Ah
quel joli moment que cette journée vénitienne. Le ciel est sans nuage,
le soleil luit et une douce fraîcheur depuis ce matin transforme la
lumière et l'air qu'on respire ici. Les gens ont l'air heureux. Rien à
voir avec cette apparence maussade qu'ont tous les passants dans les
rues de Venise quand la pluie s'installe. Pierres et corps sont alors
comme imbibés de cette humidité qui semble ne vouloir jamais
disparaître. Sous le soleil d'aujourd'hui, si rien ne ressemble plus aux
paysages de l'été, voire des débuts timides de l'automne, il règne une
atmosphère difficilement descriptible. Une sensation de bien-être, mais
comme passagère, temporaire.
Le vent frais se faufile dans les ruelles
sombres et il a fallu attendre midi et le tintement joyeux des cloches
de Zanipolo pour que frère soleil réchauffe les pierres. Les
chats qui avaient disparu retrouvent la margelle des puits, les rebords
de fenêtre mais on les sent attentifs, ils savent bien eux que tout ce
bien-être n'est qu'éphémère. Demain, la Bora soufflera et le froid
s'immiscera partout. Le silence se fera plus lourd et la joie d'entrer
dans les derniers lieux qui semblent habités dans cette ville endormie,
ces bacari chaleureux, sera la même que celle que doivent
ressentir les explorateurs du grand nord quand ils retrouvent leurs
abris après une longue expédition.
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