Dix-neuvième année - Nouvelle édition. Les Hors-Textes de Tramezzinimag :

14 mai 2006

Venise en mai


L'air se fait plus sec. Il y a maintenant chaque jour une lumière chaude remplie d'odeurs. La vraie Venise se révèle... Le café fraîchement torréfié, les petits pains que le boulanger sort du four, les fleurs du marché voisin, l'herbe qu'on coupe dans le jardin, les fraises et les melons exposés à l'étal de l'épicier. La jeune femme qui passe et laisse derrière elle les effluves d'un agréable parfum, l'odeur de l'eau des petits canaux inondés de lumière, le linge frais lavé qui sèche aux fenêtres, le bois des barques qui craque au soleil... Venise en mai. J'aime particulièrement les dimanches de cette période de l'année. 

Il y a certes déjà une multitude de touristes qui arpentent la ville dans tous les sens. Les terrasses de la Piazza sont prises d'assaut et le pont des pailles, la Riva dei Schiavoni, les passages autour de San Marco, sont noirs de monde... 

Mais ailleurs, dans les quartiers retirés de Dorsoduro même, en dehors du circuit habituel des touristes, il règne un calme extraordinairement plein. Un peu comme sur la place d'un village en plein été. Le chant des oiseaux, une radio quelque part... Parfois une barque à moteur passe lentement en crachotant. Les chats dorment sur les margelles des puits. Les portes et les fenêtres entr'ouvertes laissent échapper des senteurs alléchantes. Nul cri, nulle précipitation. 

Par une fenêtre ouverte, tout en haut de cette vieille maison de Santa Croce, on entend le groupe Chicago qui chante "you're the inspiration"... Je prends cela comme un message : Indeed, Venise is my inspiration ! Un peu plus loin, c'est un air de flûte ou un piano... Tout est calme. Serein. Comme pacifié. Rien de grave ou crispant, dans ce silence. La paix, c'est la musique de la paix. La tranquillité. Cette certitude que tout est à sa place dans l'ordre des choses, nous y compris. J'imagine ainsi que tous ceux qui vivent derrière ces façades embellies par le soleil, sont endormis ou assoupis. C'est l'un des miracles de Venise. On ressent toujours ainsi à marcher dans les rues de la Sérénissime, dès que la bonne saison revient, une immense sérénité. C'est l'un des meilleurs remèdes que je connaisse à l'inquiétude, à la nervosité, à l'angoisse : Si vous venez d'arriver à Venise, si vos ennuis, vos soucis, vos craintes vous ont accompagné et semblent ne pas vouloir vous quitter, alors, posez vite vos bagages, chaussez vos mocassins les plus confortables, prenez un livre que vous aimez et sortez dans les rues. Marchez, marchez... Allez vous perdre là où le soleil habille les maisons d'un vêtement de grâce. Saluez d'un geste discret de la tête les rares passants que vous croiserez. N'hésitez pas à vous perdre. 

Asseyez-vous sur un banc, là, sur ce petit campo que vous ne connaissez pas. Plus tard vers quatre heures, vous trouverez au hasard de vos pérégrinations un joli petit café avec deux ou trois tables sur une place inconnue. Vous y boirez un café ou un verre de vin blanc en lisant tranquillement. Si la faim vous taraude, il y aura certainement quelques tramezzini ou des paste di mandorla. Plus tard, à partir de cinq heures, des gens commenceront à sortir et à apparaître sur ce palcoscenico improvisé. Vous verrez des enfants avec leurs tricycles, des petites filles poussant leurs poupées dans de rutilantes poussettes. Des dames se regrouperont pour bavarder et quelques petits garçons énergiques taperont dans l'inévitable ballon. Le campo peu à peu s'animera. Mais, désirant rester solitaire encore, vous aurez peut-être découvert un peu plus profondément encore dans la Venise authentique, une place où personne ne passe. Un de ces bancs peints en rouge vous accueillera, ou la margelle d'un puits, ces marches au bord du canal. 

Laissez-vous aller. Rêvez. Si vous désirez lire ou noter vos impressions, mettez-vous à la recherche d'un coin vraiment tranquille. Je vous recommande le parvis de San Elena, à Castello ou le Café del Paradiso, à l'entrée des jardins de la Biennale. Là, sous la tonnelle, avec le parfum des arbres et l'une des plus belles vues de Venise en face de vous, vous trouverez l'inspiration nécessaire pour écrire votre plus belle lettre d'amour ou de rupture. Il y a aussi le jardi de San Alvise à Canareggio, les Zattere et quand les travaux seront terminés, la pointe de la douane. mais là, devant le plus extraodinaire paysage que l'homme ait jamais contribué à créér, vous ne serez jamais vraiment seul (sauf après deux heures du matin et encore un jour de pluie!). Bonne promenade avec vous-même. 

posted by lorenzo at 14:08

16 ans déjà !

C'était le 14 mai 1990. Une chaude journée de printemps. Notre ami Charles-Henri de Védrines, émérite accoucheur bordelais aujourd'hui retiré, est en retard. La maman, détendue, s'impatiente un peu. Et s'il ne venait pas. Beaucoup de naissance autour de nous, la clinique est bondée. Le bébé est prêt à arriver. Le médecin est enfin là, souriant et tranquille. Les infirmières, la sage-femme, tout le monde est paisible. En partant vers la salle de travail rejoindre ma femme, je passe devant une chambre. La porte est entrouverte et un rayon de soleil éclaire le linoléum. je pense à une rosace en marbre aux tons acidulés du pavement de San Marco. Au même instant, j'entends les premières mesures du "Printemps" des "Quatre Saisons" de Vivaldi dans une interprétation pleine de fougue et de sensualité. Joli signe qui accompagnera la naissance de notre seconde fille, Alix-Victoria-Marie-José. Un adorable bébé, souriant devenue une jeune fille équilibrée au caractère paisible, bien dans ses baskets, qui adore Venise et avance joyeusement sur le chemin de la vie. 

Avec nos trois autres enfants, elle est le miel de mon existence, le soleil de mes jours, le baume sur mes plaies, la justification de notre engagement. D'aucuns certainement me reprocheront ce manque de pudeur et se moqueront... Afficher ainsi l'amour que l'on porte à ses enfants et dire la place qu'ils ont dans notre vie, cela se tait de nos jours. Pourtant, partageant avec eux la passion de Venise, l'amour du Beau et la confiance en la Providence, célébrer l'anniversaire de l'un d'entre eux, me semble parfaitement en adéquation avec ce qui a motivé la création de ce blog : "Surpris par la joie, impatient comme le vent..." Et tant pis pour les esprits chagrins ou tordus ! : 

JOYEUX ANNIVERSAIRE, ALIX !
 © photo de Claire Normand - Avril 2006. Tous droits réservés.