse. Quand le cortège funèbre passa la grande porte aux dauphins de bronze, un rayon de soleil, venu percer le brouillard, fit briller un instant les dorures de la gondole funèbre. Le mendiant non loin chantait en s'accompagnant d'une mandoline...
Cent ans plus tard, la grande porte aux dauphins de bronze s'ouvrit en grand pour laisser le passage au cortège funèbre d'une autre princesse Clary, Ludwine, la dernière à avoir vécu au Palais, petite-fille d’Élisabeth, aux amitiés mal choisies qui fut dit-on la maîtresse du Duce.
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Illustrations : Portrait de la princesse Clary par Sargent et vue du monument 
à la princesse dans l'église San Trovaso par Stef (le Campiello).

2 commentaires:

Choubine a dit…
Merci, Lorenzo; très intéressant, votre récit.
Danielle (Campiello) a dit…
Encore merci...voici une très belle évocation qui complète admirablement votre réponse à ma précédente question....